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Kamel Daoud livre son analyse des manifestations en Algérie et sur le régime Bouteflika

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  • Kamel Daoud livre son analyse des manifestations en Algérie et sur le régime Bouteflika

    "Les vérités qu'on aime le moins à apprendre sont celles que l'on a le plus d'intérêt à savoir" (Proverbe Chinois)

  • #2
    Kamel Daoud - La renaissance du corps algérien

    À Oran, l'écrivain s'est mêlé à cette « génération Facebook » qui ose défier le pouvoir d'Abdelaziz Bouteflika. Et salue sa soif de vie.

    Par Kamel Daoud
    Le 09/03/2019 Le Point

    Le retour de la vie a été violent, exubérant, multiple dans son expression. C'est presque un corps-à-corps réussi : d'un côté, le corps de Bouteflika, immobile, incarnation d'une génération qui ne veut pas mourir, n'accepte pas la transition, la transmission filiale, de l'autre, le corps du manifestant : joyeux, riant, chantant, féminin, masculin. Ce jour-là, en marchant dans les rues avec les centaines de milliers d'Oranais, ce fut ma première idée : le retour du corps. Depuis vingt ans, le corps algérien est malheureux, difficile à vivre, étroit, surveillé, contrit. Il n'a possibilité d'expression que dans la génuflexion de la prière, le foot. Dès qu'ils embarquaient dans une chaloupe à destination de l'Espagne, dans le flux ininterrompu de l'immigration clandestine, la Harga, les Algériens se mettaient à chanter, à rire, à blaguer.

    Ce vendredi 1 er mars, c'est une autre idée qui me vint en tête : désormais, la chaloupe, c'est la rue. Elle tangue, chante, éclate de rires et de couleurs. Pour une fois, des centaines des milliers d'Algériens marchent dans leur propre pays pour le reconquérir.

    Le rassemblement était annoncé à la place d'Armes, près de la très belle mairie d'Oran. Le ciel bleu, immense et puissant dans sa lumière, une Méditerranée céleste. Le vendredi, jour de repos. Tout cela était à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Je me disais que « les gens » n'allaient pas venir. Sur place, avec un ami, on s'assoit pour attendre. Il est 13 heures. Les mosquées emplissent l'espace par la voix de leur imam. J'apprendrai plus tard que des croyants ont quitté des mosquées dès que l'imam a entamé son prêche sur l'obligation d'obéir au gouvernant, tel que commandé par le régime. Un refus spectaculaire quand on sait le poids du rite et de la figure de l'imam en Algérie. Nous étions une dizaine. Des drapeaux algériens pliés, une attente, des groupes épars. Si, aujourd'hui, les gens ne viennent pas par milliers, le régime aura gagné. Il sait le faire. Sa certitude vient de très loin : il a vaincu dans le sang les révoltes en Kabylie, a vaincu par une sale guerre les islamistes, et par la corruption, la terreur et l'usure du temps durant les années Bouteflika. C'est un peu sa philosophie, sa mystique : stopper le temps. Le faire revenir à l'instant zéro de la guerre de libération et vivre ainsi dans cette paralysie de la chronologie chantée comme un triomphe permanent. Il y a eu la guerre d'indépendance, il y a eu la guerre civile et, depuis, rien ne doit avoir lieu. Ce n'est pas Chronos qui mange ses enfants, c'est Chronos qui est lui-même dévoré par l'éternité. La gestion du temps et du mouvement est la physique newtonienne du régime d'Alger : rien ne doit advenir mis à part la guerre de libération. Rien ne doit bouger. L'accès à l'espace public en Algérie est soumis à des règles draconiennes. Il faut une autorisation pour tout et elle n'est presque jamais donnée. Il suffit de rester assis longtemps dans un endroit, y peindre, lire ou s'y regrouper pour voir venir la police. La tentation de l'immobilisation devient énorme après la maladie de Bouteflika, son AVC, en 2013. Depuis, le pays devait lui ressembler : invisible, immobile, muet.

