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à propos du rôle fondateur du congrès de la soummam et d'abane ramadane

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  • à propos du rôle fondateur du congrès de la soummam et d'abane ramadane

    contribution et témoignage de feu Benyoucef Ben Khedda,membre du comité central du PPA/MTLD , président du GPRA d'Aout 61 à septembre 62

    Dans ces moments troubles de l'histoire nationale ou les cachiristes d'aujourd'hui,héritiers des harkis d'hier lancent une offensive sans précédent contre les fondements et les hommes de la révolution de novembre 54 et de son congrès structurant de la soummam en 1956.


    L’apport de Ramdane Abbane à la Révolution
    43ème Anniversaire du Congrès de la Soummam
    Benyoucef Ben Khedda La tribune/ Mercredi 18 Août 1999

    Abbane Ramdane a toujours constitué une énigme dans notre histoire
    nationale : plus particulièrement celle de la guerre de libération.
    Cette particularité est due au caractère exceptionnel de cet homme qui
    a su marquer la révolution. Elle est due aussi à la manière avec
    laquelle les gardiens de la mémoire officielle ont orienté l’écriture
    de cette page de notre histoire. Beaucoup de choses n’ont pas encore
    été dites sur la période 1954-62; des zones d’ombre subsistent et
    menacent à chaque fois cette mémoire officielle de s’écrouler. C’est
    ainsi : les totems finissent toujours par tomber et le temps en est
    le plus grand ennemi. Mais cette chute n’est pas sans danger si notre
    histoire n’est pas assumée dans la sérénité et par le débat
    démocratique. Sans préjugés ni a priori.L’affaire Abane, qui nous
    hante depuis l’indépendance, a rejailli cette fois-ci à la faveur de
    la publication des Mémoires de Ali Kafi. Les passages qu’il a
    consacrés dans son livre à Abane Ramdane ont soulevé un tollé général
    dont nous espérons qu’il se traduise en un débat fécond sur la guerre
    de libération et les tragédies qui l’ont accompagnées. La réponse de
    Benyoucef Benkhedda aux écrits de Kafi sont à ce titre fort louables
    et permettent de mieux saisir la personnalité exceptionnelle de celui
    qui fut l’un des grands stratèges de larévolution. La Tribune

    Chaque année la date du 20 août vient nous rappeler l’un des
    moments-charnières de notre guerre de libération: le Congrès de la
    Soummam, c’est-à-dire les premières assises de la jeune révolution
    algérienne, en 1956. Un tel événement-fondateur a imprimé à
    l’histoire de notre lutte un tournant majeur par la plate-forme qui en
    est issue et qui trace les contours de l’édifice institutionnel de la
    Révolution. On y retrouve, explicités, les trois éléments clés qui
    identifient la nature du mouvement de libération et sous-tendent sa
    cohérence idéologique et politique : une légitimité révolutionnaire
    articulée sur un programme et une stratégie structurée; un statut
    organique définissant les rouages de la Révolution et leur mode de
    fonctionnement; une direction unique et homogène.Le nom du Congrès de
    la Soummam reste intimement lié à celui d’un personnage d’une trempe
    peu commune: Ramdane Abbane. Homme de conviction et de caractère, il
    a été l’un des principaux promoteurs de l’idée de ce Congrès, comme il
    a été à la fois l’inspirateur avisé de ses orientations et l’artisan
    déterminé de sa préparation et de son succès.

    Un homme de passion

    Tout autant, le souvenir de Abbane demeure également associé à une
    autre ‘uvre maîtresse pour la réussite de laquelle il s’est dépensé
    avec passion: la promotion de la Zone autonome d’Alger -la fameuse
    ZAA- en un fer de lance d’une redoutable efficacité. C’est sous ses
    auspices, en effet, que l’organisation FLN/ALN d’Alger a pris un essor
    fulgurant. Si elle s’est transformée en vitrine éloquente de la
    Révolution en marche, l’élan incisif qu’il a su lui communiquer y est
    certainement pour beaucoup.Abbane n’avait de cesse de hisser Alger au
    rang de capitale de l’Algérie en armes. Avec l’installation en
    septembre 1956 de l’Exécutif suprême du FLN dans cette agglomération,
    il trouva en Ben M’hidi le compagnon idéal qui nourrissait des
    ambitions identiques. Ensemble désormais, ils s’acharneront à mettre
    Alger au diapason d’une ville symbole d’une fière citadelle où se
    développait dans le vacarme des bombes, l’expérience inédite des
    maquis urbains. Le triumvirat que nous formions alors avait reçu du
    CCE mandat de superviser l’organisation algéroise. A leurs côtés, et
    tout en y contribuant de mon mieux, j’ai pu apprécier combien leur
    rôle avait été déterminant pour insuffler une âme au combat de la ZAA.
    En améliorant et en renforçant les capacités de ses deux branches,
    politique et militaire, en l’impliquant chaque jour davantage dans une
    confrontation exacerbée avec l’ennemi, ils ont permis à la Zone
    autonome de conquérir ses lettres de noblesse. En peu de temps, ils
    ont réussi à faire de cet appareil révolutionnaire de premier ordre,
    un outil offensif doté d’une force d’impact considérable. Les deux
    chapitres qui suivent, consacrés successivement au Congrès de la
    Soummam et à la Zone autonome d’Alger, font partie d’un livre en
    chantier devant paraître prochainement (plaise à Dieu). Je profite de
    l’occasion du 20 août pour en livrer la première mouture et apporter
    ensuite mon témoignage sur le personnage Abbane, l’un des plus grands
    acteurs de l’histoire du mouvement national. Un événement ne saurait
    être saisi et compris que s’il est replacé dans son contexte
    historique . a) Le contexte historique En Algérie: On sait que
    l’insurrection algérienne a été déclenchée par les éléments du CRUA
    (Comité révolutionnaire pour l’unité et l’action), tous issus de l’OS
    (Organisation Spéciale) branche armée du PPA-MTLD, à la suite de
    l’éclatement de la direction de ce parti en deux factions: Comité
    central et Messali.La direction du Mouvement national révolutionnaire
    assurée jusque-là par le Comité central du PPA-MTLD passe alors aux
    «6» du CRUA qui sort au grand jour le 1er Novembre 1954 sous le sigle
    du FLN (Front de libération nationale).Le partage des responsabilités
    entre les «6» , après la réunion du 23 octobre 1954 à Bologhine
    (ex-Saint-Eugène), s’était fait ainsi :Zone 1, Aurès-Némencha,
    Mustapha Ben Boulaïd,Zone 2, Nord-constantinois, Mourad Didouche,Zone
    3, Kabylie, Belkacem Krim,Zone 4, Algérois, Rabah Bitat,Zone 5,
    Oranie, Mohammed-Larbi Ben M’hidi. (Les zones seront remplacées par
    les wilayate après le Congrès de la Soummam).Boudiaf, quant à lui,
    désigné «coordonnateur» par ses pairs, s’envole pour Le Caire porteur
    de la Proclamation du 1er Novembre 1954 qui sera lue sur les ondes de
    Sawt-El-Arab, la Radio du Caire, dans la nuit du 31 octobre au 1er
    Novembre 1954. Ben Bella, Aït Ahmed et Khider, établis déjà depuis
    deux ou trois ans dans la capitale égyptienne où ils représentaient la
    délégation extérieure du PPA-MTLD avaient entre-temps opté pour le
    CRUA et avec les «6» ils constituaient à «9» la première direction du
    FLN.Avant de se séparer à Bologhine, les «6» s’étaient donné
    rendez-vous à la mi-janvier 1955, semble-t-il, pour une évaluation de
    la situation ; les événements surgis de la guerre ne leur permirent
    pas de se rencontrer.Didouche meurt le 12 janvier 1955 dans un combat
    face à l’ennemi. Ben Boulaïd est arrêté le 12 février 1955 à la
    frontière tuniso-libyenne, alors qu’il se rendait au Caire pour hâter
    l’entrée des armes promises.Boudiaf et Ben M’hidi se déplacent entre
    le Maroc et l’Egypte en vue de prospecter le marché des armes et
    organiser leur envoi en Algérie.Abbane, libéré en janvier 1955 après 5
    ans de détention, regagne son village natal de Azzouza en Kabylie.
    Là, il est contacté par Krim et Ouamrane.Bitat est arrêté le 23 mars
    1955. Ouamrane prend la relève à la tête de la zone IV et confie, en
    accord avec Krim, la responsabilité d’Alger à Abbane.Une «direction»
    de fait s’impose avec Abbane, qui en devient l’âme, Krim, chef de la
    zone de la Kabylie et Ouamrane, chef de l’Algérois ; Ben Khedda est
    l’un des assistants de Abbane au début de 1956.Abbane impulse à cette
    direction un souffle nouveau ; elle devient la véritable direction
    nationale de l’Algérie, un centre de coordination entre les chefs de
    l’intérieur et entre ces derniers et ceux de l’extérieur.
    ارحم من في الارض يرحمك من في السماء
    On se fatigue de voir la bêtise triompher sans combat.(Albert Camus)

