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Conference de said sadi a l’ummto - origines et sens d’une insurrection inattendue

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  • Conference de said sadi a l’ummto - origines et sens d’une insurrection inattendue

    INTRODUCTION

    Avant de commencer mon intervention je voudrais saluer les initiateurs de ces rencontre-débats qui renouent avec les traditions d’échanges dans ce lieu emblématique d’où tout est parti, où tout a commencé. C’est dans cette enceinte, en effet, qu’il a été décidé d’inviter un écrivain qui portait seul ses vérités au moment où les esprits, aspirés et conditionnés par un suivisme opportuniste, se complaisaient dans la démission ou la soumission, contrainte ou consentie, devant le pouvoir absolu.
    La conférence portait sur les « poèmes kabyles anciens ». Elle fut interdite; la suite est connue. Ce fut l’étincelle du brasier d’avril 80 qui ébranla, par le combat pacifique, un régime qui se croyait immuable et intemporel. Pour la première fois depuis l’indépendance, une irruption citoyenne allait ouvertement contester la pensée unique. Depuis, la faille des libertés n’a pas fini de s’étendre à d’autres régions, d’autres secteurs et de s’élargir. La singularité d’avril 80 est essentielle à comprendre dans la mesure où le mouvement ne visait pas à une prise de pouvoir directe mais, d’abord, à une transformation sociale qui devrait amener les réformes démocratiques restituant le pouvoir au peuple. En cela, le printemps amazigh parle à une actualité que nous devons savoir décrypter pour lui assurer la meilleure issue possible.

    L’ECHEC DE L’ETAT-NATION

    La graine d’avril 80 a fait éclore les nouvelles formes de luttes qui animent les revendications historiques d’aujourd’hui.
    On peut, je crois, assimiler l’exaspération soulevée par l’interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri à l’humiliation provoquée par l’annonce d’un cinquième mandat destiné à introniser un cadre. Ce sont deux outrages qui étaient à la fois des signes de l’arrogance d’un système qui se croit tout permis et des catalyseurs d’une colère accumulée pendant des années.
    Mais au delà des évènements déclenchants, les origines profondes de ces deux séquences, celle d’avril 80 comme celle de février 2019, symétriques à maints égards, soulèvent des questionnements bien plus importants. L’un de ces questionnements, et non des moindres, est l’échec de l’Etat nation. Le vrai problème qui handicape le pays depuis toujours, et qui nous est reposé de façon cruciale de nos jours, est l’inadéquation entre l’Etat et la société.
    Voulant prouver qu’ils étaient en mesure de réaliser ce qu’ont fait ceux qui les ont opprimés, les responsables qui ont pris le pouvoir par la force en 1962 ont cédé au mimétisme institutionnel. En fait, l’architecture administrative algérienne a été plus dictée par le complexe du colonisé, soucieux de ressembler au maître, que par la nécessité de créer un Etat selon l’histoire, le vécu et les besoins des populations. Ces dirigeants, peu formés politiquement et animés par une frustration vengeresse, n’ont même pas vu que le modèle français qui leur apparaissait comme un idéal étatique indépassable était une exception dans le monde. Il est important de bien comprendre cette faille originelle pour sortir dans les meilleurs termes et délais de l’impasse que nous vivons.
    Je pense, mais ce n’est là qu’un avis personnel, que le seul cadre politico-administratif cohérent et efficient qu’ait connu l’Algérie contemporaine fut celui qui a été élaboré par le congrès de la Soummam en aout 1956. Le découpage territorial qui s’appuie sur les grandes régions naturelles du pays fut remarquablement opérationnel en temps de guerre. Je livre ici les réflexions qui se sont imposées à moi en prison en 1986 quand je rédigeais le livre « L’échec recommencé ? »
    « La Kabylie qui deviendra la wilaya III sera reconnue comme zone à part entière…de la même façon que la wilaya I recouvrait les Aurès… La préservation des espaces naturels a incontestablement été un ressort militaro-politique déterminant de la lutte du FLN-ALN. L’autonomie de gestion, la tradition de communication millénaire qu’il suffisait de solliciter pour des tâches nouvelles, la solidarité populaire si vitale dans la guérilla furent des acquis décisifs pour la victoire du peuple algérien…»

