Extrait interview de Michael Köhler, directeur pour la politique de voisinage de l'UE.
- Médias 24 : Au sein de l’UE, vous êtes certainement au fait des difficultés, pour les Marocains et d’autres ressortissants du Sud de la Méditerranée, à accéder à l’espace Schengen. Or, le libre-échange implique aussi une libre circulation des hommes. Qu’est ce qui explique ces difficultés ? Comment ce sujet est-il abordé à l’UE ?
- Michael Köhler : En 2011, nous avions proposé à de nombreux pays de la région, dont le Maroc, un partenariat pour la mobilité. Si vous comparez avec certains de nos voisins orientaux, comme la Moldavie ou la Géorgie, vous en voyez le potentiel. Par exemple, aujourd'hui, les citoyens moldaves et géorgiens peuvent circuler sans visa. L’exemption peut aussi concerner certains segments de la population, comme c’est le cas en Ukraine.
Nous avons proposé cela également au Maroc, à la Tunisie, etc. Cependant, je dois dire que les négociations n’ont pas beaucoup avancé, et je pense que la responsabilité est imputable aux deux côtés.
Du reste, ce n’est pas une question que nous pouvons décider centralement. La décision incombe aux ministères de l’Intérieur des Etats membres de l’UE. Nous ne pouvons que faciliter les discussions. Car ici, l’élément sécuritaire (terrorisme, crime organisé etc.) est un point de préoccupation central.
A titre d’exemple, si vous évoquez la libéralisation des visas pour les Tunisiens, en tant que ministre européen de l'intérieur, vous voudriez savoir si la frontière entre la Tunisie et l'Algérie est bien contrôlée. Car même si vous faites pleinement confiance aux Tunisiens, vous ne savez pas ce qui vient des pays voisins. Sachant que nous avons été témoins des attaques à Sousse, pour ne citer que cet événement.
De même, et c’est un point essentiel, les autorités européennes de l’intérieur sont généralement prêtes à aller très loin dans la voie de la libéralisation du visa, ou même l’annuler si elles sont sûres que tous les habitants du pays X arrivés irrégulièrement en Europe seront renvoyés sans aucun problème au pays d'origine.
Nous avons déjà constaté, s'agissant des citoyens marocains, tunisiens ou égyptiens, qu’il y avait des problèmes dans le passé car il était difficile de prouver la nationalité des arrivants. Et à défaut de preuves, les autorités refusent de les rapatrier.
Je ne suis pas expert en la matière, mais on sait très bien, surtout s’agissant du Maroc, que ce pays et d’autres sont devenus des régions de transit. Aujourd’hui, la plupart des personnes qui viennent en Espagne à travers le Maroc ne sont pas des Marocains. Environ 10 à 15% sont des Marocains, mais la plupart d'entre eux viennent du Nigéria ou du Burkina Faso, parfois même d'Erythrée, etc.
-Peut-on espérer un changement à ce niveau ?
-Je suis relativement confiant. A la commission européenne, cette question sera évoquée avec nos collègues du département de la Migration et des affaires intérieures à l’occasion du Brainstorming qui concernera l’avenir de notre partenariat avec le Maroc.
A ce titre, j’espère que nous pourrons revitaliser nos discussions à propos de l’accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA). Cet accord concerne non seulement les produits industriels et agricoles, mais aussi les services. Qui dit services, dit êtres humains. Si nous avons davantage de libre-échange et d’intégration des marchés dans les services, ils devront aller de pair avec plus de possibilités de déplacement
L'Europe ne peut pas avoir un accord de libre-échange couvrant des services avec vous, et ne pas être plus généreuse quand il s'agit de possibilités de voyages.
Je pense que de notre côté, il y a une reconnaissance que nous devons nous ouvrir. Et nous voulons nous ouvrir. La question est de savoir comment le faire sans compromettre les normes de sécurité. C'est un long chemin à parcourir mais je crois que nous allons dans ce sens.
À propos, j’ai lu l’autre jour que les Marocains sont les plus grands bénéficiaires au monde des visas. Donc, bien que coûteux et douloureux, je pense que vous avez déjà un accès à l’espace européen qui est probablement meilleur que beaucoup d’autres pays.
Pour ma part, je serais très heureux le jour où les Marocains n’auront plus besoin de visa comme ce fut le cas dans les années soixante-dix. Nous pourrions juste revenir au bon vieux temps, mais cela nécessite un niveau de coopération que nous n'avons pas encore entre les agences de contrôle des deux côtés.
