Algérie : éclosion ou implosion ?
elwatan.com
DJAMEL ZENATI 02 MAI 2019 À 9 H 32 MIN
L’Algérie traverse une séquence historique décisive. Elle peut évoluer vers le meilleur comme vers le pire. Au moment où la mobilisation citoyenne atteint des sommets, les manœuvres se multiplient. Les acteurs de l’ombre rivalisent d’ingéniosité afin de rendre illisible la situation. Poussé dans ses derniers retranchements, le système tente le tout pour le tout et ne recule devant rien.
Retournements spectaculaires, intimidations et répression, rumeurs et désinformation, théorie du complot… ; bref, tout est mobilisé pour égarer l’opinion. Et au final, seuls les dupeurs sont dupés. Car après les manigances et autres ignominies de la semaine, vient le vendredi pour tout effacer et restituer à la problématique politique son sens réel.
La rue n’entend pas s’inviter ni servir d’arbitre dans les brouilles claniques d’un establishment en folie. Comme elle refuse de se faire voler ses colères et ses espoirs.
Cependant, il y a de l’enseignement dans les sorties tonitruantes du chef d’état-major. C’est l’avantage de la clarification.
Par son ampleur et la puissance de ses effets, la mobilisation populaire a provoqué la paralysie totale du pouvoir apparent. Président intérimaire absent, gouvernement en quarantaine, Parlement à l’arrêt, walis reclus.
Cela a contraint le pouvoir réel à sortir de sa tanière. Le système ne tient que par la grâce de l’armée. L’évolution future du pays dépend désormais du comportement de l’institution militaire. Et à ce titre, sa responsabilité est entièrement engagée.
L’ÉCHAFAUDAGE PÉRILLEUX
Le mal algérien ne se réduit pas aux agissements néfastes d’une «issaba» ou d’une bande de pilleurs. Le conflit oppose la société toute entière au système autoritaire dans sa globalité.
L’ordre politique en place et le personnel aux commandes ont atteint un seuil de délabrement et de dépravation tel que l’idée même de transition démocratique est inconcevable sous la légalité autoritaire en vigueur.
L’option imposée par le chef d’état-major entraîne progressivement le pays vers l’inconnu. En effet, la volonté manifeste de maintenir le système déplace le conflit vers un affrontement entre armée et populations. A l’intransigeance des décideurs répond la défiance de la société.
Ce face-à-face est porteur de tous les risques. Les indices sont déjà là. Une répression féroce s’organise contre les manifestants. Un pas dangereux est franchi avec l’acte immoral perpétré par des policiers à l’intérieur d’un commissariat à Baraki. Déshabiller des femmes militantes dans un lieu où le citoyen est censé être en sécurité n’a pas d’autre sens sinon d’humilier, abaisser, avilir, salir.
Nous ne sommes plus dans la répression. L’intention est d’attenter à l’honneur et la dignité d’une femme, d’une famille, d’un peuple. Ce comportement nous replonge hélas dans la triste nuit coloniale.
La recherche du désordre n’est pas dans l’intérêt du pays. Dans l’esprit de tout Algérien, le système autoritaire est tombé. C’est là où se trouve précisément le moteur de la déferlante citoyenne et sa permanence. Les ruptures s’opèrent d’abord dans les esprits. Elles se traduisent par la suite en énergie sociale. Vouloir ressusciter le système sous une forme ou une autre, c’est prendre le risque de provoquer un choc collectif aux conséquences incommensurables.
C’est également s’inscrire dans le sens contraire à la marche de l’Histoire. L’aspiration de l’homme à la liberté et au progrès est une donnée anthropologique irrépressible. Les hommes naissent libres et égaux. Et ils entendent l’être et le rester. Tous les systèmes philosophiques et politiques bâtis sur la négation de cette réalité finissent toujours par s’effondrer, même s’ils sont sans cesse réinventés. L’esclavagisme, le colonialisme, le fascisme, le stalinisme, le nazisme ou encore l’islamisme n’ont pas connu un grand destin.
Il ne peut en être autrement de l’autoritarisme algérien. Tous les drames de l’humanité tirent en grande partie leur origine des errements de dirigeants aveuglés par l’obsession du pouvoir.