    Cette analyse sera confirmée par Ben Tobbal qui a été un acteur important pendant la guerre. Il m’a été donné de rappeler publiquement et à plusieurs reprises ce qu’il m’a dit sur ce sujet. Il n’hésitait pas à affirmer que la proclamation du premier novembre aurait pu rester lettre morte s’il n’y avait pas eu cette réunion avec les recommandations organiques et politiques qui y ont été arrêtées.
    Bien évidemment, ces enseignements ne veulent pas dire que tout ce qui a été décidé à la Soummam doit être reproduit tel quel aujourd’hui. Ce rappel vise simplement à dire que quand la réflexion politique n’est pas soumise à des considérations claniques, quand seul l’intérêt général anime la pensée, la décision qui en découle est généralement plus adaptée aux problèmes posés.

    On peut donc affirmer que si les insurrections d’avril 80 et celle de 2019 étaient inattendues, elles n’étaient pas imprévisibles. Dans les deux situations, le soulèvement est dû à l’incapacité des pouvoirs publics d’entendre et de prendre en charge la question de la citoyenneté. L’Etat n’a pas vocation à contrôler et encore moins à soumettre le peuple. Sa mission première est de favoriser l’éclosion du génie propre des communautés nationales. C’est pour cela que, tôt ou tard, ce qui s’est manifesté en Kabylie en 1980 devait advenir sur l’ensemble du territoire algérien.

    La vraie surprise vient des méthodes utilisées pour enclencher ces deux mouvements de libération, car l’enjeu est bien celui là : libérer la nation d’un maillage administratif artificiel et coercitif en lui offrant les cadres qui peuvent garantir son émancipation et son harmonie.
    Il faut, en effet, se remémorer que le combat pacifique était inconnu dans des traditions politiques nationales marquées par les rapports de force violents et les cooptations occultes. Le pluralisme a, de tout temps, été assimilé à la division ou à l’anarchie ; de même qu’actuellement, le changement radical est compris comme un appel à l’aventurisme. Il suffit de relire la littérature du mouvement national lors de la crise de 1949 pour savoir comment était appréhendée la demande de libre expression.
    Il y a, d’ailleurs, une grande similitude dans les arguments qui nous étaient opposés en 1980 par le régime de l’époque et ceux qui sont avancés aujourd’hui pour tenter de réduire ou de détourner l’insurrection citoyenne en cours.
    En 1980, on nous disait que le mort du parti unique signifiait la fin de la stabilité et de la cohésion nationales. Les mêmes sources expliquent maintenant que rien ne peut se faire sans l’armée. Ces forces du conservatisme assurent aussi que le dépassement de la forme de l’Etat actuel équivaudrait à la dissolution de la collectivité nationale. Ce n’est pas la première fois dans notre Histoire que des élites courent derrière les idées ou les actions libératrices des citoyens.
    Malgré les millions d’Algériens qui en appellent au changement radical, les laborieuses réponses des dirigeants attestent d’une incapacité à saisir la nature et la profondeur de la revendication exprimée unanimement et dans tout le pays depuis le 22 février.
    A entendre les tenants du pouvoir, nous serions devant un simple malentendu, une erreur de casting qui peut être corrigée par une rotation de figures ou quelques mesures cosmétiques prises dans le cadre du carcan qui a étouffé la société algérienne depuis l’indépendance.
    En vérité, la nation est dans la rue. Elle assume sa diversité, sa tolérance, sa modernité et sa solidarité. Ce potentiel vertueux n’a jamais trouvé ses déclinaisons dans les institutions fabriquées en 1962.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    ECUEILS IMMEDIATS

    Combien de dirigeants ou d’acteurs politiques sont en mesure de comprendre les mutations qu’appellent la crise actuelle ?.. Bien peu. La mentalité FLN, rudimentaire et stérilisante, structure la pensée bien au delà des cercles officiels. Il suffit d’entendre les cris d’orfraie lancés par des individus affichant une distance ostentatoire par rapport au régime quand est évoquée l’hypothèse d’un système fédéral ou l’idée d’un Etat régionalisé.

