Publié par Kamel Bouchama
le 13.07.2019
Le mardi 9 juillet, en son domicile, aâmmi Tahar nous a quittés, paisiblement, pour rejoindre le Seigneur des mondes... il a tiré sa révérence, au moment où personne ne s’attendait à le voir partir, tellement il était alerte malgré ses quatre-vingt-dix ans... Une vie bien remplie, non pas de privilège et de fortune, comme d’aucuns en notre monde chez les boulimiques aigrefins, mais d’enthousiasme patriotique, de militantisme prodigue et généreux, d’engagement continu, et de don de soi qui faisaient de lui cet intellectuel inlassable, avec une production littéraire, inégale malgré son âge.
J’ai appris la nouvelle avec beaucoup d’émotion et une dose incommensurable d’affliction pour cet Homme que j’ai bien connu, que j’ai longtemps approché pour apprendre de lui, pour m’inspirer de ses œuvres et m’initier à sa sagesse. Un Homme d’un autre monde, franchement, celui qui ne vivait que pour faire du bien et se sacrifier pour les autres.
Il y a quelques jours seulement, il m’appelait pour me dire qu’il était là, à Alger, et qu’il est bien rentré chez lui après une brève visite chez sa fille, qu’il aimait tant. Il voulait me voir pour discuter comme d’habitude, en faisant ce grand tour d’horizon où nous abordions, inévitablement, les problèmes du pays qui le prenaient à la gorge, en bref, qui le tourmentaient, lui le militant de toujours, celui qui a œuvré inlassablement pour la libération, le progrès et le développement de notre pays. Et là, comme toujours, après notre constat de la situation difficile que vit l’Algérie, il se ressaisissait, puisqu’il avait cet instinct qu’il ne pouvait réprimer..., cet instinct qui l’élevait au-dessus de toute considération et au-dessus de toutes les difficultés. Alors, avec un soupir de soulagement, il se redressait gaillardement, et me lançait : «Kamel, nous allons y arriver !»
«Aâmmi Tahar» a été à la bonne école, assurément. Bon sang ne saurait mentir ! Son père a suivi le noble métier de l’enseignement et a eu de célèbres personnages comme élèves, dont El Fodhil El Ourtilani. C'est de famille, assurément... Son frère également, Mouloud Gaïd, s'est fait remarquer dans l'écriture de l'histoire de nos ancêtres et a laissé des œuvres importantes. Malika, sa sœur, elle aussi bien cultivée, a eu un autre destin. Elle a écrit son nom dans le registre des martyrs dans les rangs de l'ALN, pendant la glorieuse lutte de Libération nationale.
Oui «aâmmi Tahar» a été à la bonne école, car très jeune, à l’âge de 15 ans, il a eu la chance de connaître les fonctions de responsable quand il a rejoint les médersas de Constantine et d’Alger, la «Tha’âlibiya». Ensuite, il a fait ses preuves dans plusieurs organisations pour la jeunesse et les étudiants et a poursuivi son chemin aux côtés de dirigeants d’alors qui ont brillé par leurs activités durant notre lutte armée et après, en Algérie indépendante.
Ainsi, il a connu une série d’aventures et une somme d’actions et de positions qui ont débouché sur quelque chose de concret, en particulier sur des principes communs menant le pays vers sa décolonisation. Il a connu également beaucoup de militants avec lesquels il a œuvré pendant la période du nationalisme. Combien de fois m’a-t-il évoqué dans ses discussions, les Hihi Mekki, Sabeur Mustapha, Mohamed Sahnoun, Ali Abdellaoui, Lounis Mohamed, Laïd Lachgar, Amara Rachid, Taouti Ahmed. Il s’attardait également sur ses rencontres et ses activités avec les Messali Hadj, Rabah Bitat, Boudiaf, Benyoucef Benkhedda, Ferhat Abbas, Chawki Mostefaï, Hocine Lahouel, Mustapha Ferroukhi, Moulay Merbah, Bouda, Kiouane, Salah Louanchi, Belaïd Abdesselam, Lamine Khène et d’autres qui participeront clairement et inlassablement à la révolution de Novembre...
