Par professeur Chems Eddine Chitour
Ecole polytechnique, Alger
Publié par LSA
le 26.06.2019
«Homo sum ; humani nihil a me alienum puto» (Je suis un homme ; je considère que rien de ce qui est humain ne m'est étranger).
(Heautontimoroumenos, Terence)
Beaucoup d’Algériens se sont interrogés sur le sens à donner à l’interdiction du repère culturel constitué par l’emblème amazigh qui de mon point de vue est un apport pour consolider l’Algérie dans la Tamazgha originelle un peu comme le drapeau européen brandi avec le drapeau des pays membres. Pendant 17 vendredis, cet emblème a été accepté, voire revendiqué par tous les Algériens (nes). Pourquoi ouvrir la boîte de Pandore du projet de société sachant qu’il y a d’autres priorités ?
La signification de l’emblème amazigh
L’emblème amazigh est un repère culturel et identitaire proposé pour les Berbères. Il a été créé par un Algérien, Mohand Arab Bessaoud, ancien moudjahid, opposant au régime de Boumediène. En 1998, le Congrès mondial amazigh officialise cet emblème à Tafira (îles Canaries). Le drapeau est composé de trois bandes horizontales de même largeur, le bleu qui symbolise la mer comme frontière méditerranéenne de Tamazgha, le vert qui symbolise les pays et le jaune qui symbolise la profondeur africaine. «Au centre, la lettre Yaz de l'alphabet tifinagh, forme humanoïde de la lettre ‘‘Z’’, renvoie à la résistance berbère et à l'Homme libre. La lutte de ceux morts pour défendre la cause amazighe est portée par le rouge».(1)
Ce drapeau à vocation strictement culturelle n’est revendiqué par aucun pays potentiellement constitutif de Tamazgha (Maroc, Tunisie, Libye, Mali, Tchad, Sénégal ) mais par des associations amazighes de ces pays qui pourraient en principe se reconnaître dans ce repère culturel. C’est de fait un emblème conçu par des Algériens qui espèrent lui donner une dimension nord-africaine. Est-ce que les droits culturels sont reconnus partout dans «Tamazgha», il semble que non, à titre d’exemple en Tunisie, l’Association tunisienne de la culture amazighe (ATCA), fondée en avril 2011, a demandé que la culture amazighe soit reconnue à l’Assemblée constituante. Comme on le voit le combat pour tamazight a du chemin à faire dans beaucoup de pays. L’Algérie a fait un grand pas dans la bonne direction.
La plateforme de la Soummam du FLN et la dimension nord-africaine
Il eut fallu de mon point de vue ancrer cette dimension maghrébine, pour commencer, en se référant au texte fondateur du FLN à travers la plateforme de la Soummam où cette ambition nord-africaine a été annoncée à travers la décision suivante : «L'Algérie, libre et indépendante, développera sur des bases nouvelles l'unité et la fraternité de la nation algérienne dont la naissance fera rayonner sa resplendissante originalité. Mais les Algériens ne laisseront jamais leur culte de la patrie, sentiment noble et généreux, dégénérer en un nationalisme chauvin, étroit et aveugle. C'est pourquoi ils sont en même temps les Nord-Africains sincères, attachés, avec passion et clairvoyance, à la solidarité naturelle et nécessaire des trois pays du Maghreb. L'Afrique du Nord est un tout, par la géographie, l'histoire, la langue, la civilisation, le devenir. Cette solidarité doit donc se traduire naturellement dans la création d'une fédération des trois États nord-africains.»
Il est clair que cette reconnaissance amazighe n’est pas un problème uniquement algérien. Que l’Algérie prenne l’initiative d’une éventuelle unification, alors qu’elle abrite une population amazighe inférieure à celle du Maroc, c’est une bonne chose si nous étions en régime établi et que tous les problèmes de fond et prioritaires ont été réglées.
Il ne faut donc pas faire sur ce repère identitaire un abcès de fixation. On peut regretter la décision prise par le pouvoir d’interdiction de ce repère identitaire des Africains du Nord, et pas seulement des Algériens. C’est donc un bras de force qui n’a pas lieu d’être. Les problèmes du pays sont de constituer rapidement l’Etat de droit par les présidentielles.