    La cécité politique qui interdit la prospective et l’audace n’est pas le propre des affidés du pouvoir. Des acteurs revendiquant le changement appellent à l’avènement de la deuxième république, ce qui laisse sous-entendre que nous aurions connu une première république.
    Quelle fut donc cette première république ? Comment a-t-elle été structurée ? Autour de quelles valeurs et pour quels objectifs le système qui a sévi depuis 1962 a-t-il été organisé ?...
    Une succession de coups d’Etat, des fraudes endémiques et une corruption institutionnalisée fondent-elles une Répubique ? Assurément non. L’Algérie a inauguré son indépendance avec un coup de force contre le GPRA. Il fut immédiatement suivi par « une constitution prostituée dans un cinéma », pour reprendre l’expression de Ferhat Abbas. Après le putsch de 1965, ce fut un « conseil de la révolution » qui ne s’est jamais réuni qui a fait office de cadre législatif. Par la suite, une charte nationale a décrété un encasernement idéologique général composé de jacobinisme, de léninisme et d’islamisme. Il y a eu une constitution en 1976 taillé sur mesure pour un homme décidé, lui aussi, à mourir au pouvoir. Petit à petit, le pays a subi des coteries tribales puis familiales, expressions les plus dégradées de l’organisation étatique.
    Non ! Nous n’avons pas connu de première république et le challenge de l’heure, ce à quoi invite la miraculeuse insurrection citoyenne de 2019, c’est la mise en place des fondations de LA république.

    Comment sortir d’un système archaïque et aller vers un ordre politique adapté aux réalités nationales et performant dans le monde moderne ?

    Pour bien conduire un combat, il convient d’abord d’évaluer correctement les lieux afin de se prémunir des effets mutilants des tabous, mécanismes alimentant et amplifiant l’autocensure, et éviter les fausses solutions. Cela veut dire que nous devons lire rationnellement le fonctionnement des institutions depuis l’indépendance et, ensuite, bien entendre l’appel du peuple.
    On l’a déjà dit, le système politique algérien a été construit par la violence et dans l’opacité. Il a été régenté par une oligarchie militaro-policière budgétivore et socialement sclérosante. D’où une première évidence : il est impératif de libérer la vie publique de l ‘emprise militaire. Il y a une tendance à la soumission politique et intellectuelle qui inhibe la pensée de bon nombre d’acteurs qui se persuadent que la sortie de crise, c’est à dire la conduite de la phase de transition, doit passer par la surveillance, l’arbitrage ou le contrôle de l’armée ; au motif que cette institution est la colonne vertébrale de l’Etat. Or, c’est bien cette tutelle qui pose problème. L’armée algérienne n’est pas compétente pour accompagner une transition démocratique. D’une part, son commandement politique est toujours accaparé par des officiers sortis du rang avec pour bagage un populisme rétif à toute idée d’adaptation républicaine. Les rares cadres qui ont tenté d’introduire des pratiques encourageant des discussions et des études innovantes ont été systématiquement confinés dans des fonctions supplétives avant d’être éliminés. D’autre part, cette institution, qui s’est confondue avec l’armée des frontières dès 1962, a été conçue comme un instrument de prise de pouvoir. L’approche qui consiste à vouloir faire jouer à l’ANP un rôle pour lequel elle n’est pas qualifiée peut mener à un autre plongeon dans l’abîme. Fatal, celui là.
    Les moyens qui ont permis de faire vivre un système militaire autoritaire et improductif n’existent plus. La seule colonne vertébrale qui garantit la stabilité institutionnelle et la pérennité démocratique s’appelle la volonté citoyenne.

    Et la volonté citoyenne ne peut atteindre sa plénitude que si la femme, cette moitié du peuple, est enfin réhabilitée dans ses droits. La qualité et la permanence de la mobilisation populaire à laquelle nous assistons doit beaucoup à la participation de la femme algérienne. Les ennemis de la nation harmonieuse ne se priveront pas de tenter de dissuader la présence féminine dans la lutte d’aujourd’hui et la construction de demain. Les attaques seront insistantes, coordonnées et récurrentes. Les premières souillures, certes marginales, apparues dans les manifestations ont ciblé des femmes. Des menaces virulentes ont été proférées à partir de Londres. La police a commis l’indicible contre de jeunes militantes. La plus grande erreur serait de sous estimer la portée de ces alertes. C’est aussi la place égalitaire de la femme qui décidera de l’issue de notre révolution.
    Dernier obstacle important à identifier et à surmonter : le déni de l’altérité, pour l’instant remarquablement observée dans la rue. Pendant plusieurs semaines, l’ emblème amazigh a côtoyé, sans problème aucun, le drapeau national. Jusqu’à ces derniers jours où quelques nervis ont essayé, sans succès, de faire disparaître le symbole du socle amazigh de l’Afrique du Nord et qui flotte désormais de la Libye aux bords de l’Atlantique. Cela reste à confirmer, mais il semble que ces actes ont été commandité par des cercles proches de l’armée. Si l’information venait à se vérifier, elle ne ferait que confirmer l’incompatibilité militaire avec la perspective de l’Algérie nouvelle.