  • #2
    Une mobilisation considérable

    Abbane la transforme en plaque tournante du FLN, vitrine de la lutte
    pour l’indépendance. Par les tracts qu’il rédige, il lance des mots
    d’ordre et des proclamations qui ont des répercussions au-delà des
    frontières. Sa devise était : «La libération de l’Algérie sera
    l’oeuvre de tous les Algériens, et non pas celle d’une fraction du
    peuple algérien quelle que soit son importance.» Autour de lui se
    forme une équipe qui réalise un travail de mobilisation et de
    propagande considérable aussi bien en direction de la population
    musulmane qu’envers les libéraux et les progressistes de la population
    européenne.Vis-à-vis de la population musulmane, il déclenche une
    dynamique d’union nationale qui se solde entre l’automne 1955 et le
    printemps 1956 par l’adhésion au FLN des membres du Comité central du
    PPA-MTLD et de leurs partisans (les «centralistes») , de l’UDMA de
    Ferhat Abbas, de l’Association des Ulémas de Bachir Brahimi, ce qui
    élargit les assises du Front, son champ d’intervention et isole les
    messalistes avant de les marginaliser totalement sur le territoire
    national ; cependant, ils restaient majoritaires en France où une
    lutte sanglante et meurtrière était engagée entre leur parti : le MNA
    et le FLN ; l’enjeu en est l’émigration algérienne forte de 300 000
    âmes, d’où ils envoient fonds et instructions à leurs maquis encore
    actifs à Alger-ville, en Kabylie et dans le Sud du pays. Le PCA
    (Parti communiste algérien) a éclaté à cause de sa composition mixte
    formée d’Européens et d’Algériens et de sa sujétion au PCF (Parti
    communiste français) allié au parti socialiste de la SFIO de Guy
    Mollet au sein du Front républicain qui accédera au gouvernement en
    mars 1956.Alger servira de base logistique non seulement à l’Algérois
    et à la Kabylie toute proche, mais à toute l’Algérie : médicaments,
    argent, effets militaires y sont collectés et acheminés dans toutes
    les régions sans distinction.On assiste alors à une accélération de
    l’intégration des catégories socioprofessionnelles : juillet 1955,
    création de l’UGEMA, 24 février 1956, création de l’UGTA qui vient
    remplir le vide laissé par la CGT (Confédération générale des
    travailleurs) d’obédience CGT française, l’UGCA (Union générale des
    commerçants), 19 mai 1956, appel à la grève des étudiants lancée par
    l’UGEMA qui mobilise la jeunesse des lycées et de l’université
    contribuant ainsi à enrichir le maquis.Les étudiants et les quelques
    intellectuels qui avaient adhéré au Front posaient déjà des questions
    d’ordre idéologique : nature de l’Etat algérien indépendant, réforme
    agraire, problèmes sociaux et économiques, stratégie de la guerre,
    etc.En dehors des tracts et des communiqués paraissant
    occasionnellement, le FLN ne disposait pas encore d’un journal pour
    propager ses idées, s’affirmer sur le plan public, faire connaître son
    point de vue sur les événements, relater les exploits de l’ALN,
    dénoncer les massacres et les tortures de la police et de l’armée
    françaises.Abbane créa d’abord une commission dont le résultat se
    traduira par l’élaboration du «Projet de la Plate-forme de la
    Soummam».En juin 1956, paraît El Moujahid, organe central du FLN,
    entièrement composé, tiré et diffusé par des militants d’Alger. Il
    sera diffusé non seulement en Algérie, mais parmi l’émigration
    algérienne en France, en Tunisie, au Maroc et au Caire. Il fera
    connaître les positions officielles du FLN dont il augmentera
    considérablement l’audience.Vient s’ajouter à cette dimension
    médiatique, Kassamene, l’hymne du grand poète nationaliste Moufdi
    Zakaria, qui va galvaniser les moudjahidine et le peuple dans le
    combat pour l’indépendance.A Alger commencent à défiler alors les
    journalistes internationaux pour leur reportage aussi bien en ville
    que dans les maquis.Parallèlement, se poursuivait, grâce à un noyau de
    militants d’Alger l’encadrement de la population, dans une structure
    spécifique : la Zone autonome d’Alger avec ses deux volets :
    politique et militaire. Mais l’obstacle majeur dans la lutte pour
    l’indépendance demeure la minorité européenne forte d’un million
    d’habitants sur les 10 que comptait alors le pays , ce qui avait fait
    de l’Algérie une colonie de peuplement « l’Algérie française » dont
    ils détenaient les rênes du pouvoir. La Révolution grandissante
    inquiète ce bloc raciste et colonialiste qui commence à se fissurer.
    Des individus et des groupuscules appartenant aux trois confessions
    catholique, protestante et juive (catholique surtout), émus par les
    massacres de civils musulmans, prennent position contre la répression.
    Cependant, la grande majorité reste fidèle à l’armée et au
    gouvernement de Paris.En FranceEn France, l’Algérie est devenue la
    première préoccupation du gouvernement et de l’opinion publique.En
    mars 1956, le Front républicain socialo-communiste a remporté les
    élections législatives et Guy Mollet, chef de la SFIO, est porté au
    pouvoir. Grâce aux «pouvoirs spéciaux» votés par la nouvelle
    Assemblée, le gouvernement de gauche augmente le potentiel répressif
    de son armée. De 200 000 hommes en 1956, l’effectif de cette dernière
    va être doublé et porté à 400 000. En même temps, Guy Mollet lance
    son triptyque : cessez-le-feu, élections, négociations. Son idée
    était d’obtenir la reddition de l’ALN. Après quoi, il organiserait
    des élections en vue de dégager des «élus» avec lesquels il
    «négocierait». Un moyen d’imposer une solution militaire. Pour le
    FLN, il n’y avait pas d’autres perspectives que la guerre.Les maquis
    avaient fini par faire leur jonction. Cependant des conflits
    frontaliers éclataient à l’exemple de celui de la zone II s’opposant à
    la base de l’Est pour le contrôle de la bande frontalière de
    Tunisie.Dépassements, encadrement déficient, structures différentes
    d’une zone à l’autre caractérisaient l’ALN. Son extension dépendait
    étroitement de l’armement et les promesses faites de l’extérieur ne se
    réalisaient pas. C’est en se rendant au Caire que Ben Boulaïd fut
    arrêté à la frontière tuniso-libyenne, et c’est pour armer les
    djounoud que Zighoud Youcef lança sa fameuse opération du 20 août
    1955.A l’ONU, lors de la session de 1955, les délégués arabes ont
    tenté d’inscrire la «Question algérienne» à l’ordre du jour. Elle fut
    rejetée par la majorité acquise à la France et ses alliés.L’attitude
    des gouvernements arabes, bien que favorable à l’Algérie,
    particulièrement de celui de l’Egypte, est sujette à des fluctuations
    sous la pression de la France qui monnaie son aide économique et
    financière. Le porte-parole du FLN à la radio Sawt el Arab
    Abderrahmane Kiouane, libre jusque-là dans ses interventions, est
    censuré. Le danger est grand de voir la Révolution algérienne
    instrumentalisée par Djamel Abd-Ennasser qui jouit d’un immense
    prestige auprès des masses arabes du Golfe à l’Atlantique et dont il
    ambitionne le leadership.Le colonel Fethi Dhib, l’un des responsables
    des services spéciaux du Raïs, man’uvre dans ses rapports avec les
    membres de la délégation extérieure où il privilégie Ben Bella. Un
    gros problème se posait à la direction du FLN partagée entre Alger et
    Le Caire, celui des positions officielles sur telle ou telle question
    pesant sur le cours de la Révolution: ainsi l’ouverture des
    négociations qui pouvaient ébranler la cohésion politique du FLN et
    semer la division, cette maladie mortelle des révolutions. Jusqu’ici,
    l’identité de formation des dirigeants tous issus du même parti : le
    PPA-MTLD, avait empêché l’éclatement. Mais le danger pouvait survenir
    devant les initiatives de la France.
    ارحم من في الارض يرحمك من في السماء
    On se fatigue de voir la bêtise triompher sans combat.(Albert Camus)