La difficulté en Algérie tient à deux caractères de l’autoritarisme.
Premièrement, il n’a pas de mémoire. Prisonnier de l’immédiateté, il sombre dans l’amnésie et la déraison et reproduit inlassablement ses impasses. Il a perdu le sens de la perspective.
Deuxièmement, il n’a pas de conscience. Il refuse de se rendre à l’évidence que bien peu d’Algériens sont disposés à accepter indéfiniment l’état de soumission et de hogra.
Mémoire et conscience sont deux ressorts sans lesquels une société est condamnée au déclin. Le pouvoir en place est dans l’instinct de survie le plus primaire. La mobilisation citoyenne est dans l’Histoire. Les enjeux et les défis diffèrent. Les responsabilités aussi.
LE NÉCESSAIRE BOND QUALITATIF
Jusque-là, le mouvement populaire est inscrit dans une démarche de rejet. Il s’est défini par le seul principe d’opposition. Si la mobilisation demeure otage de cette attitude, elle prend le risque de se voir subtilement intégrée dans une construction contraire à son idéal. Cette formidable force matérielle ne saurait avoir comme unique horizon de marcher au rythme de l’agenda du pouvoir. Elle doit désormais s’affirmer comme une force intelligente, capable de se penser, d’élaborer par elle-même et pour elle-même. D’importantes étapes ont été franchies. Le mouvement est en effet passé de la protestation à la contestation et ses thématiques se sont grandement enrichies. Seulement, un autre bond qualitatif est nécessaire. Il s’agit à présent de se projeter, de construire une issue.
Cette nouvelle phase a ses exigences. Elle implique un engagement total et concret, un sursaut de toute la Nation. Comme elle suppose un sens élevé de la responsabilité et du compromis. La ligne de clivage partagera les porteurs de solution et les autres. Parlons d’abord des seconds. Qui sont-ils ?
Il y a les tenants du statu quo. Ce sont les dignitaires du système et leurs différentes clientèles.Confortablement installés dans le confort des privilèges depuis des lustres, ils sont terrorisés à l’idée de devoir céder le pouvoir. Ils organisent la résistance au changement en usant de tous les moyens.
La contre-révolution est invisible, silencieuse. Elle ronge le mouvement populaire de l’intérieur par l’enveloppement, l’envahissement. Elle agit sur ses thématiques et modes d’action dans le sens de dévier, pervertir, affaiblir et diviser.
Il y a les partisans d’un retour aux années de braise. Animés par un esprit de revanche, ils veulent nous faire revivre la mésaventure. Leur erreur est de méconnaître les évolutions et autres maturations survenues dans le pays et dans le monde. De plus, le rejet du système intègre l’ensemble de ses sécrétions.
Il y a les minimalistes, ceux pour lesquels le changement se réduirait à l’assainissement du dispositif électoral afin d’aller à des élections sans fraude. Ils ne retiennent de la démocratie que sa dimension procédurale au détriment de l’essentiel, sa dimension substantielle.
C’est-à-dire les valeurs démocratiques. Cette approche a prévalu au lendemain de la révolte d’Octobre 88. Nous connaissons désormais ses limites et surtout ses effets néfastes. Sans sa dimension substantielle, la démocratie se retourne inévitablement contre elle-même.Il y a les opportunistes. Leur démarche est inscrite dans un rapport instrumental avec le mouvement et consiste à surfer sur la vague citoyenne dans l’espoir de s’en servir comme d’un tremplin.
Il y a enfin les aventuriers de tous bords. Leurs propositions sont sans lendemain et visent juste à entraîner le mouvement sur des voies sans issues. Il ne faut pas omettre une autre menace qui plane sur le mouvement : le populisme. La démarche populiste repose sur la négation des conflits, le mépris de la pensée et l’éloge de la dictature du peuple. La démarche populiste éloigne de la solution car elle distrait par son spectacle et égare par son indigence politique.
Les frontières entre ces différentes catégories ne sont pas étanches et des convergences objectives entre certaines d’entre elles sont de l’ordre du possible. Les tenants du statu quo pourraient très bien chercher alliance chez les minimalistes ou, dans un moment de désespoir, céder à la tentation de pactiser avec les partisans d’un retour à l’épisode sanglant.
