FOOTBALL – Finale de la CAN ou pas, les Algériens ont manifesté vendredi pour la 22e fois depuis le 22 février. Le président par intérim, lui, s’est rendu au Caire pour assister au sacre des Fennecs et s’approprier un peu de leur gloire. De leur côté, les champions d’Afrique se positionnent en faveur du mouvement de contestation.
L’équipe nationale algérienne est née en 1958, soit quatre ans avant que l’Algérie ne devienne indépendante. Et dans ce laps de temps, les joueurs furent les premiers représentants, à l’international, de la cause du Front de libération nationale (FLN), en guerre contre le colon français. Ce qui suffit presque à résumer les liens intimes et historiques entre football et politique au pays des Fennecs, sacrés dimanche champions d’Afrique pour la seconde fois de leur histoire, dans un contexte de mobilisation populaire sans précédent contre le régime.
Dès leur arrivée à Alger, médailles d’or autour du cou ce samedi en début d’après-midi, les joueurs et le staff technique se sont vus dérouler le tapis rouge sur le tarmac de l’aéroport, où les attendait une délégation conduite par le Premier ministre, Noureddine Bedoui. Qui les retrouvera ensuite, au bout d’un long parcours en bus à impériale fortement ralenti par la foule en liesse, à l’occasion d’une réception officielle dans le parc des expositions de la capitale algérienne. Malgré les nombreux appels lancés aux joueurs par les supporters pour qu’ils boycottent cette cérémonie.
Le nom d’Abdelkader Bensalah, le président dont l’intérim vient d’être prolongé au-delà de la durée légale par un tour de passe-passe du Conseil constitutionnel et dont le nom reste associé à celui de son vieil ami Abdelaziz Bouteflika, n’apparaît, en revanche, nulle part dans le programme des festivités. Après une longue hésitation, officiellement en raison de son état de santé fragile, le chef de l’État s’est néanmoins rendu au Caire jeudi, où il a rencontré le sélectionneur, Djamel Belmadi, et ses joueurs à la veille de la finale, sous le regard avide des caméras. Selon que les sources soient pro ou anti-régime, les footballeurs étaient soit très heureux de le voir, soit très gênés. On vous laisse vous faire votre propre idée.
Le lendemain, Abdelkader Bensalah, dont il s’agissait de la toute première sortie officielle depuis qu’il a remplacé Abdelaziz Bouteflika en avril (signe de l'importance du match pour le régime), a pris place en tribunes pour assister à la rencontre, et les observateurs n’ont pas manqué de constater que ni son homologue égyptien, Abdelafattah Al-Sissi, ni son homologue sénégalais, Macky Sall, n’étaient assis près de lui comme le veut le protocole, certains y voyant le signe d’un certain malaise. En outre, le nom du président a été copieusement hué par les supporters lorsque le speaker du stade a annoncé son arrivée.
Le régime, pourtant, n’y était pas allé de mainmorte pour se mettre les fans des Fennecs dans la poche en amont de cette finale, affrétant quelque trente-sept avions, dont neuf appareils militaires, pour transporter 4800 supporters depuis l’Algérie, leur offrant en outre des places gratuites par centaines aux frais de l’ambassade d’Algérie en Égypte, qui devra ensuite être remboursée par le ministère algérien de la Jeunesse et des Sports.
Peine perdue. "Le pouvoir veut mettre à profit l'élan populaire envers cette équipe, dans l'espoir de diminuer la pression que fait peser sur lui tous les vendredis le ‘Hirak’ (le mouvement de contestation), analysait auprès de l’AFP Noureddine Bekkis, enseignant en sociologie politique à l'Université d'Alger. Mais ces avions vont partir avec des jeunes du 'Hirak' qui à la fin de la CAN reviendront manifester chaque semaine."