L’apport premier de la dimension amazighe
Pour nous, nous sommes convaincus que ce qui est donc en jeu, ce n’est pas la langue arabe qui est consubstantielle de notre identité, mais la place de l’amazighité dans le récit national. Nous sommes tous autant que nous sommes pour l’épanouissement de la langue arabe dans l’absolu. Cependant, faut-il pour autant un comportement ostracisant concernant la langue amazighe dans sa diversité qui était là 18 siècles avant la venue des Arabes ! La langue amazighe devrait être un enrichissement revendiqué par toutes les Algériennes et Algériens quelle que soit leur latitude et non par une appartenance régionale.
Pour témoigner justement de la présence des parlers berbères dans l’histoire de l’Algérie depuis près de trente siècles, nous allons rapporter le témoignage, celui du regretté professeur Mostefa Lacheraf qui parle avec autorité et respect du gisement ancien en langue amazighe : «Des noms et des lieux : revenons-y alors que l’ignorance chez nous bat son plein au sujet de ce pays, de ses noms et pas seulement au niveau d’un état civil désastreux, mais aussi à travers le choix des parents saisis par des mimétismes orientaux, occidentaux et rarement maghrébins. Noms berbères anciens et berbères punicisés par l’attrait culturel de Carthage. Noms berbères arabes berbérisés ou greffés d’amazigh. (…) Les topiques ou toponymes et lieudits à travers toute l’Afrique du Nord constituent, quant à eux, un véritable festival de la langue berbère, et l’on bute sur ses noms devenus familiers aux vieilles générations d’Algériens connaissant leur pays dans les moindres recoins du sous-continent maghrébin avec ses montagnes, ses coteaux, ses cols, défilés et autres. (…) Bref, un inventaire grandiose ou infinitésimal, un espace géographique modelé par les millénaires et s’exprimant en tamazight, la nature et les hommes confondus !»(2)
L’amazighité et l’arabité sont consubstantielles
Nous devons être lucides. Il est vrai que des sirènes malintentionnées susurrent que la promotion de la langue amazighe se fait au détriment de la langue arabe, que l’Algérie risque de perdre son autre dimension culturelle arabe que nous revendiquons aussi depuis plus de quatorze siècles ! L’émergence de la langue amazighe alma mater depuis près de trente siècles des Algériens, n’est pas circonscrite à quelques régions, mais ce sont toutes les provinces du pays qui, à des degrés divers, peuvent s’en revendiquer. Cependant les Algériennes et les Algériens qui aiment aussi la langue arabe sans en faire un fonds de commerce se doivent de défendre d’une façon séculière la langue arabe pour ce qu’elle est : une belle langue qui a connu son heure de gloire universelle quand elle était la langue scientifique pendant quelques siècles. Beaucoup d’entre nous dans leur jeunesse ont vibré aux rapsodies et autres «Mou’allaqate» «sorte de poèmes accrochés», où les joutes oratoires se faisaient à Oukadh. On rapporte que Samaouel, auteur juif antéislamique, auteur de la célèbre lamiatou Samaouel n’a pas voulu dévoiler un secret que lui avait confié Antar Ibn Cheddad mettant en péril de ce fait la vie de son fils. Depuis, l’expression «aoufa min Samaouel» «Plus fidèle – au serment — que Samaouel» a traversé les siècles.
Par la symbiose permise par le Coran, les Arabes réussirent à fédérer à l’ombre de l’islam tous les savants qu’ils soient maghrébins amazighs, perses, kurdes, arabes chrétiens, juifs. C’est tout naturellement que les savants de l’époque, juifs, chrétiens assyriens, perses, se sont mis à l’arabe, langue plus fluide. Quand Maimonide écrivit Dalil el Haïrine (le livre des égarés), son ouvrage majeur qui est encore une référence dans le monde juif, il le fit en arabe au lieu de l’hébreu. le vrai miracle de la langue arabe est qu’elle a été la langua franca pendant des siècles. Enfin, dans le Nouveau Testament, les dernières paroles du Christ ont été laissées en araméen à laquelle l’arabe se rattache tout comme l’hébreu.
