La rumeur peut se définir comme une information inexacte ou exagérée qui se déforme à mesure qu’elle est transmise de façon directe par le mode du bouche à oreille ou de façon indirecte, via un média informationnel (télévision, presse écrite…). Elle fait partie intégrante de notre quotidien et concerne chacun d’entre nous, alors même que nous prétendons aisément ne lui accorder aucun crédit et encore moins participer à sa transmission. Qu’elle amuse, intrigue, angoisse ou énerve, la rumeur est omniprésente. Par exemple, le fait de saisir le mot “rumeur” dans n’importe quel moteur de recherche sur internet donne lieu à près de 1,5 million de pages. Elle semble donc inhérente à l’existence de toutes les formes de communication et d’organisation sociale.
Mais en même temps, la rumeur est nuisible. Elle détruit des réputations et des carrières, colporte la terreur et donne une vision tout à fait erronée du monde social. Comment concevoir et comprendre alors un tel paradoxe ? Comment les êtres humains peuvent-ils se confondre dans une pratique qui les menace ? Pour répondre à cette question il faut distinguer deux éléments : d’une part, il s’agit de décrire le contenu classique de ces rumeurs et la particularité des contextes sociaux dans lesquels les rumeurs émergent ; d’autre part, il est nécessaire d’entrevoir l’hypothèse selon laquelle la rumeur remplit une fonction sociale. Si elle est envisagée du point de vue de son “utilité”, on comprend mieux son existence et sa robustesse. Mais quelle est cette utilité ?
Le contenu des rumeurs
En 1944, Robert H. Knapp entreprend la démarche de recenser le contenu de toutes les rumeurs existant dans la société américaine
À l’aide du Readers Digest, il invite les lecteurs à lui envoyer la liste de toutes les rumeurs qu’ils connaissent. Submergé par le courrier, il classe ces rumeurs selon les besoins émotionnels satisfaits. Il en ressort que sur plus d’un millier de rumeurs différentes recensées, plus de 66 % véhiculent des contenus liés à l’agression et à la haine entre les gens et entre les groupes sociaux, 25 % concernent des informations qui véhiculent la peur et l’angoisse et seulement 2 % renvoient à des désirs. Autrement dit, la quasi-totalité des rumeurs véhiculent des croyances négatives et anxiogènes. Le contenu des rumeurs est aujourd’hui tout à fait comparable au recensement effectué par Robert H. Knapp
Ces rumeurs peuvent concerner les objets du quotidien comme les timbres-tatouages pour les enfants imbibés au lsd ou les fours à micro-ondes “tueurs” au moment où leur commercialisation a débuté
Mais le meilleur exemple reste la rumeur dite d’Orléans. Selon cette légende, les cabines d’essayage de certains magasins de lingerie de la ville d’Orléans, tenus par des commerçants juifs, étaient en réalité des pièges dans lesquels des clientes sont tombées. Coincées dans ces cabines, elles étaient enlevées pour devenir les victimes d’un réseau de traite des blanches. Cette rumeur jamais démentie compte tenu de son énormité s’est développée pendant plus de 20 ans et s’est propagée à des dizaines d’autres villes de France. Dans cette rumeur on retrouve tous les éléments classiques : la peur, le mystère et des éléments évidents d’antisémitisme et de racisme
Ces rumeurs peuvent aussi concerner des personnes en vue dont la célébrité génère toutes sortes de fantasmes. Le plus souvent ces rumeurs sont également dramatiques ou colportent des informations calomnieuses. On y retrouve pêle-mêle des morts accidentelles, des meurtres cachés, des maladies subites, des affaires d’adultère ou encore des pratiques déviantes (pratiques sexuelles, alcoolisme, toxicomanie…).
Enfin, et c’est ce qui nous intéresse particulièrement ici, les rumeurs peuvent concerner des groupes de personnes. Là encore, elles se composent de croyances négatives, proportionnelles au degré d’anxiété ou de mystère que génèrent ces groupes. On peut distinguer deux catégories : celles qui concernent les groupes mystérieux dans leur composition et leur fonctionnement (les sectes, certains partis politiques dont l’organisation est occulte…) et celles qui concernent simplement les groupes stigmatisés du fait de leur faible pouvoir social, de leur statut minoritaire en nombre ou tout simplement de leur “différence” par rapport aux pratiques normatives. C’est le cas par exemple pour les homosexuels qui laisseraient des seringues remplies de sang porteur du hiv sur des sièges de cinéma afin que les spectateurs se piquent et soient contaminés. Et c’est bien entendu le cas des étrangers qui remplissent toutes les conditions propices à l’émergence de ces rumeurs : les étrangers sont par définition moins nombreux la plupart du temps, ils ont un pouvoir socioéconomique et politique faible, ils sont “visibles” au sens où on peut les identifier facilement et ils sont “différents”.
