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Et si les élections étaient le vrai dialogue ?

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  • Et si les élections étaient le vrai dialogue ?

    Les difficultés à composer la commission de dialogue sont, en elles-mêmes, significatives. Elles montrent, notamment, que le processus imaginé par certaines forces politiques d'une étape de transition dirigée par une instance exécutive présidentielle n'est pas viable. En effet, cette instance, a été envisagée dans sa composition, sur la base du même principe, celui de de « personnalités nationales compétentes et crédibles, ayant la confiance du peuple », dont on voit, désormais, qu'il n'est qu'une vue de l'esprit et inapplicable dans les conditions actuelles. Il ne reste plus alors, au fur et à mesure que la situation évolue, que les élections comme sortie démocratique de la crise. La raison en est simple: il n'y a que les élections qui peuvent résoudre la question que nous avons à résoudre, celle à la fois de la représentativité et de la légitimité. Aucune autre formule ne peut le faire.

    Légitimité et représentativité

    On confond trop souvent les deux notions. Or toute la crise mondiale actuelle de la démocratie, que les démocraties soient anciennes ou naissantes, vient du choc frontal entre ces deux exigences du système démocratique.

    L'État de droit et la démocratie représentative, tels qu'ils ont existé jusqu'à présent, ne paraissent plus répondre, aux yeux de peuples de plus en plus nombreux, à leurs aspirations démocratiques. L'abstention électorale prend des allures de « grève du vote », et s'est généralisée, un peu partout, dans le monde, creusant le fossé entre représentativité et légitimité. C'est comme si les citoyens exprimaient leur refus des élites dirigeantes par l'indifférence, la désertion des bureaux de vote. L'abstention est plus de 60% en France, plus de 50% aux États Unis et au Japon. Partout en Europe, des ‘Hirak' sont nés, sous formes de manifestations durant des mois, comme en Ukraine, en Serbie. Les partis dirigeants traditionnels s'effondrent. Des partis dits « populistes » se développent qui dénoncent, eux aussi, ce qu'on appelle désormais « le système ».

    En France, la violence des manifestations est extrême et cyclique. Des permanences de députés sont attaquées et assiégées. En Pologne, en Hongrie, la démocratie représentative est mise en cause ainsi que la justice, la presse.

    En France, le Président Macron dirige le pays avec 20% des voix. Il est légitime mais non représentatif. En Algérie, il en est en réalité de même: du point de vue strict de l'État de droit, le Président Bensalah ainsi que le gouvernement sont légitimes sur la base de la Constitution existante. Mais ils ne sont pas représentatifs. Le ressenti est une chose, le droit en est une autre. Ce déficit de représentativité n'a cessé d'exister et de se développer. Tout le fond de la crise politique est là.

    Des «Gilets jaunes au Hirak»

    On raisonne peut être trop souvent, chez nous, en vase clos, comme si nous n'étions pas influencés profondément, sans même peut être le ressentir directement par l'environnement mondial. Et comme si d'ailleurs, nous ne pouvions à notre tour exercer quelque influence sur l'évolution du monde, à travers un mouvement aussi original et important que le ‘Hirak' algérien. Avant le Hirak, je m'étais beaucoup intéressé au mouvement des ‘Gilets jaunes' français, auquel j'avais consacré plusieurs articles, car j'étais persuadé qu'il s'inscrivait dans un mouvement mondial qui ne pouvait que nous parvenir. En fait, tout cela avait commencé avec « le dégagisme tunisien ». Il avait gagné en 2011, au-delà même des pays arabes, l'Europe du Sud, l'Espagne avec le mouvement des « Indignés », la Grèce, Londres etc. pour finalement aboutir en France, en 2018, puis en Algérie aujourd'hui, avec les mêmes slogans « le peuple veut » et « dégage ».

    Certes les différences nationales sont très grandes, si ce n'est parce qu'il y a, là, de vieilles démocraties représentatives et ici des nouvelles. Mais partout on retrouve des traits communs: le rejet de ce qu'il est convenu désormais d'appeler «le système». C'est le système politique qui est surtout visé, tandis qu'au siècle dernier c'était le système économique, le système capitaliste qui étaient rejetés, et les mouvements étaient essentiellement sociaux. Un autre trait commun c'est la forme aussi du mouvement: de grandes marches populaires cycliques, leur durée, leur permanence, la ténacité des manifestants. Il y, aussi, l'inclusion des médias, dans le système qui est dénoncé, la méfiance à leur égard, couplée avec l'alternative des réseaux sociaux et le rôle énorme pris par eux, aussi bien dans l'organisation du mouvement que dans son animation. Un trait important aussi est le refus, et même le rejet, de toute représentation officielle du mouvement.

