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Maud Fontenoy, l'exploit à contre-courant

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  • Maud Fontenoy, l'exploit à contre-courant

    Maud Fontenoy est un petit bout de bonne femme alors que c'est une grande aventurière. Cette navigatrice a terminé son périple en faisant le tour de l'hémisphère Sud à contre-courant, en franchissant, une ligne virtuelle au large de Saint-Denis de la Réunion, 150 jours 23 heures et 48 minutes après son départ et après moult péripéties.

    ===

    C'est bientôt fini. Du moins officiellement. Maud Fontenoy a bouclé son tour de l'hémisphère Sud. Elle est là sur le pont. De loin, son bateau, avec sa petite grand-voile attachée à la bôme en position verticale (elle a démâté il y a trois semaines) et sa trinquette à l'avant, ressemble à une felouque. Elle lève les deux bras au ciel et on a l'impression que ce geste, tant de fois répété par des milliers de sportifs, est ébauché pour la première fois, tant l'instant est solennel. À ses côtés le petit bateau trapu et orange de la SNSM et puis d'autres, venus à sa rencontre. Maud se tourne vers le nôtre, reconnaît à son tee-shirt et casquette rouges, le patron de L'Oréal à la Réunion, Jean-Louis Dupuis. Elle joint ses mains et se penche lentement en avant, une façon de lui dire « merci, grâce à vous, j'ai pu réaliser mon rêve ». L'instant est trop fort et Jean-Louis Dupuis, gorgé d'émotion, s'égosille en lançant dans le vent marin des « Merci, Maud » sans pouvoir s'arrêter. La jeune navigatrice (29 ans) redescend en cabine pour prendre une communication avec le commandant de La Boudeuse, l'escorteur de la marine nationale chargé de tracer la ligne virtuelle de l'arrivée. Elle ressort. Cette fois ça y est. C'est fait. Lentement Maud se dirige vers l'avant de son bateau, sans doute par souci esthétique, elle pense aux photographes, met un gant à sa main gauche et allume un fumigène de détresse rouge. Clic clac, le moment d'éternité est dans la boîte.

    Alors elle revient sur ses pas puis s'orientant de nouveau vers l'avant, s'agenouille et embrasse trois fois le pont de son bateau, L'Oréal Paris, avec qui elle a vécu cinq mois de solitude partagée. « Malgré toute la joie que j'éprouve de terminer ce tour du monde, nous confiait-elle par téléphone deux heures à peine avant le passage de la ligne, savoir que je vais quitter mon bateau est un moment très dur. » Depuis cinq mois, ce bateau d'homme, tout en aluminium, c'était celui de Jean-Luc Van den Heede, qui l'avait fait construire précisément pour un tour du monde à contre-courant, ce bateau rude et têtu, a pris vie. C'était la seule personne à qui parler. Oh bien sûr, il y avait bien les rendez-vous téléphoniques quotidiens avec « Maman » et Patrick Rabain, vice-pdg produits grand public de L'Oréal, attendu aujourd'hui sur place. « C'était très important, ces coups de téléphone, parce qu'ils me rattachaient à la terre par un fragile filin. Fragile parce que je savais très bien qu'en cas de coup dur, les secours mettraient au moins une quinzaine de jours pour arriver. Mais ce n'est pas à eux que je pouvais confier mes moments de désespoir. J'essayais surtout de leur remonter le moral, leur dire que tout allait bien. » Les moments difficiles, c'était pour son sponsor. Et elle en a connu depuis qu'elle est partie, Maud, des moments violents. « J'ai rencontré des grains, du gros temps, pratiquement tout le temps, explique Maud, et ça, ça n'était pas prévu. Je savais que j'allais naviguer souvent sur des mers formées, c'est la norme sur ces mers du Sud, mais pas dans cette proportion. Cela a été si dur, si contraignant pour le bateau et son accastillage, qu'un jour, au large de l'Australie, alors que la mer n'était pas spécialement méchante, le mât a cassé, le 10 février. Peu avant la tombée de la nuit. Et toutes les lumières du bateau se sont éteintes. » Alors Maud a eu peur, seule dans le noir, sur cette mer démontée avec son mât qui frappait la coque tel un bélier en furie. À ce moment-là, Maud a pensé à abandonner. La peur et la rage au ventre, intimement liées, ennemies inséparables. Et puis le jour est venu. Maud s'est employée à couper les cordages et la voile qui retenaient encore le mât. Puis à redresser la bôme, tendre une petite grand-voile et poursuivre. Pour finir. Une fois pour toutes. Car, affirme Maud, « je ne repartirai plus en solitaire. Je crois que je suis venue chercher quelque chose dans cette aventure et je pense que je l'ai trouvé. Maintenant, je veux m'occuper des autres ».

    En attendant, Maud se prépare à retrouver les hommes. Déjà, depuis quarante-huit heures, elle n'est plus toute seule, La Boudeuse est venue à ses côtés pour la protéger de toute mauvaise rencontre la nuit entre ce pauvre bateau défiguré, aveugle, et un cargo croisant dans les parages. « Près des îles, le trafic est beaucoup plus intense qu'en plein milieu de l'océan Indien. » Il n'en reste pas moins que ce moment « est très difficile, psychologiquement. C'est une très forte angoisse. J'ai pleuré pendant quarante-huit heures, en réalisant, tout d'un coup, que le voyage s'achève. Et avec lui le rêve, même s'il a souvent tourné en cauchemar ». Fini ces instants privilégiés où l'« on prend conscience, de la force de la volonté de l'homme, et en même temps, de sa fragilité ». Fini « ce cocon de solitude qui, certes, enferme, isole, mais d'une certaine façon protège ».

    « On a les nerfs à vif, parce que la peau, rincée de sel, elle aussi, est à vif. Alors, j'ai fait comme à chaque fois que j'avais une grosse chute de moral. Je me suis lavée avec des lingettes de bébé, j'ai mis de la crème hydratante, je me suis rasée les jambes et je me suis fait les ongles. » Pour avoir une belle image d'elle-même.

    Aujourd'hui, toute la Réunion se prépare à accueillir Maud Fontenoy. D'abord sur l'eau vers 10 heures (7 heures à Paris), puis à quai, une heure plus tard. Elle aura du mal à marcher, il lui faudra pourtant avancer, faire face à cette ferveur populaire, et puis satisfaire aux discours, interviews, réceptions. Maud le sait, et elle s'y est préparée. Aussi, hier, au bout de trois quarts d'heure, a-t-elle demandé au commandant du patrouilleur de passer un message sur le canal 7, celui sur lequel étaient branchés tous les bateaux venus accueillir Maud, pour qu'ils veuillent bien la laisser pour se préparer au grand bain... de foule.

    Après ses deux traversées de l'Atlantique, puis du Pacifique à la rame (2003 et 2005), et ce dernier périple, Maud Fontenoy va, comme elle l'a annoncé, écrire un livre, pour raconter tout ce qu'elle a vécu, ressenti, appris. Après la page pourra être tournée. N'a-t-elle parlé d'un bébé ?

    Par le Figaro

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