La tradition prophétique relate l’histoire de Khaoula Bint Thâalaba qui vint un jour se plaindre de son mari auprès du prophète S[1]. Selon la version rapportée par Aisha mère des croyants, Khaoula va se confier longuement au prophète lui racontant comment son époux, après tant d’années de vie commune, l’avait un soir offensée en la comparant « au dos de sa mère ». Cette formule, connue sous le terme de Dhihar, était très répandue chez les Arabes païens qui, pour divorcer, comparaient leurs femmes « au dos de leur mère ». Cette coutume rendait systématiquement la femme « interdite » à vie à son époux, sans pour autant pouvoir être libre de disposer d’elle-même ni encore moins de se remarier. Khaoula exprimera, dans une longue confidence faite au prophète, son profond malheur de voir comment après toutes ces années d’union commune avec son mari, lui ayant offert ses plus belles années, il la repoussera alors qu’elle n’était plus dans la fleur de l’âge[2].
Khaoula décrivait là une situation de frustration féminine qui est aussi ancienne que la nuit des temps et que toute femme peut vivre à un moment ou un autre de sa vie. C’est toute la dimension de l’humiliation d’un cœur de femme touchée dans ce qu’elle a de plus intime, de plus profond, de plus sensible.
A la suite de cette confidence, exprimée par une femme blessée dans son amour propre, le prophète recevra la révélation de Sourate Al – Mujâdala. Une révélation divine qui vient répondre aux angoisses de cette femme et prouver encore une fois que Dieu est là, toujours, tellement proche, tellement présent, à l’écoute de tous…
Le verset en question répondra à la quête de Khaoula en ces termes : « Dieu a entendu les propos de celle qui discutait avec toi au sujet de son mari, au moment où elle adressait sa plainte à Dieu. Et Dieu entendait bien votre conversation, car Dieu est Audient et Clairvoyant. Certains d’entre vous jurent pour répudier leur femmes, en utilisant la formule : « Tu es aussi interdite pour moi que l’est le dos de ma mère ! », alors qu’elles ne sont pas leurs mères ; leurs mères étant celles qui les ont mis au monde. Ils tiennent des propos aussi blâmables que mensongers. » Coran 58 ; 1-2.
Ces versets mettent en évidence plusieurs principes importants. D’abord celui de l’écoute et du respect de la plainte de cette femme, celui aussi de son droit à la liberté d’expression et puis celui de la réforme sociale immédiate, ordonnée par Dieu, pour la suppression de cette coutume humiliante pour les femmes.
Pour ce qui est de ce dernier point, le Coran va donc immédiatement condamner ce qui sera considéré désormais comme une grave faute tout en indiquant les différentes modalités de son expiation dans la suite des versets de la même sourate[3].
Dieu répond donc à l’attente de cette femme en critiquant fermement ce genre de propos coutumiers qu’Il traite de « blâmables » et de « mensongers » en prescrivant des sanctions strictes à même de décourager ceux qui auront du mal à s’en défaire.
Le Créateur, du haut de Ses cieux, va donc écouter et donner de l’importance à l’inquiétude de cette femme qui est venue confier ses problèmes intimes au prophète. Ce dernier sera tout autant prévenant et attentif à ses souffrances mais aussi à celles des autres, de tous les autres, surtout celles des femmes auxquelles il vouait une spéciale indulgence et une tendresse avérée.
Dieu et son prophète « étaient à l’écoute » des croyants et la révélation nous démontre ici la nécessité voire l’obligation d’être à l’écoute des autres, quels que soient leurs propos, leurs requêtes ou le degré d’intimité de leurs souffrances.
Combien de femmes, au cœur brisé, meurtries par des humiliations quotidiennes du même registre, se taisent et s’enferment dans des silences profonds, parce qu’elles n’ont tout simplement pas trouver d’écoute. Parce qu’au nom de l’islam, il est souvent « très mal vu », surtout pour une femme, d’exposer et de révéler ses problèmes, ses attentes, son intimité et ses conflits internes. Ce côté « confession intime » dans l’islam avec toute sa part de compassion et de tendresse sont souvent, si ce n’est toujours, marginalisés voire complètement omis au détriment d’un rigorisme froid qui a fini par devenir l’image effective de l’essentiel du message islamique. Des mots comme amour, compassion, tendresse, intimité, sont souvent absents dans la terminologie islamique alors que des versets comme celui-là témoignent d’une proximité Divine touchante d’intimité, de délicatesse et de mansuétude.
L’autre principe mis en exergue par ce verset c’est le droit des femmes à la liberté d’expression. C’est là un aspect très révélateur de l’état d’esprit du message spirituel de l’islam qui explique la latitude dont disposaient les femmes musulmanes à cette époque pour manifester librement leurs idées, leurs requêtes et leurs mécontentements.