Il faut encore ajouter que les résistances au changement vont au-delà de cette typologie indicative. Elles se situent à un niveau autrement plus délicat. Elles sont en nous.
LA CULTURE AUTORITAIRE
Le système ne se réduit pas à des hommes et à des institutions. C’est aussi et surtout des mentalités, des comportements, des codes et des modes, des pratiques et des réflexes. Une culture autoritaire s’est développée et ancrée dans les esprits. Elle a déteint sur l’ensemble de la société. Il faut dire qu’elle a trouvé un terrain favorable dans un autoritarisme ambiant, précipité d’un héritage historique aux origines lointaines.
Très inquiétante est la réaction autoritaire à l’autoritarisme, une sorte d’autoritarisme de compensation. La société exerce une violence sur les plus faibles et les principales victimes sont les femmes, les jeunes et les démunis. Cela se manifeste par l’inégalité dans la parole, l’accès aux lieux publics, dans les relations sociales de manière générale. L’agression sur l’environnement et l’incivisme en sont d’autres expressions.
L’autoritarisme d’en haut et celui d’en bas s’alimentent et se renforcent mutuellement.
Souvent, nous soignons les humiliations et les privations subies en les infligeant aux autres. La culture autoritaire s’insinue à travers nos faiblesses, nos lâchetés et nos égarements.
Elle prospère également sur nos ignorances et notre tropisme conservateur.
La condition de la femme dans notre société est le parfait exemple. L’inégalité entre l’homme et la femme a pour fondement un fait de nature, ici le sexe. La femme est déclarée inférieure à sa naissance. Cette infériorité est posée en postulat, en vérité intangible au-dessus de tout débat.
La vérité définitive est la meilleure définition du mensonge transcendantal. Et c’est là où commence l’ordre injuste. A partir du moment où l’esprit accepte et intériorise une inégalité fondée sur un fait de nature, il est possible, par glissements de sens successifs, de justifier toutes les autres inégalités. De la supériorité de la race aryenne au takfir islamiste, les idéologies de la pureté obéissent toutes à ce cheminement. C’est-à-dire la juvénilisation des sociétés et la néantisation de tout ce qui est noble dans l’humain.
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DJAMEL ZENATI 02 MAI 2019 À 9 H 32 MIN
L’Algérie traverse une séquence historique décisive. Elle peut évoluer vers le meilleur comme vers le pire. Au moment où la mobilisation citoyenne atteint des sommets, les manœuvres se multiplient. Les acteurs de l’ombre rivalisent d’ingéniosité afin de rendre illisible la situation. Poussé dans ses derniers retranchements, le système tente le tout pour le tout et ne recule devant rien.
Retournements spectaculaires, intimidations et répression, rumeurs et désinformation, théorie du complot… ; bref, tout est mobilisé pour égarer l’opinion. Et au final, seuls les dupeurs sont dupés. Car après les manigances et autres ignominies de la semaine, vient le vendredi pour tout effacer et restituer à la problématique politique son sens réel.
La rue n’entend pas s’inviter ni servir d’arbitre dans les brouilles claniques d’un establishment en folie. Comme elle refuse de se faire voler ses colères et ses espoirs.
Cependant, il y a de l’enseignement dans les sorties tonitruantes du chef d’état-major. C’est l’avantage de la clarification.
Par son ampleur et la puissance de ses effets, la mobilisation populaire a provoqué la paralysie totale du pouvoir apparent. Président intérimaire absent, gouvernement en quarantaine, Parlement à l’arrêt, walis reclus.
Cela a contraint le pouvoir réel à sortir de sa tanière. Le système ne tient que par la grâce de l’armée. L’évolution future du pays dépend désormais du comportement de l’institution militaire. Et à ce titre, sa responsabilité est entièrement engagée.
L’ÉCHAFAUDAGE PÉRILLEUX
Le mal algérien ne se réduit pas aux agissements néfastes d’une «issaba» ou d’une bande de pilleurs. Le conflit oppose la société toute entière au système autoritaire dans sa globalité.
L’ordre politique en place et le personnel aux commandes ont atteint un seuil de délabrement et de dépravation tel que l’idée même de transition démocratique est inconcevable sous la légalité autoritaire en vigueur.