    LA TRANSITION : SOCLE D’UN DESTIN

    L’appel du peuple est simple : « Système dégage ».
    Et si le dégagisme n’est pas une solution; en la circonstance, il en est le postulat.
    Les artifices politico-administratifs imposés par la force depuis l’indépendance sont obsolètes. L’Etat algérien, on vient de le rappeler brièvement, n’est qu’une médiocre copie du modèle institutionnel français.
    C’est à la naissance d’un nouvel ordre constitutionnel que nous sommes appelés. Une fois ce constat élémentaire, mais fondamental, admis, on peut engager la réflexion sur les durées, les méthodes, les structures, le contenu et les objectifs de la transition.

    Tout le monde admet que la phase de transition doit être aussi courte que possible. Ce soucis, légitime, ne doit, cependant, pas évacuer l’importance qualitative de cette période dont tout dépend. Toute précipitation peut engendrer des effets pervers dont le pays peut faire l’économie pour peu que les démarches soient à la hauteur des exigences de l’heure.
    Les futures autorités algériennes devront pouvoir exercer leur mandat sur des bases solides et clairement édictées en amont des processus électoraux. Il ne faut rien laisser au hasard ou à l’interprétation car les chantiers sont nombreux et complexes. Pour asseoir sa survie, le régime a placé des bombes à retardement dont la planche à billet n’est pas le moindre des problèmes. Le moment de félicité qui traverse la nation doit être utilisé au mieux pour que les fondations du nouvel Etat soient valides et légitimes. C’est la seule manière de faire admettre au peuple les difficultés sociales qui ne manqueront pas de surgir d’ici à peine un an et demi.
    Eu égard à cette situation, la phase de transition doit être pensée comme la clé de voute de l’Algérie future. Concrètement, cela veut dire que les acteurs politiques les plus avisés, les groupes sociaux les plus crédibles doivent être activement mobilisés pendant toute cette période pour poser en termes lisibles par tous les principes généraux qui détermineront la vie de la nation démocratique .
    Il y a donc lieu de prendre le temps qu’il faut pour débattre afin que tout un chacun entende et comprenne ce dont est signifiant le soulèvement citoyen et ce qu’il implique pour notre destin immédiat. Des débats publics, pour l’instant limités, s’organsinent ici et là. Il faut les multiplier sans tabous ni invectives. Sans forcément rentrer dans les détails, il est possible de définir et de valider par la vox populi les fondamentaux démocratiques qui doivent être posés et admis comme des règles auxquelles personne ne peut déroger. Cela prendra le temps qu’il faudra mais nous ne pouvons pas enjamber ces minima sur lesquels se sont construites toutes les nations prospères et durables.
    Il ne faut pas oublier qu’il y a seulement une génération, la société qui force l’admiration du monde aujourd’hui a produit en son sein des actes d’une terrifiante barbarie. L’Algérie ne survivrait pas aux slogans mystificateurs qui prétendent gérer le pays par des approximations conceptuelles populistes, des non-dits, des raccourcis ou des malentendus.
    Si cette base est actée comme une référence imprescriptible de l’organisation de la cité, le suite peut être envisagée avec plus de facilité. Il faudra de la persuasion, de la pédagogie et, au besoin, de la fermeté. Nul ne doit pouvoir prétendre concourir à une élection démocratique s’il ne se soumet pas aux règles universelles de la démocratie.
    Pour le reste, les propositions de l’opposition se recoupent sur le fond. Présidence collégiale, gouvernement de transition, commission indépendante d’organisation des élections…font consensus. De plus, et mis à part le régime qui veut court-circuiter la révolution par une élection présidentielle à la hussarde, les acteurs les plus crédibles conviennent que l’élection législative devant aboutir à l’assemblée qui élaborera une nouvelle constitution doit être le premier scrutin de l’Algérie nouvelle. C’est le parlement, démocratiquement élu, qui aura à définir puis adopter la nature du régime qui sied le mieux au pays : présidentiel, parlementaire…
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