En effet, Khaoula aurait pu aller confier sa douleur à d’autres femmes, dont certaines avaient sûrement dû vivre les mêmes désillusions conjugales ou bien transmettre sa missive à l’une des femmes du prophète qui aurait fait le nécessaire auprès de ce dernier. Mais ce ne fut pas le cas car c’est justement la force de la foi et l’espoir naissant envers le nouveau message qui a permis à Khaoula de surmonter les contraintes liées naturellement à des questions de l’ordre de l’intimité. Khaoula a eu le courage d’aller trouver refuge auprès du prophète, et de là à faire entendre son propos à Dieu lui-même. En se plaignant au prophète d’une coutume ancestrale, elle dénonçait en son nom, mais aussi en celui de toutes les autres, une pratique injuste et avilissante qui était connue à l’époque comme une forme particulière de répudiation et qui, loin d’être une coutume conjoncturelle, perdure jusqu’à nos jours sous d’autres versions tout autant déplorables.
Ce témoignage féminin de l’époque témoigne du degré de maturité intellectuelle de ces femmes croyantes qui, inspirées par la lumière de la foi, vont avoir le courage moral de revendiquer, de dénoncer et de contester un ordre établi par des us et coutumes patriarcales injustes.
C’était la naissance d’une nouvelle conscience féminine qui se révolte au nom de sa foi et du principe de justice de l’islam. Sourate Al-Mujâdala n’est autre que l’empreinte de cette nouvelle pensée féminine islamique que le Coran a tenté d’instaurer progressivement mais sûrement au cours des vingt trois années de révélation.
Les exemples de femmes musulmanes qui, au premier temps de la révélation, ont usé de cette liberté d’expression et ont fait preuve d’une incroyable autonomie quant à leurs choix de femmes, sont légion dans les récits de la tradition prophétique. Mais, il est regrettable de voir que ces modèles de femmes passeront presque inaperçus, dans la littérature classique islamique, car le plus souvent elles n’y sont citées que pour illustrer d’autres évènements et non dans le but précis de mettre en relief cette véritable démarche de libération féminine. Des personnalités féminines qui ont jalonné l’histoire de l’islam depuis le début de la révélation mais qui vont être mentionnées inlassablement non pas comme des références à part entière mais comme des figures de « relais », des figurantes passives de l’histoire, voire des figures subalternes aux représentations masculines considérées comme étant la NORME !
On peut encore citer comme témoignage de cette« liberté d’expression féminine », deux récits rapportés dans les ouvrages de Hadiths classiques et qui fournissent des enseignements très parlants à ce sujet.
Voilà l’histoire de Barira, une servante de Aicham épouse du prophète, et que cette dernière venait d’affranchir. Barira était mariée à un jeune homme du nom de Moughit qu’elle n’avait jamais aimé. En la libérant de son ancienne servitude le prophète lui laissa le choix entre continuer la vie commune avec son époux ou divorcer. Elle choisit de se séparer de celui qu’on lui avait imposé contre son gré en étant esclave mais Moughit était resté éperdument amoureux de Barira et la tradition raconte qu’il la suivait partout, la barbe inondée par des larmes intarissables. Le prophète, ému par cette scène, demanda à son oncle Al Abass qui l’accompagnait : « N’es-tu pas étonné de l’amour de Moughit pour Barira et de la haine de celle-ci pour lui ? ». Al Abass lui proposa alors d’essayer de les réconcilier. C’est ce que fit le prophète qui demanda à Barira : « Pourquoi ne pas reprendre la vie commune avec Moughit ? ». Elle répondit : « Est-ce un ordre de ta part, prophète ? ». « Je suis là juste pour intercéder en sa faveur… » – lui dit-il. Ce à quoi Barira répondit : « Si c’est ainsi, c’est non, je ne veux plus de lui »[4].
