EXCLUSIF – Amar Saadani nous dit tout
Les Algériens manifestent depuis plus d’un mois pour exiger des changements politiques dans le pays. Quel est votre commentaire ? El Hirak, qui fait partie d’une situation générale dans le pays, a ses raisons et ses justifications. Le plus important est ses revendications. Je regrette que les soutiens et l’entourage du président de la République fassent preuve d’ingratitude alors qu’il a été à l’origine de la situation actuelle. Ils s’éloignent aujourd’hui du président alors qu’ils portent son burnous depuis vingt ans. Cela concerne plusieurs catégories d’entre eux.
Les Algériens sortis dans la rue réclamer le départ du régime, du président Bouteflika…
Le peuple a le droit de réclamer ce qu’il veut, mais on doit expliquer cela. Où sont donc passées les zaouia qui priaient pour le président pour qu’il guérisse et qu’il réussisse dans ses missions ? Ces zaouia ont eu des acquis, des locaux, de l’argent, des passeports…où sont-elles aujourd’hui ? Ne peuvent-elles pas parler et dire un mot juste à propos d’un homme âgé de 82 ans, malade, assis sur un fauteuil roulant, un président qu’elles soutenaient hier ? Où sont donc passés les imams qui, eux aussi, priaient dans les minbars des mosquées pour que le président retrouve sa santé et lui souhaitaient tout le bien du monde ? Pourquoi gardent-ils le silence aujourd’hui ? La religion leur impose d’être cléments avec un malade. Où sont les hauts responsables qui étaient chefs de gouvernement qui géraient les affaires du pays et qui dépensaient le budget de l’État ? Ils distribuaient de l’argent.
Qui distribuait l’argent le gouvernement ou le président ?
Les gouvernements, pas le président ! Le président ne gère pas l’argent. A la fin de l’année, le président signe la Loi de finances, adoptée par le Parlement, après proposition d’un projet par le gouvernement. Le même gouvernement est en charge des dépenses publiques.
Où sont donc passés les ministres, les directeurs, les ambassadeurs et tous ceux qui étaient couverts par le burnous du président ? Aujourd’hui, ils sont nus après avoir jeté le burnous. Ils se lavent les mains de choses qu’ils ont eux-mêmes commises, pas le président. J’en suis témoin. Ce même groupe, qui était une composante du pouvoir, dit que le régime doit chuter(…) Je dis aux activistes sur les réseaux sociaux, aux manifestants, aux chouyoukh de zaouia et aux imams : soyez indulgents avec ce vieil homme, demandez-lui la guérison et laissez-le partir tranquillement.
Vous avez insisté par le passé sur la construction d’un État civil, pourquoi ?
J’ai insisté, c’est vrai, pour la construction de cet État civil. Parce que l’État actuel ne l’est pas. Un État où la justice obéit à des ordres ne peut pas être reconnu comme tel. Le Premier ministre a été également directeur de cabinet (à la Présidence de la République). Tout passait par lui. Aujourd’hui qu’il n’est plus là (Ahmed Ouyahia), avez-vous vu des décisions émaner de la Présidence de la République depuis ? Posez-vous la question. Toutes les décisions, qui ont suscité les doutes des citoyens, sortaient sur ordre de l’État profond et de son représentant à la Présidence de la République.
Aussi, dois-je dire qu’on doit rendre justice au président pas pour son action uniquement, mais pour son âge aussi. Il était parmi les moujahidines qui ont libéré le pays. Il était ministre de la Jeunesse et des Sports, puis ministre des Affaires étrangères. Il sillonnait le monde au nom de l’Algérie. Personne ne peut le renier. Il a été président pendant vingt ans. Tout le monde sait, la presse comprise, que le peuple a voté pour lui en l’accueillant avec les roses.
Le président Bouteflika a, lui-même, annoncé son renoncement au projet du 5ème mandat. Il s’est adressé aux algériens par lettre.
Avez-vous des doutes par rapport à ses lettres ?
La seule lettre dont je ne doute pas est celle du 11 mars 2019 où il a annoncé qu’il ne s’est pas présenté pour un cinquième mandat et qu’il n’avait pas l’intention de se porter candidat. Sa candidature est venue de l’État profond.
Pourquoi ?
Pour que cet État profond continue de gérer le pays.
On sait que le président est malade depuis 2013. Il s’absente, puis revient. En 2014, j’étais parmi ceux qui avaient proposé la candidature du président parce qu’à l’époque un complot se préparait contre l’Algérie au lendemain du « Printemps arabe ». Des terroristes étaient massés au niveau des frontières pour entrer en Algérie. Je connaissais les bons rapports que le président avaient avec certains pays arabes et islamiques, qui avaient contribué au printemps arabe. Je voulais qu’il reste au pouvoir pour que le pays ne subisse pas le sort de la Libye ou de la Syrie.