L’option imposée par le chef d’état-major entraîne progressivement le pays vers l’inconnu. En effet, la volonté manifeste de maintenir le système déplace le conflit vers un affrontement entre armée et populations. A l’intransigeance des décideurs répond la défiance de la société.
Ce face-à-face est porteur de tous les risques. Les indices sont déjà là. Une répression féroce s’organise contre les manifestants. Un pas dangereux est franchi avec l’acte immoral perpétré par des policiers à l’intérieur d’un commissariat à Baraki. Déshabiller des femmes militantes dans un lieu où le citoyen est censé être en sécurité n’a pas d’autre sens sinon d’humilier, abaisser, avilir, salir.
Nous ne sommes plus dans la répression. L’intention est d’attenter à l’honneur et la dignité d’une femme, d’une famille, d’un peuple. Ce comportement nous replonge hélas dans la triste nuit coloniale.
La recherche du désordre n’est pas dans l’intérêt du pays. Dans l’esprit de tout Algérien, le système autoritaire est tombé. C’est là où se trouve précisément le moteur de la déferlante citoyenne et sa permanence. Les ruptures s’opèrent d’abord dans les esprits. Elles se traduisent par la suite en énergie sociale. Vouloir ressusciter le système sous une forme ou une autre, c’est prendre le risque de provoquer un choc collectif aux conséquences incommensurables.
C’est également s’inscrire dans le sens contraire à la marche de l’Histoire. L’aspiration de l’homme à la liberté et au progrès est une donnée anthropologique irrépressible. Les hommes naissent libres et égaux. Et ils entendent l’être et le rester. Tous les systèmes philosophiques et politiques bâtis sur la négation de cette réalité finissent toujours par s’effondrer, même s’ils sont sans cesse réinventés. L’esclavagisme, le colonialisme, le fascisme, le stalinisme, le nazisme ou encore l’islamisme n’ont pas connu un grand destin.
Il ne peut en être autrement de l’autoritarisme algérien. Tous les drames de l’humanité tirent en grande partie leur origine des errements de dirigeants aveuglés par l’obsession du pouvoir.
La difficulté en Algérie tient à deux caractères de l’autoritarisme.
Premièrement, il n’a pas de mémoire. Prisonnier de l’immédiateté, il sombre dans l’amnésie et la déraison et reproduit inlassablement ses impasses. Il a perdu le sens de la perspective.
Deuxièmement, il n’a pas de conscience. Il refuse de se rendre à l’évidence que bien peu d’Algériens sont disposés à accepter indéfiniment l’état de soumission et de hogra.
Mémoire et conscience sont deux ressorts sans lesquels une société est condamnée au déclin. Le pouvoir en place est dans l’instinct de survie le plus primaire. La mobilisation citoyenne est dans l’Histoire. Les enjeux et les défis diffèrent. Les responsabilités aussi.
LE NÉCESSAIRE BOND QUALITATIF
Jusque-là, le mouvement populaire est inscrit dans une démarche de rejet. Il s’est défini par le seul principe d’opposition. Si la mobilisation demeure otage de cette attitude, elle prend le risque de se voir subtilement intégrée dans une construction contraire à son idéal. Cette formidable force matérielle ne saurait avoir comme unique horizon de marcher au rythme de l’agenda du pouvoir. Elle doit désormais s’affirmer comme une force intelligente, capable de se penser, d’élaborer par elle-même et pour elle-même. D’importantes étapes ont été franchies. Le mouvement est en effet passé de la protestation à la contestation et ses thématiques se sont grandement enrichies. Seulement, un autre bond qualitatif est nécessaire. Il s’agit à présent de se projeter, de construire une issue.
Cette nouvelle phase a ses exigences. Elle implique un engagement total et concret, un sursaut de toute la Nation. Comme elle suppose un sens élevé de la responsabilité et du compromis. La ligne de clivage partagera les porteurs de solution et les autres. Parlons d’abord des seconds. Qui sont-ils ?
Il y a les tenants du statu quo. Ce sont les dignitaires du système et leurs différentes clientèles.Confortablement installés dans le confort des privilèges depuis des lustres, ils sont terrorisés à l’idée de devoir céder le pouvoir. Ils organisent la résistance au changement en usant de tous les moyens.