Voilà un exemple de femme musulmane déterminée et qui fait ses choix au nom de la liberté et des droits que lui a octroyé l’islam. Cet islam qui l’a libérée doublement, de la soumission à l’esclavage et de celle liée aux coutumes des mariages forcés. Elle a dit NON au prophète tout en prenant la précaution de bien faire la part des choses, à savoir distinguer entre ce qui était de l’ordre de la mission prophétique et ce qui était de l’ordre d’une simple médiation humaine. En dehors d’une prescription qui aurait pu servir la cause de l’islam, elle n’était prête à faire aucune concession sur son droit à la liberté de choix, serait-ce au prophète de l’islam lui-même ! Ce dernier respectueux justement de cette liberté de choix comme droit fondamental à tous les êtres humains et principalement envers les femmes qui étaient les plus vulnérables , n’a pas utilisé son pouvoir de dissuasion en tant que prophète pour l’influencer ou l’intimider et la forcer à accepter ! Cette précision de sa part : « Je suis là juste pour intercéder en sa faveur » révèle combien le prophète était respectueux de ce droit des femmes à la liberté d’expression et témoigne aussi de sa grandeur d’âme…
Internet: asma-lamrabet
Khaoula décrivait là une situation de frustration féminine qui est aussi ancienne que la nuit des temps et que toute femme peut vivre à un moment ou un autre de sa vie. C’est toute la dimension de l’humiliation d’un cœur de femme touchée dans ce qu’elle a de plus intime, de plus profond, de plus sensible.
A la suite de cette confidence, exprimée par une femme blessée dans son amour propre, le prophète recevra la révélation de Sourate Al – Mujâdala. Une révélation divine qui vient répondre aux angoisses de cette femme et prouver encore une fois que Dieu est là, toujours, tellement proche, tellement présent, à l’écoute de tous…
Le verset en question répondra à la quête de Khaoula en ces termes : « Dieu a entendu les propos de celle qui discutait avec toi au sujet de son mari, au moment où elle adressait sa plainte à Dieu. Et Dieu entendait bien votre conversation, car Dieu est Audient et Clairvoyant. Certains d’entre vous jurent pour répudier leur femmes, en utilisant la formule : « Tu es aussi interdite pour moi que l’est le dos de ma mère ! », alors qu’elles ne sont pas leurs mères ; leurs mères étant celles qui les ont mis au monde. Ils tiennent des propos aussi blâmables que mensongers. » Coran 58 ; 1-2.
Ces versets mettent en évidence plusieurs principes importants. D’abord celui de l’écoute et du respect de la plainte de cette femme, celui aussi de son droit à la liberté d’expression et puis celui de la réforme sociale immédiate, ordonnée par Dieu, pour la suppression de cette coutume humiliante pour les femmes.
Pour ce qui est de ce dernier point, le Coran va donc immédiatement condamner ce qui sera considéré désormais comme une grave faute tout en indiquant les différentes modalités de son expiation dans la suite des versets de la même sourate[3].
Dieu répond donc à l’attente de cette femme en critiquant fermement ce genre de propos coutumiers qu’Il traite de « blâmables » et de « mensongers » en prescrivant des sanctions strictes à même de décourager ceux qui auront du mal à s’en défaire.
Le Créateur, du haut de Ses cieux, va donc écouter et donner de l’importance à l’inquiétude de cette femme qui est venue confier ses problèmes intimes au prophète. Ce dernier sera tout autant prévenant et attentif à ses souffrances mais aussi à celles des autres, de tous les autres, surtout celles des femmes auxquelles il vouait une spéciale indulgence et une tendresse avérée.
Dieu et son prophète « étaient à l’écoute » des croyants et la révélation nous démontre ici la nécessité voire l’obligation d’être à l’écoute des autres, quels que soient leurs propos, leurs requêtes ou le degré d’intimité de leurs souffrances.
Combien de femmes, au cœur brisé, meurtries par des humiliations quotidiennes du même registre, se taisent et s’enferment dans des silences profonds, parce qu’elles n’ont tout simplement pas trouver d’écoute. Parce qu’au nom de l’islam, il est souvent « très mal vu », surtout pour une femme, d’exposer et de révéler ses problèmes, ses attentes, son intimité et ses conflits internes. Ce côté « confession intime » dans l’islam avec toute sa part de compassion et de tendresse sont souvent, si ce n’est toujours, marginalisés voire complètement omis au détriment d’un rigorisme froid qui a fini par devenir l’image effective de l’essentiel du message islamique. Des mots comme amour, compassion, tendresse, intimité, sont souvent absents dans la terminologie islamique alors que des versets comme celui-là témoignent d’une proximité Divine touchante d’intimité, de délicatesse et de mansuétude.
L’autre principe mis en exergue par ce verset c’est le droit des femmes à la liberté d’expression. C’est là un aspect très révélateur de l’état d’esprit du message spirituel de l’islam qui explique la latitude dont disposaient les femmes musulmanes à cette époque pour manifester librement leurs idées, leurs requêtes et leurs mécontentements.