    Commentaire


    • #3
      L’absence d’une direction nationale

      Déjà des dissonances apparaissaient entre Abbane qui affirmait : «Pas
      de négociations sans la reconnaissance préalable par la France de
      l’indépendance algérienne», alors que de son côté Khider au Caire
      parlait d’«Assemblée nationale constituante».La France ne se privait
      pas d’exploiter ces contradictions. Et quand les journalistes
      posaient aux officiels français la question des «négociations»,
      ceux-ci répondaient invariablement «Avec qui?», se contentant de
      parler de «fait national algérien», de «table ronde» destinée en
      réalité à noyer le FLN dans un ensemble de partis sans
      représentativité : MNA, PCA et autres formations et personnalités
      musulmanes et européennes. S’il existait des commandements à
      l’échelle zonale, si au Caire la délégation extérieure assurait avec
      plus ou mois d’efficacité la représentation du FLN, par contre, il
      n’existait pas une direction centrale coordonnant les activités du
      FLN, politiques et militaires, nationales et internationales, obéie de
      tous, constituant une autorité en mesure de se poser en interlocuteur
      valable vis-à-vis de l’adversaire, porte-parole de la Révolution et du
      peuple algérien.A un moment donné il fut question d’une direction de
      «12» membres: 6 de l’intérieur (Ben Boulaïd, Zighoud, Krim, Bitat,
      Abbane, Ouamrane) et 6 de l’extérieur (Ben M’hidi, Ben Bella, Aït
      Ahmed, Khider, Debbaghine, Boudiaf).Un des sujets de discorde, qui ne
      cessait de tendre les rapports entre Alger et Le Caire, c’était les
      éléments envoyés d’Alger pour représenter le FLN sur la scène
      internationale et qui étaient contestés par ceux du Caire :
      Debbaghine, Ferhat Abbas, Kiouane, Tewfik El Madani.Cependant, dans
      chacune de ces lettres au Caire, Abbane revient à la charge sur la
      question des armes où il parle de «carence». C’est pour tenter de
      régler tous ces problèmes politiques, militaires et autres et désigner
      la direction officielle du FLN absente de la scène politique depuis 2
      ans qu’Abbane finit par prendre l’initiative de s’adresser aux chefs
      de maquis en vue d’une rencontre. Il avait déjà l’accord de Krim
      (Kabylie), Ouamrane (Algérois); il n’arrive pas à joindre Ben Boulaïd,
      évadé de la prison de Constantine depuis novembre 1955 et dont il
      était sans nouvelles. A Youcef Zighoud (Nord Constantinois) il
      délègue Saâd Dahlab pour en savoir davantage ; et c’est ainsi que le
      futur négociateur d’Evian inaugure son activité «diplomatique» au FLN.
      Concernant la réunion des chefs du FLN, il y avait identité de vue
      entre Zighoud et Abbane. Les éléments qui étaient à l’extérieur sont
      également touchés par ce dernier: Aït Ahmed, Ben Bella, Ben M’hidi,
      Boudiaf. Seul Ben M’hidi qui avait déjà pris la décision de rentrer
      le fera et sera à Alger en mai 1956. On ne connaît pas exactement les
      motifs pour lesquels les autres membres qui étaient à l’extérieur
      n’ont pas suivi l’exemple de Ben M’hidi. b) Les décisions du Congrès

      CNRA et CCE

      Le Congrès se réunit à Ifri-Ighzer Amokrane, sur la rive gauche de la
      Soummam, à quelques kilomètres d’Akbou, le 20 août 1956. Le
      procès-verbal de la première séance donne la liste des présents. «Les
      membres présents étaient :- BEN M’HIDI, représentant de l’Oranie
      (président de Séance),- ABBANE, représentant le FLN (secrétaire de
      séance),- OUAMRANE, représentant de l’Algérois,- KRIM, représentant de
      la Kabylie,- ZIROUd, représentant du Nord constantinois,- BENTOBBAL,
      adjoint de Zirout.Membres absents :- BEN BOULAID, représentant des
      Aurès-Nemenchas,- SI CHERIF, représentant du Sud (excusé après avoir
      adressé son rapport à la réunion).» 1Comme on le voit, le Congrès se
      réduit à six membres. En dehors des séances, chacun se retrouvait
      avec d’autres éléments de sa zone : Ali Kafi, Mostefa Ben Aouda et
      Brahim Mezhoudi avec Zighoud et Ben Tobbal ; Saïd Mohammedi et Aït
      Hamouda Amirouche avec Krim (zone III) ; Déhilès, Si M’hammed
      Bouguerra et Ali Mellah (Si Chérif) avec Ouamrane (zone IV). Chaque
      chef de zone présenta un état de la situation : effectif des
      moudjahidine, armement état d’esprit des combattants et de la
      population.Le Congrès procéda à la désignation des organes de
      direction de la Révolution : -CNRA (Conseil national de la Révolution
      algérienne) et – CCE (Comité de coordination et d’exécution). Le
      CNRA, direction suprême, joue le rôle de parlement du FLN : Assemblée
      législative, symbole de la souveraineté nationale, elle prend les
      décisions d’orientation politique, militaire, économique et sociale.
      Elle désigne l’exécutif: le CCE. Le CNRA engage des négociations
      avec l’adversaire, se prononce sur la guerre et la paix. Le CNRA
      désigné par le Congrès de la Soummam se composait de 34 membres: 17
      titulaires et 17 suppléants (voir tableau ci-dessous).Le problème
      crucial de l’armement revenait sans cesse dans les débats et le bilan
      de la délégation extérieure fut jugé négatif. Le Congrès se résolut à
      la seule décision révolutionnaire : prendre les armes là où elles
      étaient, c’est-à-dire chez l’ennemi.Des décisions importantes furent
      prises concernant l’ALN: limites territoriales des wilayate,
      hiérarchisation, organisation en unités depuis le demi-groupe composé
      de 4 combattants dirigés par un caporal jusqu’au bataillon qui compte
      350 combattants dirigés par le colonel de la wilaya.En vue d’humaniser
      la guerre, furent strictement interdits l’égorgement, l’exécution des
      prisonniers de guerre, la mutilation des cadavres. Deux principes
      fondamentaux furent votés : primauté du politique sur le militaire et
      primauté de l’intérieur sur l’extérieur.
      ارحم من في الارض يرحمك من في السماء
      On se fatigue de voir la bêtise triompher sans combat.(Albert Camus)