    Il faut savoir, en effet, qu'à la base même de ces ‘Hirak', dans le monde, il y a une volonté de démocratie directe, une méfiance envers tout détournement de la volonté populaire même par le biais de la démocratie représentative telle qu'elle fonctionne actuellement. Partout on estime que les élus, une fois qu'ils le sont, « trahissent » leurs électeurs, s'attribuent des privilèges, s'érigent au-dessus du peuple, sont incontrôlables pendant une durée de plusieurs années qui favorisent toutes les manipulations. Les mêmes sentiments existent en Algérie. Les Algériens, notamment les jeunes, sont sur Internet et vivent au rythme mondial. La démocratie directe sur Internet, les échanges, les consultations, les concertations sur les réseaux sociaux sont alors jugés préférables. Avec, bien sûr, les limites de cette « démocratie virtuelle », ses déviations, ses manipulations propres et notamment son problème essentiel, celui du passage à la réalité. Mais c'est un autre sujet.

    C'est donc vouloir résoudre le problème de la quadrature du cercle que chercher à faire représenter le ‘Hirak', comme on en parle à longueur de journée sur les plateaux et au niveau politique. La raison en est double:

    Tout d'abord le ‘Hirak' s'y refuse. Tous ceux qui se sont hasardés à le faire chez nous comme ailleurs, par exemple en France avec les ‘Gilets jaunes' ont été « descendus en flammes ». Dès que des personnalités en son sein émergent, deviennent visibles, elles sont vite obligées de rentrer dans les rangs sous peine d'attaques en règle notamment sur les réseaux sociaux. Il en a été de même pour les partis opposés au pouvoir qui ont nourri le projet de représenter le ‘Hirak' en s'appropriant ses mots d'ordre. Toutes les intentions de le représenter, d'exprimer ses demandes, c'est-à-dire en fait de les trier à l'aune des objectifs politiques de chacun, ont été mal vues.

    .../...

  • #2
    ...
    La deuxième raison est la nature même du ‘Hirak'. Le mot est en lui-même significatif. Il est celui d'un mouvement dont les contours sont indéfinis, d'un phénomène social nouveau, très particulier, et qui se doit d'être étudié. Il s'agit de manifestations, de marches, non pas d'une organisation. On ne peut imaginer les marcheurs s'arrêter dans les différentes villes, à un moment, pour élire leurs représentants.

    Ce mouvement, pas seulement en Algérie mais ailleurs, ne veut pas le pouvoir comme le feraient des partis, il demande le « changement du pouvoir ». C'est un mouvement massif de pression sur le pouvoir. Il continue tant que ses demandes ne sont pas satisfaites, ou qu'il n'est pas convaincu par les décisions prises. Il évolue au fur et à mesure des réponses apportées à ses demandes. Il évolue donc aussi dans sa composante sociale et le nombre des participants. Certains en sortent, d'autres y restent. D'où l'attention apportée partout et par tous au seul moment où il existe, le jour de sa manifestation, avant de nouveau se fondre dans la vie quotidienne.

    Combien de temps cela va-t-il durer ? Le temps de solution à la crise politique? Va-t-il ainsi disparaître un jour, comme par enchantement, une fois la crise réglée ? Ou bien se trouve-t-on devant une forme d'action démocratique qui va s'installer dans le temps et qui va être durable, combinée à nos traditions, comme la journée du Vendredi. L'avenir le dira.

    Ces caractéristiques du ‘Hirak' expliquent pourquoi les tentatives de le faire représenter au sein d'une structure officielle n'ont pas réussi. Il ne semble pas avoir vocation à être organisé, à être représenté dans des structures permanentes. Il est le creuset de la société.

    Les efforts actuels pour lui faire désigner des représentants au dialogue peuvent connaître des difficultés ou échouer ici ou là. Ces efforts ne sont pas pourtant inutiles pour la compréhension d'une situation qui est inédite.

