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MAROC: Loi de finances 2019 : Des éléments de langage déformant la réalité

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  • MAROC: Loi de finances 2019 : Des éléments de langage déformant la réalité

    Le gouvernement aime à présenter le projet de loi de finances 2019 comme étant un tournant social dans sa politique économique. Les arguments avancés portent sur l’augmentation du budget général des ministères à vocation sociale comme l’éducation nationale (+ 2.75 milliards DH soit +4.6 %) ou la santé (+ 1.54 milliard DH soit +10.4 %), ainsi que l’instauration d’une contribution sociale de solidarité de 2.5 % sur les bénéfices mise à la charge des sociétés réalisant un bénéfice net égal ou supérieur à 40 millions DH sur 2 exercices consécutifs.

    D’autres marqueurs sont mis en exergue comme « le soutien à l’investissement privé à travers l’adoption d’une nouvelle charte de l’investissement, la réforme des CRI, l’amélioration du climat des affaires et l’appui aux PME ». La poursuite des « réformes structurelles traitant de la justice, la régionalisation avancée et l’administration publique » relève aussi des priorités du gouvernement, comme le « maintien des équilibres macro-économiques » marqués par une conjoncture économique difficile attendue en 2019 avec un taux de croissance de 3.2 % et un déficit budgétaire de 3.3 %.

    Quelques nouvelles dispositions fiscales sont introduites, comme la réduction du taux intermédiaire de l’IS de 20 % à 17.5 % et la hausse du taux supérieur de 31 % à 32 % pour les bénéfices supérieurs à 1 million DH, l’augmentation de la cotisation minimale de 0.50 % à 0.75 %, la suppression de l’abattement de 40 % sur les revenus locatifs et l’institution d’un prélèvement au taux libératoire de l’IR de 10 % pour les revenus fonciers de moins de 120 000 DH par an ou 15 % au-delà de ce seuil, l’instauration d’une cotisation minimale de 3 % sur l’excédent du prix de cession des résidences principales occupées pendant plus de 6 ans par rapport à un seuil de 4 millions DH, la hausse de 50 % de la TIC sur les boissons gazeuses ou non gazeuses contenant du sucre, l’application d’un abattement de 60 % sur les bénéfices distribués par les OPCI, etc.

    Par-delà les quelques mesures budgétaires ou fiscales relevant plus de la cosmétique que de la politique économique, force est de constater que le projet de loi de finances 2019 n’a aucune velléité à proposer des solutions aux grands maux de l’économie marocaine, ni aucune ambition de transformation. Les nombreuses fractures économiques et sociales du Maroc ne semblent trouver aucun début de solution réelle, comme si le gouvernement renonçait par avance face à l’adversité, échaudé qu’il est par l’énormité des enjeux à relever et la puissance des freins aux réformes :
    • Un rythme de croissance économique limité à 3 %, au moment où les organismes internationaux et les instituts nationaux s’accordent sur la nécessité de porter ce taux à 6 % au moins durant deux ou trois décennies sans aucune discontinuité, pour espérer rattraper partiellement le retard de richesse par rapport à nos voisins immédiats de la rive nord de la Méditerranée.

    • Des stratégies sectorielles qui ont permis de diversifier l’économie nationale, de faire émerger des « métiers mondiaux » et de trouver de nouveaux relais pour le développement des exportations, mais qui suscitent de grandes interrogations sur leur capacité à compenser le déclin des secteurs traditionnels, créer suffisamment de nouveaux emplois au regard des faibles taux d’intégration, produire des externalités positives au profit du tissu des PME et TPE locales et rééquilibrer la balance commerciale du Maroc.

    • Une machine à distribuer du crédit bancaire en panne depuis plusieurs années, qui demeure rebelle à tous les remèdes qui lui ont été administrés par la banque centrale et le ministère de l’économie et des finances les banques ayant réussi à immuniser leur compte d’exploitation grâce aux privilèges d’un positionnement oligopolistique, une réglementation qui leur est favorable avec abus les exonérant de la rémunération des dépôts à vue, une opacité et un déséquilibre dans la facturation des agios, commissions et frais appliqués aux particuliers et aux TPME et une forte exposition de leurs actifs aux placements en bons du Trésor, privilégiant le financement du déficit public à celui de l’économie réelle.

    • Un marché boursier en mort clinique qui rebute tant les épargnants, les investisseurs institutionnels et les fonds d’investissements « Emerging Markets », que les entreprises qui refusent obstinément la cotation à la Bourse de Casablanca en dépit des avantages financiers, fiscaux, juridiques et marketing que l’accès au marché boursier leur procure.

    • Des finances publiques gravement dégradées en raison d’une dette publique qui devient insoutenable et frôle les 1000 milliards DH selon la Cour des comptes (970 milliards DH précisément) malgré la faible qualité des services publics, des administrations publiques qui refusent de se réformer aggravant le poids des charges de fonctionnement de l’Etat et des collectivités territoriales et, enfin, des EEP contre performants et lourdement endettés détruisant près de 130 milliards DH de valeur en moins d’une décennie (2010 à 2018), compte non tenu des produits des taxes parafiscales instituées à leur profit (4 milliards DH sur le seul exercice 2017).

    • Un système fiscal inefficace et injuste générant peu de recettes pour l’Etat (autour de 21 % du PIB ou 24 % y compris les autres prélèvements obligatoires, contre une moyenne européenne de 40 %) et témoignant de l’incapacité des pouvoirs publics à lutter contre l’évasion et la fraude fiscales, à rationaliser les dépenses fiscales (34 milliards DH) et à appliquer fidèlement les dispositions constitutionnelles (articles 39 et 40 de la Constitution) d’égalité des citoyens devant l’impôt (étroitesse de l’assiette fiscale, acceptation tacite du fait accompli de l’économie informelle, prélèvements à la source à taux libératoires, multitude d’exonérations et de dérogations, faible progressivité de l’impôt, absence de taxation du capital non productif…).

    Aucune des six problématiques structurelles de l’économie marocaine que nous venons d’énoncer, ne trouve dans le projet de loi de finances 2019 un début de commencement de solution. Pourtant, il faudra bien un jour ou l’autre s’y attaquer sérieusement. D’autant plus que les Marocains expriment de plus en plus leur impatience et leur colère, parfois même de façon violente.


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