En effet, Khaoula aurait pu aller confier sa douleur à d’autres femmes, dont certaines avaient sûrement dû vivre les mêmes désillusions conjugales ou bien transmettre sa missive à l’une des femmes du prophète qui aurait fait le nécessaire auprès de ce dernier. Mais ce ne fut pas le cas car c’est justement la force de la foi et l’espoir naissant envers le nouveau message qui a permis à Khaoula de surmonter les contraintes liées naturellement à des questions de l’ordre de l’intimité. Khaoula a eu le courage d’aller trouver refuge auprès du prophète, et de là à faire entendre son propos à Dieu lui-même. En se plaignant au prophète d’une coutume ancestrale, elle dénonçait en son nom, mais aussi en celui de toutes les autres, une pratique injuste et avilissante qui était connue à l’époque comme une forme particulière de répudiation et qui, loin d’être une coutume conjoncturelle, perdure jusqu’à nos jours sous d’autres versions tout autant déplorables.
Ce témoignage féminin de l’époque témoigne du degré de maturité intellectuelle de ces femmes croyantes qui, inspirées par la lumière de la foi, vont avoir le courage moral de revendiquer, de dénoncer et de contester un ordre établi par des us et coutumes patriarcales injustes.
C’était la naissance d’une nouvelle conscience féminine qui se révolte au nom de sa foi et du principe de justice de l’islam. Sourate Al-Mujâdala n’est autre que l’empreinte de cette nouvelle pensée féminine islamique que le Coran a tenté d’instaurer progressivement mais sûrement au cours des vingt trois années de révélation.
Les exemples de femmes musulmanes qui, au premier temps de la révélation, ont usé de cette liberté d’expression et ont fait preuve d’une incroyable autonomie quant à leurs choix de femmes, sont légion dans les récits de la tradition prophétique. Mais, il est regrettable de voir que ces modèles de femmes passeront presque inaperçus, dans la littérature classique islamique, car le plus souvent elles n’y sont citées que pour illustrer d’autres évènements et non dans le but précis de mettre en relief cette véritable démarche de libération féminine. Des personnalités féminines qui ont jalonné l’histoire de l’islam depuis le début de la révélation mais qui vont être mentionnées inlassablement non pas comme des références à part entière mais comme des figures de « relais », des figurantes passives de l’histoire, voire des figures subalternes aux représentations masculines considérées comme étant la NORME !
On peut encore citer comme témoignage de cette« liberté d’expression féminine », deux récits rapportés dans les ouvrages de Hadiths classiques et qui fournissent des enseignements très parlants à ce sujet.
Voilà l’histoire de Barira, une servante de Aicham épouse du prophète, et que cette dernière venait d’affranchir. Barira était mariée à un jeune homme du nom de Moughit qu’elle n’avait jamais aimé. En la libérant de son ancienne servitude le prophète lui laissa le choix entre continuer la vie commune avec son époux ou divorcer. Elle choisit de se séparer de celui qu’on lui avait imposé contre son gré en étant esclave mais Moughit était resté éperdument amoureux de Barira et la tradition raconte qu’il la suivait partout, la barbe inondée par des larmes intarissables. Le prophète, ému par cette scène, demanda à son oncle Al Abass qui l’accompagnait : « N’es-tu pas étonné de l’amour de Moughit pour Barira et de la haine de celle-ci pour lui ? ». Al Abass lui proposa alors d’essayer de les réconcilier. C’est ce que fit le prophète qui demanda à Barira : « Pourquoi ne pas reprendre la vie commune avec Moughit ? ». Elle répondit : « Est-ce un ordre de ta part, prophète ? ». « Je suis là juste pour intercéder en sa faveur… » – lui dit-il. Ce à quoi Barira répondit : « Si c’est ainsi, c’est non, je ne veux plus de lui »[4].
Voilà un exemple de femme musulmane déterminée et qui fait ses choix au nom de la liberté et des droits que lui a octroyé l’islam. Cet islam qui l’a libérée doublement, de la soumission à l’esclavage et de celle liée aux coutumes des mariages forcés. Elle a dit NON au prophète tout en prenant la précaution de bien faire la part des choses, à savoir distinguer entre ce qui était de l’ordre de la mission prophétique et ce qui était de l’ordre d’une simple médiation humaine. En dehors d’une prescription qui aurait pu servir la cause de l’islam, elle n’était prête à faire aucune concession sur son droit à la liberté de choix, serait-ce au prophète de l’islam lui-même ! Ce dernier respectueux justement de cette liberté de choix comme droit fondamental à tous les êtres humains et principalement envers les femmes qui étaient les plus vulnérables , n’a pas utilisé son pouvoir de dissuasion en tant que prophète pour l’influencer ou l’intimider et la forcer à accepter ! Cette précision de sa part : « Je suis là juste pour intercéder en sa faveur » révèle combien le prophète était respectueux de ce droit des femmes à la liberté d’expression et témoigne aussi de sa grandeur d’âme…
Internet: asma-lamrabet
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