    Le ‘Hirak' n'a d'autre raison d'être, de légitimité pourrait-on dire, que dans la mesure où il exprime non seulement l'opinion publique, mais son sentiment majoritaire, et même général. Le ‘Hirak', dans son évolution, au fil du temps, est le baromètre de cette opinion. C'est pourquoi il est néfaste aussi bien d'opérer une fixation sur lui que de l'ignorer. Le peuple est dans la rue mais la rue n'est pas le peuple. Il ne faut pas oublier que la notion de pouvoir du peuple est une construction démocratique et qu'elle nécessite, pour s'imposer, la liberté du secret des urnes.

    Le ‘Hirak' n'a pas une représentativité politique. Il a une représentativité morale. Quelle est sa représentativité actuelle? En Algérie, comme ailleurs, il n'y a pas d'autres moyens de le savoir, que la tenue d'élections. Toute crise politique nécessite le passage à des élections pour la résoudre. Une fois les conditions de leur tenue démocratique réunies, les élections présidentielles ne seront-elles pas, en réalité, le véritable dialogue qui aura lieu avec le peuple, à travers la confrontation et la concurrence démocratiques, celles des candidats et de leurs programmes ?

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    • #3
      En toutes circonstances, c'est toujours le résultat qui compte.
      Aller à des élections dans l'état actuel des choses, c'est aller ver une nouvelle trahison du peuple comme par le passé.
      L'acharnement du CEM, l'actuel gardien du temple, à empêcher toute autre initiative en est la preuve irréfutable.
      Le problème n'est pas le choix de l'équipe du Panel, mais les règles du jeu imposées par l'armée.
      Le pays compte d'innombrables personnalités crédibles et représentatives du peuple et le Hirak ne s'est jamais opposé aux initiatives sincères.
      Les préalables posés ne sont que des revendications légitimes, un retour à la normale, et leur rejet par l'institution militaire n'est rien d'autre qu'un refus de dialoguer.
      Encore une fois, pas de dialogue et pas d'élection qui ne soient menés dans des conditions imposées par le peuple.
      Laissons le Panel s'organiser comme il le veut et dans les conditions qu'il veut, il est sûr que le Hirak le soutiendra.
      Ce sont les résultats qui comptent.

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      • #4
        Le texte est de qui ?
        Ca ressemble a du Abed Charef ,l'art de noyer le poisson dans l'eau.
        ارحم من في الارض يرحمك من في السماء
        On se fatigue de voir la bêtise triompher sans combat.(Albert Camus)

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        • #5
          Le texte est de qui ?
          C'est omis de façon indélibérée? Tu crois?!!!
          "La chose la plus importante qu'on doit emporter au combat, c'est la raison d'y aller."

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          • #6
            Djamel Labidi Professeur de Sociologie, Université d'Alger 2. Docteur en Economie du développement.

            .huffpost - maghreb

            La crise actuelle en Algérie
            Si la jeunesse s'est mise en mouvement, c'est qu'elle a tout simplement de nouveaux besoins , de nouvelles aspirations économiques et politiques, qu'elle aspire à une meilleure qualité de la vie et plus de liberté, et donc plus de démocratie... Ici, en Algérie, le système politique s'est avéré trop étroit pour ces nouveaux besoins historiques.

            Mardi 12 mars 2019. Sur Cnews, chaine d’information continue française, l’émission d’Yves Calvi : "L’info du vrai". On y débat de la situation actuelle en Algérie. Une émission comme on en voit beaucoup d’autres à ce sujet actuellement sur les chaines françaises d’information.

            Sur le plateau de l’émission d’Yves Calvi, comme sur d’autres d’ailleurs, c’est la grande tendresse à l’égard des réseaux sociaux algériens. Elle tranche avec la méfiance, voire l’hostilité des mêmes intervenants envers les réseaux sociaux français lorsqu’il s’agit des "Gilets jaunes". Ceux-là, on les accusait d’antisémitisme, de racisme, de propagateurs de haine, de" complotisme", de diffuser des fakenews. Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà...

            Affirmations sommaires : Le président Bouteflika est qualifié de "dictateur corrompu", rien que ça, avec une désinvolture étonnante, comme l’aurait fait un quelconque anonyme sur Facebook. Ce plateau de Cnews va aligner , en guise d’explications, tous les clichés habituels : "dictature militaire", "corruption généralisée" en Algérie. Certes on peut toujours dire que des algériens eux-mêmes l’affirment. Qu’il soit employé en France ou en Algérie, l’argument du "Tous pourris", n’est jamais sain et n’a jamais aidé à la réflexion et à la démocratie. Il finit d’ailleurs, pernicieusement, par porter atteinte à tout un pays.