    Des espaces offshore de mouvement ? Oui : la mer pour les harragas, la mosquée pour les croyants et Internet. Surtout Internet. C'est là que les jeunes générations se réfugiaient. C'est l'autre chaloupe. Et c'est là aussi que le régime les a pourchassés. Ils sont nombreux cette dernière décennie à goûter à la prison et aux lourdes peines pour une caricature de Bouteflika, un dessin, une pancarte, un slogan. Le régime est malin, il ne s'attaque pas aux gens connus à l'international, écrivains, caricaturistes ou militants de partis. Non, il fait le vide autour, les isole, il s'attaque en chien féroce aux jeunes leaderships émergents. L'infanticide est systématique. Pour décrédibiliser les plus médiatisés, rien de mieux que le terrorisme médiatique : des télés dites privées sont utilisées pour donner l'image du traître, francophile, athée, islamophobe, « vivant à Paris ». Il ne devait pas y avoir de connexion entre Algériens, entre urbains et ruraux, entre élites et classes sociales. C'est un régime d'encasernement avec des caporaux vigilants.

    Le « cadavre » et le « cadre ». On reste assis à attendre à l'ombre des arbres. Peu à peu les passants deviennent des curieux. Les curieux deviennent des groupes et les groupes deviennent une foule. A 14 heures, c'est une étrange explosion sourde, enivrante. Quelque chose prend corps, là, sous le ciel et entre les arbres. Un jeune harangue la foule : « Ne cassez rien. Ils vont prendre prétexte pour nous voler notre espoir. Si une seule goutte de sang tombe, ils vont faire comme durant les années 1990. » Rappel de la guerre civile. Le régime, depuis des jours, fait campagne sur le thème par la voix de ses apparatchiks : c'est soit nous, soit la Syrie. Le jeune homme, je ne le connais pas. C'est la génération Facebook. Celle qui refuse le « cadavre » et le « cadre ». Ainsi surnomme-t-on Bouteflika. Le discours de la méthode est long mais efficace : il sonne des instructions. Et soudain, c'est la révolte, la haute vague.

    Des groupes affluent de partout, d'immenses drapeaux, des slogans. Le plus vieux, le plus ancien, celui qui même aujourd'hui est une énigme pour l'étranger. « One, two, three. Viva l'Algérie ! » Il est né dans les stades, aux premières années de l'indépendance. C'est une déformation heureuse : il s'agissait de « We want to be free. Viva l'Algérie ! », selon les plus âgés. C'est un chant bref. C'est un signe. La police bloque les escaliers de la mairie, mais la foule ne veut pas y entrer. La première ligne colle aux casques de la police antiémeute. Sans colère. Sans haine. On veut signifier aux forces de l'ordre qu'elles sont aussi enfants de ce peuple. Isoler la caste du régime. « Djeïch, chaab, khaoua, khaoua. »« Armée, peuple, nous sommes frères. » Le cortège chante, reprend l'espace dans sa totalité, prend confiance en lui-même. Des femmes s'y glissent, lancent des youyous, des jeunes aussi. D'un coup, on bascule dans l'immensité.

    Je me retrouve dans la foule, un peu perdu, au creux de cette naissance. Une heure plus tard, ils sont des dizaines de milliers, puis des centaines. Des familles rejoignent les marcheurs, de vieilles personnes, des filles, des enfants. Je n'ai jamais vu ce spectacle. On le disait une légende des fêtes de l'indépendance, mais aussi une impossibilité « culturelle ».