A leur lecture : «Ya ilahi, Ya ilahi, Lima sabactani ?» «O mon Dieu, O mon Dieu, Pourquoi m’as tu laissé tomber ?» que les Chrétiens occidentaux ânonnent pieusement sans savoir, un locuteur arabe les comprend parfaitement : «Mon Dieu pourquoi as-tu pris de l’avance sur moi - Tu m’as abandonné ?»…
L’illustre savant Jacques Berque explique dans un délicieux petit ouvrage Les Arabes et nous que «la fonction de la langue pour les Arabes est différente, supérieure à celle qu’elle remplit pour les Occidentaux. Il donne un exemple : ainsi, en arabe, les mots se rapportant à l’écrit dérivent tous de la racine k.t.b. : maktûb, maktab, maktaba, kâtib, kitâb. En français, ces mêmes mots sont: écrit, bureau, bibliothèque, secrétaire, livre. Les mots français sont tous les cinq arbitraires, mais les mots arabes sont, eux, «soudés par une transparente logique à une racine qui seule est arbitraire». «Alors que les langues européennes solidifient le mot, le figent, en quelque sorte, dans un rapport précis avec la chose, le mot arabe reste cramponné à ses origines. Il tire substance de ses quartiers de noblesse.»(3)
On apprend que des voix se sont élevées contre l’épreuve de lettres arabes au bac où un auteur algérien d’origine berbère, Fodil Ouartilani, aurait fait l’apologie de la langue arabe. Pourquoi pas, dirions-nous ? La langue arabe est pour les Algériennes et les Algériens consubstantielle de l’identité. La citation proposée est de Térence, un poète vraisemblablement d'origine berbère, né aux alentours de 190 avant J.-C. et mort à Rome en 159 av. J.-C. Son œuvre a exercé une influence profonde sur le théâtre européen, de l'Antiquité jusqu'aux temps modernes. Il est à espérer seulement que dans les épreuves du bac prochaines, on fasse aussi place aux auteurs amazighs d’expression notamment latine (Apulée, Lactance, Fronton, Terence) qui ont contribué au savoir universel et à la dimension humaine des droits de l’homme.
Ce qui donnerait une dimension de plus à l’apport universel de notre pays. Ceci qui contribuerait certainement à enrichir le patrimoine culturel de l’Algérie.
A côté des auteurs d’expression arabe et française, une place serait dévolue aux auteurs anciens qui sont autant de marqueurs identitaires et tout ce qui peut enrichir le patrimoine culturel de l’humanité se doit être valorisé.
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Ecole polytechnique, Alger
Publié par LSA
le 26.06.2019
«Homo sum ; humani nihil a me alienum puto» (Je suis un homme ; je considère que rien de ce qui est humain ne m'est étranger).
(Heautontimoroumenos, Terence)
Beaucoup d’Algériens se sont interrogés sur le sens à donner à l’interdiction du repère culturel constitué par l’emblème amazigh qui de mon point de vue est un apport pour consolider l’Algérie dans la Tamazgha originelle un peu comme le drapeau européen brandi avec le drapeau des pays membres. Pendant 17 vendredis, cet emblème a été accepté, voire revendiqué par tous les Algériens (nes). Pourquoi ouvrir la boîte de Pandore du projet de société sachant qu’il y a d’autres priorités ?
La signification de l’emblème amazigh
L’emblème amazigh est un repère culturel et identitaire proposé pour les Berbères. Il a été créé par un Algérien, Mohand Arab Bessaoud, ancien moudjahid, opposant au régime de Boumediène. En 1998, le Congrès mondial amazigh officialise cet emblème à Tafira (îles Canaries). Le drapeau est composé de trois bandes horizontales de même largeur, le bleu qui symbolise la mer comme frontière méditerranéenne de Tamazgha, le vert qui symbolise les pays et le jaune qui symbolise la profondeur africaine. «Au centre, la lettre Yaz de l'alphabet tifinagh, forme humanoïde de la lettre ‘‘Z’’, renvoie à la résistance berbère et à l'Homme libre. La lutte de ceux morts pour défendre la cause amazighe est portée par le rouge».(1)
Ce drapeau à vocation strictement culturelle n’est revendiqué par aucun pays potentiellement constitutif de Tamazgha (Maroc, Tunisie, Libye, Mali, Tchad, Sénégal ) mais par des associations amazighes de ces pays qui pourraient en principe se reconnaître dans ce repère culturel. C’est de fait un emblème conçu par des Algériens qui espèrent lui donner une dimension nord-africaine. Est-ce que les droits culturels sont reconnus partout dans «Tamazgha», il semble que non, à titre d’exemple en Tunisie, l’Association tunisienne de la culture amazighe (ATCA), fondée en avril 2011, a demandé que la culture amazighe soit reconnue à l’Assemblée constituante. Comme on le voit le combat pour tamazight a du chemin à faire dans beaucoup de pays. L’Algérie a fait un grand pas dans la bonne direction.
