Un papier de M Hammouche - liberté
Dans une vidéo circulant sur les réseaux sociaux, un manifestant anonyme explique, dans un langage remarquable de clarté, pourquoi ce qui se passe en Algérie depuis le 22 février n’est pas un “hirak”, mais une révolution.
L’orateur explique qu’un “hirak”, un mouvement, est une action collective qui porte des revendications à l’attention d’un pouvoir reconnu dans sa légitimité et qui fonctionne dans un système lui-même validé comme légitime par la masse qui revendique. La révolution a, en revanche, des objectifs d’amendement politique qu’elle a décidé de réaliser. Dans un cas, il est question de doléances dont la nature et les moyens d’expression sont variés ; dans l’autre, il s’agit d’une action de modification qualitative d’un ordre politique.
Les manifestants algériens ont probablement pris l’option sémantique a minima de “hirak” par commodité : c’est le premier concept qui leur est tombé sous la main, les manifestants du Rif marocain l’ayant récemment éprouvé et validé. Ils ont aussi hésité à adopter le terme de révolution par crainte de devoir assumer un sacrilège envers “la” Révolution de Novembre.
Ce n’est pas un hasard si les forces contre-révolutionnaires actuelles appellent, avec une insistance perfide, à une transition parrainée par un leader “novembriste”, histoire de dire que celle de 1954 était une révolution, pas celle de 2019, qu’on peut faire confiance aux insurgés de 1954, mais pas à ceux de 2019. Or, justement, l’Algérie est en train de vivre un soulèvement national, pacifique certes, mais clairement engagé dans un projet de renouvellement du système politique. Le premier depuis son indépendance. Exactement comme pour la révolution d’indépendance, il est question de remplacer un ordre politique oppresseur et prédateur par un autre, bâtisseur et égalitaire. La première révolution a atteint son objectif de libération du territoire, mais a échoué dans la libération du citoyen dont les droits ont été confisqués par les castes qui se disputent le pouvoir tout en s’entendant sur la nature du système. Il fallait donc qu’un jour survienne une seconde révolution qui prescrirait un système politique voué au développement du pays et à l’égalité en droits et devoirs des individus.
En un sens, la révolution du 22 février vise au parachèvement de la révolution du 1er Novembre.
Et d’un autre point de vue, c’est une même révolution qui se réapproprie la partie de ses objectifs dont elle a été amputée par les clans putschistes. L’hésitation populaire à user du terme révolution est, de plus, soutenue par la connotation violente des révolutions anticoloniales. S’agissant d’une entreprise résolument pacifique, “silmiya”, le propos est justement de conjurer tout malentendu sur son caractère apaisé.
On voit bien que la concession sémantique est une concession politique : elle définit la nature même du problème. Et, partant, elle dicte la manière de le résoudre. On n’approche pas pareillement les questions posées par un hirak, un mouvement, et les exigences d’une révolution.
Qu’il s’agisse d’interprétation de la volonté populaire ou d’exégèses constitutionnelles, c’est en jouant sur les mots et en prenant des libertés dans leur interprétation que le pouvoir meuble le temps qu’il gagne sur la révolution.
Dans une vidéo circulant sur les réseaux sociaux, un manifestant anonyme explique, dans un langage remarquable de clarté, pourquoi ce qui se passe en Algérie depuis le 22 février n’est pas un “hirak”, mais une révolution.
L’orateur explique qu’un “hirak”, un mouvement, est une action collective qui porte des revendications à l’attention d’un pouvoir reconnu dans sa légitimité et qui fonctionne dans un système lui-même validé comme légitime par la masse qui revendique. La révolution a, en revanche, des objectifs d’amendement politique qu’elle a décidé de réaliser. Dans un cas, il est question de doléances dont la nature et les moyens d’expression sont variés ; dans l’autre, il s’agit d’une action de modification qualitative d’un ordre politique.
Les manifestants algériens ont probablement pris l’option sémantique a minima de “hirak” par commodité : c’est le premier concept qui leur est tombé sous la main, les manifestants du Rif marocain l’ayant récemment éprouvé et validé. Ils ont aussi hésité à adopter le terme de révolution par crainte de devoir assumer un sacrilège envers “la” Révolution de Novembre.
Ce n’est pas un hasard si les forces contre-révolutionnaires actuelles appellent, avec une insistance perfide, à une transition parrainée par un leader “novembriste”, histoire de dire que celle de 1954 était une révolution, pas celle de 2019, qu’on peut faire confiance aux insurgés de 1954, mais pas à ceux de 2019. Or, justement, l’Algérie est en train de vivre un soulèvement national, pacifique certes, mais clairement engagé dans un projet de renouvellement du système politique. Le premier depuis son indépendance. Exactement comme pour la révolution d’indépendance, il est question de remplacer un ordre politique oppresseur et prédateur par un autre, bâtisseur et égalitaire. La première révolution a atteint son objectif de libération du territoire, mais a échoué dans la libération du citoyen dont les droits ont été confisqués par les castes qui se disputent le pouvoir tout en s’entendant sur la nature du système. Il fallait donc qu’un jour survienne une seconde révolution qui prescrirait un système politique voué au développement du pays et à l’égalité en droits et devoirs des individus.
En un sens, la révolution du 22 février vise au parachèvement de la révolution du 1er Novembre.
Et d’un autre point de vue, c’est une même révolution qui se réapproprie la partie de ses objectifs dont elle a été amputée par les clans putschistes. L’hésitation populaire à user du terme révolution est, de plus, soutenue par la connotation violente des révolutions anticoloniales. S’agissant d’une entreprise résolument pacifique, “silmiya”, le propos est justement de conjurer tout malentendu sur son caractère apaisé.
On voit bien que la concession sémantique est une concession politique : elle définit la nature même du problème. Et, partant, elle dicte la manière de le résoudre. On n’approche pas pareillement les questions posées par un hirak, un mouvement, et les exigences d’une révolution.
Qu’il s’agisse d’interprétation de la volonté populaire ou d’exégèses constitutionnelles, c’est en jouant sur les mots et en prenant des libertés dans leur interprétation que le pouvoir meuble le temps qu’il gagne sur la révolution.
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