A l’époque, nous avons soumis des propositions lors des consultations sur la Constitution menées par Abdelkader Bensalah, reprises ensuite par L’État profond avec la nomination d’Ahmed Ouyahia. Le FLN était le dernier parti à participer aux consultations. Nous avons proposé l’indépendance de la justice. Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) ne doit pas être présidé par le Chef de l’État qui n’a jamais assisté à ses réunions. Le CSM doit être dirigé par un magistrat élu par ses pairs. A lui revient la tâche de nommer les juges, de les muter, de les promouvoir ou de les sanctionner…
Qu’a-t-on fait de ces propositions ?
Ahmed Ouyahia a jeté ces propositions dans les tiroirs pour qu’il continue de gérer les affaires de l’État comme il l’entend. C’est Ouyahia qui a écrit les lettres (du président) avec son secrétaire. C’est lui qui se charge de l’envoi du parapheur et de son retour. Il décide comme il l’entend, nomme, met fin aux fonctions, fait la promotion. Ce n’est donc pas le président qui est responsable.
Quand le président a déclaré qu’il ne s’est pas porté candidat à l’élection, cela veut dire qu’il termine son mandat actuel pour partir après. Pourquoi donc, toutes ces revendications pour le président alors qu’il est malade ? Ils veulent qu’il sorte défait. Qui veut donc cela pour un vieil homme de 82 ans ? En tout, il ne reste qu’un mois pour lui.
Le président Bouteflika va-t-il partir à la fin de son mandat (le 28 avril 2019) ?
Après un mois, le président ne va pas refaire son mandat. Laissez-le donc terminer ce mois et partir après. Le rêve du président est d’inaugurer la grande Mosquée (d’Alger), y rester ne serait-ce qu’un instant.
Quelle analyse faites-vous du mouvement de contestation actuelle qui cible justement le président Bouteflika et le système qu’il représente ?
Ce mouvement est formé de trois groupes. Il y a un d’abord, le plus grand groupe qui est formé de la population refusant la vacuité actuelle à la Présidence de la République et le fait que l’Algérie soit sans direction, mis à part le commandement militaire. Ce vide a poussé les citoyens à exiger le changement pour mettre fin notamment aux crimes qui sont commis. C’est leur droit.
Le deuxième groupe est composé de partis qui veulent avoir des acquis. Vous avez vu comment les manifestants ont traité certains représentants de ces partis.
Les partis s’accrochent au hirak. Vous avez remarqué qu’au lendemain des marches du vendredi, ces partis (de l’opposition) se réunissent le samedi pour avancer des revendications. Représentent-ils le hirak ? Ils cherchent à cueillir les fruits de ce mouvement, mais le peuple en est conscient. Il y a un troisième groupe. Il s’agit des infiltrés.
C’est-à-dire ?
Il s’agit de personnes agitées par l’État profond qui cherchent à cibler des institutions de la République dans le but de se recycler. C’est là où réside le danger. Elles ciblent la Présidence de la République, le ministère de la Défense et le FLN. Dès que le chef d’état-major de l’ANP, le général de corps d’armée Ahmed Gaid Salah a pris la parole, ils ont commencé à crier en disant qu’il est contre les manifestants. Gaid Salah a pourtant dit que l’armée reste aux côtés de la population mais contre les infiltrés, les chargés de mission. Ils ont alors réagi en prétendant que Gaid Salah était contre le peuple.
Ils ont tellement fait des choses depuis 1992 (arrêt du processus électoral) ! Sans l’état-major de l’armée, le pays se serait effondré. Aujourd’hui, ils voudraient orienter les gens contre le premier responsable de cet état-major pour pouvoir pénétrer à l’intérieur de l’institution militaire. De grand pays étrangers y sont intéressés car le commandement ne va pas dans leur direction. A l’intérieur, ils sont nombreux. Ils dépendent de l’État profond parce qu’ils ont été écartés.
Après la présidentielle, ce centre va disparaitre et les partis et les associations reprendront leurs activités. Le centre de l’armée est, lui, permanent. Il doit être sauvegardé. Je conseille mes frères qui soutiennent le hirak dans la presse ou dans les réseaux sociaux d’être vigilants par rapport à ce danger mortel. Si ce groupe contrôle l’état-major, il n’y aura pas d’État démocratique, pas d’État civil, pas de justice indépendante. Nous allons revenir à 1992. Cela ne va ni dans l’intérêt des islamistes ni des démocrates. L’état-major ne doit pas être pris des mains des nationalistes.
