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Chronique des temps modernes ou les réalités de la mondialisation

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  • Chronique des temps modernes ou les réalités de la mondialisation

    Douze millions de chômeurs urbains en Chine, et moi, et moi, et moi

    13 mars 2007

    Ou comment le taux de chômage à Shanghai influe sur le salaire de la veuve de Carpentras. Du NAIRU à l’avantage comparatif, coup de projecteur sur les mécanismes de la mondialisation. Une visite guidée organisée par Contre Info avec le concours (très) involontaire de Henri Paulson, le ministre des Finances des USA.

    Douze millions de chômeurs dans les villes chinoises:

    La Chine ne compte officiellement que 4% de chômeurs.
    Pourtant, uniquement dans les villes, douze millions de personnes resteront sans emploi en 2007, vient d’annoncer le ministre chinois du Travail.
    20 millions de personnes arriveront cette année sur le marché du travail, dont 5 millions de jeunes diplômés.
    Les statistiques chinoises ne tiennent pas compte de 200 millions de travailleurs migrants, dépourvu de permis de résidence, et de ce fait non recensés par l’administration.
    D’ici à 2020, 300 millions de paysans pourraient quitter les zones rurales pour gagner les villes.

    Contre Info - Commentaire:

    Le chômage, même en Chine, est une bonne nouvelle pour les entrepreneurs et les actionnaires. C’est la garantie que les salaires vont continuer à stagner.
    Il existe d’ailleurs un concept qui modélise cet effet et le traduit sous forme d’indicateur. C’est celui du NAIRU ou Non-Accelerating Inflation Rate of Unemployment, c’est à dire le taux de chômage n’accélérant pas l’inflation.
    Cet indicateur économique reflète ce que tout le monde comprend instinctivement : le chômage pèse à la baisse sur les salaires et du même coup contient l’inflation.
    Un chômage élevé dissuade de revendiquer une meilleure rémunération. Résultat : depuis 25 ans la part représentée par les salaires a perdu 10% sur le total de la richesse nationale.

    Pierre Larrouturou l’a rappelé récemment :

    La part des salaires dans le PIB représentait 79 % en 1982, elle
    ne représente plus que 67 % (source Insee).

    C’est un recul considérable. Cette année, quelque 200 milliards d’euros vont aller aux bénéfices, alors qu’ils iraient aux salariés si l’on avait gardé l’équilibre du marché du travail de 1982.

    L’effet des délocalisations:

    Les économistes considèrent que 5 à 10% seulement de la population active serait concernée par les délocalisations. De fait, la part de l’industrie - c’est à dire des activités jusqu’à présent les plus aisément délocalisables - a considérablement décru dans les sociétés occidentales développées.



    A titre d’exemple écoutons Henri Paulson, le ministre des finances des USA, décrire la structure du monde du travail américain :
    Nous avons connu une révolution dans l’industrie manufacturière. Aujourd’hui, il y a 14 millions d’emplois dans ce secteur - à peu près le même nombre que dans les années 1950. A cette époque cela représentait 30% de la population active, aujourd’hui cela ne représente plus que 10%.
    Certains voient là l’indice d’un déclin de l’industrie US. Au contraire. L’Amérique est le premier producteurs de biens manufacturés, comptant pour plus de 20% de la valeur ajoutée de la production mondiale du secteur. C’est supérieur à la part du Japon, plus du double de l’Allemagne, et 2,6 fois plus que la Chine.
    Et pendant que notre secteur industriel devenait plus productif, l’économie a créé plus de postes dans les services. Ils représentent aujourd’hui 80% de l’emploi aux USA.
    Mais même si le secteur industriel a vu sa part relative décroitre considérablement, il représente encore plus de trois millions d’emplois en France, sur une population active de 27,5 millions.
    Si les délocalisations ne concernent qu’une petite partie du secteur, l’effet délocalisation lui, concerne tous les salariés. Les salaires et les conditions de travail sont désormais mises en concurrence avouée avec l’Europe de l’Est, le Maghreb, et bien évidemment avec la Chine, nouvel atelier du monde.