            Il est mauvais de caricaturer une réalité. Cela n’aide pas à voir clair. S’il y a eu, seulement, tout cela en Algérie, une telle dictature aussi horrible, comment expliquer que des centaines de milliers de personnes puissent manifester pacifiquement, sans violence de part et d’autre, et que la fête soit même si joyeuse. Il faut être deux parties antagonistes, à la fois forces de l’ordre et manifestants, pour que la violence s’installe. Encore que les forces de l’ordre par définition ont une plus grande responsabilité. Ce qui s’est passé avec les "Gilets jaunes" en France le prouve amplement. Dès le départ, les manifestants, pourtant bien moins nombreux qu’en Algérie, ont été réprimés cruellement afin, peut-on le supposer, d’éviter que les manifestations ne se développent. En Algérie, bien au contraire, le sentiment de sécurité de chacun a contribué à permettre une participation de plus en plus large. La contradiction n’embarrasse pas le plateau.

            Certes, il ne faut pas faire preuve d’angélisme ou de chauvinisme à rebours. Ce genre de situations historiques est, on le sait, à haut risque. Aucun peuple n’est meilleur qu’un autre, et l’Histoire chancelle souvent entre le rêve et le cauchemar.

            Sur ce plateau de Cnews, comme sur d’autres d’ailleurs, on se contentera de dire, au sujet de la comparaison entre le mouvement populaire français et celui en Algérie, "que les situations ne sont pas comparables". L’un des participants au débat, assènera, à ce propos et comme argument définitif" qu’il est impensable qu’en Algérie il y ait une affaire Benalla pour la bonne raison que le moindre article sur un tel sujet ne pourrait paraitre". Il est merveilleux qu’on puisse, à ce point, être donneur de leçons. Esprit de suffisance, mépris, ou bien ignorance crasse de la situation en Algérie. La vérité est que la liberté de ton de la presse algérienne et des chaines télé d’information est très grande, et probablement bien plus qu’en France. Eh oui... La grande majorité des journaux sont dans l’opposition au pouvoir. La sympathie manifestée par des chaines de télé privé algériennes aux manifestations actuelles serait impensable en France.

            Dis-moi qui te paie je te dirai qui tu es

            Et il y a sur le plateau de l’émission les inévitables experts "locaux" au sens qu’ils vivent en France et sont originaires du pays en question. Ils sont supposés avoir une compétence et apporter des données factuelles. Étrange idée, comme si un Français vivant depuis des lustres en Algérie était appelé sur un plateau algérien pour donner une analyse sur la France. Journalistes franco- algériens, directeurs de centres de recherches aux noms pompeux spécialistes des questions maghrébines arabes ou musulmanes, professeurs émérites d’universités françaises, ils sont là, Algériens ou Franco-Algériens, comme l’étaient hier des Syriens ou des Libyens, à rivaliser de zèle pour prouver leur compétence et justifier leurs confortables salaires. Mais jamais on ne les verra prendre le risque, au nom de la liberté de critique dont ils se prévalent, de soutenir intellectuellement "les Gilets jaunes", ou de dénoncer par exemple l’intervention en Libye, bref prendre le risque d’une confrontation avec leur employeur.

            S’ils faisaient au moins leur travail, s’ils donnaient au moins des données factuelles pour élever le débat... Leurs spécialités supposées, en sociologie, en sciences politiques ou même en Histoire ne leur servent que de masque pour cacher la pauvreté d’une pensée intellectuelle asséchée par des lustres d’absence du terrain, du pays. Ils l’aiment en effet trop pour souffrir d’y vivre. Les données qu’ils avancent ne dépassent pas souvent le niveau des rumeurs, des clichés ou des ragots recueillis probablement dans une conversation téléphonique avec l’Algérie.

            C’est ainsi que l’un d’eux dira, péremptoire, que les ressources en hydrocarbures représentent 95% des ressources de l’Algérie. Faux, elles représentent 95% des ressources en devises mais seulement 30 à 40% de son PIB ( selon les variations du cours du pétrole).