Les ponts aériens pour les supporters apparaissent, d’ailleurs, comme une vieille pratique "bouteflikienne" (ce fut, par exemple, déjà le cas en 2009 pour un barrage qualificatif au Mondial), ce qui a fait écrire, mercredi, au quotidien francophone Liberté : "Le cadeau surmédiatisé a vite été compris comme étant un élément des manœuvres du pouvoir." Et, de fait, ceux qui ont profité des avions ont repris à gorges déployés, durant leurs vols, les chants hostiles au régime qui résonnent chaque vendredi en Algérie. Les manifestations, du reste, sont parties initialement des stades, haut lieu traditionnel de contestation politique dans le pays, avant que les étudiants ne rallient les Ultras, et que le "Hirak" fasse boule de neige.
Le peuple algérien a été un exemple aux yeux du monde entier avec ces manifestations pacifiques au cours des derniers mois. A partir de là, nous avons voulu leur donner cette Coupe d’Afrique. Adlène Guedioura
Ce qui laisse désormais penser que ce titre de champion d’Afrique, plutôt que d’atténuer le mouvement, pourrait bien, au contraire, lui donner un second souffle. D’autant que plusieurs joueurs de la sélection ont, au moins indirectement, manifesté leur soutien aux manifestants. On en a ainsi récemment vu plusieurs, autour du capitaine Riyad Mahrez, qui a posté la vidéo sur une story Instagram, entonner La Liberté, chanson du rappeur algérien Soolking dédiée au "Hirak".
Plus frontalement, le milieu Adlène Guedioura a, lui, déclaré, quelques minutes après le coup de sifflet final victorieux : "Nous avons mérité cette Coupe, nous avons été exemplaires et c’est un peu un ‘Hirak’ pour nous. (…) Le peuple algérien a été un exemple aux yeux du monde entier avec ces manifestations pacifiques au cours des derniers mois. A partir de là, nous avons voulu leur donner cette Coupe d’Afrique." Un soutien pour le moins explicite.
Reste qu’un incident est venu rappeler, en Égypte dans les heures ayant précédé la finale, la réalité politique algérienne. Un supporter a été arrêté et expulsé, avant d’être incarcéré en Algérie, pour s’être rendu au stade avec une pancarte sur laquelle il était écrit "Qu’ils partent tous". Deux autres hommes ont également été expulsés et placés en détention préventive à Alger.
Source: Lci.fr
L’équipe nationale algérienne est née en 1958, soit quatre ans avant que l’Algérie ne devienne indépendante. Et dans ce laps de temps, les joueurs furent les premiers représentants, à l’international, de la cause du Front de libération nationale (FLN), en guerre contre le colon français. Ce qui suffit presque à résumer les liens intimes et historiques entre football et politique au pays des Fennecs, sacrés dimanche champions d’Afrique pour la seconde fois de leur histoire, dans un contexte de mobilisation populaire sans précédent contre le régime.
Dès leur arrivée à Alger, médailles d’or autour du cou ce samedi en début d’après-midi, les joueurs et le staff technique se sont vus dérouler le tapis rouge sur le tarmac de l’aéroport, où les attendait une délégation conduite par le Premier ministre, Noureddine Bedoui. Qui les retrouvera ensuite, au bout d’un long parcours en bus à impériale fortement ralenti par la foule en liesse, à l’occasion d’une réception officielle dans le parc des expositions de la capitale algérienne. Malgré les nombreux appels lancés aux joueurs par les supporters pour qu’ils boycottent cette cérémonie.
Le nom d’Abdelkader Bensalah, le président dont l’intérim vient d’être prolongé au-delà de la durée légale par un tour de passe-passe du Conseil constitutionnel et dont le nom reste associé à celui de son vieil ami Abdelaziz Bouteflika, n’apparaît, en revanche, nulle part dans le programme des festivités. Après une longue hésitation, officiellement en raison de son état de santé fragile, le chef de l’État s’est néanmoins rendu au Caire jeudi, où il a rencontré le sélectionneur, Djamel Belmadi, et ses joueurs à la veille de la finale, sous le regard avide des caméras. Selon que les sources soient pro ou anti-régime, les footballeurs étaient soit très heureux de le voir, soit très gênés. On vous laisse vous faire votre propre idée.