    Depuis des années, le corps de Bouteflika a imposé son teint au corps des Algériens, sa grimace finissante, son trépas qui s'éternise. Rien n'en bougeait. Et ceux qui bougeaient allaient en prison, étaient détruits. La machine des Bouteflika est un chef-d'œuvre de ruse et de malheur : les milieux d'affaires étaient contrôlés par ses clients à lui et ceux de sa famille. Racket, pourcentages hallucinants sur les grands marchés, corruption monstrueuse. Ceux de l'armée pliaient le genoux sous son homme de main, son chef d'état-major. Il l'avait choisi à l'époque où ce général était en disgrâce face à ses pairs. Il le nomma à leur tête et le laissa les dévorer un par un. Les « services » algériens, fameux pour leurs coups tordus et leur habileté internationale, se retrouveront mis en procès pour crimes de guerre, sournoisement, affaiblis puis désossés. Pour être remplacés par un autre cabinet noir de la décision, un autre pouvoir occulte : celui de son frère Saïd Bouteflika. L'Assemblée populaire ou le Sénat ? Bouteflika gouverne avec une règle simple : il y nomme les plus corrompus. Ils en deviennent fidèles par nécessité, pas par serment ou conviction. Le raz de marée de cet encanaillement a été total. Rien n'échappa à la mainmise du grand manipulateur et à la surveillance de son frère.

    « Mais d'où leur vient leur pouvoir, si ce n'est par l'armée ? » demandent souvent les étrangers. C'est un complexe fourbe et sophistiqué : le pouvoir vient de cette corruption généralisée dont l'ingénierie est assurée par un clan d'oligarques puissants et un budget militaire parmi les plus importants d'Afrique. L'argent. Et Bouteflika en a eu beaucoup en vingt ans de règne.

    La révolution est un rébus. Je marche, donc je suis. Car marcher en Algérie, en foule, c'est déjà se soulever, pas se promener. Et je pense. Tout me revient par bribes. Le premier portrait de Bouteflika arraché. C'était à l'est, à Khenchela, il y a trois semaines. Aujourd'hui cela paraît loin, mais ce jour, ce jour précisément, ce fut le frisson. On n'en croyait pas nos yeux. On a attendu alors la répression violente, mais le pouvoir a hésité, car son cadavre en chef était déjà en mode avion vers la Suisse. Cela lui fut fatal. Bouteflika est un portrait, une photo depuis des années et là, cette photo a été arrachée. Photocide. Depuis, tout advint, tout fut possible. Y compris ces youyous de femmes par-dessus les balcons du centre-ville. On attendait la révolte d'Alger, mais Alger est une caserne. La rébellion vint de l'intérieur, de la ruralité, de ces villes et villages que le régime croit acquis à sa légende.
    "Les vérités qu'on aime le moins à apprendre sont celles que l'on a le plus d'intérêt à savoir" (Proverbe Chinois)

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    • #3
      « Armée, peuple, ils sont frères », hurle la foule. L'inventivité des slogans est un pied de nez fait à la langue de bois du parti unique. Une révolution, c'est un rébus qui impose un désordre et un ordre nouveau à la langue. Le chant le plus puissant, le plus « national » est une autre énigme pour les étrangers : « Pas de cinquième, ô Bouteflika. Ramène les BRI, ramène la Tonnerre. » Explications aux passants du reste du monde : les BRI, ce sont les brigades de recherche et d'intervention. La Tonnerre, ce sont les unités d'élite de ces polices. La foule défie, crie, mais étrangement sans colère. Presque dans une sorte de fierté qui devient frisson et vous traverse comme une eau puissante, un courant. On marche encore. Vers la wilaya, le siège de la préfecture. On y arrive lentement. A Alger, dans la totalité du pays, c'est la même procession. Le régime a ralenti puis coupé Internet, mais on le sait. « Nous étions aveugles et dispersés, jusqu'au moment où Dieu nous envoya ses derniers prophètes : Google, Internet, Facebook », ironisent des Algériens. Les images circulent, les gens se filment, retrouvent le fil de leur propre histoire, se saisissent de sa narration. Etranges et fascinantes, ces mains qui à la fois brandissent le slogan et le smartphone, la caméra et la banderole. On veut dire, crier, se raconter. L'histoire algérienne a toujours été la biographie du régime, sa télé, son calendrier, ses noms. Son saccage a été énorme. Le smartphone est le témoin du siècle, la mémoire de tous, l'Histoire sauvée de l'autodafé des dictatures ou de celle de la brièveté. On fait l'Histoire par le livre mais surtout par le téléphone. C'est un outil pour ne pas oublier et pas seulement pour parler. Le téléphone passe de l'oral à l'image, il enjambe l'écrit.

      le syndrome local des Assad. « Ni Bouteflika ni Saïd. L'Algérie est une république, ce n'est pas une monarchie. » Saïd est l'autre dieu du régime. Son œil, son Beria. On lui prête la décision, la signature à la place de l'éternel mourant, les discours et les nominations. Comment cet homme, ancien syndicaliste, prof de fac est-il passé de l'autre côté de la barrière pour incarner une puissance aussi terrifiante que celle des services ? L'argent des marchés, encore une fois. La ruse. La haine. D'où viennent-elles ?