      Commentaire


      • #4
        La plate-forme de la Soummam

        La plate-forme de la Soummam analyse la situation politique 20 mois
        après le déclenchement de l’insurrection, fixe les objectifs à
        atteindre et les moyens d’y parvenir. En outre, elle pose le problème
        des négociations et les conditions de cessez-le-feu qui serviront de
        base, cinq ans plus tard, aux négociateurs d’Evian :II) Cessez-le-feuC
        o n d i t i o n s :a) politiques :1°) – Reconnaissance de la nation
        algérienne indivisible.Cette clause est destinée à faire disparaître
        la fiction colonialiste de «l’Algérie française». 2°) –
        Reconnaissance de l’Indépendance de l’Algérie et de sa souveraineté
        dans tous les domaines, jusque et y compris la défense nationale et la
        diplomatie.3- Libération de tous les Algériens et Algériennes
        emprisonnés, internés ou exilés en raison de leur activité patriotique
        avant et après l’insurrection nationale du 1er Novembre 1954.4-
        Reconnaissance du FLN comme seule organisation représentant le peuple
        algérien et seule habilitée en vue de toute négociation. En
        contre-partie le FLN est garant et responsable du cessez-le-feu au nom
        du peuple algérien.b) militaires :Les conditions militaires seront
        précisées ultérieurement.(Extrait de la Plate-forme du Congrès de la
        Soummam.)Contre la propagande de la France qui accusait le FLN d’être
        au service d’une puissance étrangère, la Plate-forme de la Soummam est
        catégorique : «La Révolution algérienne est un combat patriotique
        dont la base est incontestablement de caractère national, politique et
        social. Elle n’est inféodée ni au Caire, ni à Londres, ni à Moscou,
        ni à Washington». L’allusion au «Caire» déplut fortement à Fethi Dhib
        et bien sûr à Abd-Ennasser qui voulait se faire passer pour le «tuteur
        de la Révolution algérienne». Certes il n’y a pas eu de doctrine mais
        un effort pour combler le vide idéologique et politique existant : ce
        n’était qu’une plate-forme. Elle ne pouvait que fixer les objectifs
        stratégiques de la guerre et les moyens d’y parvenir, notamment les
        conditions du cessez-le-feu. Son mérite aura été d’avoir fourni aux
        militants et aux cadres du FLN, à l’extérieur comme à l’intérieur, des
        repères d’orientation clairs et précis pour la poursuite du combat.
        Le principe de la nation algérienne, partie intégrante du Maghreb
        arabe, fut solennellement rappelé.Vis-à-vis de la minorité européenne
        le droit d’opter pour la nationalité algérienne fut reconnu à titre
        individuel et sur demande de l’intéressé. Ce qui a honoré la
        Révolution algérienne, c’est qu’il n’y a jamais eu de pogrom
        anti-juif. Le boycott des commerçants juifs fomenté par des
        provocateurs dès le début de la Révolution fut étouffé dans l’oeuf par
        le FLN. Pas de profanation de synagogues, ni d’églises, ni de temples
        protestants au cours des 7 années et demi de guerre, malgré la
        participation active de la majorité d’entre eux à la répression. La
        Plate-Forme de la Soummam a fait connaître au monde le visage d’une
        Algérie luttant pour une cause juste, dépourvue de chauvinisme et de
        haine raciale, ouverte à tous ses habitants, y compris aux
        non-musulmans, tournée vers l’avenir.

        Les insuffisances du Congrès

        Il y a eu d’abord les absences : celle de la wilaya des
        Aurès-Némencha et celle du chef de la base de l’Est, Amara Bouglez,
        qui alimenteront l’opposition au Congrès. Boussouf, l’adjoint de Ben
        M’hidi à la tête de la Wilaya V et qui en assurait l’intérim, reprocha
        à Ben M’hidi d’avoir engagé la wilaya sur des questions impliquant
        l’avenir du pays, alors qu’il aurait été délégué uniquement pour «des
        questions d’ordre organique et de coordination».Ben Bella contestera
        la présence de «certaines personnalités» au CNRA («centralistes»,
        UDMA, les Ulémas), la primauté de l’intérieur sur l’extérieur et la
        primauté du politique sur le militaire. Cet avis fut partagé par
        d’autres membres de la délégation extérieure. L’évaluation précise de
        la situation militaire n’a pas été faite. L’on se contenta de dresser
        le bilan de chaque wilaya en armes, hommes, finances, sans étude de
        l’ensemble des forces en présence, algériennes et françaises,
        d’étudier le problème de la guérilla et son évolution. La grande
        préoccupation des maquisards et du Congrès était de se procurer des
        armes et d’étendre le conflit à tout le territoire. On était à la
        veille d’une guerre d’extermination. L’élaboration d’une stratégie
        militaire dans ces conditions était impossible ; les congressistes
        n’avaient pas une vision claire des étapes à parcourir. On ne pouvait
        exiger de ces maquisards poursuivis à mort par l’armada française et
        la multitude de ses services de renseignements et d’espionnage
        d’accomplir des prouesses. Leur mérite a été de se réunir en pleine
        guerre, au milieu de mille dangers, et d’avoir fondé une légalité
        révolutionnaire qui durera jusqu’à l’indépendance et qui servira par
        la suite de fondement aux institutions de l’Etat algérien. Et le rôle
        de Abbane a été là, il faut le reconnaître, prédominant. Le Congrès a
        doté la Révolution d’une autorité nationale: le CNRA et d’un organe
        suprême d’exécution: le CCE. Ce ne sont pas les congressistes de la
        Soummam qui ont étudié et adopté le texte de la «Plate-forme de la
        Soummam». Il en confièrent la tâche au CCE. Celui-ci lui consacra
        plusieurs séances à Alger et procéda à sa publication le 1er novembre
        1956 non sans avoir envoyé un exemplaire du procès-verbal à la
        Délégation extérieure du FLN.L’éventualité du «gouvernement
        provisoire» fut laissée à l’initiative du CCE.Lorsque le Congrès de la
        Soummam définit à Alger le statut de «Zone autonome» il tient compte
        de sa situation spécifique : zone du fait de son exiguïté
        territoriale, wilaya à part entière de par son potentiel humain, la
        qualité de ses cadres et les objectifs qui lui étaient assignés par la
        Révolution. Sur 700 000 habitants que comptait le Grand-Alger, plus
        de la moitié était d’origine algérienne embrigadées dans les
        structures du FLN. La Casbah, à elle seule, comptait 80 000
        habitants.
        ارحم من في الارض يرحمك من في السماء
        On se fatigue de voir la bêtise triompher sans combat.(Albert Camus)

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        • #5
          II La Zone autonome d’Alger

