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Quel dialogue avec un pouvoir qui sème la discorde ?

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  • Quel dialogue avec un pouvoir qui sème la discorde ?

    Une centaine de manifestants arrêtés pendant le mouvement de dissidence populaire
    Ces dernières semaines de la fabuleuse révolution du peuple algérien, les initiatives appelant au dialogue se multiplient à un rythme effréné et selon des approches machiavéliques qui dépassent tout entendement, ce qui dénote un vil opportunisme qui sèment une profonde confusion, à tel point qu’il est légitime de se demander qui est qui et qui fait quoi ?
    Affirmons-le d’emblée que c’est une conception très réductrice de considérer le dialogue comme une simple conversation, négociation ou échange. Un dialogue politique sincère n’est pas une réunion organisée sur l'impulsion du moment, ni un événement contrôlé par un groupe d'intérêt, moins encore une occasion de présenter des résolutions préparées à l'avance ou un ultimatum. Il n’est pas non plus un simple accord des uns aux propos des autres ou un forum sur les protocoles et formalités.

    Pour reprendre la formule de Johane Patenaude, « dialoguer, c’est accéder au raisonnable », en passant du désaccord et la mise en question au questionnement raisonnable, avant d’aboutir aux réponses raisonnables, parce que le dialogue exige impérativement de fournir les éléments intellectuels de la résolution d’un problème.

    C’est une discussion apaisée (collaboration) pour parvenir à un compromis (et non à une compromission) entre des groupes d’intérêt différents qui s´engagent sans contraintes (la surenchère, la ruse, le faux-semblant, etc.) à se pencher sur une question dont les enjeux sont mutuels, mais pas nécessairement communs, car il ne peut y avoir de dialogue dans un climat de tension, d’oppression et de suppression des droits de l’homme.

    Cela suppose la mise en place des mesures urgentes de détente pour rendre possible les conditions d’exercice d’un dialogue sérieux, en plus de créer les conditions d’une vie publique lisible, paisible, inaliénable et immuables. Il s’agit entre autres, de la libération immédiate des détenus d’opinions et de l’arrêt immédiat du harcèlement judiciaire et des menaces contre les citoyens pacifiques, les partis politiques, les syndicalistes, les militants des droits de l’homme et les journalistes.

    Ajoutant à cela l’ouverture des champs politique, d’opinion et médiatique par la levée de toutes les entraves et restrictions à l’exercice des droits d’expression, de manifestation, d’organisation, d’association et d’accès libre et équitable aux médias. Ces mesures de détente ne peuvent être accessoires, mais elles constituent un préalable primordial et incontournable en vue d’un dialogue crédible, sérieux, sincère et responsable, avant même de savoir avec qui, de quoi et pourquoi doit-on dialoguer?

    Or, Le triste spectacle auquel nous assistons, montre un pouvoir qui s’acharne à imposer les termes, les finalités et le processus du dialogue, en plus de la machination de type coloniale qu’il fait régner sur le pays, notamment les arrestations et les détentions arbitraires, les médias bâillonnés, les journalistes sanctionnés, les débats publics empêchés, les conférences interdites…

    De fait, le pouvoir a clairement affiché ses intentions et fait tout pour orchestrer un simulacre de dialogue, sous forme de spectacle de cirque et dans une ambiance burlesque « …de nature à permettre la réunion des conditions appropriées pour l'organisation, dans les meilleurs délais, de l'élection présidentielle, seule à même de permettre au pays d'engager les réformes dont il a tant besoin. » a indiqué Ben Salah dans son dernier communiqué.

    Par cette bourde, le pouvoir vise d’abord à faire passer les règlements de comptes pour une justice et des mensonges pour la réalité, dans une tentative abracadabrante et osée pour tromper le monde à force d’intrigues et de manipulations. Ensuite, valider un « coup de force électoral » en organisant un scrutin présidentiel à brève échéance, pour régénérer, pérenniser, renforcer et consolider le système en place.