La plateforme de la Soummam du FLN et la dimension nord-africaine
Il eut fallu de mon point de vue ancrer cette dimension maghrébine, pour commencer, en se référant au texte fondateur du FLN à travers la plateforme de la Soummam où cette ambition nord-africaine a été annoncée à travers la décision suivante : «L'Algérie, libre et indépendante, développera sur des bases nouvelles l'unité et la fraternité de la nation algérienne dont la naissance fera rayonner sa resplendissante originalité. Mais les Algériens ne laisseront jamais leur culte de la patrie, sentiment noble et généreux, dégénérer en un nationalisme chauvin, étroit et aveugle. C'est pourquoi ils sont en même temps les Nord-Africains sincères, attachés, avec passion et clairvoyance, à la solidarité naturelle et nécessaire des trois pays du Maghreb. L'Afrique du Nord est un tout, par la géographie, l'histoire, la langue, la civilisation, le devenir. Cette solidarité doit donc se traduire naturellement dans la création d'une fédération des trois États nord-africains.»
Il est clair que cette reconnaissance amazighe n’est pas un problème uniquement algérien. Que l’Algérie prenne l’initiative d’une éventuelle unification, alors qu’elle abrite une population amazighe inférieure à celle du Maroc, c’est une bonne chose si nous étions en régime établi et que tous les problèmes de fond et prioritaires ont été réglées.
Il ne faut donc pas faire sur ce repère identitaire un abcès de fixation. On peut regretter la décision prise par le pouvoir d’interdiction de ce repère identitaire des Africains du Nord, et pas seulement des Algériens. C’est donc un bras de force qui n’a pas lieu d’être. Les problèmes du pays sont de constituer rapidement l’Etat de droit par les présidentielles.
L’apport premier de la dimension amazighe
Pour nous, nous sommes convaincus que ce qui est donc en jeu, ce n’est pas la langue arabe qui est consubstantielle de notre identité, mais la place de l’amazighité dans le récit national. Nous sommes tous autant que nous sommes pour l’épanouissement de la langue arabe dans l’absolu. Cependant, faut-il pour autant un comportement ostracisant concernant la langue amazighe dans sa diversité qui était là 18 siècles avant la venue des Arabes ! La langue amazighe devrait être un enrichissement revendiqué par toutes les Algériennes et Algériens quelle que soit leur latitude et non par une appartenance régionale.
Pour témoigner justement de la présence des parlers berbères dans l’histoire de l’Algérie depuis près de trente siècles, nous allons rapporter le témoignage, celui du regretté professeur Mostefa Lacheraf qui parle avec autorité et respect du gisement ancien en langue amazighe : «Des noms et des lieux : revenons-y alors que l’ignorance chez nous bat son plein au sujet de ce pays, de ses noms et pas seulement au niveau d’un état civil désastreux, mais aussi à travers le choix des parents saisis par des mimétismes orientaux, occidentaux et rarement maghrébins. Noms berbères anciens et berbères punicisés par l’attrait culturel de Carthage. Noms berbères arabes berbérisés ou greffés d’amazigh. (…) Les topiques ou toponymes et lieudits à travers toute l’Afrique du Nord constituent, quant à eux, un véritable festival de la langue berbère, et l’on bute sur ses noms devenus familiers aux vieilles générations d’Algériens connaissant leur pays dans les moindres recoins du sous-continent maghrébin avec ses montagnes, ses coteaux, ses cols, défilés et autres. (…) Bref, un inventaire grandiose ou infinitésimal, un espace géographique modelé par les millénaires et s’exprimant en tamazight, la nature et les hommes confondus !»(2)
L’amazighité et l’arabité sont consubstantielles
Nous devons être lucides. Il est vrai que des sirènes malintentionnées susurrent que la promotion de la langue amazighe se fait au détriment de la langue arabe, que l’Algérie risque de perdre son autre dimension culturelle arabe que nous revendiquons aussi depuis plus de quatorze siècles ! L’émergence de la langue amazighe alma mater depuis près de trente siècles des Algériens, n’est pas circonscrite à quelques régions, mais ce sont toutes les provinces du pays qui, à des degrés divers, peuvent s’en revendiquer. Cependant les Algériennes et les Algériens qui aiment aussi la langue arabe sans en faire un fonds de commerce se doivent de défendre d’une façon séculière la langue arabe pour ce qu’elle est : une belle langue qui a connu son heure de gloire universelle quand elle était la langue scientifique pendant quelques siècles. Beaucoup d’entre nous dans leur jeunesse ont vibré aux rapsodies et autres «Mou’allaqate» «sorte de poèmes accrochés», où les joutes oratoires se faisaient à Oukadh. On rapporte que Samaouel, auteur juif antéislamique, auteur de la célèbre lamiatou Samaouel n’a pas voulu dévoiler un secret que lui avait confié Antar Ibn Cheddad mettant en péril de ce fait la vie de son fils. Depuis, l’expression «aoufa min Samaouel» «Plus fidèle – au serment — que Samaouel» a traversé les siècles.
