Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Quand surdoué rime avec absurdoué

Réduire
Cette discussion est fermée.
X
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Quand surdoué rime avec absurdoué

    Quand surdoué rime avec absurdoué

    La dépression existentielle chez les surdoués par James T. Webb

    Voici un texte rédigé par James T Webb sur le site de SENG (Supporting Emotional Needs of the Gifted – Répondre aux Besoins Emotionnels des Surdoués).

    J.T. Webb se consacre depuis longtemps à la recherche et à l’accompagnement des surdoués (que ce soit en consultations privées ou cliniques). Il a créé SENG en 1981, et est par ailleurs auteur de près d’une centaine de communications et de livres sur le sujet.
    Ses titres et participations sont nombreux, et il a été reconnu comme l’un des 25 psychologues américains de référence sur le sujet du surdon.

    Deux de ses livres sont de véritables références aux Etats-Unis, mais aussi à l’international :
    – Guiding the Gifted Child (Guider l’Enfant Surdoué) salué comme « contribuant de façon significative à la compréhension des besoins émotionnels et sensitifs uniques des enfants surdoués » par l’American Psychological Association dont il a reçu le Grand Prix.
    – Misdiagnosis and Dual Diagnoses of Gifted Children and Adults (Quand le diagnostic du surdon est mal posé chez l’enfant et chez l’adulte), lui aussi honoré de nombreuses distinctions.

    _________________________________

    Les surdoués ont tendance à expérimenter un certain type de dépression, connue sous le nom de dépression existentielle.

    Bien qu’une épisode de dépression existentielle puisse survenir chez n’importe qui à l’occasion d’une perte majeure ou la peur d’une perte qui met en lumière l’aspect fini et éphémère de la vie, les surdoués sont plus vulnérables à ce genre de dépression qui les atteint plus facilement.

    Parfois, cette dépression existentielle est à lier à l’expérience de “désintégration positive” mentionnée par Dabrowski (1996).

    La dépression existentielle survient quand l’individu est confronté à certains événements fondamentaux de l’existence. Yalom (1980) en décrit quatre : la mort, la liberté l’isolement et l’absurdité

    La mort est inévitable. La liberté est la base de l’existence, mais se réfère aussi à l’absence de barrières extérieures (ce qui signifie que les humains n’entrent pas dans un monde structuré de lui-même : il faut donc structurer le monde par notre propre action).

    L’isolement rappelle ceci que, quelle que soit la proximité physique qu’on puisse avoir avec quelqu’un, il y a toujours un fossé, et, quoi qu’il arrive, nous sommes toujours seuls.

    L’absurdité est une résultante des trois précédents : Si nous devons mourir, si nous devons construire notre propre monde et si, quoi qu’il arrive, nous sommes toujours seul…. alors quel est le sens de la vie ?

    Pourquoi de telles préoccupations existentielles devraient elles survenir plus fréquemment chez les surdoués ?

    En partie parce qu’une pensée et une réflexion substantielle ne peuvent qu’arriver à ce genre de considération, plutôt que de simplement se focaliser sur les aspects superficiels de la vie quotidienne.

    Mais d’autres caractéristiques plus spécifiques des enfants surdoués les y prédisposent.

    Parce que les enfants surdoués sont capables de considérer la façon dont pourraient ou devraient être les choses ils ont tendance à être idéalistes.

    Néanmoins, ils sont tout autant capables de voir que le monde n’est pas ce qu’il devrait être.

    Et parce qu’ils sont intenses, les enfants surdoués ressentent avec beaucoup d’acuité, le désappointement et la frustration qui surviennent quand les idéaux ne sont pas atteints.

    De façon similaire, ces jeunes gens découvrent très vite les inconsistances, l’arbitraire et les absurdités de la société et de ceux qui les entourent.

    Les traditions sont alors remises en cause, voire défiées.

    Des restrictions imposées à tel sexe ou tel âge de la population aux attitudes hypocrites adoptées pour faire différemment de ce qu’on l’on a dit, en passant par l’incapacité de s’intéresser à son prochain ou à l’impact d’un individu sur l’évolution du monde, tout peut y passer.

    Quand ils tentent de partager leurs réflexions ou points de vue, les enfants surdoués se voient opposer, au mieux, de la surprise, au pire, de l’hostilité. Ils découvrent alors que les autres, en particulier ceux de leur âge, ne partagent pas les mêmes préoccupations, et sont plutôt concernés par des thématiques plus concrètes telles que s’adapter aux attentes des autres.

    Très vite, et même dès le plus jeune âge, l’isolement peut survenir, dans l’environnement social, mais aussi dans la famille, surtout chez ceux dont le QI est très élevé, quand ils découvrent que les autres ne sont pas préparés à aborder des sujets d’une telle importance.

    Quand leur intensité est combinée avec une multi potentialité, les jeunes surdoués deviennent particulièrement frustrés quant à tout ce qui concerne les limites de temps et d’espace : il n’y a tout simplement pas assez d’heures dans une journée pour développer tous leurs talents et leurs envies. Faire des choix devient arbitraire, et le choix n’est à vrai dire jamais “le bon”. Même choisir une vocation peut devenir difficile quand il faut choisir entre différentes passions aussi différentes que le violon, la neurologie, les mathématiques théoriques ou les relations internationales.

    La réaction des jeunes surdoués à ces frustrations (et de nouveau avec intensité), c’est souvent de la colère. Mais ils découvrent alors rapidement que leur colère est futile, parce qu’elle est dirigée contre le “destin” ou d’autres sujets qu’ils ne peuvent contrôler. La colère d’impuissance évolue alors bien vite en dépression.

