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En Biélorussie, diriger une entreprise est un combat contre l'État

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  • En Biélorussie, diriger une entreprise est un combat contre l'État

    L'omniprésence de l'État étouffe l'économie de la Biélorussie qui perd sa compétitivité.

    La Hausse brutale du prix de l'énergie en début d'année n'en finit pas d'ébranler la « dernière dictature d'Europe », dixit Washington. Le premier vice-premier ministre, Vladimir Chemachko, a ainsi annoncé, le 7 février, envisager des privatisations. Une révolution pour cette économie dont la richesse (PIB) est aux trois quarts produite par le secteur public. Dans ce pays de 10 millions d'habitants dirigé d'une main de fer depuis douze ans par l'ancien chef de kolkhoze Alexandre Loukachenko, la « direction des affaires du président gère directement le commerce de l'alcool et du tabac, des hôtels, des parcs naturels, les ventes d'armes ou de sucre », note Jean-Charles Lallemand, un chercheur français spécialiste de la Biélorussie. Si des privatisations sont à l'ordre du jour, pour l'heure, être chef de petite entreprise en Biélorussie n'est pas une sinécure.

    Les rues du centre de Minsk, aux imposantes façades staliniennes repeintes, sillonnées de voitures allemandes et françaises, offrent une impression de prospérité. Mais boutiques et cafés y sont peu nombreux. « Et pour cause, explique Jaroslav Romantchouk, jeune économiste libéral, président du Centre de recherches stratégiques Mises, avant même d'investir, il faut obtenir cinquante signatures et attendre parfois un an et demi. » « Depuis 2002, le pouvoir s'en prend aux entrepreneurs individuels et le nombre d'entreprises privées a *baissé, renchérit Alexandre Potoupa, le président de l'Association des entrepreneurs biélorusses. Militant dans des organisations de défense des droits de l'homme, Alexandre Potoupa prône néanmoins le dialogue avec le pouvoir, ce qui vaut à son lobby patronal officiel de se faire parfois entendre des autorités. « Il y a 3 PME pour 1 000 habitants contre 45 dans l'Union européenne et 78 aux États-Unis », constate Potoupa.

    Employer dans sa famille


    Selon son adjoint, Grigori *Rilkov, le pays compte 190 000 entreprises dont 70 000 en liquidation. Assis devant une étagère encombrée de prospectus, Grigori Rilkov évoque ces innombrables mesures qui empoisonnent la vie des petits patrons. « Le 1er septembre devait être interdite la vente de poulet, d'oeufs et de conserves de poissons sur les marchés. Sans raison, raconte-t-il. Ces produits étaient moins chers sur les marchés que dans les magasins d'État. L'association des entrepreneurs a réussi à rejeter la mesure. » Mais l'oukase qui mobilise le plus les petits commerçants au point d'avoir provoqué des manifestations interdit à un entrepreneur individuel d'employer un salarié en dehors de sa famille proche. « Ce sont les grandes entreprises proches du pouvoir qui sont à l'origine de ces mesures, pour protéger leur marché », dénoncent plusieurs entrepreneurs sous couvert d'anonymat. « Quant au pouvoir, il lui est plus facile de racketter les grandes entreprises que d'innombrables petites », poursuit l'un d'eux. En Biélorussie, les grands patrons se montrent discrets. « Loukachenko leur dit de ne pas trop se montrer. S'ils veulent faire la fête, ils vont à Moscou », observe Jaroslav Romantchouk.

    Dans cet univers pesant, Mikhaïl Chourim fait figure de patron heureux. Ce physicien de formation a été contraint de travailler dans une entreprise de chauffage parce que l'« antisémi*tisme d'État », à l'époque soviétique, l'avait écarté de la carrière scientifique. Dès l'indépendance, « parce que je n'avais rien à perdre », Mikhaïl fonde une entreprise spécialisée dans la pose de canalisations de chauffage. Dans un pays aux infrastructures obsolètes, Teploseti, la firme de Mikhaïl Chourim, a un beau plan de charge potentiel : le marché de la rénovation du réseau de chauffage dépasse 15 milliards de dollars, assure-t-il dans son bureau de la périphérie de Minsk où trône le portrait du président.

    Chourim affiche un chiffre d'affaires de « 8 à 10 millions de dollars » et emploie 500 salariés. Parce qu'il réussit, l'État lui a demandé il y a trois ans de racheter... un kol*khoze, une ferme collective. Un conseiller du président lui a fait comprendre qu'en cas de refus les services d'inspection s'intéresseraient à ses affaires... L'élevage qu'il a acquis, à 130 km de Minsk, n'était pas rentable, « les employés buvaient et volaient comme dans tout kolkhoze ». Débordant d'idées et d'énergie, Mikhaïl Chourim a néanmoins pris à coeur ses nouvelles fonctions agricoles. Comme tous les patrons biélorusses, il déplore le coût élevé du crédit et rêve de partenaires étrangers. Lui qui a compris à la fin des années 1980, en visitant un kibboutz en Israël, que « le communisme est une chimère qui ne convient qu'aux médiocres », estime que « l'industrie biélorusse est entièrement à reconstruire, et qu'il faudra du temps pour que son pays passe au capitalisme ».

    Par Le Figaro
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