      La légende algérienne vérifiable raconte ce moment où, à cause de la disgrâce de l'aîné, Abdelaziz, la famille s'est retrouvée un jour avec ses matelas et sa vaisselle à la rue, dépossédée de sa villa, expulsée, dans les années 1980. C'est le syndrome local des Assad. Lorsque Bouteflika prit le pouvoir, il n'oublia pas cette humiliation. Il la fit subir à d'autres et décida de ne jamais rendre le pouvoir, de préparer l'avenir des siens : argent, contrats, marchés, corruption. Tout est bon pour la rancune et la sécurité. C'est le syndrome alaouite des Bouteflika. Quand l'aîné tomba malade, le cadet fut là, reprit la délégation et institua cette féroce monarchie algérienne. Le rêve de Bouteflika n'a jamais été d'être Boumediene, son mentor des années 1970. Non, sa fascination va vers Hassan II. Bouteflika a toujours voulu être Hassan II. Et le fut.

      « Silmiya, silmiya. » A chaque barrage de police dépassé, à chaque possible confrontation, ces deux mots fusent, là aussi partout dans le pays. Traduction : « Pacifique, pacifique. » Les marches sont pacifiques. Les Algériens connaissent depuis des décennies la méthode de la junte d'Alger. Dès qu'il y a manifestation, on lâche les milices du pouvoir qui cassent et fracassent. La peur reprend le dessus et le mouvement est brisé, clochardisé, criminalisé. La sécurité prend le relais sur le besoin de liberté. Ce chantage, le pouvoir le maîtrise. A la moindre vitre brisée, il va montrer ces images et prétexter l'ordre pour décréter l'état d'urgence et prolonger encore son règne d'immortel. Les manifestants avaient multiplié les appels à la vigilance depuis des jours. Campagnes insistantes sur le Net, consignes : ne pas se frotter aux policiers, ne pas répondre à leurs provocations, ne pas les insulter. Ce fut un triomphe. Le 1 er mars, les Algériens ont surtout appris à ne pas avoir peur d'eux-mêmes. L'Algérien n'est plus le sauvage incapable d'être pacifique tel que le veut la théorie de tutorat du régime. Ce fut la plus belle des conclusions. On en voyait la trace sur les visages des gens, si fiers.

      Jeans troués et selfies. « L'Algérie n'est pas la Syrie, ô Ouyahia. » La foule crie sa réponse au Premier ministre le plus honni de l'histoire algérienne. Ahmed Ouyahia. « Traître, vendu », crie la foule. « Tahhane. » Le mot en algérien est des plus insultants. Pourquoi lui plus que d'autres ? L'homme est dans les couloirs du régime, entre premier ministère et chefferie de gouvernement depuis trente ans. Il a défendu tous les discours des juntes d'Alger, il a tout dit, tout incarné : la servilité, le manque d'éthique, l'insolence, le mépris, la fourberie. Dans sa dernière intervention, il avait été menaçant : « En Syrie, cela a commencé avec des fleurs et a fini dans le sang. » La foule lui hurle sa réponse : l'Algérie n'est pas la Syrie. « On a commencé avec des fleurs et on finira avec des fleurs. » Des bouquets sont offerts aux policiers. Le syndrome syrien a été la carte majeure du régime depuis des années. Pour conter les soulèvements dans les autres pays dits « arabes », on usa de l'argent (des milliards de dollars ventilés sans contrôle au bénéfice des plus jeunes), on isola les opposants et on joua les prolongations par les promesses de « dialogue national » et de réformes. Par la suite, les désastres libyen et syrien ont fait le reste du boulot : le moindre mouvement du corps était interprété comme déstabilisation, syrianisation. La théorie du complot et la propagande anti-France ont fait le reste. Jusqu'au 22 février.

