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Brahim Senouci ▬ Gaïd Salah, Deus ex machina ?

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  • Brahim Senouci ▬ Gaïd Salah, Deus ex machina ?

    Le hirak, à l’évidence, est dans une phase d’indécision. Il ne s’agit pas seulement de l’absence d’incarnation, pourtant réclamée par le peuple. En fait, on a le sentiment de ne pas trop savoir quoi faire de l’immense réussite que constitue le fait d’avoir, pour la toute première fois dans notre pays, un peuple rassemblé, au bout de quelques semaines de manifestations dont le caractère joyeux et pacifique a frappé le monde. Le hirak a certes obtenu des résultats appréciables mais en deçà de ce qu’il réclame depuis le 22 février 2019, la fin du système corrompu et corrupteur. Le système, bien que vacillant, est encore debout. Plus grave : en l’absence d’une initiative forte venant du hirak, c’est lui qui est à la manœuvre, lui qui occupe l’espace médiatique. C’est lui, le maître des horloges. Pire encore, il se paie le luxe de faire mine de répondre aux désirs du peuple en mettant en prison bon nombre de ceux qui symbolisent le système et dont le hirak réclamait à cors et à cris la mise à l’écart. Nul doute qu’il fera des heureux et que son image y gagnera ! Tout le monde ne sera pas dupe, fort heureusement, mais certains applaudiront à ces actes qui ont plus à voir avec l’exercice d’une vengeance qu’avec la justice qui est à l’exact opposé de celle-ci…
    A rebours de cet activisme apparemment désordonné, le hirak, entre deux vendredis, donne l’image d’un bateau encalminé, en attente de vents favorables…
    Et c’est là qu’intervient le Deus ex machina, en la personne d’un chef d’état-major bien connu.
    Le Deus ex machina désigne un personnage de théâtre, mais aussi de la vie courante, qui intervient pour dénouer une situation difficile, voire tragique.
    Gaïd Salah s’est coulé dans la peau de ce personnage. Il offre en pâture à la foule le lot quasi quotidien de victimes qu’elle réclame tout en agitant l’article 102 de la Constitution en expliquant que seul cet article est susceptible de nous sortir de l’ornière. Il entretient la fiction d’élections à venir à la date du 4 juillet, en sachant probablement qu’elles ne se tiendront pas. Il installe un « gouvernement » dirigé par un premier ministre dont le principal titre de gloire est sa science de la fraude électorale. Ce n’est pas si grave à ses yeux que ce gouvernement ne gouverne pas puisque les ministres qui le composent sont chassés aussitôt qu’entrevus par les citoyens auxquels ils sont censés s’adresser. L’important est de maintenir l’illusion du mouvement pour nous contraindre à garder le regard rivé sur Bensalah ou Bédoui, dans leur inutile gesticulation.
    Alors, que faire ?
    L’enjeu est la mainmise sur la transition, en particulier la sécurisation des prochaines élections. Il y a des voix qui se lèvent pour proposer une négociation. Leur unique argument tient dans une antienne qui a l’apparence du bon sens mais qui en est privée. Qui seraient les partenaires de cette négociation ? Le hirak d’un côté, Gaïd Salah de l’autre ? Ce serait la configuration la plus probable. 40 millions d’Algériens d’un côté, un chef d’état-major de l’autre. Qu’y aurait-il à négocier ? Plus de 20 millions de citoyens s’époumonent tous les vendredis pour dire qu’il n’y a rien à négocier puisque l’enjeu est un changement de paradigme, un changement d’ère, l’avènement d’un monde nouveau. De l’autre côté, on a une réaffirmation crispée d’un chiffre agité comme un vieux totem, le 102.
    Mais que faire s’il n’est pas possible de négocier ?
    Mais tout simplement créer et installer un Conseil de la transition constitué de personnalités indépendantes issues du Hirak, SANS ATTENDRE. Pourquoi diable attendrait-on un avis de décès du monde d’hier ? Au nom de quoi patienterions-nous, le temps que le sieur Bensalah et le sieur Bédoui admettent leur non existence et l’encombrement malsain qu’ils occasionnent face à l’avènement inéluctable d’un monde sans eux ? Des visages, des voix ont émergé tout au long de ces 12 semaines de marche. Il n’y aura pas de problème majeur pour instituer ce Conseil. Il y aura à débattre de ses attributions exactes mais il ne faudra pas lui marchander notre confiance. Il faudra qu’il soit le seul à incarner la continuité de l’Etat, ce qui lui donnera la possibilité, notamment, de demander le gel des avoirs détenus par les personnalités politiques Algériennes dans les banques étrangères. Il pourra aussi initier des débats citoyens sur des questions telles que la façon de dessiner l’Algérie de demain. Dans cette Algérie, on ne rasera pas gratis. Il faudra se défaire du clientélisme insupportable et de l’odieux spectacle qui a présidé si souvent aux distributions de logements par des autorités corrompues et méprisantes. L’Etat n’a pas pour fonction de construire des logements. C’est le rôle des entreprises de les édifier et des banques pour les financer… Le bien-être d’un peuple ne doit pas dépendre du prix d’une ressource non renouvelable liée à une conjoncture que nous ne maîtrisons pas, mais à la force de son économie liée au fruit de notre travail.
    En 1942, à Londres, se tient sous les bombes un conseil des ministres présidé par Winston Churchill. Il fait un tour de table pour s’enquérir de l’état des différents départements ministériels. Un désastre ! L’agriculture, l’industrie, la santé, l’école…, sont sinistrées. Le dernier à prendre la parole est le ministre de la justice. Son département se porte bien, assure-t-il. Dans ce cas, nous sommes sauvés, conclut Churchill.
    Le rétablissement de la justice est une priorité absolue. C’est probablement à cette aune que se mesurera l’ampleur du changement… ✍ Brahim Senouci / 13 Mai 2019
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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