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Mouvement de mobilisation pour le changement de système Révolution, saison 2

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  • Mouvement de mobilisation pour le changement de système Révolution, saison 2

    MUSTAPHA BENFODIL - EL WATAN




    Après sept vendredis de mobilisation historiques, on ne peut pas dire avec certitude que nous avons suffisamment de visibilité et de lisibilité pour les jours à venir, surtout depuis la chute de Bouteflika et l’amorce de la «saison 2» du mouvement «Silmiya». Désormais, il va falloir se pencher sérieusement sur les alternatives, sur les mécanismes pratiques de la transition et les personnes «physiques» qui devront la conduire. L’expérience nous a souvent démontré qu’il est plus facile de faire front «contre» que dans une dynamique de type « pour tel projet, telle personnalité…».

    Le 5 avril 2019 marquait le septième vendredi de mobilisation pour un changement radical et le premier sans Boutef. Si au bout de sept vendredis, le mouvement est définitivement installé dans le paysage urbain, social et politique et s’impose comme un acteur-clé avec lequel tous les prochains gouvernements devront désormais compter, toujours est-il qu’au chapitre des perspectives, il y a comme un flou qui s’épaissit, notamment sous l’angle de son organisation et de son mode de représentation pour que cette révolution ne nous soit pas «volée».

    Il faut reconnaître que dès le lendemain du 22 février, les propositions ont commencé à fuser de ci de là, pour anticiper précisément sur la question de «l’après-Boutef» et ne pas laisser le pouvoir décider à notre place de la marche à suivre. On le voit tous les jours : que ce soit à travers les nombreux débats citoyens organisés dans la rue, à Alger, à Oran, à Annaba, et dans de nombreuses autres places publiques, dans plusieurs villes ; que ce soit dans les campus, sur les réseaux sociaux ou à travers la presse et les plateaux de télévision, ce ne sont pas les idées qui manquent. Cela en devient même cacophonique et l’on a parfois du mal à tout suivre, tout digérer…

    Pour autant, on ne peut pas dire avec certitude que nous avons suffisamment de visibilité et de lisibilité pour les jours et les semaines à venir, surtout depuis la chute de Bouteflika et l’amorce de la «saison 2» du mouvement «Silmiya». C’est que désormais, après en avoir fini avec quelques-unes des têtes emblématiques du régime sur le mode «yetnahaw ga3», il va falloir sérieusement se pencher sur les alternatives, sur les mécanismes pratiques de la transition et les personnes «physiques» qui devront la conduire. Et là, le consensus est plus difficile à réaliser. Alors, certes, on peut continuer à penser «spontané», naviguer à vue, pour «ne pas réveiller les démons de la division», mais cela ne nous exonère pas de continuer à réfléchir et de capitaliser les propositions qui sont produites.

    L’article 7 VS l’article 102

    Après le grand consensus «à 99,99%» sur le départ du président Abdelaziz Bouteflika, le «référendum» populaire du dernier vendredi s’est clairement prononcé à propos des trois autres «B». Les Algériens ne veulent pas entendre parler des Bedoui, Bensalah et Belaïz dans le dispositif de transition. Et aux formalistes attachés à la stricte application de l’article 102, les manifestants ont brandi en masse l’article 7 pour dire que désormais, c’est le peuple, «source de tout pouvoir», qui décide.

    Ceci pour faire barrage à tous ces petits arrangements constitutionnels entre amis, qu’on serait tenté de nous imposer au nom d’un formalisme juridique complètement anachronique et caduc. La nouvelle situation révolutionnaire appelle des mesures révolutionnaires qui ne sauraient s’accommoder des anciennes figures du régime, point barre ! «On ne veut pas un gouvernement de transition avec les anciens visages», résume une des banderoles aperçues ce vendredi, à Alger. A noter aussi que l’un des chants les plus scandés disait : «Echaâb yourid yetnahaw ga3 !» (Le peuple veut qu’ils soient tous virés). Même Gaïd Salah n’a pas été épargné.

