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Algérie : les tontons flingueurs de l'humour

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  • Algérie : les tontons flingueurs de l'humour

    CHRONIQUE. Les Algériens ne se contentent pas de manifester contre le 5e mandat du président Bouteflika. Ils téléphonent à son hôpital genevois, dessinent des caricatures au vitriol, se déchaînent, hilares, sur les réseaux sociaux.
    PAR NOTRE CORRESPONDANT À TUNIS, BENOÎT DELMAS
    Publié le 06/03/2019 à 12:00 | Le Point Afrique
    Parmi les humoristes les plus connus, Ali Dilem, qui publie ses dessins satiriques dans le journal algérien « Liberté Algérie ».


    Algérie
    Se moquer de ses gouvernants est excellent pour la santé. Selon ce critère, l'Algérien est en excellente forme. Le site El Manchar – dont la devise est « avec des scies, on refait le monde » – a le traitement de texte féroce. Depuis sa création, ce Gorafi d'Alger s'amuse de tout, utilise tous les copeaux de la langue de bois gouvernementale pour fabriquer des articles satiriques foudroyants. Le succès d'audience est au rendez-vous. Ces derniers temps, El Manchar a failli perdre son sens de l'humour. Il a soudainement recouvré un premier degré au visu des foules dans les rues.

    Son fil Twitter (@el_manchar) publie les vidéos des manifestations. Fini de rire ? L'équipe s'est ressaisie, titrant au soir du dépôt de la candidature du président « Bouteflika s'engage à mourir en cas de victoire ». Et d'asséner une seconde gifle : « Le président du Conseil constitutionnel avoue avoir prêté serment sur un livre de cuisine ». Pique réservée à Tayeb Belaiz, chaque personne devant se présenter, en personne, pour candidater à la magistrature suprême, ce que n'a pas fait le candidat Bouteflika en 2014 comme cette année.
    https://twitter.com/el_manchar/statu...106497/photo/1
    Voir l'image sur Twitter
    Voir l'image sur Twitter

    el manchar
    @el_manchar
    🔴Urgent : Un politologue britannique spécialiste du Maghreb fait un AVC en direct sur la BBC en tentant de décrypter la situation en #Algerie .


    Des dessins de presse malicieux et assassins

    Côté presse sérieuse, le regard commencera souvent par une caricature. Celle de Djamel Lounis, par exemple. Ce quadra pose un regard tendre et vachard sur la vie politique confisquée. Le 4 mars : « Dans son dernier message aux Algériens, Bouteflika cherche à gagner du temps. » Un personnage explique : « Le temps que nos archéologues trouvent un candidat. » En arrière-plan, deux chaouchs, pioche sur l'épaule, s'acheminent d'un pas tranquille. Chaque jour, la presse algérienne, ses réseaux sociaux délivrent des pastilles cuisantes, des coups de griffe humoristiques, oscillant entre la causticité et le surin.

    Autre emblème de cet art : Dilem. Ses feutres et crayons s'expriment dans les colonnes de Liberté Algérie. Et ils sont finement taillés, façon scalpel. Le 4 mars : « Après la lettre de Bouteflika aux Algériens, les six lettres des Algériens à Bouteflika : dégage ». Le précédent dessin montrait le retour attendu du candidat en lit médicalisé sur roulettes avec des motards l'escortant pour son dépôt de candidature. Quant à Hichem Baba Ahmed, il œuvre dans les colonnes d'El Watan depuis dix ans sous le sobriquet de « Le Hic ». Sa dernière contribution ? « Les Algériens guettent le retour de Bouteflika ». On y voit un homme accrocher le drapeau de la Croix-Rouge.

    Lire aussi Kamel Daoud - Bouteflika en Abd el-Cadre

    Unique tabou : la religion

    Dans une Algérie où le président Bouteflika est réélu avec 80 % des suffrages en moyenne, on peut rire de lui, de son clan, des affairistes enrichis par les marchés publics. Parfois, les tribunaux font du zèle, les budgets publicitaires des entreprises étatiques fondent comme neige au soleil. Parfois. Seul curseur à ne pas franchir ? La religion. Interrogé, jadis, par Le Matin d'Algérie, Djamel Lounis expliquait qu'on ne peut pas rire de tout : « Ailleurs, je pense que oui, mais, dans une société comme la nôtre, il y a des sujets qui sont difficiles à aborder, des lignes à ne pas franchir, surtout le religieux. » La décennie noire, sanglante, qui a causé plus de 100 000 morts, est une mémoire récente.

    Pluie d'appels sur l'hôpital de Boutef

    Plus cocasse, plus primesautière, l'initiative de téléphoner aux HUG – hôpitaux universitaires genevois –, où réside le président de la République d'Algérie depuis dix jours. Le standard et la messagerie internet de l'institution médicale ont été pris d'assaut par des concitoyens fort soucieux de la santé présidentielle. « Une plaisanterie de collégien ? Absolument. Mais le système Bouteflika infantilise tout un pays depuis vingt ans », rigole, jaune, un Algérien parmi d'autres.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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