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juin 6, 2019
Abdelaziz Bouteflika à Tizi Ouzou en mars 2009. New Press
Le livre Bouteflika, la faillite annoncée vient de paraître aux éditions Chihab. Dans l’extrait ci-après, le général à la retraite Khaled Nezzar revient sur un épisode douloureux du règne sans partage du Président déchu : le «printemps noir» auquel l’ex-locataire d’El-Mouradia avait opposé arrogance, calcul et cynisme au service de l’ambition personnelle.
«Les événements de Kabylie sont le pic de l’iceberg et le condensé des immenses problèmes que vit l’Algérie. Les jeunes Kabyles manifestent pour les mêmes raisons que celles qui font hurler les foules à Khenchela, à Mila ou à Laghouat, tant les effets de la crise sont ressentis pareillement partout à travers le territoire national.
Les outrances verbales, les attitudes arrogantes et les actes provocateurs d’Abdelaziz Bouteflika agissent comme de la braise sur le mécontentement populaire en Kabylie et jettent dans la rue de nouveaux protestataires : ‘’De loin, je vous voyais très grands, mais vous n’êtes que des nains’’, ‘’jamais tamazight ne sera langue nationale !’’ ou bien lorsque le jeune Guermah est traité de ‘’voyou’’ sans qu’il n’éprouve le besoin, lui, d’atténuer par une parole de sympathie les dérapages de son porte-parole et ministre de l’Intérieur, Zerhouni. Au moment où les événements s’accélèrent, son départ pour assister à une conférence sur le sida est ressenti comme ‘’plutôt parler du sida que de vos problèmes’’. Son discours dans une ville du Sud déconsidère et rabaisse outrageusement ‘’les gens du Nord’’.
La dénonciation de la ‘’main étrangère’’ est une diversion insultante. Quelle est donc cette ‘’main étrangère’’ assez puissante pour mettre en branle ces innombrables foules ?
Lorsqu’il s’écrie ‘’je ne capitulerai pas’’, il accuse ses ‘’ennemis’’ d’avoir créé de toutes pièces la situation que connaît la Kabylie – et chacun aura vite compris qui il vise. Le terme ‘’capituler’’ est évocateur. Il suggère que sa place forte est assaillie par un certain cercle. Son incommensurable ego l’empêche de voir les réalités quotidiennes qu’affronte la population, qui la rendent folle de rage et qui poussent un certain nombre de jeunes à se défouler sur les forces de sécurité qui n’en peuvent plus mais… Il réussira une première diversion en canalisant la colère populaire sur les gendarmes. Il y aura des morts, trop de morts, hélas.
Dans le bilan de Bouteflika, il restera une tache indélébile : celle d’avoir laissé la calomnie atteindre nos symboles.
On commence à comprendre où il veut en venir quand il tourne le dos à toute idée de dialogue. Le ‘’laissez-faire’’ désarçonne ceux qui sont pour un contact immédiat, un tour de table, en associant tous les hommes de bonne volonté. On devine qu’il est à un tournant. Un tournant identique à celui qui a transformé la concorde civile en machin au service d’une ambition. Il a, désormais, choisi la politique du pourrissement.
Cette démarche n’est pas fortuite. Elle est consciente et délibérée. Elle veut aboutir à liguer contre la Kabylie le reste de l’Algérie. La Kabylie, en proie aux désordres et repliée sur elle-même, c’est, d’abord, un adversaire neutralisé. Le calcul arithmétique est cyniquement mis au service de l’ambition personnelle.»
juin 6, 2019
Abdelaziz Bouteflika à Tizi Ouzou en mars 2009. New Press
Le livre Bouteflika, la faillite annoncée vient de paraître aux éditions Chihab. Dans l’extrait ci-après, le général à la retraite Khaled Nezzar revient sur un épisode douloureux du règne sans partage du Président déchu : le «printemps noir» auquel l’ex-locataire d’El-Mouradia avait opposé arrogance, calcul et cynisme au service de l’ambition personnelle.
«Les événements de Kabylie sont le pic de l’iceberg et le condensé des immenses problèmes que vit l’Algérie. Les jeunes Kabyles manifestent pour les mêmes raisons que celles qui font hurler les foules à Khenchela, à Mila ou à Laghouat, tant les effets de la crise sont ressentis pareillement partout à travers le territoire national.
Les outrances verbales, les attitudes arrogantes et les actes provocateurs d’Abdelaziz Bouteflika agissent comme de la braise sur le mécontentement populaire en Kabylie et jettent dans la rue de nouveaux protestataires : ‘’De loin, je vous voyais très grands, mais vous n’êtes que des nains’’, ‘’jamais tamazight ne sera langue nationale !’’ ou bien lorsque le jeune Guermah est traité de ‘’voyou’’ sans qu’il n’éprouve le besoin, lui, d’atténuer par une parole de sympathie les dérapages de son porte-parole et ministre de l’Intérieur, Zerhouni. Au moment où les événements s’accélèrent, son départ pour assister à une conférence sur le sida est ressenti comme ‘’plutôt parler du sida que de vos problèmes’’. Son discours dans une ville du Sud déconsidère et rabaisse outrageusement ‘’les gens du Nord’’.
La dénonciation de la ‘’main étrangère’’ est une diversion insultante. Quelle est donc cette ‘’main étrangère’’ assez puissante pour mettre en branle ces innombrables foules ?
Lorsqu’il s’écrie ‘’je ne capitulerai pas’’, il accuse ses ‘’ennemis’’ d’avoir créé de toutes pièces la situation que connaît la Kabylie – et chacun aura vite compris qui il vise. Le terme ‘’capituler’’ est évocateur. Il suggère que sa place forte est assaillie par un certain cercle. Son incommensurable ego l’empêche de voir les réalités quotidiennes qu’affronte la population, qui la rendent folle de rage et qui poussent un certain nombre de jeunes à se défouler sur les forces de sécurité qui n’en peuvent plus mais… Il réussira une première diversion en canalisant la colère populaire sur les gendarmes. Il y aura des morts, trop de morts, hélas.
Dans le bilan de Bouteflika, il restera une tache indélébile : celle d’avoir laissé la calomnie atteindre nos symboles.
On commence à comprendre où il veut en venir quand il tourne le dos à toute idée de dialogue. Le ‘’laissez-faire’’ désarçonne ceux qui sont pour un contact immédiat, un tour de table, en associant tous les hommes de bonne volonté. On devine qu’il est à un tournant. Un tournant identique à celui qui a transformé la concorde civile en machin au service d’une ambition. Il a, désormais, choisi la politique du pourrissement.
Cette démarche n’est pas fortuite. Elle est consciente et délibérée. Elle veut aboutir à liguer contre la Kabylie le reste de l’Algérie. La Kabylie, en proie aux désordres et repliée sur elle-même, c’est, d’abord, un adversaire neutralisé. Le calcul arithmétique est cyniquement mis au service de l’ambition personnelle.»
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