          La ZAA a fonctionné comme telle. Aux yeux du CCE, de par son
          importance stratégique sur l’échiquier national, de par la portée
          psychologique nationale et internationale de ses interventions, de par
          son rôle de caisse de résonance de la Révolution, elle était
          considérée comme une wilaya, et même un peu plus, elle était la wilaya
          du CCE lui-même.Jusqu’à début 1956, l’organisation FLN d’Alger était
          structurée en réseaux politico-militaires qui, parfois, se
          chevauchaient et se concurrençaient. Tous ces réseaux gravitaient
          autour de Krim et surtout de Ouamrane et de Abbane, ce dernier secondé
          par Ben Khedda.Parmi les plus importants de ces réseaux, citons :- les
          réseaux Lakhdar Rebbah, Mohammed Ben Mokaddem et Rachid Amara, – le
          réseau Hachemi Hammoud et Hachemi Touati,- le réseau Ahcène Laskri et
          Ben Mohammed Hammada,- le réseau Ahmed Chaïb (Ahmed Loghrab), – le
          réseau Cherif Debbih,- le réseau Arezki Bouzrina (Hdidouche) et Ahmed
          Ghermoul, le réseau Mustapha Fettal et Belkacem Bouchafa.Toutes les
          têtes de file de ces réseaux ont été des adjoints de Abbane. A partir
          de mars-avril 1956, l’organisation d’Alger est restructurée en trois
          régions ; les anciens réseaux étaient dissous et leurs membres
          intégrés au sein de ces régions. L’opération de restructuration
          confiée à Brahim Chergui à cette date durera jusqu’à août-septembre
          1956.En septembre 1956, l’organisation algéroise du FLN prend la
          nouvelle dénomination de «Zone autonome d’Alger», avec toutes les
          prérogatives d’une wilaya.Siège du CCE, la ZAA est sous l’autorité
          statutaire du CCE. Trois des membres de ce dernier en supervisent
          désormais les activités : Abbane, Ben M’hidi et Ben Khedda.Sur le
          plan organisationnel, la ZAA se composait de deux branches distinctes,
          mais complémentaires : La branche militaire, dont le suivi des
          activités est confié à Ben M’Hidi: formée de groupes et de commandos
          de fidaïne, auxquels s’ajouteront à partir de l’été 1956 les «réseaux
          bombes». La branche militaire a été dirigée successivement pa :
          (Mustapha Fettal (octobre l 955-mars 1956), (Belkacem Bouchafa (avril
          1956- août1956), (Yacef Saâdi (août1956- septembre 1957).Avant le
          Congrès de la Soummam, la branche militaire activait sous l’autorité
          directe d’Ouamrane, lequel était, de la sorte, le responsable
          hiérarchique de Fettal, puis de Bouchafa.A la fin de 1956,
          l’état-major de la branche militaire était constitué comme suit : –
          Responsable : Yacef Saâdi ; Adjoint: Ali Amar (Ali La pointe)-
          Région I: Abderrahmane Arbadji ; Adjoint: Hadj Othmane
          (Kamel)-Région Il : Hammoud Ader,Adjoint : Ahcène Ghandriche,-
          Région III : Omar Bencharif (Hadj Omar),Adjoint: Boualem
          Benabderramane (Abaza).La branche politique, confiée à Brahim Chergui
          était sous la supervision directe de Abbane et de Ben Khedda ; grosso
          modo, elle couvrait trois types d’activités :Le travail
          politico-idéologique: diffusion des mots d’ordre du FLN, de sa
          littérature, de ses tracts ; encadrement psychologique des populations
          afin de les rendre perméables à la «mystique du Nidham», c’est-à-dire
          la toute-puissance de l’organisation en tant que symbole et autorité
          morale du FLN, appuyée sur d’autres organisations à caractère social,
          culturel, économique (UGTA, UGCA, UGEMA?).- Le travail
          politico-administratif: encadrement «physique» de la population, sa
          sensibilisation aux directives du FLN, mise en place des bases
          minimales d’un contre-pouvoir et d’une contre-administration
          permettant la symbiose permanente entre le peuple et l’organisation,
          collecte de l’impôt patriotique, recensement des refuges, etc.,-
          Enfin, une mission spéciale de renseignement et de police politique,
          ce qui confère à la branche politique de la ZAA un caractère plutôt
          politico-militaire que seulement politique, au sens traditionnel de ce
          terme.La branche politique créée fin octobre 1956 par le CCE disposait
          de ses propres groupes de fidaïne. On les appelait aussi «groupes
          d’intervention» pour bien marquer la différence avec les «groupes
          armés» qui, eux, relevaient de la branche militaire.A la veille de la
          grève des huit jours (29 janvier – 5 février 1957), l’état-major de la
          branche politique se composait comme suit :-Responsable: Brahim
          Chergui-RégionI : Akli Ziane (Ouakli) ou encore Hachemi Hammoud (Si
          Hocine), Adjoint :Sadek Keramane et Abderrahmane Naït Merzouk, –
          Région II : Hachem Malek,Adjoints: Mahmoud Messaoudi et Toufik
          Bensemane.-Région III : Bellouni Si El-Mahfoud, Adjoints: Rachid
          Benrahmoune et Mohammed Sahraoui. Les membres des réseaux «bombes»,
          une quarantaine, formaient les unités d’élite dans ce dispositif.Après
          la grève des huit jours, les deux branches démantelées de la ZAA sont
          reprises en main par Yacef qui deviendra, ainsi, seul chef de la zone.
          Il rassemblera sous son autorité les deux branches et cela jusqu’à son
          arrestation en septembre 1957. L’épopée de la première zone autonome
          prendra fin, début octobre 1957, avec le dynamitage du réduit où
          s’étaient barricadés Ali Amar et ses derniers compagnons. Construite
          sur le modèle pyramidal, la ZAA était composée d’environ 12 000 hommes
          répartis en 3 régions, chacune gérée par 2 branches : militaire et
          politique.La branche militaire comportait 2 à 3 groupes par quartier,
          hormis la Casbah avec ses 80 000 habitants qui, elle, servait de base
          à une dizaine de groupes évoluant entre 40 et 50 éléments. C’était le
          vivier où puisait constamment l’organisation pour le recrutement des
          militants, des moudjahidine et des fidaïne. Ces derniers sans attache
          à un groupe particulier, formaient une espèce de réserve d’une
          cinquantaine d’hommes par région.Branche militaire et branche
          politique formaient un outil qui, avec ses attentats quotidiens,
          marquait une présence percutante où chaque action perpétrée à Alger
          avait une portée décuplée par ses effets démoralisateurs sur la
          population européenne : le moindre acte «terroriste» était fortement
          médiatisé et les actions particulièrement dévastatrices sur le plan
          psychologique et moral. On avait affaire à des militants instruits,
          formés, issus pour la plupart des rangs du PPA-MTLD. C’était l’ALN de
          la ville, différente de l’ALN de la montagne ou de la plaine. Le CCE
          avait ouvert dans la guerre avec la France un front urbain, le seul
          qui mobilisa dans la capitale une bonne douzaine de régiments de
          l’ennemi et qui n’existe nulle part ailleurs dans le monde. La
          présence du CCE, installé parmi la population musulmane, quelque part
          à Alger (en réalité en plein quartier chic européen du Télemly) était
          un gage de garantie et de confiance pour les combattants. Par leurs
          actions individuelles et collectives dans un cadre strictement urbain,
          les moudjahidine jetaient le discrédit sur les autorités et leur
          crédibilité et révélaient l’impuissance de la France à maintenir
          l’ordre en Algérie, fût-ce à sa porte, malgré une armée suréquipée et
          plus nombreuse, provoquant chez la population européenne un syndrome
          de l’isolement, la poussant à un repli sur elle-même, en vérité vers
          son origine, en direction de la métropole. Telle fut la Zone autonome
          d’Alger qui fit d’Alger dans les années 1956-1957 la capitale de
          l’Algérie en guerre et où Abbane et son équipe jouèrent un rôle
          déterminant.
          ارحم من في الارض يرحمك من في السماء
          On se fatigue de voir la bêtise triompher sans combat.(Albert Camus)

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          • #6
            III Le personnage de Ramdane Abbane