            Autre cliché : "l’Algérie est un pays riche dont la population est pauvre". Faux, l’Algérie n’est pas un pays riche. Elle a, actuellement, un PIB par habitant d’environ 4000 dollars par habitant. À titre de comparaison, la Turquie et le Liban ont un PIB par habitant de deux fois et demie supérieur, la Grèce cinq fois supérieur, l’Espagne sept fois supérieur. De telles erreurs confinent à de la propagande.

            Le même expert dira que 800 milliards de dollars sur 20 ans ont été dépensés en Algérie sans que rien n’ait été fait. Encore un thème de pure propagande qui n’aide pas à la rationalité. Ce chiffre correspond au montant des investissements. Asséné ainsi il est destiné à frapper l’imagination. Mais 800 milliards sur 20 ans c’est 40 milliards par an. C’est déjà relativement autre chose. D’autre part, il est inexact de dire que l’Algérie n’a rien fait depuis 1962.

            Comparons. La France a un PIB par habitant de 45 000 dollars soit plus de 10 fois celui de l’Algérie. Elle a 170 000 SDF, un chômage de 9% et qui atteint 39% pour les jeunes sans qualification. Avec 5000 dollars par habitant en moyenne sur la période, l’Algérie, depuis 20 ans, s’est modernisée. Les transformations sont visibles, spectaculaires partout dans le pays : autoroutes, hôpitaux, universités par dizaines, logements par millions, barrages, généralisation de l’électricité. Il y a quinze ans , les grandes villes souffraient de pénurie d’eau, d’électricité, elle ne sont plus qu’un souvenir. Les villages dans les montagnes ont le gaz. L’espérance de vie est la même que celle des pays développés.

            En 1962, l’Algérie avait 9 millions d’habitants. Elle avait été dévastée par le colonialisme et la guerre. Elle en a plus de 40 millions aujourd’hui. Elle a pu pourtant résoudre les problèmes de base du développement, Education, santé etc.. La France avait en 1962 40 millions d’habitants. Imaginons quelle serait sa situation aujourd’hui si elle avait 160 millions d’habitants, c’est-à-dire une augmentation du même ordre. Elle serait dans une crise sans nom.

            Il faut dire tout cela, non pas pour dédouaner les responsabilités du pouvoir mais pour raison garder. Les contrevérités n’ajoutent rien à la solution d’une crise qui est déjà assez grave en elle-même, et dont il faut chercher les véritables causes.

            Ce sont précisément les progrès faits qui permettent de comprendre l’explosion actuelle. Tout le monde s’accorde à dire aujourd’hui que la jeunesse algérienne est instruite et qu’elle est l’âme de ces manifestations. C’est bien la preuve des progrès. Il y a 30 ans, en 1988, les manifestations, notamment islamistes, drainaient en cortèges interminables, des masses d’hommes pauvres, le visage have, les yeux brûlants de privations. Rien à voir avec les cortèges des jeunes d’aujourd’hui pleins de modernité. Le niveau de vie s’est élevé. Il y a trente ans les cortèges détruisaient sur leur passage tous les symboles de l’économie d’État, magasins d’État "Souks el fellah", entreprises d’État, qu’ils accusaient de tous les maux. Aujourd’hui, ils tiennent à protéger la ville, leur pays, leur environnement. Ils le nettoient même. Si la jeunesse s’est mise en mouvement, c’est qu’elle a tout simplement de nouveaux besoins, de nouvelles aspirations économiques et politiques, qu’elle aspire à une meilleure qualité de la vie et plus de liberté, et donc plus de démocratie. Ainsi va la vie. Les progrès faits créent de nouveaux problèmes, de nouvelles exigences. Ici, en Algérie, le système politique s’est avéré trop étroit pour ces nouveaux besoins historiques. Il ne s’est pas mis au niveau de l’Algérie nouvelle. Au Brésil, c’est précisément au moment où ce pays est devenu l’une des plus grandes puissances économiques mondiales, la huitième, que les explosions sociales et politiques sont survenues.

            Il serait donc bien plus intéressant de réfléchir à ces questions plutôt que de continuer à penser à base de catégories usées en pays "en déficit de démocratie" vers qui l’Occident viendrait exporter sa démocratie. On a vu ce qu’il en est advenu et les terribles drames humains où ont conduit les interventions étrangères.