La contre-révolution est invisible, silencieuse. Elle ronge le mouvement populaire de l’intérieur par l’enveloppement, l’envahissement. Elle agit sur ses thématiques et modes d’action dans le sens de dévier, pervertir, affaiblir et diviser.
Il y a les partisans d’un retour aux années de braise. Animés par un esprit de revanche, ils veulent nous faire revivre la mésaventure. Leur erreur est de méconnaître les évolutions et autres maturations survenues dans le pays et dans le monde. De plus, le rejet du système intègre l’ensemble de ses sécrétions.
Il y a les minimalistes, ceux pour lesquels le changement se réduirait à l’assainissement du dispositif électoral afin d’aller à des élections sans fraude. Ils ne retiennent de la démocratie que sa dimension procédurale au détriment de l’essentiel, sa dimension substantielle.
C’est-à-dire les valeurs démocratiques. Cette approche a prévalu au lendemain de la révolte d’Octobre 88. Nous connaissons désormais ses limites et surtout ses effets néfastes. Sans sa dimension substantielle, la démocratie se retourne inévitablement contre elle-même.Il y a les opportunistes. Leur démarche est inscrite dans un rapport instrumental avec le mouvement et consiste à surfer sur la vague citoyenne dans l’espoir de s’en servir comme d’un tremplin.
Il y a enfin les aventuriers de tous bords. Leurs propositions sont sans lendemain et visent juste à entraîner le mouvement sur des voies sans issues. Il ne faut pas omettre une autre menace qui plane sur le mouvement : le populisme. La démarche populiste repose sur la négation des conflits, le mépris de la pensée et l’éloge de la dictature du peuple. La démarche populiste éloigne de la solution car elle distrait par son spectacle et égare par son indigence politique.
Les frontières entre ces différentes catégories ne sont pas étanches et des convergences objectives entre certaines d’entre elles sont de l’ordre du possible. Les tenants du statu quo pourraient très bien chercher alliance chez les minimalistes ou, dans un moment de désespoir, céder à la tentation de pactiser avec les partisans d’un retour à l’épisode sanglant.
Il faut encore ajouter que les résistances au changement vont au-delà de cette typologie indicative. Elles se situent à un niveau autrement plus délicat. Elles sont en nous.
LA CULTURE AUTORITAIRE
Le système ne se réduit pas à des hommes et à des institutions. C’est aussi et surtout des mentalités, des comportements, des codes et des modes, des pratiques et des réflexes. Une culture autoritaire s’est développée et ancrée dans les esprits. Elle a déteint sur l’ensemble de la société. Il faut dire qu’elle a trouvé un terrain favorable dans un autoritarisme ambiant, précipité d’un héritage historique aux origines lointaines.
Très inquiétante est la réaction autoritaire à l’autoritarisme, une sorte d’autoritarisme de compensation. La société exerce une violence sur les plus faibles et les principales victimes sont les femmes, les jeunes et les démunis. Cela se manifeste par l’inégalité dans la parole, l’accès aux lieux publics, dans les relations sociales de manière générale. L’agression sur l’environnement et l’incivisme en sont d’autres expressions.
L’autoritarisme d’en haut et celui d’en bas s’alimentent et se renforcent mutuellement.
Souvent, nous soignons les humiliations et les privations subies en les infligeant aux autres. La culture autoritaire s’insinue à travers nos faiblesses, nos lâchetés et nos égarements.
Elle prospère également sur nos ignorances et notre tropisme conservateur.
La condition de la femme dans notre société est le parfait exemple. L’inégalité entre l’homme et la femme a pour fondement un fait de nature, ici le sexe. La femme est déclarée inférieure à sa naissance. Cette infériorité est posée en postulat, en vérité intangible au-dessus de tout débat.
La vérité définitive est la meilleure définition du mensonge transcendantal. Et c’est là où commence l’ordre injuste. A partir du moment où l’esprit accepte et intériorise une inégalité fondée sur un fait de nature, il est possible, par glissements de sens successifs, de justifier toutes les autres inégalités. De la supériorité de la race aryenne au takfir islamiste, les idéologies de la pureté obéissent toutes à ce cheminement. C’est-à-dire la juvénilisation des sociétés et la néantisation de tout ce qui est noble dans l’humain.
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