Toujours, dans sa jeunesse, il a été mandaté en 1953, en tant que responsable du parti, pour représenter l’Algérie, au 4ème Festival mondial de la jeunesse et des étudiants, qui s’est déroulé à Bucares, en Roumanie, aux côtés des Mahfoud Keddache, Mohamed Sahnoun, Abdelkrim Benmahmoud, Abdessemed et Drareni. Il a représenté l’Algérie également, à la fin de ce festival, au 3e Congrès mondial des étudiants qui s’est réuni à Varsovie, en Pologne, sous les auspices de la FMJD (Fédération mondiale de la jeunesse démocratique). Après ces deux importants événements, il est revenu satisfait d’avoir acquis de nouvelles connaissances. Un rapport a été rédigé par ses soins et remis au frère Sid Ali Abdelhamid, alors responsable de l’organisation au sein du parti le PPA.
Une année après ces deux grands événements internationaux auxquels il a participé, et de retour à Palikao (Tighenif), dans son poste de moudérès, en même temps qu’à ses activités patriotiques, il a eu ce privilège d’assister, en militant initié, aux premiers coups de feu du 1er Novembre 1954. Sa joie était immense quand, à peine l’aube, son ami Benahoum frappait à sa porte pour lui annoncer l’historique «décret du FLN» : «Rahi tartqat... Elle a éclaté !», tout en se mettant à sa disposition, le sachant responsable du «Nidham» (l’Organisation) dans la région, en ajoutant : «Nous sommes avec vous. Nous sommes prêts à entreprendre les actions que tu nous commanderas !» Quelle spontanéité chez les militants sincères, se disait «aâmmi Tahar» !
C’était le FLN, le front des héros et des chouhada, et qui mieux que le jeune Tahar, parmi les intellectuels qui ont embrassé la cause de la révolution, connaissait les premiers dirigeants de cette lutte armée qui venait à peine de naître ? Lui, par contre, a eu des contacts avec Mohamed Boudiaf, à Bordj-Bou-Arreéridj, bien avant ce 1er Novembre, quand ce dernier était employé aux «Contributions diverses» et responsable de la kasma du PPA, de même qu’avec Rabah Bitat à Alger dans la Casbah, où il le rencontrait dans l’arrière-boutique de tailleur, du frère militant Kechida. Il a eu, également, de sérieux contacts avec un responsable du nom de «Si Ahmad» qui n’était autre que Abbane Ramdane, ce dirigeant charismatique. C’est après ces fructueux contacts que ce dernier l’a chargé, en été 1955, sous le pseudonyme de «Abdelmoumen», d’une lourde responsabilité au sein de l’organisation d’Alger. Ainsi, le maître d’école de Belcourt – après sa mutation de Palikao – a eu sous son autorité, la Casbah, le Clos-Salembier, la Redoute, Léveilley, Maison-Carrée, le Retour-de-la-Chasse et Alma (Boudouaou).
De là, a commencé l’odyssée de «Si Abdelmoumen», un second périple autrement plus fort, plus consistant, parce qu’il allait s’affirmer de plus en plus dans l’organisation et la direction des opérations dans Alger et même plus loin. L’hymne national, «Qassamen», avec Lakhdar Rebbah que composera Moufdi Zakaria, le recrutement de jeunes fidaïs pour la formation des groupes de choc qui feront mal, quelque temps après, le contact à de hauts niveaux avec des personnalités françaises, en vue de les sensibiliser au drame algérien, le suivi avec son ami Amara Rachid, de la préparation du Congrès de la Soummam sous les auspices de Abbane Ramdane..., telles étaient les actions déterminantes qui mobilisaient 24/24 l’intellectuel des Beni Ya’la, devenu moudjahid, responsable d’une zone très sensible dans la capitale et ses alentours.