    Avantage comparatif ou avantage absolu ?:

    Le modèle économique qui justifie les « bienfaits » des délocalisations a été théorisé par Ricardo. C’est celui de « l’avantage comparatif ».
    L’idée en est que si chaque pays se spécialise dans une production, il sera plus efficace, ses produits seront plus nombreux, et chacun au bout du compte disposera de plus de bien à échanger.
    Le cas d’école étudié par Ricardo était celui de la production de drap et de vin en Angleterre et au Portugal et la conclusion - ébouriffante - à laquelle il est parvenu est qu’il valait mieux pour tout le monde que le vin soit élevé au Portugal et le drap tissé à Cardiff.
    Les économistes contemporains se basent sur ce modèle et défendent un nouveau partage des tâches : aux pays en développement la production industrielle, aux pays développés l’innovation, les services à forte valeur ajoutée, le savoir faire.



    Ecoutons encore M. Paulson :
    Les services très spécialisés, basés sur une technologie sophistiquée, sont un avantage compétitif pour les USA. De fait, l’Amérique dégage un excédent commercial dans le secteur des services, tout spécialement ceux à fortes compétences, qui proposent souvent les emplois les plus rémunèrateurs.
    Selon ce modèle, les emplois peu qualifiés dans la production industrielle sont donc condamnés aux bas salaires et deviennent de moins en moins nombreux, tandis que les emplois très qualifiés, peu nombreux par nature, produisent les surplus qui permettent d’acquérir à bon compte à l’étranger ce qui n’est plus fabriqué sur place.
    Les emplois industriels perdus, quant à eux sont censés être remplacés par les services, en particulier ceux de proximité et ceux à la personne [1] .
    Le nouveau modèle social sous-jacent, c’est d’un coté une petite élite débordée de travail et très bien payée dans le secteur des services à forte valeur ajoutée, de l’autre une armée de petites mains qui s’occupent de faciliter la vie des premiers, bien trop occupés pour avoir le loisir de consacrer une part de leur précieux temps à des tâches aussi triviales que faire le marché, éplucher une carotte ou laver du linge.
    Nous laisserons à chacun le soin de forger son appréciation sur une telle sociéte.
    Mais ce meilleur des mondes que l’on nous promet repose tout de même sur un présupposé fort questionnable. L’avantage comparatif dont bénéficient les pays en développement sur le secteur industriel ne peut ni ne doit se transformer en un avantage absolu : celui du cout du travail inférieur à compétence égale.
    Sinon, le modèle d’échange entre d’un coté des services chers et peu nombreux de l’autre des produits nombreux et bon marché s’écroule.

    Chômage en chine, ANPE pour tous:

    La théorie de l’avantage comparatif suppose que l’on atteigne un point d’équilibre dans les processus mis en jeu. Dans le cas de la Chine, les présupposés sont :
    les salaires chinois vont monter, réduisant le différentiel et du même coup l’avantage.
    l’occident conservera une longueur d’avance dans le savoir faire.
    Sur le premier point, la structure de la population active chinoise avec ses 800 millions de travailleurs laisse assez peu d’espoir.
    Agriculture 45%
    Industrie 31%
    Services 24%
    Le réservoir de main d’oeuvre des campagnes chinoises est loin de se tarir. La dépêche citée ci-dessus estime à 300 millions les paysans qui vont quitter leur terre d’ici à 2020, et leur arrivée sur le marché du travail tirera les salaires vers le bas.
    Quand au second point, l’avance scientifique et technique dont pourrait bénéficier ad vitam aeternam l’occident, n’y a-t-il pas là comme une illusion teintée d’européano-centrisme ?
    Pourquoi donc la Chine qui forme cinq millions de diplômés par ans ne serait-elle pas capable de faire aussi bien sinon mieux que les pays développés ?
    Les secteurs d’excellence des économies occidentales sont déjà soumis à la concurrence de l’Inde. Cette semaine, Cap-Gémini, l’une des plus importantes sociétés de service informatique en France, annonçait son intention d’employer 40 000 ingénieurs indiens d’ici à 3 ans, sur un total de 75 000 salariés.
    Depuis plusieurs années déjà le diagnostic de certaines radiographies, réalisées pour des patients aux USA, est rendu à Lahore où à New Delhi par des médecins spécialistes indiens.

    Le rôle de la propriété intellectuelle:

    Les dirigeants des économies occidentales n’avouent jamais leurs inquiétudes en la matière. Mais derrière une conviction de façade inébranlable les bons apôtres de la mondialisation heureuse donc inévitable - plus rarement de la mondialisation inévitable donc heureuse - sont très conscients du risque encouru de voir grignoter petit à petit, puis disparaître l’avantage de l’occident.
    D’où l’insistance à promouvoir les deux armes de dissuasion massives qui doivent permettre à l’occident de rester maître du jeu : Les brevets et l’OMC.

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