      D'ailleurs, le syndrome pèse plus sur la peur de l'Occident que sur les âmes algériennes. C'est la seconde question qu'on me pose à chaque entretien avec les médias étrangers. Après le « Qu'est-ce qui se passe en Algérie ? » arrive le « Avez-vous peur de finir comme en Egypte ? ». Je réponds, sincère : oui. Mais j'explique aussi. L'Algérie a vécu en 1990 ce que vit l'Egypte. Soulèvement, récupération islamiste et jackpot militaire. On risque de finir dans cette case. Mais on risque aussi de capitaliser cette expérience, d'user de cette vigilance pour refuser le vol de l'élan, la dépossession malheureuse. Depuis 1990, il y a eu les crashs qui peuvent servir de leçons. Ces dernières semaines, les islamistes, jumeaux du régime, se sont fait discrets. Ils sont l'instrument rabatteur des foules vers la « sécurité » du régime et aujourd'hui ils ne servent pas à grand-chose. Ils attendent. Ils peuvent grimper sur nos dos, mais ils peuvent aussi échouer à le faire.

      Je marche, je chante un peu, je me sens à la fois si heureux, traversé de vagues presque insupportables de bonheur, mais je me sens aussi coupable, lâche : cette génération-là, sous mes yeux, a fait ce que la mienne, moi-même n'avons pas pu faire. C'est la génération Facebook, elle a eu Internet alors que la mienne n'avait aucun moyen de communiquer et de s'organiser, peut-être. Peut-être aussi à cause du doute, du désespoir devenus synonyme de lucidité. Mais le fait est là : c'est cette génération, entre Instagram et gel pour les cheveux, jeans troués et selfies, qui a fait le travail. C'est une puissance démographique, un refus de l'infanticide que ma génération a subi. Bouteflika est le cadavre entêté et encerclé d'une génération qui ne veut pas mourir. Ceux qui, à mes côtés, marchent et chantent en riant sont ceux qui veulent naître. Bouteflika et les siens prétextent avoir libéré ce pays et en gardent, depuis, la propriété. Ils refusent la transmission, la mort, la fin et se décomposent dans la maladie et la disgrâce. Etrangement, c'est en Suisse, où ils ont entamé les négociations d'Evian, qu'aujourd'hui ils se meurent en hurlant, muets, qu'ils ne veulent pas mourir. Une semaine après ce cri de plusieurs millions d'Algériens, la famille Bouteflika, leur clan avec le chef d'état-major et quelques larbins comme le ministre de l'Intérieur, le président du Conseil constitutionnel et le Premier ministre reviennent pour négocier un an de sursis. Dans une lettre du cabinet, on explique que le cadavre encerclé veut être réélu pour organiser… des élections sous peu. Insultant, risible, ridicule et preuve de cette agonie malodorante d'une génération. Les décolonisateurs en Afrique, mis à part Mandela, ont tous rêvé d'immortalité et l'ont confondue avec la décomposition lente.

      La rue, ici, en Algérie, leur répond par un corps joyeux, festif, exhibé, chantant. Des slogans et des banderoles aux trouvailles amusantes : « Oui-oui vous dit non-non », etc. Cette renaissance du corps algérien face au cadavre de Bouteflika n'est pas visible en Occident. L'actualité aime l'effet des images parlantes : d'un côté, les casques policiers, de l'autre, des manifestants hirsutes et, entre les deux, la fumée des lacrymogènes. Ce ne fut pas le cas à Alger et ailleurs. Ce fut une fête. Avec des images qui laissent sans voix par ce que j'ai appelé dans une chronique « le terrifiant retour de la beauté ». Cela fait soixante ans que l'on vit dans un hier permanent. Aujourd'hui, c'est la possibilité d'un demain.
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