            Comme tous les grands personnages de l’histoire, Abbane a eu ses
            détracteurs, qualifié par eux, tantôt de «régionaliste», hostile à
            «l’arabo-islamisme», tantôt d’«autoritariste», voire par certains
            d’«agent de l’ennemi», de «traître» même. Avant de répondre à ces
            accusations, disons un mot sur son itinéraire. Ayant obtenu son
            baccalauréat en 1942 au Collège colonial de Blida (l’actuel lycée
            Ibnou Rochd), Abbane trouva un emploi à Chelghoum El-Id (ex
            Châteaudun-du-Rhumel) comme secrétaire de commune mixte. Il le
            sacrifiera aussitôt pour s’engager résolument dans le PPA, le seul
            parti à revendiquer l’indépendance. En 1950, chef de la wilaya d’Oran
            et membre du Comité central du PPA-MTLD, il est arrêté pendant la
            grande répression de l’OS, branche armée de ce dernier (le rôle du
            chef de wilaya était de situer dans l’organisation politique les
            éléments aptes à la lutte armée et de les verser à l’OS). Il est
            transféré d’une prison à l’autre, en Algérie et en France, et libéré
            après 5 ans de détention, en janvier 1955, souffrant d’un ulcère à
            l’estomac consécutif à ses nombreuses grèves de la faim. Il a
            beaucoup lu au cours de sa détention. Lorsque Krim et Ouamrane
            viennent lui rendre visite à sa sortie de prison et lui exposer la
            situation qu’ils vivaient, il est consterné par l’extrême faiblesse
            des moyens de la Révolution et l’insuffisance des cadres maquisards
            qui, malgré leur courage à toute épreuve et leur mépris de la mort
            étaient marqués par l’illettrisme et l’analphabétisme, un sérieux
            handicap pour mener la guerre et conduire des milliers d’hommes et de
            femmes dans le chemin de l’indépendance. Mais cela ne le décourage
            nullement et il se jette corps et âme dans la bataille, décidé à
            offrir le meilleur de lui-même. D’où sa démarche d’ouvrir les portes
            du FLN à tout Algérien désireux de servir la patrie et de rechercher
            des militants formés et compétents qui manquaient cruellement à la
            Révolution. Il s’était vu confier la responsabilité d’Alger-ville par
            Krim et Ouamrane. Fidèle à sa politique d’union nationale, il fit
            appel aux «centralistes» et aux éléments de l’UDMA et de l’Association
            des Ulémas dont certains seront désignés par le Congrès de la Soummam
            au CNRA. Il s’agit de la présence à cet organisme des «Centralistes»
            (Aïssat, Dahlab, Ben Khedda, Yazid, Mehri, Louanchi, Temmam), des
            éléments de l’UDMA (Abbas, Francis) et de l’association des Ulémas (
            Tewfik el Madani et Brahim Mezhoudi).Dans une lettre au CCE, Ben Bella
            écrit:«Ces décisions (celles générales du Congrès de la Soummam) ont
            été en outre, assorties d’autres décisions consacrant la présence
            d’éléments au sein des organismes dirigeants du Front, qui sont une
            véritable aberration des principes les plus intangibles de notre
            Révolution, et qui, si on y prend garde, finiraient, je pèse les mots,
            à lui faire tordre une fois pour toutes le cou.» (Mohammed Harbi, Les
            archives de la Révolution, page 168).Dans l’esprit de Abbane et des
            congressistes de la Soummam, la présence de ces éléments est le reflet
            de la société algérienne avec ses différentes composantes et
            sensibilités qu’il s’agit de récupérer à travers les tendances qu’ils
            représentent et de les engager résolument dans la guerre pour
            l’indépendance.Le CNRA, c’est le parlement du FLN où la majorité des
            membres, 30 sur 34, appartient à l’ex-PPA-MTLD, véritable Assemblée
            législative qui définit l’orientation et la politique du FLN, la seule
            autorité engageant les négociations avec l’adversaire et habilitée à
            proclamer le cessez-le-feu. Abbane est logique avec lui-même. Pour
            lui il n’y a point de salut en dehors de l’union nationale et sans le
            rassemblement aussi large que possible des forces nationales du pays.
            Dans les reproches faits au Congrès adressés à la direction du FLN par
            certains membres de la délégation extérieure, c’est surtout la
            présence au CCE de Ben Khedda et Dahlab qui est visée, «centralistes»,
            accusés d’avoir combattu le déclenchement armé du 1er Novembre 1954.
            Des «centralistes» devenus membres du CCE, habilités en outre à
            «contrôler les activités de nos organismes à l’intérieur et à
            l’extérieur», cela était insupportable pour les «chefs historiques»
            qui estimaient qu’eux seuls avaient le droit de diriger le FLN et la
            Révolution.En réalité, c’était Abbane qui était ciblé et dont la
            montée fulgurante donnait des cauchemars à certains?S’il y avait des
            reproches à faire contre la désignation au CCE des deux
            «centralistes», ce n’était pas uniquement à Abbane à les adresser mais
            aux 4 ou 5 colonels de wilaya présents au Congrès et qui avaient
            ratifié ce choix. 5 ans après, c’est à ce même Ben Khedda et à ce
            même Dahlab qu’il est fait appel en 1961, l’un pour être le deuxième
            président du GPRA, l’autre pour mener à bien les négociations avec la
            France. Et comme par hasard, l’appel est toujours adressé par des
            chefs militaires, les 3 colonels-ministres du GPRA. On rapporte que
            Youcef Zighoud, proposé membre du CCE, aurait refusé pour se consacrer
            entièrement à sa wilaya. Quant au principe de la primauté du
            politique sur le militaire, cela signifie que le FLN commande l’ALN et
            non l’inverse. Ce n’était pas une idée propre à Abbane mais à tous
            les congressistes de la Soummam. Elle a servi de base à toutes les
            révolutions triomphantes. Le mérite de Abbane a été de l’avoir fait
            partager à ses pairs et d’avoir tenté de la mettre à exécution.
            Appliquée de nos jours à l’Etat de droit, cette règle signifie que le
            civil commande le militaire et qu’au sommet de l’Etat le président de
            la République est le chef suprême des armées. N’est-ce pas là le mal
            qui ronge l’Etat algérien depuis l’indépendance et qui nous a conduit
            à la tragédie actuelle? Abbane «régionaliste»? Abbane et les
            congressistes de la Soummam dans une lettre adressée à la Fédération
            de France du FLN en pleine guerre ont sévèrement condamné les éléments
            «berbéristes, messalistes et autres contre-révolutionnaires qui
            continuent leur travail de sape et de division au sein de l’émigration
            algérienne» (Voir le livre d’Anne-Marie Louanchi, Parcours d’un
            militant paru récemment aux éditions Dahlab). Bien que francophone de
            formation, il a toujours soutenu et défendu le principe de l’identité
            algérienne rattachée à la culture arabo-islamique telle qu’elle avait
            été définie dans le PPA-MTLD son école de militantisme, en opposition
            à la théorie colonialiste de «l’Algérie française» ou celle de
            «l’Algérie, nation en formation». Bien que non pratiquant, il a
            toujours observé le plus grand respect envers ses compagnons d’armes
            quant à leur foi et leur piété musulmanes. Ce qui lui importait avant
            tout, c’était l’unité de tous les Algériens sans distinction qui,
            seule, pouvait libérer l’Algérie de la domination coloniale. Si la
            victoire de l’indépendance a été possible, c’est en grande partie
            grâce à cette unité du peuple qui a opposé un front uni à
            l’adversaire.
            ارحم من في الارض يرحمك من في السماء
            On se fatigue de voir la bêtise triompher sans combat.(Albert Camus)

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            • #7
              Abbane «autoritariste»?

              Mais Abbane n’était pas seul. Il avait toute une équipe autour de lui
              menant des activités diverses et où chacun avait un secteur
              particulier : organisation, finances, logistique, milieu européen,
              avocats, liaisons. Lorsque nous étions à Alger, nul protocole
              n’existait entre nous. Nous étions à la même enseigne. Aucun n’avait
              le pas sur l’autre. Nous courions tous le même danger : celui de
              tomber entre les mains des paras de Massu-Bigeard et l’arrestation
              était suspendue au-dessus de nos têtes comme une épée de Damoclès.
              Mais il y avait une entente tacite, une espèce de modus vivendi qui
              consistait à faire confiance à Abbane et à lui reconnaître le
              leadership parce que c’était un homme de décision, un animateur, un
              coordonnateur. C’était lui qui assurait la correspondance avec les
              wilayate, les Fédérations de France, de Tunisie et du Maroc et la
              délégation extérieure. Le CDE alors était homogène.C’est à la sortie
              du CCE du territoire national que les choses changent, sortie décidée
              par les 4 membres restants, y compris Abbane, après la mort de Ben
              M’hidi. Une sortie lourde de conséquences, loin du terrain propre de
              la lutte, dans l’exil propice aux complots, aux coups bas, aux
              man’uvres de toutes sortes et qui sera fatal à Abbane. Son grand
              défaut a été son tempérament. Abbane était entier. Chez lui point de
              nuances. Il lui arrivait d’exploser, d’entrer dans une violente
              colère lorsqu’il s’apercevait d’une anomalie, d’un défaut, d’un abus,
              quitte à faire à son auteur des observations en pleine figure, parfois
              blessantes et publiques. «Tu ne comprends rien», avait-il dit un jour
              à l’un de ses pairs, membre du CCE. Un autre, il le traita de
              «fasciste». Une fois qu’il avait «vidé son sac», il se reprenait. Il
              n’était pas vindicatif ni rancunier. Qui peut se vanter parmi ceux
              qui ont exercé des responsabilités au cours de la guerre de libération
              d’avoir été «démocrate» et de n’avoir pas pris parfois des décisions
              «absolutistes». Les événements imposent souvent d’en prendre sur le
              champ et Abbane en a pris. Cependant, avec tout le respect et la
              considération que nous devons à la mémoire de Abbane, à l’oeuvre qu’il
              a accomplie et à la contribution qu’il apporta à la cause de
              l’indépendance, nous ne devons pas tomber dans le «culte du héros», le
              «culte des morts» en honneur chez les peuples d’Occident qui érigent
              des statues et des stèles à leurs grands hommes. C’est là une
              pratique contraire à nos m’urs, à nos traditions nationales et à nos
              valeurs islamiques qui assimilent cette pratique à une forme de chirk,
              polythéisme tendant à associer le culte de Dieu l’Unique au culte de
              l’homme. Inspirons-nous de ses idées, mais n’allons pas jusqu’à
              l’adorer. Pour nous, Abbane est dans nos c’urs, et c’est en luttant
              pour le triomphe des idées qu’il a défendues que nous serons fidèles à
              sa mémoire, idées qui demeurent plus que jamais d’actualité dans notre
              Algérie souffrante: -la primauté du politique sur le militaire, -la
              primauté de l’intérieur sur l’extérieur (des problèmes internes sur
              les problèmes externes),-l’unité du peuple. Dans son livre paru
              récemment Ali Kafi fait parler des anciens chefs de la Révolution qui
              auraient lancé contre Abbane des accusations de «traître» «agent de
              l’ennemi» et autres «liens secrets». Ces chefs sont connus pour avoir
              été des adversaires et des rivaux de Abbane à la direction du FLN. A
              l’appui de ce qu’il avance, Kafi fait état d’affirmations plus ou
              moins vagues sans fournir des preuves tangibles : les personnes
              impliquées dans cette «trahison», leurs lieux de rencontre, les dates,
              les décisions prises et autres faits concrets. Les arguments de
              l’auteur sont loin d’être convaincants. Alors que l’Algérie se débat
              dans les convulsions d’une tragédie sans nom, alors que la jeunesse
              algérienne est à la recherche de ses repères historiques, on ne peut
              s’empêcher de se poser la question suivante : quelle motivation a
              poussé Kafi, secrétaire de l’Organisation nationale des moujahidine à
              diffamer et à calomnier un symbole de la Révolution, connu pour son
              ‘uvre historique d’unification des forces nationales qui a permis la
              libération de l’Algérie. Il a poussé l’outrecuidance jusqu’à
              s’attaquer à un mort et salir sa mémoire, jouant par là un rôle peu
              glorieux et peu digne.