Les Algériens manifestent depuis plus d’un mois pour exiger des changements politiques dans le pays. Quel est votre commentaire ? El Hirak, qui fait partie d’une situation générale dans le pays, a ses raisons et ses justifications. Le plus important est ses revendications. Je regrette que les soutiens et l’entourage du président de la République fassent preuve d’ingratitude alors qu’il a été à l’origine de la situation actuelle. Ils s’éloignent aujourd’hui du président alors qu’ils portent son burnous depuis vingt ans. Cela concerne plusieurs catégories d’entre eux.
Les Algériens sortis dans la rue réclamer le départ du régime, du président Bouteflika…
Le peuple a le droit de réclamer ce qu’il veut, mais on doit expliquer cela. Où sont donc passées les zaouia qui priaient pour le président pour qu’il guérisse et qu’il réussisse dans ses missions ? Ces zaouia ont eu des acquis, des locaux, de l’argent, des passeports…où sont-elles aujourd’hui ? Ne peuvent-elles pas parler et dire un mot juste à propos d’un homme âgé de 82 ans, malade, assis sur un fauteuil roulant, un président qu’elles soutenaient hier ? Où sont donc passés les imams qui, eux aussi, priaient dans les minbars des mosquées pour que le président retrouve sa santé et lui souhaitaient tout le bien du monde ? Pourquoi gardent-ils le silence aujourd’hui ? La religion leur impose d’être cléments avec un malade. Où sont les hauts responsables qui étaient chefs de gouvernement qui géraient les affaires du pays et qui dépensaient le budget de l’État ? Ils distribuaient de l’argent.
Qui distribuait l’argent le gouvernement ou le président ?
Les gouvernements, pas le président ! Le président ne gère pas l’argent. A la fin de l’année, le président signe la Loi de finances, adoptée par le Parlement, après proposition d’un projet par le gouvernement. Le même gouvernement est en charge des dépenses publiques.
Où sont donc passés les ministres, les directeurs, les ambassadeurs et tous ceux qui étaient couverts par le burnous du président ? Aujourd’hui, ils sont nus après avoir jeté le burnous. Ils se lavent les mains de choses qu’ils ont eux-mêmes commises, pas le président. J’en suis témoin. Ce même groupe, qui était une composante du pouvoir, dit que le régime doit chuter(…) Je dis aux activistes sur les réseaux sociaux, aux manifestants, aux chouyoukh de zaouia et aux imams : soyez indulgents avec ce vieil homme, demandez-lui la guérison et laissez-le partir tranquillement.
Vous avez insisté par le passé sur la construction d’un État civil, pourquoi ?
J’ai insisté, c’est vrai, pour la construction de cet État civil. Parce que l’État actuel ne l’est pas. Un État où la justice obéit à des ordres ne peut pas être reconnu comme tel. Le Premier ministre a été également directeur de cabinet (à la Présidence de la République). Tout passait par lui. Aujourd’hui qu’il n’est plus là (Ahmed Ouyahia), avez-vous vu des décisions émaner de la Présidence de la République depuis ? Posez-vous la question. Toutes les décisions, qui ont suscité les doutes des citoyens, sortaient sur ordre de l’État profond et de son représentant à la Présidence de la République.
Aussi, dois-je dire qu’on doit rendre justice au président pas pour son action uniquement, mais pour son âge aussi. Il était parmi les moujahidines qui ont libéré le pays. Il était ministre de la Jeunesse et des Sports, puis ministre des Affaires étrangères. Il sillonnait le monde au nom de l’Algérie. Personne ne peut le renier. Il a été président pendant vingt ans. Tout le monde sait, la presse comprise, que le peuple a voté pour lui en l’accueillant avec les roses.
Le président Bouteflika a, lui-même, annoncé son renoncement au projet du 5ème mandat. Il s’est adressé aux algériens par lettre.
Avez-vous des doutes par rapport à ses lettres ?
La seule lettre dont je ne doute pas est celle du 11 mars 2019 où il a annoncé qu’il ne s’est pas présenté pour un cinquième mandat et qu’il n’avait pas l’intention de se porter candidat. Sa candidature est venue de l’État profond.
Pourquoi ?
Pour que cet État profond continue de gérer le pays.
On sait que le président est malade depuis 2013. Il s’absente, puis revient. En 2014, j’étais parmi ceux qui avaient proposé la candidature du président parce qu’à l’époque un complot se préparait contre l’Algérie au lendemain du « Printemps arabe ». Des terroristes étaient massés au niveau des frontières pour entrer en Algérie. Je connaissais les bons rapports que le président avaient avec certains pays arabes et islamiques, qui avaient contribué au printemps arabe. Je voulais qu’il reste au pouvoir pour que le pays ne subisse pas le sort de la Libye ou de la Syrie.