Par la symbiose permise par le Coran, les Arabes réussirent à fédérer à l’ombre de l’islam tous les savants qu’ils soient maghrébins amazighs, perses, kurdes, arabes chrétiens, juifs. C’est tout naturellement que les savants de l’époque, juifs, chrétiens assyriens, perses, se sont mis à l’arabe, langue plus fluide. Quand Maimonide écrivit Dalil el Haïrine (le livre des égarés), son ouvrage majeur qui est encore une référence dans le monde juif, il le fit en arabe au lieu de l’hébreu. le vrai miracle de la langue arabe est qu’elle a été la langua franca pendant des siècles. Enfin, dans le Nouveau Testament, les dernières paroles du Christ ont été laissées en araméen à laquelle l’arabe se rattache tout comme l’hébreu.
A leur lecture : «Ya ilahi, Ya ilahi, Lima sabactani ?» «O mon Dieu, O mon Dieu, Pourquoi m’as tu laissé tomber ?» que les Chrétiens occidentaux ânonnent pieusement sans savoir, un locuteur arabe les comprend parfaitement : «Mon Dieu pourquoi as-tu pris de l’avance sur moi - Tu m’as abandonné ?»…
L’illustre savant Jacques Berque explique dans un délicieux petit ouvrage Les Arabes et nous que «la fonction de la langue pour les Arabes est différente, supérieure à celle qu’elle remplit pour les Occidentaux. Il donne un exemple : ainsi, en arabe, les mots se rapportant à l’écrit dérivent tous de la racine k.t.b. : maktûb, maktab, maktaba, kâtib, kitâb. En français, ces mêmes mots sont: écrit, bureau, bibliothèque, secrétaire, livre. Les mots français sont tous les cinq arbitraires, mais les mots arabes sont, eux, «soudés par une transparente logique à une racine qui seule est arbitraire». «Alors que les langues européennes solidifient le mot, le figent, en quelque sorte, dans un rapport précis avec la chose, le mot arabe reste cramponné à ses origines. Il tire substance de ses quartiers de noblesse.»(3)
On apprend que des voix se sont élevées contre l’épreuve de lettres arabes au bac où un auteur algérien d’origine berbère, Fodil Ouartilani, aurait fait l’apologie de la langue arabe. Pourquoi pas, dirions-nous ? La langue arabe est pour les Algériennes et les Algériens consubstantielle de l’identité. La citation proposée est de Térence, un poète vraisemblablement d'origine berbère, né aux alentours de 190 avant J.-C. et mort à Rome en 159 av. J.-C. Son œuvre a exercé une influence profonde sur le théâtre européen, de l'Antiquité jusqu'aux temps modernes. Il est à espérer seulement que dans les épreuves du bac prochaines, on fasse aussi place aux auteurs amazighs d’expression notamment latine (Apulée, Lactance, Fronton, Terence) qui ont contribué au savoir universel et à la dimension humaine des droits de l’homme.
Ce qui donnerait une dimension de plus à l’apport universel de notre pays. Ceci qui contribuerait certainement à enrichir le patrimoine culturel de l’Algérie.
A côté des auteurs d’expression arabe et française, une place serait dévolue aux auteurs anciens qui sont autant de marqueurs identitaires et tout ce qui peut enrichir le patrimoine culturel de l’humanité se doit être valorisé.
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