              B. B. *Titres et intertitres de notre rédaction (1) Le Sud c’était
              la wilaya VI.

              Liste des «22» du CRUA (juin 1954) -Mokhtar BADJI-Othmane Belouizdad
              -Ramdane BEN ABDELMALEK-Ben Mostefa BEN AOUDA – Mustapha
              BENBOULAID-Mohammed – Larbi BEN M’HIDI – Lakhdar BEN TOBBAL – Rabah
              BITAT – Zoubir BOUADJADJ-Slimane BOUALI-Ahmed BOUCHAIB-Mohammed
              BOUDIAF – Abdelhafid BOUSSOUF-Lyès DERRICHE-Mourad DIDOUCHE –
              Abdesselam HABBACHI-Abdelkader LAMOUDI-Mohammed MECHATTI-Slimane
              MELLAH -Mohammed MERZOUGUI-Boudjemaâ SOUIDANI-Youcef ZIGHOUD
              Les noms sont cités par ordre alphabétique.

              §§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

              Cela devrait être dorénavant notre mot d’ordre
              La tolérance, rien que la tolérance.

              ‘Les principaux chefs de maquis étaient acquis à la
              «doctrine Abane»

              Youcef Ben Khedda, La Tribune, 21 Juin 2000

              Aujourd’hui s’ouvre au tribunal de Bir Mourad Raïs le
              procès en diffamation intenté à Ali Kafi pour les propos infamants qui,
              dans ses récents Mémoires, ciblent l’un des héros les plus
              valeureux de notre Guerre de libération : Abane Ramdane. Sa famille s’étant
              portée partie civile afin de laver son honneur outragé, j’ai tenu à venir la
              conforter autant par sympathie que par devoir de vérité envers
              un homme qui a dominé par sa stature exceptionnelle la scène
              révolutionnaire des années 1955-1957. Dans le quotidien la Tribune en date
              du 18 août 1999, je m’étais déjà longuement exprimé sur le cas Abane.
              Cette fois, je serai moins prolixe, m’efforçant
              simplement de tirer les enseignements de la terrible tragédie à
              laquelle son nom demeure associé.

              Rassemblement des forces vives Fin 1955-début 1956, le
              mouvement insurrectionnel du
              1er Novembre 1954 avait pris une telle ampleur qu’il faisait
              courir le risque à ses propres
              promoteurs de les submerger par l’importance et l’urgence
              desproblèmes qu’il charriait.
              Dispersés entre l’intérieur et l’extérieur du pays,
              ceux parmi les «vingt-deux» ou le «groupe des
              neuf» qui avaient échappé à la mort ou à
              l’arrestation voyaient la Direction qui, initialement
              s’identifiait à eux, complètement éclatée, donc
              inopérante. Ils étaient, par ailleurs, divisés quant
              aux voies et moyens de conduire la Révolution. Les principaux
              chefs de maquis comme Krim, Ben M’hidi,
              Ouamrane et, plus tard, Zighoud, étaient acquis à la
              «doctrine Abane» qui préconisait un vaste rassemblement
              des forces vives du peuple algérien. Selon cette ligne, il
              était admis que le FLN se devait de se
              convertir très vite à une véritable stratégie d’union
              nationale aussi large que possible, avec la participation des
              éléments du PPA-MTLD encore à l’écart et, également
              des nationalistes modérés
              appartenant à l’UDMA de Ferhat Abbas ou à
              l’Association des Oulama de Bachir Brahimi.

              A l’opposé, certains membres de la Délégation
              extérieure du FLN au Caire repoussaient toute
              idée d’ouverture du commandement du FLN aux éléments
              issus des anciennes formations politiques.
              Ils considéraient cela comme la pire des déviations car,
              prétendaient-ils, la pureté originelle de
              la Révolution s’en trouverait gravement altérée. De leur
              point de vue, seuls les hommes présents au rendez-vous
              du 1er Novembre 1954 étaient dignes de diriger le mouvement.
              Autrement dit, il reviendrait aux
              «Historiques», et à eux uniquement, de jouir d’une
              monopolisation sans partage
              du pouvoir de décision. Est-il besoin de préciser que le
              concept d’«Historiques» a d’abord été lancé par
              la presse occidentale de l’époque pour désigner, par
              commodité, la poignée d’hommes qui
              avaient présidé au déclenchement insurrectionnel.

              A la faveur d’un glissement sémantique tout à fait abusif,
              ce mot s’était ensuite chargé d’une connotation
              foncièrement
              militariste, laquelle avait fini par prévaloir dans les esprits
              peu politisés. La primauté du politique sur le militaire
              L’assimilation sommaire des «Historiques» aux
              «militaires» procédait d’un simplisme
              réducteur. Elle impliquait l’inévitable dévalorisation
              des «politiques»,
              assimilés à leur tour aux «civils» et même,
              péjorativement, aux «politiciens» et, de ce fait,
              cantonnés dans un
              statut subalterne. Une telle discrimination reflétait une tendance
              sans cesse croissante à ne
              compter que sur la force des armes. Privilégiant le militaire au
              détriment du
              politique, elle était en porte-à-faux avec les conceptions
              d’un Ben Boulaïd ou d’un Ben M’hidi, qui se
              considéraient
              avant tout comme des militants politiques portant l’uniforme par
              nécessité. Que leur
              fût accolée l’étiquette d’«Historiques» qu’ils
              n’avaient, au demeurant,
              jamais sollicitée, ils n’en récusaient pas moins
              l’idée qu’on pût les ériger en catégorie à
              part,
              ou en caste militaire en charge exclusive du destin
              national.

              C’est à Abane qu’échoit et le mérite et le courage
              d’avoir réhabilité le rôle fondamental du
              politique en renvoyant à une lecture plus serrée et plus
              exigeante de la
              Proclamation du 1er Novembre. Celle-ci, en effet, consacrait sans la
              moindre
              équivoque l’intangibilité de principe de la prééminence
              du FLN sur l’ALN. Grâce au puissant soutien
              de Ben M’hidi, Abane parviendra à transposer cette
              prééminence dans la
              plate-forme de la Soummam sous la formulation désormais
              célèbre de
              «la primauté du politique sur le militaire». Il va de soi
              qu’Abane ne
              niait en aucune manière l’action déterminante et
              irremplaçable de l’ALN. Dans ses tracts et ses déclarations, il ne manquait
              jamais de glorifier l’efficacité et l’héroïsme des djounoud,
              d’exalter leurs sacrifices et leurs souffrances aux côtés du peuple. Il
              redoutait cependant que ne se renforçât une certaine évolution amorcée dès 1956 qui,
              petit à petit, semblait reléguer au second plan la nécessité
              impérative du travail politique au sein des maquis. En donnant la
              prépondérance aux impératifs de la confrontation sur le
              terrain, en subissant la dictature du champ de bataille
              consécutive à la radicalisation du conflit, les responsables s’investissaient dans
              le militaire à corps perdu.
              Cela se soldait progressivement par une espèce d’évacuation du
              politique au profit d’une vision purement guerrière de la
              lutte de libération. Ce faisant, ils entérinaient la dépolitisation de l’esprit
              combattant, laquelle était déjà en gestation dans la
              généralisation des pratiques volontaristes et spontanéistes.
              Sévissant de la base au sommet, un tel phénomène de
              dépolitisation ne sera pas sans s’accompagner de carences et de déficiences se conditionnant
              les unes les autres, sur fond d’inculture politique et d’indigence idéologique. Il
              en résulta, entre autres, le rétrécissement des
              perspectives et le déficit notoire des capacités d’analyse
              et de synthèse ; l’incohérence par inaptitude à maîtriser l’ordre des urgences, et à
              différencier le substantiel de l’accessoire, le formel et le spectaculaire du
              «consistant» ; l’improvisation et la précipitation par recours aux initiatives à courte vue ;
              surtout, l’autoritarisme sourcilleux articulé sur la répugnance
              à se remettre constamment en question grâce à une autocritique salutaire. C’est
              pour parer à des dégénérescences et des déviations aussi lourdes de
              périls qu’Abane osera affronter les grands responsables militaires du moment
              désormais majoritaires dans le CCE élargi en 1957 avec l’entrée en
              force des colonels dans les organismes dirigeants. Un tournant capital était
              pris qui laissera des traces durables dans nos institutions
              jusqu’à l’heure actuelle. Complètement démonétisé, le politique
              s’effacera pour de bon devant la prépondérance du militaire.
              ارحم من في الارض يرحمك من في السماء
              On se fatigue de voir la bêtise triompher sans combat.(Albert Camus)

