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Belaïd Abane.«La solution, c’est un électrochoc politique»

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  • Belaïd Abane.«La solution, c’est un électrochoc politique»

    Belaïd Abane. Ancien professeur des universités en médecine et politologue :
    HOCINE LAMRIBEN 31 MARS 2019
    Ancien professeur des universités en médecine et politologue, Belaïd Abane évoque, dans cet entretien, la force du mouvement populaire, met en garde contre l’entêtement du pouvoir et plaide en faveur d’une période de transition pour sortir de la crise.



    Quels enseignements tirez-vous de ce sixième vendredi de mobilisation ?

    Il était évident que le pays, avant le 6e vendredi de mobilisation, ne réclamait pas une solution technique, juridique ou constitutionnelle. Même si cette solution arrive, du reste, c’est déjà trop tard. C’est une sorte de patate chaude que le chef d’état-major a refilée au Conseil constitutionnel pour prendre date. La veille des manifestations, j’avais dit que ce qu’il faut pour le pays, ce que va réclamer la rue, c’est un véritable électrochoc politique.

    C’est-à-dire une solution politique qui fera apparaître le changement évident à tout le peuple du hirak. Il y a un désir de changement radical. Et j’ai pu confirmer cela à travers la marche. Le peuple réclame le départ de tout le système.

    Le mouvement de contestation a rejeté en bloc la proposition de Gaïd Salah relative à la destitution de Bouteflika pour des raisons médicales. Pensez-vous que le régime fera à nouveau des concessions ?

    Le véritable problème n’est pas entre les mains de Bouteflika en ce moment. Il est entre les mains des corps constitués, notamment l’armée, les services de sécurité qui sont dans une logique intenable, parce qu’ils sont liés au système Bouteflika. S’ils font tomber le système Bouteflika, ils tomberont aussi. C’est ça le véritable problème de Gaïd Salah, qui tient sa légitimité du chef de l’Etat qui l’a nommé. La suggestion de l’application de l’article 102 de la Constitution est destinée à prendre date.

    Ainsi probablement, dans l’histoire, peut-être, on ne lui reprochera pas d’avoir complètement négligé la solution de la vacance du pouvoir ou de la démission de Bouteflika. Mais, il est piégé. Si Bouteflika tombe, Gaïd Salah tombera par la force de la biologie et celle de ce mouvement populaire irrésistible qui va pratiquement balayer tout ce régime sur son passage.

    Si ce régime n’abdique pas, il y a un risque que le sang coule. Ou il prend le risque de s’entêter et de provoquer une effusion de sang, ou décide de s’en aller pour permettre l’ouverture d’une période de transition, qui ne débouchera pas forcément sur un paradis ensoleillé. Il y aura encore beaucoup de travail à faire.

    Face à la crise, certains partis de l’opposition réclament une période de transition, alors que d’autres suggèrent une Assemblée constituante. D’après vous, quelle serait la solution la plus pertinente ?

    Il n’y a pas de solutions idéales. Pour moi, la solution, c’est un électrochoc politique, c’est-à-dire l’émergence d’un directoire national de la transition, qui sera forcément composé de personnalités qui peuvent ne pas être totalement consensuelles, parce que nul n’est parfait.

    La politique, c’est l’art du possible. Il faut faire avec ce qui est possible. Le directoire national de la transition va prendre les choses en main, innover en matière de communication et de timing. La première des choses à faire consiste à définir la durée de la période de transition.

    Personnellement, je pense que cette période ne doit pas être courte, sinon ça sera le bâclage et on risque de retomber dans d’anciens problèmes. Donc, il faudrait une période de transition de deux ans, assortie de la formation d’un gouvernement de transition technocrate et l’élaboration d’une charte d’éthique politique à laquelle doivent souscrire tous les acteurs de la vie politique nationale, y compris les islamistes.

    Personnellement, je suis convaincu que les partis islamistes les plus en vue, notamment de Abassi Madani, de Ali Benhadj et de Abderrazak Makri, ont tous fait leur aggiornamento concernant la prise de pouvoir. Ils savent que maintenant il faut aller par des voies consensuelles. Ali Benhadj, qui était le plus idéologique, ne tient plus de discours idéologique, mais plutôt politique.

    Il a compris que la société algérienne doit se gouverner de manière consensuelle. Je pense qu’il est prêt à faire des concessions. Il restera juste Abdallah Djaballah, le seul qui a des certitudes absolutistes et renfermé dans une rhétorique binaire, qui risque de poser problème.

    Mais, s’il est encadré par d’autres chefs islamistes, on peut espérer aller de l’avant. S’agissant de la Constituante, elle risque de poser plus de problèmes que de solutions. La Constituante est difficile à monter et peut déséquilibrer complètement la société, comme cela s’est produit dans le passé.

    Après plus d’un mois de mobilisation, d’aucuns estiment qu’il est indispensable que le mouvement populaire se dote d’un organe représentatif, issu de la société civile pour éviter toute division. Partagez-vous cet avis ?

    Je ne désespère pas du mouvement populaire. C’est un peuple civilisé, citoyen et responsable. Pour la première fois, j’ai vu un peuple homogène où les constantes nationales ont été complètement évacuées.

    C’est cela la valeur de citoyenneté. Nous ne sommes pas des Arabes, des Kabyles, des Chaouis, des islamistes, etc. Nous sommes un peuple de citoyens et c’est cela qui va réunir les Algériens. Je suis persuadé qu’ils sortiront des partis politiques avec une vision très consensuelle et très porteuse d’avenir.

    C’est à ces partis politiques que l’on devra donner du temps durant la période de transition de deux ans pour qu’ils d’investissement et se fassent connaître et apprennent à faire de la politique.

    Certains me reprochent de ne pas avoir cité tous les jeunes leaders dans la direction nationale de transition. Je dis qu’ils ne peuvent pas être juges maintenant et devenir parties après, parce que ceux-là sont ceux qui vont concourir pour les présidentielles et les législatives. Ils sont la force vive politique de la nation.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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