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"À soutenir Maduro, les Russes prennent un risque"

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  • "À soutenir Maduro, les Russes prennent un risque"

    La spécialiste du monde russe Galia Ackerman se penche sur les relations entre Vladimir Poutine et Nicolas Maduro.
    Galia Ackerman est née à Moscou. Cette spécialiste reconnue de la vie et de l'histoire politiques russes a publié de nombreux ouvrages, dont Traverser Tchernobyl (Premier Parallèle) et Femen (Calmann-Lévy). Elle analyse le soutien de Vladimir Poutine à Nicolas Maduro, le dictateur vénézuélien.

    L'Express : Dans la crise vénézuélienne, Vladimir Poutine apporte son soutien au président Nicolas Maduro. Les États-Unis soutiennent l'opposition, représentée par Juan Guaido. Quel décryptage faites-vous de cette prise de position ? Qu'indique-t-elle des choix actuels de la Russie ?

    Galia Ackerman : C'est une question à plusieurs facettes, selon moi.

    Pourquoi ?


    Car depuis déjà un moment Poutine soutient de façon systématique les régimes dictatoriaux et populistes et il s'est fait une spécialité de voler au secours des dictateurs en difficulté. A l'aune du Kremlin, n'importe quel dictateur, n'importe quel tyran a sa chance. Le maître de la Russie a soutenu envers et contre tous Bachar al-Assad, par exemple, contribuant largement à le refortifier. Il a soutenu systématiquement tous ceux qui, dans leurs pays respectifs, s'opposaient aux courants démocratiques. Même Ben Salmane a eu droit à son soutien lorsqu'il était embourbé dans l'affaire Khashoggi et que ses alliés faisaient "silence radio". 400 hommes de la compagnie militaire privée nommée Wagner, sous contrôle direct de Poutine, auraient été envoyés au Venezuela, pour protéger Maduro.

    Quelle est l'importance pour la Russie du statu quo à Caracas ? Pourquoi le Kremlin se montre-t-il si attaché à ce que rien ne change ?

    Le Venezuela est une "place" pétrolière forte et, pour les Russes, l'intérêt énergétique représenté par ce pays sud-américain se double d'une deuxième motivation - celle de s'enraciner dans la durée dans un espace clé en Amérique Centrale. Les Russes ont déjà envoyé des avions militaires se poser sur l'aérodrome de Caracas. Ils ont récemment prodigué une aide financière exceptionnelle de 1,6 milliard d'euros à Maduro, lors de son très récent voyage à Moscou. L'ampleur des investissements russes dans l'économie vénézuélienne ne doit pas être sous-estimée. Leurs contrats prévoient des conditions très souples pour les Vénézuéliens et des remboursements étalés dans le temps. Moscou joue donc délibérément à perte, pour garder sa présence au Venezuela.

    Et quelle est la part de l'adhésion idéologique dans le soutien sans faille du Kremlin au dictateur vénézuélien ? S'agit-il d'une solidarité élémentaire entre "illibéraux", pour reprendre la terminologie du politologue Yascha Mounk (1) ?

    Bien sûr ! Dans le lexique politique russe actuel, le mot "libéral" est devenu une vraie injure. Et beaucoup de gens ressassent en Russie l'idée que Guaido est soutenu par la Maison Blanche et que la reconnaissance de Guaido comme président par intérim du Venezuela serait la conséquence de la pression américaine.

    Carrément ?

    Oui ! Et c'est évidemment faux. "Libéral" est l'épithète dont est affublé Guaido, et il signifie, aux oreilles du Russe moyen, "pro américain" - donc "traître" à sa patrie... On en est là... Les meurtres d'opposants par Maduro ne constituent en aucun cas un obstacle dans la vision machiavélienne et même schmittienne des Russes, qui ne pensent qu'à leur espace vital et jamais au respect de quelques principes fondamentaux. Les Russes prennent ainsi un risque.

    Lequel, justement ?

    Si, finalement, Guaido et les libéraux l'emportent sur Maduro et son entourage illibéral, les Russes et les Chinois vont tout faire pour changer leur fusil d'épaule et conserver, coûte que coûte, leur position dans le continent sud-américain. Mais ce sera très difficile d'opérer ce changement d'alliance in extremis si, dans la période d'incertitude, la Russie s'investit de façon trop visible auprès de Maduro et néglige de tendre la main à Guaido. Une intervention militaire russe pour conforter Maduro est techniquement très difficile. Les Russes sont donc embarrassés de la tournure prise par les événements. Si Guaido, une fois arrivé au pouvoir, reprivatisait le marché du pétrole, les contrats russes pourraient bien se retrouver caducs... Pour l'heure la partie n'est pas gagnée et le régime populiste de Maduro excelle à retarder l'échéance de son effondrement car il a toujours le soutien -acheté, bien sûr- d'une partie de la population (notamment les plus pauvres) et de l'armée.

    lexpress
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