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              • #8
                L’assassinat d’Abane entérinera l’échec de sa conception élitiste de la Révolution ;
                il scella le déclin irréversible du primat du politique comme fondement essentiel de
                toute construction populaire et démocratique authentique. En
                contrepartie, qu’avaient donc à proposer ses adversaires ? Beaucoup de grandiloquence
                mais peu de substance.
                L’esprit de novembre On continuera à vivre avec l’exaltation des faits d’armes
                et des prouesses passés mis en scène par la «famille révolutionnaire», à coups de
                célébrations et de commémorations sans fin pour servir une histoire encore atrocement sélective.
                Et pendant ce temps, le peuple
                marginalisé et maintenu dans un état de délabrement moral
                sans issue tantôt gronde et tantôt se morfond dans sa désespérance. Bafoué dans ses
                droits, privé du devoir légitime de contester et de s’opposer, il vit en
                permanence sous les fourches caudines des dispensateurs de la pensée unique qui n’ont de
                cesse d’entretenir la désunion, de propager le mépris de l’autre, et
                de miner tout ce que nos populations renferment de sacré.

                Partisan résolu de l’ouverture du FLN à tous les
                Algériens quelles que fussent leurs opinions, il réussira, avec l’aide décisive
                de Ben M’hidi, à le démocratiser en cassant le monopole que les «Historiques» exerçaient sur sa
                Direction. Et c’est encore d’ouverture démocratique et de l’arrêt de cette
                pensée hégémonique qui nous régit sous la contrainte que
                nous avons aussi le plus soif à l’heure présente. L’esprit de
                Novembre avait guidé les pas d’Abane. Ranimons-le donc, et retournons à ses valeurs
                sacrées, car ce sont elles qui ont cimenté notre unité
                nationale durant la guerre. Efforçons-nous les uns les autres de sauver
                l’Algérie à nouveau. Réconcilions-nous avec nous-mêmes, et acceptons-nous
                dans le respect de nos mutuelles différences en sorte que ces
                différences ne soient plus sources de fitna mais matière à enrichissement par
                tolérance interposée.
                Si chacun se mettait à tuer quiconque n’est pas de son bord,
                si nous persistions à nous entre-tuer, si nous ne faisions preuve de
                tolérance les uns vis-à-vis des autres, alors, d’autres Abane tomberaient,
                le pays poursuivrait sa chute libre,
                s’enfonçant dans une régression sans rémission. Nous
                aurons alors préparé de nos mains inconséquentes le terrain à
                une autre forme de colonisation plus cruelle, plus pernicieuse, plus terrifiante que
                celle dont nous avions triomphé. La tolérance, rien que la
                tolérance, tel devrait être dorénavant notre mot d’ordre
                pour que nos enfants et les enfants de nos enfants puissent vivre dans une
                société de justice, de paix et de progrès, car en elle réside le
                secret de notre renouveau et de notre réussite. Que la tragédie
                d’Abane nous serve de leçon.

                Y. B. K.
                * Ancien président du GPRA.
                ارحم من في الارض يرحمك من في السماء
                On se fatigue de voir la bêtise triompher sans combat.(Albert Camus)

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                • #9
                  Désolé,le thread a été publié dans la rubrique actualité nationale ,si Nassim pouvait le rediriger vers le bouillon de culture..
                  Merci.
                  ارحم من في الارض يرحمك من في السماء
                  On se fatigue de voir la bêtise triompher sans combat.(Albert Camus)

                  Commentaire


                  • #10
                    Les questionnements des sceptiques sont légitimes pourtant et méritent une reponse sérieuse loin du blabla et la pleurniche régionaliste habituelle.

                    Parmi les questionnements que je trouve logique:

                    - Pourquoi revendiquer la primauté du politique sur le militaire alors que la révolution venait d'éclater? Le contexte n'était pas propice puisque ca aurait avorté la révolution.

                    Commentaire


                    • #11
                      Allah yarham le chahid Abane Ramdhane.
                      On devrait donner le nom de ce martyr à une grande université, par exemple celle de Bab Ezzouar
                      « Même si vous mettiez le soleil dans ma main droite et la lune dans ma main gauche je n'abandonnerais jamais ma mission". Prophète Mohammed (sws). Algérie unie et indivisible.

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                      • #12
                        - Pourquoi revendiquer la primauté du politique sur le militaire alors que la révolution venait d'éclater? Le contexte n'était pas propice puisque ca aurait avorté la révolution.
                        abane qui ne faisait pas le poids devant les déclencheurs de la révolution, a trouvé la bonne solution en inondant le FLN par des arrivistes et en créant une nouvelle organisation du FLN /ALN qui lui octroi le role du chef supreme.

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                        • #13
                          Il faut pas juger les actes de Abanne Ramdan allah yarhmou hors contexte. D'ailleur a titre personel ca ne m'interesste pas. Il est pour moi une des figures de la revolution . Point barre !

                          Le problème par ailleurs est avec le courant laïque "occidentalisant" qui ont mit en avant la réuniondu Soumam comme référence pour leurs projet et Abanne Ramdan comme symbole en l'appelant l'architecte de la révolution alors qu'il ne l’était pas.
                          On a entendu a plusieurs reprise ces derniers temps des déclaration de ce courant, que la révolution avant la réunion du Soumam n’était que des actes terroristes.

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                          • #14
                            Les questionnements des sceptiques sont légitimes pourtant et méritent une reponse sérieuse loin du blabla et la pleurniche régionaliste habituelle.
                            La pleurniche vient plutôt de l'autre bord,car à chaque fois que les vérités leur sont lancés à la figure,ils pleurnichent sur les méchants kabyles qui détestent les "arabes" et l'islam,même le hirak a leur yeux est devenu un instrument des "zouaves".

                            Parmi les questionnements que je trouve logique:
                            - Pourquoi revendiquer la primauté du politique sur le militaire alors que la révolution venait d'éclater? Le contexte n'était pas propice puisque ca aurait avorté la révolution.
                            par ce qu'il faut donner une orientation et une organisation politique à toute révolution et que la guerre est une continuité de la politique par les armes,une lutte politique qui commença 30 ans plutôt et c'est le couple FLN/ALN qui mena la guerre,le second étant le bras armé du premier .
                            la révolution avait éclaté deux ans plutôt et l'etat de celle ci n'était pas encore organisée,c'est le congrès de la soummam qui l'organisa et qui l'a structura .
                            depuis 1832 et l'irruption francaise,toutes les insurrections guerrières ont échoués devant la machine de guerre coloniale et la propension des tribus algériennes à trahir et à servir le maître du moment ,feu l'Emir Abdelkader essaya de coupler son action armée par une action politique sur ses compatriotes mais il échoua car il était en avance sur son temps .
                            ارحم من في الارض يرحمك من في السماء
                            On se fatigue de voir la bêtise triompher sans combat.(Albert Camus)

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                            • #15
                              Cette phrase " la primauté du politique sur le militaire " Peut aussi être interprétée par la a priorité de la solution pacifique sur la solution violente.
                              D'ailleurs c'est ce qu'on comprenne du témoignage en video de Farhat Abbas ou il raconte que Abban Ramdan l'a envoyé en france pour trouver une solution pacifique a cette guerre civile en 1955 :22:

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