    Le peuple algérien comprend bien et dans les détail les combines du pouvoir qui tente désespérément d’acheter une élection présidentielle et ses accessoires quel qu’en soit le prix, alors que les enjeux sont d’un tout autre ordre, d’une autre dimension et d'une toute autre ampleur pour le pays. La fabuleuse formule et très lourde de sens, « Yetnahaw gaa » à elle seule incarne et résume bien les préoccupations de cette Algérie profonde, celle du peuple.

    L’Algérie a besoin d’un nouveau régime politique et non de la régénération du régime actuel par une élection présidentielle, dont l’objectif est de pérenniser la primauté du militaire sur le civil, malgré qu’il aboutisse toujours à un dilemme ou à une impasse pour le pays. En effet et depuis l’indépendance, le véritable bilan des présidents algériens aux attributs formels, c’est qu’ils règnent facticement sur un pays qu’il ne gouverne jamais.

    Dans l’exercice du pouvoir décisionnel, le président n’a ni autorité politique, ni prérogative politique et sa fonction est subsidiaire. Comme l’a si bien dit Lahouari Addi, « Son rôle symbolique consiste à faire croire à l’opinion nationale et internationale que l’Algérie est un État dans lequel l’armée est sous l’autorité du président comme le stipule la Constitution ».

    Depuis 1962, le putsch demeure la seule constante, non écrite et la plus respectée de la vie politique algérienne à chaque fois qu’un président tente son émancipation de la tutelle. D’ailleurs, aucun président n’a échappé à cette règle, puisqu’aucun d’entre eux n’a mené à terme son mandat.

    Du renversement du GPRA en juin 1962 à la gestion de la destitution de Bouteflika, en passant par l’arrestation de Ben Bella en juin 1965, la démission forcée de Bendjedid en janvier 1992, l’assassinat de Boudiaf en juin 1992 et la démission planifiée de Zéroual en septembre 1998, il ressort de ces évènements affligeants que le pouvoir civil (la présidence) a été toujours sous la tutelle militaire qui s’accapare tous les pouvoirs politiques en tant que détentrice du contrôle et de la souveraineté de l’État tous azimuts.

    Pis encore, le maintien et pour certains, «la prise en otage » de Bouteflika dans les fonctions de chef de l’État, malgré sa très restrictive maladie, montre à l’évidence que le système politique algérien fonctionne juste avec un président fantoche. Au vu des importants pouvoirs concentrés entre les mains du président, les décisions se prennent en son nom par les détenteurs du pouvoir réel qui tire profit de son règne dans l’opacité la plus totale.

    Ainsi, tout président, même élu démocratiquement, ne peut avoir qu’un pouvoir formel et ne peut jamais s’émanciper de ce système politique, dont le pouvoir réel est exclusivement militaire. C’est pourquoi que le changement ne viendra jamais par le changement d’un homme mais du système tout entier.

    En réalité, après 6 mois de la révolution pacifique du peuple et suite aux échecs sanglants des différentes tentatives de manipulation, de division et de déstabilisation de la révolution orchestrées par le pouvoir, notamment les relais civils utilisés par Gaïd qui s’avèrent inefficace, le régime s’est rendu compte qu’il a déjà perdu la bataille, tant qu’il ne lui reste aucune sortie possible pour essayer d’asseoir son autorité. Gaïd Salah a compris que la partie était finie et perdue. Ce qu’il tente de faire, cependant, c’est d’essayer de gagner du temps, dans l’espoir de trouver des solutions « miracles » ou un relâchement du peuple avant de céder le terrain pour discuter des prérogatives constitutionnelles, sachant que beaucoup de militaires aspirent ardemment à un État de droit qu’ils serviront avec honneur, dignité, abnégation et loyauté.

    Finalement, "Yetnehaw gaa", n’est pas juste un concept, moins encore un mythe, c’est une réalité tangible qui vient de la profonde conviction du peuple avisé et déterminé à prendre son destin en main.



    Auteur
    Kamel Bourenane
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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