le 13.07.2019
Le mardi 9 juillet, en son domicile, aâmmi Tahar nous a quittés, paisiblement, pour rejoindre le Seigneur des mondes... il a tiré sa révérence, au moment où personne ne s’attendait à le voir partir, tellement il était alerte malgré ses quatre-vingt-dix ans... Une vie bien remplie, non pas de privilège et de fortune, comme d’aucuns en notre monde chez les boulimiques aigrefins, mais d’enthousiasme patriotique, de militantisme prodigue et généreux, d’engagement continu, et de don de soi qui faisaient de lui cet intellectuel inlassable, avec une production littéraire, inégale malgré son âge.
J’ai appris la nouvelle avec beaucoup d’émotion et une dose incommensurable d’affliction pour cet Homme que j’ai bien connu, que j’ai longtemps approché pour apprendre de lui, pour m’inspirer de ses œuvres et m’initier à sa sagesse. Un Homme d’un autre monde, franchement, celui qui ne vivait que pour faire du bien et se sacrifier pour les autres.
Il y a quelques jours seulement, il m’appelait pour me dire qu’il était là, à Alger, et qu’il est bien rentré chez lui après une brève visite chez sa fille, qu’il aimait tant. Il voulait me voir pour discuter comme d’habitude, en faisant ce grand tour d’horizon où nous abordions, inévitablement, les problèmes du pays qui le prenaient à la gorge, en bref, qui le tourmentaient, lui le militant de toujours, celui qui a œuvré inlassablement pour la libération, le progrès et le développement de notre pays. Et là, comme toujours, après notre constat de la situation difficile que vit l’Algérie, il se ressaisissait, puisqu’il avait cet instinct qu’il ne pouvait réprimer..., cet instinct qui l’élevait au-dessus de toute considération et au-dessus de toutes les difficultés. Alors, avec un soupir de soulagement, il se redressait gaillardement, et me lançait : «Kamel, nous allons y arriver !»
«Aâmmi Tahar» a été à la bonne école, assurément. Bon sang ne saurait mentir ! Son père a suivi le noble métier de l’enseignement et a eu de célèbres personnages comme élèves, dont El Fodhil El Ourtilani. C'est de famille, assurément... Son frère également, Mouloud Gaïd, s'est fait remarquer dans l'écriture de l'histoire de nos ancêtres et a laissé des œuvres importantes. Malika, sa sœur, elle aussi bien cultivée, a eu un autre destin. Elle a écrit son nom dans le registre des martyrs dans les rangs de l'ALN, pendant la glorieuse lutte de Libération nationale.
Oui «aâmmi Tahar» a été à la bonne école, car très jeune, à l’âge de 15 ans, il a eu la chance de connaître les fonctions de responsable quand il a rejoint les médersas de Constantine et d’Alger, la «Tha’âlibiya». Ensuite, il a fait ses preuves dans plusieurs organisations pour la jeunesse et les étudiants et a poursuivi son chemin aux côtés de dirigeants d’alors qui ont brillé par leurs activités durant notre lutte armée et après, en Algérie indépendante.
Ainsi, il a connu une série d’aventures et une somme d’actions et de positions qui ont débouché sur quelque chose de concret, en particulier sur des principes communs menant le pays vers sa décolonisation. Il a connu également beaucoup de militants avec lesquels il a œuvré pendant la période du nationalisme. Combien de fois m’a-t-il évoqué dans ses discussions, les Hihi Mekki, Sabeur Mustapha, Mohamed Sahnoun, Ali Abdellaoui, Lounis Mohamed, Laïd Lachgar, Amara Rachid, Taouti Ahmed. Il s’attardait également sur ses rencontres et ses activités avec les Messali Hadj, Rabah Bitat, Boudiaf, Benyoucef Benkhedda, Ferhat Abbas, Chawki Mostefaï, Hocine Lahouel, Mustapha Ferroukhi, Moulay Merbah, Bouda, Kiouane, Salah Louanchi, Belaïd Abdesselam, Lamine Khène et d’autres qui participeront clairement et inlassablement à la révolution de Novembre...
