Les Algériens ont commencé à manifester en masse le 22 février dernier. Six semaines plus tard, une première victoire incontestable est acquise: le président Bouteflika se retire, sans conditions. La lutte du peuple se poursuit en vue d’un hypothétique mais très souhaitable changement complet des institutions. Quels effets sur les pays voisins auront ces victoires d’une population au civisme exemplaire contre une autocratie rouillée ? Sur l’un en particulier, le Maroc ?
Les relations entre les deux puissances maghrébines sont complexes et ambiguës. Le négatif de l’un peut se transformer en positif chez l’autre, dans un perpétuel mouvement dialectique. Et rien donc ne dit que la dynamique algérienne va enclencher un processus politique similaire au Maroc. Pourtant, il existe des précédents. La résistance d’Abdelkader dans les années 1830 et 1840, le début du nationalisme algérien dans l’entre-deux-guerres, la guerre d’indépendance, le tiers-mondisme de Boumediene, la décennie noire…
A chaque épisode de l’histoire algérienne correspond une réaction marocaine, faite d’un mélange d’influence, de sympathie et de distance. Rien n’indique qu’il n’en sera pas de même cette fois-ci. Bien que le Maroc soit dans une temporalité historique singulière, il a été bousculé en 2011 par le printemps arabe. Le 20 février fut l’avatar marocain d’une vague régionale. Du 20 février découla le discours royal du 9 mars, du discours la Constitution de juillet, de la Constitution, le gouvernement de novembre 2011. Le Maroc a vécu son printemps arabe dans une modalité bénigne. Assistera-t-on à un équivalent du même processus en réaction au soulèvement algérien ? Du 22 février algérien naîtra-t-il un nouveau 20 février marocain ?
Écartons dès l’abord les fausses similitudes, que des analystes rapides se plaisent à noter. Le régime marocain n’est pas une gérontocratie, et l’économie politique marocaine, bien que rentière, n’est pas mono-dépendante comme celle d’Alger. Bien que limitée, l’ouverture politique, sociale et culturelle au Maroc est réelle, et empêche donc l’accumulation des frustrations combinées. Un signe qui ne trompe pas est la différence des rythmes démographiques: alors que l’Algérie connaît depuis dix ans une “contre-transition” démographique, selon la formule de Youssef Courbage, reflétant sans doute une islamisation accélérée de la société et un recul de la condition féminine, le Maroc poursuit sa transition démographique, quoique sur un rythme plus lent.
Mais il y a, incontestablement, un épuisement des machines politiques marocaines, depuis 2016 au moins. Le Hirak, le boycott, les manifestations sectorielles, la reprise de l’émigration, l’essoufflement de la promesse politique des islamistes, l’incapacité des appareils partisans à se renouveler… tous les signaux sont au rouge concernant la gouvernabilité d’un pays en mal de véritable émergence économique.
Les têtes politiques du royaume sont faites de vieux fauves ou de quinquagénaires englués dans l’affairisme. Malgré la LGV, les centrales solaires, les festivals internationaux, la venue du pape… le Maroc semble ramer dans le vide. Lorsqu’on se penche sur le temps long du pays, les choses paraissent plus claires. La première décennie du règne de Mohammed VI vit un réel essor économique. La deuxième, qui se termine cet été, fut celle de la démocratisation, de l’échec du PAM et de l’épreuve islamiste. La troisième va commencer dans quelques mois, 1999, 2009, 2019… Un nouvel esprit doit souffler.
Telquel
Les relations entre les deux puissances maghrébines sont complexes et ambiguës. Le négatif de l’un peut se transformer en positif chez l’autre, dans un perpétuel mouvement dialectique. Et rien donc ne dit que la dynamique algérienne va enclencher un processus politique similaire au Maroc. Pourtant, il existe des précédents. La résistance d’Abdelkader dans les années 1830 et 1840, le début du nationalisme algérien dans l’entre-deux-guerres, la guerre d’indépendance, le tiers-mondisme de Boumediene, la décennie noire…
A chaque épisode de l’histoire algérienne correspond une réaction marocaine, faite d’un mélange d’influence, de sympathie et de distance. Rien n’indique qu’il n’en sera pas de même cette fois-ci. Bien que le Maroc soit dans une temporalité historique singulière, il a été bousculé en 2011 par le printemps arabe. Le 20 février fut l’avatar marocain d’une vague régionale. Du 20 février découla le discours royal du 9 mars, du discours la Constitution de juillet, de la Constitution, le gouvernement de novembre 2011. Le Maroc a vécu son printemps arabe dans une modalité bénigne. Assistera-t-on à un équivalent du même processus en réaction au soulèvement algérien ? Du 22 février algérien naîtra-t-il un nouveau 20 février marocain ?
Écartons dès l’abord les fausses similitudes, que des analystes rapides se plaisent à noter. Le régime marocain n’est pas une gérontocratie, et l’économie politique marocaine, bien que rentière, n’est pas mono-dépendante comme celle d’Alger. Bien que limitée, l’ouverture politique, sociale et culturelle au Maroc est réelle, et empêche donc l’accumulation des frustrations combinées. Un signe qui ne trompe pas est la différence des rythmes démographiques: alors que l’Algérie connaît depuis dix ans une “contre-transition” démographique, selon la formule de Youssef Courbage, reflétant sans doute une islamisation accélérée de la société et un recul de la condition féminine, le Maroc poursuit sa transition démographique, quoique sur un rythme plus lent.
Mais il y a, incontestablement, un épuisement des machines politiques marocaines, depuis 2016 au moins. Le Hirak, le boycott, les manifestations sectorielles, la reprise de l’émigration, l’essoufflement de la promesse politique des islamistes, l’incapacité des appareils partisans à se renouveler… tous les signaux sont au rouge concernant la gouvernabilité d’un pays en mal de véritable émergence économique.
Les têtes politiques du royaume sont faites de vieux fauves ou de quinquagénaires englués dans l’affairisme. Malgré la LGV, les centrales solaires, les festivals internationaux, la venue du pape… le Maroc semble ramer dans le vide. Lorsqu’on se penche sur le temps long du pays, les choses paraissent plus claires. La première décennie du règne de Mohammed VI vit un réel essor économique. La deuxième, qui se termine cet été, fut celle de la démocratisation, de l’échec du PAM et de l’épreuve islamiste. La troisième va commencer dans quelques mois, 1999, 2009, 2019… Un nouvel esprit doit souffler.
Telquel
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