Le pays connaît une importante crise politique depuis plus d’un mois, suite, entre autres, au report de l’élection présidentielle qui devait se tenir le 18 avril. Des manifestations hebdomadaires nationales d’une ampleur jamais connue depuis l’indépendance du pays, appuyées par des marches ou des sit-in des différentes corporations le reste de la semaine, avec pour mot d’ordre, unanime, d’abord, le refus du cinquième mandat, puis la prolongation du quatrième qui s’achève le 28 avril, ensuite la fin du régime et l’avènement d’une deuxième République, certains réclamant une Assemblée constituante. Grâce à son caractère pacifique, patriotique et démocratique, le mouvement citoyen a permis des avancées majeures dans la réalisation de ses revendications. Avec la proposition formulée par le général de corps d’Armée, Ahmed Gaïd Salah, de recourir à l’article 102 de la Constitution, qui prévoit le cas de l’«empêchement» du chef de l’État, la question est à présent entre les mains du Conseil constitutionnel, seule institution formellement habilitée à enclencher cette procédure qui permet au pays de renouer avec la légalité et d’assurer la continuité de l’État. Une telle démarche, qui consiste à passer rapidement à l’élection pour renouveler les institutions de la République, a été saluée par des formations politiques et des constitutionnalistes. Pour Fatiha Benabbou, par exemple, cela «signifie un consensus au sommet de l’État pour éviter une rupture». Ses arguments sont clairs : «Nous avons l’habitude de voir, en Algérie, les gens cooptés. Or la cooptation ne doit absolument pas être envisagée pour répondre aux aspirations légitimes de millions de personnes qui demandent l’émergence d’une représentation populaire. Jusqu’à preuve du contraire, le procédé le plus courant que l’on connaît de par le monde pour désigner une autorité politique légitime reste l’élection au suffrage universel. C’est la procédure la plus démocratique. La seule qui puisse permettre de dégager une personnalité, une autorité légitime. Seul le passage rapide à une élection démocratique permettra ensuite de renouveler les institutions.» Bien entendu, un tel argumentaire, s’il est accepté par une partie de l’opposition qui y voit une «grande partie de la solution qui devrait être accompagnée d’un effort politique», notamment en ce qui concerne l’institution d’une instance indépendante de surveillance des élections ou la composition d’un éventuel gouvernement de technocrates et de compétences nationales, il est rejeté, non sans un certain excès, par ceux qui chevauchent le mouvement citoyen, parlent désormais au nom du peuple et n’hésitent pas à «exiger» en son nom qu’ils soient les pilotes d’une transition aux contours bien obscurs. Pour ces derniers, le peuple les a déjà désignés comme ses représentants, sous prétexte qu’ils constituent de «nouveaux visages» et qu’ils n’ont jamais gouverné jusqu’à présent ! Triste discours en vérité que celui qui ne s’embarrasse nullement de la contradiction, celle d’affirmer de ne pas être le représentant du peuple, tout en martelant que «le peuple a exigé» ceci et cela ! Que les futures élections puissent se dérouler dans les meilleures conditions de transparence et de sécurité, que la volonté populaire ne soit jamais dévoyée, que la cooptation soit bannie quand il s’agit des institutions élues de la République, oui, ce sont des aspirations démocratiques qu’il faudrait prendre en charge de manière impérative par des mécanismes appropriés, à commencer peut-être par une structuration du mouvement citoyen en partis ou en associations, et le consensus nécessaire quant à l’encadrement de l’opération électorale par une stricte et réelle indépendance de la future instance de surveillance des élections. Éviter l’impasse au pays, ne pas prolonger la crise et la rendre plus complexe, avancer pour relever les défis qui nous attendent, c’est le devoir et la responsabilité de chaque citoyen et de toutes les forces qui veulent du bien pour le pays.
EL MOUDJAHID
EL MOUDJAHID
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