    Commentaire


    • #3
      L’essentiel, et on ne le répétera jamais assez, étant que les préalables démocratiques soient clairement et solennellement prescrits en tant que postulats inviolables. On entend des intervenants avancer le principe de la constituante comme l’alpha et l’oméga de l’impasse actuelle. Il faut se souvenir que l’Algérie a eu sa constituante au lendemain de l’indépendance. Mais d’avoir esquivé les règles qui fondent la vie démocratique, d’avoir rusé avec un « spécifisme » algérien censé se substituer à la norme législative rationnelle n’a empêché ni les abus ni l’instabilité constitutionnelle.

      Demeure la dimension organisationnelle du mouvement. Dans un premier temps, la disparité des sources d’appels et d’information était inévitable et même nécessaire. Les limites des tentatives de neutralisation ou de manipulations, qu’elles émanent de l’armée ou de ses affidés, exigent désormais des lieux de débat mieux organisés et des sites d’émission de mots d’ordre connus de tous car il faudra que le mouvement perdure jusqu’à la fin de la phase de transition. Une première approche pourrait consister à organiser des rencontres locales puis régionales pour dégager des référents dont la mission sera, non de décider ou de représenter quiconque, mais de consigner et de transmettre les propositions émanant de la base lors des débats populaires. La synthèse des idées émises dans ces agora servira d’offre politique définissant les grandes lignes et les agendas sur lesquels doit s’organiser la transition. L’essentiel est que le mouvement garde toujours l’initiative. Outre qu’elle construit une dynamique politique alternative qui fait encore défaut, cette procédure présente l’avantage de régler les sempiternelles questions de leadership dès lors que l’on met au devant, non pas des noms de postulants à la direction, mais du contenu politique comme solution face à la paralysie d’un pouvoir sans perspectives. Il est maintenant temps de faire entrer le souffle citoyen dans l’action politique.
      Les ambitions, qui peuvent être légitimes, devront se manifester après la transition quand le citoyen sera investi de la mission dont il n’aurait jamais du être dessaisi : celle d’arbitre unique et exclusif de la vie publique.

      CONCLUSION

      Nous devons être lucides sur la nature démocratique et universelle du mouvement qui a éclos le 22 février. Pour en avoir la compréhension la plus fine, la plus grande vigilance est de mise. ll nous faut savoir repérer et décoder ce que cette insurrection appelle comme projet constitutionnel. La solution n’est pas dans les résidus d’un attelage institutionnel condamné autant par son bilan que par les conditions mêmes de sa naissance.
      Nous avons dévoyé un combat généreux en 1962. Malgré cela nous avons créé un lien civique avec nos concitoyens en 1980, ce qui a acculé le pouvoir à libérer des détenus politiques, alors même qu’il en niait l’existence. Nous avons dévoyé la révolte de 1988 en polluant le pluralisme naissant par une inflation de partis visant à décrédibiliser l’idée même de démocratie. Nous aurions pu sortir de l’Histoire en 1992. Nous avons assisté à l’exécution en direct d’un homme d’Etat qui n’avait d’autre ambition que retisser les fils d’une Histoire confisquée. Nous avons survécu à une maffia qui a dilapidé plus de 1000 milliards de dollars sans le moindre contrôle.
      Puis arrive ce phénomène que même nous, Algériens, voyons comme un mirage, tant il était inattendu. Notre jeunesse, privée de culture, de loisirs, livrée à un système éducatif aliénant, soumise à une désinformation sectaire et xénophobe se lève au moment où personne ne l’attendait. Elle émerveille le monde par son ouverture d’esprit, sa générosité, sa mixité et son humour. Notre défi est à la fois simple et vital : transformer un mirage en miracle.
      Quand les Américains, dépassant un racisme qui a hanté leur Histoire, ont élu un Noir, ils ont dit : yes, we can. Aujourd’hui, nos enfants, les femmes algériennes sans lesquelles ce mouvement n’aurait pas connu la crédibilité et le succès qu’on lui connait et même nos voisins immédiats nous invitent à dire : we’ll do it.

      Said SADI

      Tizi Ouzou le 18 avril 2019
      The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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