Toujours, dans sa jeunesse, il a été mandaté en 1953, en tant que responsable du parti, pour représenter l’Algérie, au 4ème Festival mondial de la jeunesse et des étudiants, qui s’est déroulé à Bucares, en Roumanie, aux côtés des Mahfoud Keddache, Mohamed Sahnoun, Abdelkrim Benmahmoud, Abdessemed et Drareni. Il a représenté l’Algérie également, à la fin de ce festival, au 3e Congrès mondial des étudiants qui s’est réuni à Varsovie, en Pologne, sous les auspices de la FMJD (Fédération mondiale de la jeunesse démocratique). Après ces deux importants événements, il est revenu satisfait d’avoir acquis de nouvelles connaissances. Un rapport a été rédigé par ses soins et remis au frère Sid Ali Abdelhamid, alors responsable de l’organisation au sein du parti le PPA.
Une année après ces deux grands événements internationaux auxquels il a participé, et de retour à Palikao (Tighenif), dans son poste de moudérès, en même temps qu’à ses activités patriotiques, il a eu ce privilège d’assister, en militant initié, aux premiers coups de feu du 1er Novembre 1954. Sa joie était immense quand, à peine l’aube, son ami Benahoum frappait à sa porte pour lui annoncer l’historique «décret du FLN» : «Rahi tartqat... Elle a éclaté !», tout en se mettant à sa disposition, le sachant responsable du «Nidham» (l’Organisation) dans la région, en ajoutant : «Nous sommes avec vous. Nous sommes prêts à entreprendre les actions que tu nous commanderas !» Quelle spontanéité chez les militants sincères, se disait «aâmmi Tahar» !
C’était le FLN, le front des héros et des chouhada, et qui mieux que le jeune Tahar, parmi les intellectuels qui ont embrassé la cause de la révolution, connaissait les premiers dirigeants de cette lutte armée qui venait à peine de naître ? Lui, par contre, a eu des contacts avec Mohamed Boudiaf, à Bordj-Bou-Arreéridj, bien avant ce 1er Novembre, quand ce dernier était employé aux «Contributions diverses» et responsable de la kasma du PPA, de même qu’avec Rabah Bitat à Alger dans la Casbah, où il le rencontrait dans l’arrière-boutique de tailleur, du frère militant Kechida. Il a eu, également, de sérieux contacts avec un responsable du nom de «Si Ahmad» qui n’était autre que Abbane Ramdane, ce dirigeant charismatique. C’est après ces fructueux contacts que ce dernier l’a chargé, en été 1955, sous le pseudonyme de «Abdelmoumen», d’une lourde responsabilité au sein de l’organisation d’Alger. Ainsi, le maître d’école de Belcourt – après sa mutation de Palikao – a eu sous son autorité, la Casbah, le Clos-Salembier, la Redoute, Léveilley, Maison-Carrée, le Retour-de-la-Chasse et Alma (Boudouaou).
De là, a commencé l’odyssée de «Si Abdelmoumen», un second périple autrement plus fort, plus consistant, parce qu’il allait s’affirmer de plus en plus dans l’organisation et la direction des opérations dans Alger et même plus loin. L’hymne national, «Qassamen», avec Lakhdar Rebbah que composera Moufdi Zakaria, le recrutement de jeunes fidaïs pour la formation des groupes de choc qui feront mal, quelque temps après, le contact à de hauts niveaux avec des personnalités françaises, en vue de les sensibiliser au drame algérien, le suivi avec son ami Amara Rachid, de la préparation du Congrès de la Soummam sous les auspices de Abbane Ramdane..., telles étaient les actions déterminantes qui mobilisaient 24/24 l’intellectuel des Beni Ya’la, devenu moudjahid, responsable d’une zone très sensible dans la capitale et ses alentours.
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