Médias 24 (Extrait)
- Médias 24 : Au sein de l’UE, vous êtes certainement au fait des difficultés, pour les Marocains et d’autres ressortissants du Sud de la Méditerranée, à accéder à l’espace Schengen. Or, le libre-échange implique aussi une libre circulation des hommes. Qu’est ce qui explique ces difficultés ? Comment ce sujet est-il abordé à l’UE ?
- Michael Köhler : En 2011, nous avions proposé à de nombreux pays de la région, dont le Maroc, un partenariat pour la mobilité. Si vous comparez avec certains de nos voisins orientaux, comme la Moldavie ou la Géorgie, vous en voyez le potentiel. Par exemple, aujourd'hui, les citoyens moldaves et géorgiens peuvent circuler sans visa. L’exemption peut aussi concerner certains segments de la population, comme c’est le cas en Ukraine.
Nous avons proposé cela également au Maroc, à la Tunisie, etc. Cependant, je dois dire que les négociations n’ont pas beaucoup avancé, et je pense que la responsabilité est imputable aux deux côtés.
Du reste, ce n’est pas une question que nous pouvons décider centralement. La décision incombe aux ministères de l’Intérieur des Etats membres de l’UE. Nous ne pouvons que faciliter les discussions. Car ici, l’élément sécuritaire (terrorisme, crime organisé etc.) est un point de préoccupation central.
A titre d’exemple, si vous évoquez la libéralisation des visas pour les Tunisiens, en tant que ministre européen de l'intérieur, vous voudriez savoir si la frontière entre la Tunisie et l'Algérie est bien contrôlée. Car même si vous faites pleinement confiance aux Tunisiens, vous ne savez pas ce qui vient des pays voisins. Sachant que nous avons été témoins des attaques à Sousse, pour ne citer que cet événement.
De même, et c’est un point essentiel, les autorités européennes de l’intérieur sont généralement prêtes à aller très loin dans la voie de la libéralisation du visa, ou même l’annuler si elles sont sûres que tous les habitants du pays X arrivés irrégulièrement en Europe seront renvoyés sans aucun problème au pays d'origine.
Nous avons déjà constaté, s'agissant des citoyens marocains, tunisiens ou égyptiens, qu’il y avait des problèmes dans le passé car il était difficile de prouver la nationalité des arrivants. Et à défaut de preuves, les autorités refusent de les rapatrier.
Je ne suis pas expert en la matière, mais on sait très bien, surtout s’agissant du Maroc, que ce pays et d’autres sont devenus des régions de transit. Aujourd’hui, la plupart des personnes qui viennent en Espagne à travers le Maroc ne sont pas des Marocains. Environ 10 à 15% sont des Marocains, mais la plupart d'entre eux viennent du Nigéria ou du Burkina Faso, parfois même d'Erythrée, etc.
-Peut-on espérer un changement à ce niveau ?
-Je suis relativement confiant. A la commission européenne, cette question sera évoquée avec nos collègues du département de la Migration et des affaires intérieures à l’occasion du Brainstorming qui concernera l’avenir de notre partenariat avec le Maroc.
A ce titre, j’espère que nous pourrons revitaliser nos discussions à propos de l’accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA). Cet accord concerne non seulement les produits industriels et agricoles, mais aussi les services. Qui dit services, dit êtres humains. Si nous avons davantage de libre-échange et d’intégration des marchés dans les services, ils devront aller de pair avec plus de possibilités de déplacement
L'Europe ne peut pas avoir un accord de libre-échange couvrant des services avec vous, et ne pas être plus généreuse quand il s'agit de possibilités de voyages.
Je pense que de notre côté, il y a une reconnaissance que nous devons nous ouvrir. Et nous voulons nous ouvrir. La question est de savoir comment le faire sans compromettre les normes de sécurité. C'est un long chemin à parcourir mais je crois que nous allons dans ce sens.
À propos, j’ai lu l’autre jour que les Marocains sont les plus grands bénéficiaires au monde des visas. Donc, bien que coûteux et douloureux, je pense que vous avez déjà un accès à l’espace européen qui est probablement meilleur que beaucoup d’autres pays.
Pour ma part, je serais très heureux le jour où les Marocains n’auront plus besoin de visa comme ce fut le cas dans les années soixante-dix. Nous pourrions juste revenir au bon vieux temps, mais cela nécessite un niveau de coopération que nous n'avons pas encore entre les agences de contrôle des deux côtés.
Médias 24 (Extrait)
Commentaire