Le lendemain, Abdelkader Bensalah, dont il s’agissait de la toute première sortie officielle depuis qu’il a remplacé Abdelaziz Bouteflika en avril (signe de l'importance du match pour le régime), a pris place en tribunes pour assister à la rencontre, et les observateurs n’ont pas manqué de constater que ni son homologue égyptien, Abdelafattah Al-Sissi, ni son homologue sénégalais, Macky Sall, n’étaient assis près de lui comme le veut le protocole, certains y voyant le signe d’un certain malaise. En outre, le nom du président a été copieusement hué par les supporters lorsque le speaker du stade a annoncé son arrivée.
Le régime, pourtant, n’y était pas allé de mainmorte pour se mettre les fans des Fennecs dans la poche en amont de cette finale, affrétant quelque trente-sept avions, dont neuf appareils militaires, pour transporter 4800 supporters depuis l’Algérie, leur offrant en outre des places gratuites par centaines aux frais de l’ambassade d’Algérie en Égypte, qui devra ensuite être remboursée par le ministère algérien de la Jeunesse et des Sports.
Peine perdue. "Le pouvoir veut mettre à profit l'élan populaire envers cette équipe, dans l'espoir de diminuer la pression que fait peser sur lui tous les vendredis le ‘Hirak’ (le mouvement de contestation), analysait auprès de l’AFP Noureddine Bekkis, enseignant en sociologie politique à l'Université d'Alger. Mais ces avions vont partir avec des jeunes du 'Hirak' qui à la fin de la CAN reviendront manifester chaque semaine."
Les ponts aériens pour les supporters apparaissent, d’ailleurs, comme une vieille pratique "bouteflikienne" (ce fut, par exemple, déjà le cas en 2009 pour un barrage qualificatif au Mondial), ce qui a fait écrire, mercredi, au quotidien francophone Liberté : "Le cadeau surmédiatisé a vite été compris comme étant un élément des manœuvres du pouvoir." Et, de fait, ceux qui ont profité des avions ont repris à gorges déployés, durant leurs vols, les chants hostiles au régime qui résonnent chaque vendredi en Algérie. Les manifestations, du reste, sont parties initialement des stades, haut lieu traditionnel de contestation politique dans le pays, avant que les étudiants ne rallient les Ultras, et que le "Hirak" fasse boule de neige.
Le peuple algérien a été un exemple aux yeux du monde entier avec ces manifestations pacifiques au cours des derniers mois. A partir de là, nous avons voulu leur donner cette Coupe d’Afrique. Adlène Guedioura
Ce qui laisse désormais penser que ce titre de champion d’Afrique, plutôt que d’atténuer le mouvement, pourrait bien, au contraire, lui donner un second souffle. D’autant que plusieurs joueurs de la sélection ont, au moins indirectement, manifesté leur soutien aux manifestants. On en a ainsi récemment vu plusieurs, autour du capitaine Riyad Mahrez, qui a posté la vidéo sur une story Instagram, entonner La Liberté, chanson du rappeur algérien Soolking dédiée au "Hirak".
Plus frontalement, le milieu Adlène Guedioura a, lui, déclaré, quelques minutes après le coup de sifflet final victorieux : "Nous avons mérité cette Coupe, nous avons été exemplaires et c’est un peu un ‘Hirak’ pour nous. (…) Le peuple algérien a été un exemple aux yeux du monde entier avec ces manifestations pacifiques au cours des derniers mois. A partir de là, nous avons voulu leur donner cette Coupe d’Afrique." Un soutien pour le moins explicite.
Reste qu’un incident est venu rappeler, en Égypte dans les heures ayant précédé la finale, la réalité politique algérienne. Un supporter a été arrêté et expulsé, avant d’être incarcéré en Algérie, pour s’être rendu au stade avec une pancarte sur laquelle il était écrit "Qu’ils partent tous". Deux autres hommes ont également été expulsés et placés en détention préventive à Alger.
Source: Lci.fr
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