    Et dans une telle dépression, les enfants surdoués cherchent à trouver un sens à la vie, des repères auxquels ils peuvent se raccrocher pour se sortir de cette “injustice”. Souvent, pourtant, plus ils cherchent à s’en sortir, plus ils prennent conscience que leur vie est finie et brève, qu’ils sont seuls, et vraiment un organisme minuscule au sein de l’univers et que la liberté est terrible de se choisir la vie que l’on veut vivre.

    C’en arrive à un point qu’ils se posent la question du sens de la vie et demandent “la vie c’est seulement ça ? Il n’y a vraiment pas de sens ultime caché ? Je suis petit, un organisme insignifiant, seul, dans un monde absurde, arbitraire et capricieux où ma vie peut avoir juste un tout petit impact, et à la fin je meurs. C’est ça, la vie ? Que ça ?”

    De telles préoccupations ne sont pas surprenantes chez les adultes qui traversent la crise de l’âge mûr. Pourtant, c’est une matière extrêmement préoccupante quand ces questions existentielles occupent l’esprit d’un enfant de 12 ou 15 ans. De telles dépressions existentielles doivent être prises au sérieux, demandent la plus grande attention, car elles peuvent être un prélude au suicide.

    Comment pouvons-nous aider nos jeunes pousses brillantes à faire avec ces questionnements ? Nous ne pouvons pas beaucoup pour ce qui concerne l’aspect fini de notre existence. Pourtant, nous pouvons les aider à se savoir compris, à se sentir moins seuls et à savoir aussi qu’on peut trouver des moyens de les aider à structurer leur liberté et à lutter contre leur sentiment d’isolement.

    L’isolement est de toutes façons déjà rompu, quand on peut simplement leur communiquer qu’on comprend les sujets qui les assaillent. Même si votre expérience n’est pas complètement la même, je peux me sentir bien moins seul si je sais que vous avez vécu des expériences à peu près similaires.

    D’où l’importance des relations sociales dans le développement d’un surdoué (Webb, Meckstroth et Tolan, 1982).

    Il apparaît que le toucher fait partie des meilleurs moyens de rompre l’isolement. De la même façon que les petits enfants ont besoin d’être tenus et touchés, les personnes qui expérimentent la dépression existentielle ont les mêmes besoins. Le toucher semble être un aspect fondamental et instinctif de l’existence, ainsi que c’est mis en lumière dans la relation mère-enfant ou le syndrome de retard de développement.

    Souvent, j’ai « prescrit » une étreinte quotidienne à un jeune souffrant de dépression existentielle et j’ai conseillé aux parents des ados rebelles de leur dire « je sais que tu peux ne pas vouloir une étreinte, mais j’ai besoin d’une étreinte », une étreinte, un simple effleurement du bras, un coup de coude amical, ou même se taper la main comme le font les joueurs quand ils ont marqué un but, peuvent être très importants pour ces jeunes, parce que ça établit au moins une connexion physique.

    Les thématiques et choix qu’impliquent le fait de gérer sa liberté sont d’ordre plus intellectuel, très opposés aux aspects rassurants du toucher comme solution sensorielle à une crise émotionnelle.

    Les enfants surdoués qui se sentent submergés par une myriade de choix d’un monde non structuré peuvent trouver un grand réconfort à étudier et explorer des voies alternatives avec lesquelles d’autres ont structuré leur vie. En lisant les biographies de gens qui ont choisi un chemin spécifique vers la grandeur et l’accomplissement, ces jeunes gens peuvent commencer à utiliser la bibliothérapie comme une méthode de compréhension que les choix sont autant de carrefours sur le chemin de la vie, dont chacun peut les conduire à leur propre sentiment de plénitude et d’accomplissement (Halsted, 1994). Nous avons tous besoin de nous construire notre propre philosophie de croyances et de valeurs qui formeront un cadre plein de sens pour nos vies.

    Ce sont ces préoccupations existentielles qui peuvent conduire les adolescents à se consumer de façon si intense pour différentes causes (qu’elles soient académiques, politiques, sociales ou religieuses).

    Malheureusement, ces préoccupations existentielles peuvent aussi déboucher sur des périodes de dépression, souvent mêlées à du désespoir, des efforts désespérés d’”appartenance”.

    Aider ces jeunes gens à reconnaître les thématiques fondamentales de l’existence peut les aider, mais seulement dans la mesure où c’est fait de façon bienveillante. De plus, ces jeunes esprits auront besoin de comprendre que les thématiques existentielles ne sont pas des problèmes qui se règlent une fois pour toutes, mais qui, plutôt, ont besoin d’être revisités et reconsidérés plusieurs fois tout au long de la vie.

    Par essence, nous pouvons aider beaucoup de personnes souffrant de dépression existentielle si nous arrivons à leur faire réaliser qu’elles en sont pas si seules qu’elles le pensent et si nous pouvons les encourager à adopter le message d’espoir écrit par le poète afro-américain Langston Hughes :

    Accroche-toi ferme à tes rêves
    Parce que si les rêves meurent
    La vie n’est plus qu’un oiseau aux ailes brisées
    Qui ne peut voler.



    Accroche-toi ferme à tes rêves
    Parce que si les rêves meurent
    La vie n’est plus qu’un champ aride
    Recouvert de neige
Chargement...
X