Le politologue, expert du monde arabe, estime que les manifestations dans les rues algériennes risquent de prendre un tour plus radical si Bouteflika reste au pouvoir après la fin normale de son mandat, fin avril.
Alors que les Algériens continuent de manifester pour réclamer le départ d’Abdelaziz Bouteflika et des dirigeants actuels, le politologue Antoine Basbous, qui dirige l’Observatoire des pays arabes (OPA), s’exprime sur la suite du mouvement.
ANTOINE BASBOUS.La mobilisation a été encore plus forte que le 8 mars, qui était déjà un pic impressionnant. Les mesures annoncées par Bouteflika n’ont donc pas convaincu. L’opération enfumage n’a pas marché, le bluff a tourné court et le recyclage de la vieille garde n’a pas pris. Les trois piliers du pouvoir (Noureddine Bedoui, Ramtane Lamamra et Lakhdar Brahimi) qui s’exprimaient jeudi et se sont montrés à court d’arguments. Personne dans la majorité n’est venu à leur secours : ça ne va pas fort.
Que peut-il se passer maintenant, le mouvement doit-il déboucher sur une grève générale ?
Déboucher sur une grève générale ou une désobéissance civile serait assez grave. Mais je pense que si Bouteflika reste au pouvoir comme il entend le faire après le 28 avril, terme de son mandat, alors les choses s’envenimeront forcément. Au-delà de cette date, les choses peuvent s’envenimer.
Face au régime quelle figure pourrait incarner une alternative ?
C’est difficile car jusque-là le pouvoir n’avait pas donné à des forces politiques ou syndicales l’opportunité de s’organiser. Ainsi Sid Ahmed Ghozali, ancien Premier ministre, n’a jamais eu l’autorisation de créer son parti. Un autre ancien Premier ministre, le réformateur Ali Benflis, ne dispose pas d’un parti assez fort. Il y a cependant certains acteurs de la société civile, qui sont à la tête des syndicats de médecins, d’ingénieurs, de magistrats, ou d’architectes, et qui pourraient émerger. Dans un pays comme l’Algérie on ne peut pas faire complètement table rase : il faudra un panachage de gens neufs avec des personnalités qui ont eu une expérience de l’Etat sans pour autant avoir été mêlées à la corruption et aux aspects les plus sombres du régime.
Le régime peut-il encore parier sur l’essoufflement de la contestation tout en « achetant » la paix sociale ?
Cela a marché depuis 2011 mais plus maintenant. Le pouvoir disposait alors de quelque 300 milliards de dollars de réserves financières. Avec la chute du baril de pétrole, il ne dispose plus que de 75 milliards. Le régime n’a plus les moyens d’acheter la population, qui, par ailleurs, refuse maintenant de tendre la main. La dépréciation du dinar et l’inflation ont laminé le pouvoir d’achat des Algériens.
Les piliers du pouvoir sont-ils encore solides ?
Non. Les réseaux de ce qu’on appelait l’Etat profond, issus du Malg (NDLR : anciens services de renseignement du FLN), et du DRS (Département du renseignement.
Le Parisien
Alors que les Algériens continuent de manifester pour réclamer le départ d’Abdelaziz Bouteflika et des dirigeants actuels, le politologue Antoine Basbous, qui dirige l’Observatoire des pays arabes (OPA), s’exprime sur la suite du mouvement.
ANTOINE BASBOUS.La mobilisation a été encore plus forte que le 8 mars, qui était déjà un pic impressionnant. Les mesures annoncées par Bouteflika n’ont donc pas convaincu. L’opération enfumage n’a pas marché, le bluff a tourné court et le recyclage de la vieille garde n’a pas pris. Les trois piliers du pouvoir (Noureddine Bedoui, Ramtane Lamamra et Lakhdar Brahimi) qui s’exprimaient jeudi et se sont montrés à court d’arguments. Personne dans la majorité n’est venu à leur secours : ça ne va pas fort.
Que peut-il se passer maintenant, le mouvement doit-il déboucher sur une grève générale ?
Déboucher sur une grève générale ou une désobéissance civile serait assez grave. Mais je pense que si Bouteflika reste au pouvoir comme il entend le faire après le 28 avril, terme de son mandat, alors les choses s’envenimeront forcément. Au-delà de cette date, les choses peuvent s’envenimer.
Face au régime quelle figure pourrait incarner une alternative ?
C’est difficile car jusque-là le pouvoir n’avait pas donné à des forces politiques ou syndicales l’opportunité de s’organiser. Ainsi Sid Ahmed Ghozali, ancien Premier ministre, n’a jamais eu l’autorisation de créer son parti. Un autre ancien Premier ministre, le réformateur Ali Benflis, ne dispose pas d’un parti assez fort. Il y a cependant certains acteurs de la société civile, qui sont à la tête des syndicats de médecins, d’ingénieurs, de magistrats, ou d’architectes, et qui pourraient émerger. Dans un pays comme l’Algérie on ne peut pas faire complètement table rase : il faudra un panachage de gens neufs avec des personnalités qui ont eu une expérience de l’Etat sans pour autant avoir été mêlées à la corruption et aux aspects les plus sombres du régime.
Le régime peut-il encore parier sur l’essoufflement de la contestation tout en « achetant » la paix sociale ?
Cela a marché depuis 2011 mais plus maintenant. Le pouvoir disposait alors de quelque 300 milliards de dollars de réserves financières. Avec la chute du baril de pétrole, il ne dispose plus que de 75 milliards. Le régime n’a plus les moyens d’acheter la population, qui, par ailleurs, refuse maintenant de tendre la main. La dépréciation du dinar et l’inflation ont laminé le pouvoir d’achat des Algériens.
Les piliers du pouvoir sont-ils encore solides ?
Non. Les réseaux de ce qu’on appelait l’Etat profond, issus du Malg (NDLR : anciens services de renseignement du FLN), et du DRS (Département du renseignement.
Le Parisien
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