Mais en même temps, la rumeur est nuisible. Elle détruit des réputations et des carrières, colporte la terreur et donne une vision tout à fait erronée du monde social. Comment concevoir et comprendre alors un tel paradoxe ? Comment les êtres humains peuvent-ils se confondre dans une pratique qui les menace ? Pour répondre à cette question il faut distinguer deux éléments : d’une part, il s’agit de décrire le contenu classique de ces rumeurs et la particularité des contextes sociaux dans lesquels les rumeurs émergent ; d’autre part, il est nécessaire d’entrevoir l’hypothèse selon laquelle la rumeur remplit une fonction sociale. Si elle est envisagée du point de vue de son “utilité”, on comprend mieux son existence et sa robustesse. Mais quelle est cette utilité ?
Le contenu des rumeurs
En 1944, Robert H. Knapp entreprend la démarche de recenser le contenu de toutes les rumeurs existant dans la société américaine
À l’aide du Readers Digest, il invite les lecteurs à lui envoyer la liste de toutes les rumeurs qu’ils connaissent. Submergé par le courrier, il classe ces rumeurs selon les besoins émotionnels satisfaits. Il en ressort que sur plus d’un millier de rumeurs différentes recensées, plus de 66 % véhiculent des contenus liés à l’agression et à la haine entre les gens et entre les groupes sociaux, 25 % concernent des informations qui véhiculent la peur et l’angoisse et seulement 2 % renvoient à des désirs. Autrement dit, la quasi-totalité des rumeurs véhiculent des croyances négatives et anxiogènes. Le contenu des rumeurs est aujourd’hui tout à fait comparable au recensement effectué par Robert H. Knapp
Ces rumeurs peuvent concerner les objets du quotidien comme les timbres-tatouages pour les enfants imbibés au lsd ou les fours à micro-ondes “tueurs” au moment où leur commercialisation a débuté
Mais le meilleur exemple reste la rumeur dite d’Orléans. Selon cette légende, les cabines d’essayage de certains magasins de lingerie de la ville d’Orléans, tenus par des commerçants juifs, étaient en réalité des pièges dans lesquels des clientes sont tombées. Coincées dans ces cabines, elles étaient enlevées pour devenir les victimes d’un réseau de traite des blanches. Cette rumeur jamais démentie compte tenu de son énormité s’est développée pendant plus de 20 ans et s’est propagée à des dizaines d’autres villes de France. Dans cette rumeur on retrouve tous les éléments classiques : la peur, le mystère et des éléments évidents d’antisémitisme et de racisme
Ces rumeurs peuvent aussi concerner des personnes en vue dont la célébrité génère toutes sortes de fantasmes. Le plus souvent ces rumeurs sont également dramatiques ou colportent des informations calomnieuses. On y retrouve pêle-mêle des morts accidentelles, des meurtres cachés, des maladies subites, des affaires d’adultère ou encore des pratiques déviantes (pratiques sexuelles, alcoolisme, toxicomanie…).
Enfin, et c’est ce qui nous intéresse particulièrement ici, les rumeurs peuvent concerner des groupes de personnes. Là encore, elles se composent de croyances négatives, proportionnelles au degré d’anxiété ou de mystère que génèrent ces groupes. On peut distinguer deux catégories : celles qui concernent les groupes mystérieux dans leur composition et leur fonctionnement (les sectes, certains partis politiques dont l’organisation est occulte…) et celles qui concernent simplement les groupes stigmatisés du fait de leur faible pouvoir social, de leur statut minoritaire en nombre ou tout simplement de leur “différence” par rapport aux pratiques normatives. C’est le cas par exemple pour les homosexuels qui laisseraient des seringues remplies de sang porteur du hiv sur des sièges de cinéma afin que les spectateurs se piquent et soient contaminés. Et c’est bien entendu le cas des étrangers qui remplissent toutes les conditions propices à l’émergence de ces rumeurs : les étrangers sont par définition moins nombreux la plupart du temps, ils ont un pouvoir socioéconomique et politique faible, ils sont “visibles” au sens où on peut les identifier facilement et ils sont “différents”.
Commentaire