A l’époque, nous avons soumis des propositions lors des consultations sur la Constitution menées par Abdelkader Bensalah, reprises ensuite par L’État profond avec la nomination d’Ahmed Ouyahia. Le FLN était le dernier parti à participer aux consultations. Nous avons proposé l’indépendance de la justice. Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) ne doit pas être présidé par le Chef de l’État qui n’a jamais assisté à ses réunions. Le CSM doit être dirigé par un magistrat élu par ses pairs. A lui revient la tâche de nommer les juges, de les muter, de les promouvoir ou de les sanctionner…
Qu’a-t-on fait de ces propositions ?
Ahmed Ouyahia a jeté ces propositions dans les tiroirs pour qu’il continue de gérer les affaires de l’État comme il l’entend. C’est Ouyahia qui a écrit les lettres (du président) avec son secrétaire. C’est lui qui se charge de l’envoi du parapheur et de son retour. Il décide comme il l’entend, nomme, met fin aux fonctions, fait la promotion. Ce n’est donc pas le président qui est responsable.
Quand le président a déclaré qu’il ne s’est pas porté candidat à l’élection, cela veut dire qu’il termine son mandat actuel pour partir après. Pourquoi donc, toutes ces revendications pour le président alors qu’il est malade ? Ils veulent qu’il sorte défait. Qui veut donc cela pour un vieil homme de 82 ans ? En tout, il ne reste qu’un mois pour lui.
Le président Bouteflika va-t-il partir à la fin de son mandat (le 28 avril 2019) ?
Après un mois, le président ne va pas refaire son mandat. Laissez-le donc terminer ce mois et partir après. Le rêve du président est d’inaugurer la grande Mosquée (d’Alger), y rester ne serait-ce qu’un instant.
Quelle analyse faites-vous du mouvement de contestation actuelle qui cible justement le président Bouteflika et le système qu’il représente ?
Ce mouvement est formé de trois groupes. Il y a un d’abord, le plus grand groupe qui est formé de la population refusant la vacuité actuelle à la Présidence de la République et le fait que l’Algérie soit sans direction, mis à part le commandement militaire. Ce vide a poussé les citoyens à exiger le changement pour mettre fin notamment aux crimes qui sont commis. C’est leur droit.
Le deuxième groupe est composé de partis qui veulent avoir des acquis. Vous avez vu comment les manifestants ont traité certains représentants de ces partis.
Les partis s’accrochent au hirak. Vous avez remarqué qu’au lendemain des marches du vendredi, ces partis (de l’opposition) se réunissent le samedi pour avancer des revendications. Représentent-ils le hirak ? Ils cherchent à cueillir les fruits de ce mouvement, mais le peuple en est conscient. Il y a un troisième groupe. Il s’agit des infiltrés.
C’est-à-dire ?
Il s’agit de personnes agitées par l’État profond qui cherchent à cibler des institutions de la République dans le but de se recycler. C’est là où réside le danger. Elles ciblent la Présidence de la République, le ministère de la Défense et le FLN. Dès que le chef d’état-major de l’ANP, le général de corps d’armée Ahmed Gaid Salah a pris la parole, ils ont commencé à crier en disant qu’il est contre les manifestants. Gaid Salah a pourtant dit que l’armée reste aux côtés de la population mais contre les infiltrés, les chargés de mission. Ils ont alors réagi en prétendant que Gaid Salah était contre le peuple.
Ils ont tellement fait des choses depuis 1992 (arrêt du processus électoral) ! Sans l’état-major de l’armée, le pays se serait effondré. Aujourd’hui, ils voudraient orienter les gens contre le premier responsable de cet état-major pour pouvoir pénétrer à l’intérieur de l’institution militaire. De grand pays étrangers y sont intéressés car le commandement ne va pas dans leur direction. A l’intérieur, ils sont nombreux. Ils dépendent de l’État profond parce qu’ils ont été écartés.
Après la présidentielle, ce centre va disparaitre et les partis et les associations reprendront leurs activités. Le centre de l’armée est, lui, permanent. Il doit être sauvegardé. Je conseille mes frères qui soutiennent le hirak dans la presse ou dans les réseaux sociaux d’être vigilants par rapport à ce danger mortel. Si ce groupe contrôle l’état-major, il n’y aura pas d’État démocratique, pas d’État civil, pas de justice indépendante. Nous allons revenir à 1992. Cela ne va ni dans l’intérêt des islamistes ni des démocrates. L’état-major ne doit pas être pris des mains des nationalistes.
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