    Des manifestants ont brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : «La li hokm el askar» (Non au pouvoir militaire), les Algériens redoutant à juste titre la tentation d’un scénario à l’égyptienne, surtout après les actes de répression que nous avons constatés ces deniers jours. Si dans les manifs et sur les réseaux sociaux, le «yetnahaw ga3» s’est imposé comme le slogan le plus populaire et le plus partagé, nous sommes obligés de constater qu’il est le plus souvent convoqué dans un registre passionnel et, pour tout dire, irrationnel. L’expérience nous a souvent démontré qu’il est plus facile de faire front ensemble dans une dynamique de type «se positionner contre…» que dans une démarche de type «être pour tel projet, telle personnalité…».

    Peu de chants unanimes dans les manifs

    D’aucuns le font remarquer : ce qui fait la force de la Révolution du 22 février est l’absence de leadership, de toute coordination à même d’encadrer le mouvement populaire ; c’est ce qui constitue en même temps son talon d’Achille. Il suffit pour tout citoyen appelant de ses vœux le départ du système de descendre dans la rue le vendredi pour grossir les rangs des manifs. Visuellement, le résultat est épatant, avec ces photos aériennes vertigineuses d’un peuple surgissant comme un seul homme, vent debout contre la dictature.

    Si pour l’image, ce modèle a fonctionné d’une façon redoutablement efficace et a porté ses fruits au bout de six semaines, obligeant Boutef et sa fratrie à jeter l’éponge, on s’aperçoit que la tâche est moins aisée dès qu’il est question de s’entendre sur un contenu minimum pour remplacer le vide sidéral provoqué par le crash du système Bouteflika. L’un des effets visuels et sonores de l’absence d’encadrement est le sentiment d’éparpillement des marcheurs dès qu’il s’agit par exemple d’entonner un chant unitaire. Certes, le nombre y est, mais nous avons encore du mal à «chanter» (et donc «parler») d’une même voix.

    Chaque carré ou groupe de marcheurs donne de la voix en essayant de provoquer un effet d’entraînement mais ça suit rarement derrière, laissant par moments l’impression d’une grande marche silencieuse (ce qui, en soi, résonne très fort, au demeurant). Les seuls chants qui arrivent à être répercutés en masse, avec les vibrations telluriques d’un vraie communauté de destin faisant front contre l’arbitraire, restent encore ceux des «Ultras», les enfants des stades et leur formidable potentiel subversif : il y a eu d’abord «Makache el khamssa ya Bouteflika…» qui a eu un succès fou, et dans la foulée, la «Casa d’El Mouradia» a battu tous les records d’audience.

    Des pancartes aux contenus très élaborés

    Depuis vendredi dernier, c’est «Echaab yourid yetnahaw ga3 !» qui fait plus ou moins l’unanimité. Mais les slogans chers aux générations de militants un peu plus âgés du genre «Djazaïr horra dimocratia !», «Y en a marre de ce pouvoir !», etc. sont rarement repris par les «primo-manifestants». Encore une fois, ce qui fait le succès de ces vendredis de mobilisation, in fine, c’est d’abord l’image spectaculaire d’un peuple entier dehors, et c’est, en deuxième lieu, l’ingéniosité des pancartes brandies et le génie populaire qui les habite.

    Le 22 février, on s’en souvient, beaucoup de pancartes étaient confectionnées sur le tas, griffonnées sur des bouts de carton kraft, et les contenus étaient politiquement assez maigres, centrés pour la plupart sur le 5 barré. Il faut dire à la décharge de leurs auteurs que c’était après tout l’urgence du moment : faire échec au 5e mandat de la honte. Le 22 février, le chant dominant disait : «Bouteflika, ya el marroki, makache ohda khamssa !».
    La Réalité est la Perception, la Perception est Subjective
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