            Plutôt de dire avec suffisance que le mouvement des "Gilets jaunes" n’a rien de comparable avec le mouvement populaire en Algérie, ne serait-il pas plus intéressant de voir au contraire ce qui leur est commun dans un monde sur lequel souffle partout le vent de la démocratie. N’est-ce pas d’ailleurs le "dégagisme" de la révolution tunisienne qui a gagné, à partir de 2011, les pays européens, l’Espagne, puis la Grèce, pour arriver aujourd’hui en France et concerner toute la classe politique française et finalement le président Macron. Aujourd’hui en Algérie le mouvement populaire rejette lui aussi "le système", toute la classe politique, y compris des partis d’opposition dont les leaders sont expulsés des manifestations quand ils viennent y participer. Il se refuse à toute structuration. Il s’organise sur les réseaux sociaux. Il est intelligent, créatif. Il dit "nous sommes le peuple souverain". Il brandit partout le drapeau algérien, comme les "Gilets jaunes" le drapeau français, non pas par nationalisme étroit, mais en signe d’unité et de fraternité nationales.

            .
            Dernière modification par katiaret, 11 août 2019, 03h35.
            dz(0000/1111)dz

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            • #7
              Un pays, deux sociétés

              À y réfléchir, la chute du mur de Berlin n’a pas été la victoire de la démocratie contre le totalitarisme, comme on l’a dit peut être trop rapidement, mais le vecteur d’un besoin général de plus de démocratie dans le monde, et une critique globale des mœurs et procédés de la démocratie existante. Cette crise concerne aussi bien les vieilles démocraties que les démocraties naissantes. Elle est générale : elle se présente donc avec des points qui sont communs partout, en même temps qu’elle s’exprime de façon particulière, dans les conditions propres à chaque pays.

              L’Algérie, comme décrit précédemment, s’est certes modernisée. Mais des problèmes nationaux, majeurs, vitaux n’ont pas été réglés.

              Sur le plan économique, les problèmes sont connus, notamment celui de son retard à diversifier ses exportations. Elle est donc restée prisonnière de l’exportation de ses hydrocarbures, ce qui la rend vulnérable. Elle est trop longtemps restée en même temps captive d’une économie d’État dont le pendant politique est une bureaucratie d’État autoritaire, méprisante et trop souvent vulnérable au trafic d’influence.

              Autre question nationale vitale, l’Algérie, quoi qu’on en dise, ne s’est pas réellement libérée du colonialisme et ici donc de l’influence française. Ceci explique son extrême sensibilité à la question et le caractère récurrent de ce thème, ou des accusations à ce sujet dans la vie politique algérienne. Des responsables politiques ou administratifs sont régulièrement accusés d’appartenir au "parti français". Un pays, comme le Vietnam, est bien plus serein sur la question, preuve qu’il l’a réglée et qu’il a tourné véritablement la page. La question de la bi- nationalité franco-algérienne reste très sensible. Le français reste la langue dominante, en tant que langue d’affaires et de travail, face aux langues nationales, l’Arabe et l’Amazigh, qui sont marginalisées et n’ont d’utilisation que politique. C’est d’ailleurs la raison de leur regain à chaque grand mouvement politique, comme c’est le cas actuellement.

              La question de la bi-nationalité franco-algérienne est très sensible comme celle de la place de la communauté établie en France. L’exode des compétences continue de faire rage, notamment pour des raisons culturelles, les jeunes élites francophones, notamment les médecins qui étudient en langue française, fournissant les plus gros contingents. Cet exode a toujours existé et il n’a fait qu’augmenter, proportionnellement au nombre des effectifs de diplômés. Le pouvoir, comme partout, a une responsabilité en la matière, puisque cet exode dépend du rythme du développement économique mais c’est surtout la fermeture des frontières dans le monde, qui a donné un tour dramatique à la question, avec l’émigration sans visa, "les Harragas", qui est devenu un des thèmes de la révolte actuelle.

              L’Algérie et le pouvoir n’ont pas encore réussi à combler le fossé, à supprimer la dualité existante, héritée du colonialisme, entre deux sociétés, l’une occidentaliste (sous la forme ici francophone) et l’autre, la société profonde, arabo-islamique. Cette dualité existe partout, dans la presse, dans les universités, les uns francophones, les autres arabophones, dans la vie économique et commerciale, dans l’occupation de l’espace avec des quartiers riches ou aisés généralement francophones. Et même dans les relations sociales, puisqu’on se marie en général dans sa propre société, suivant ces affinités et déterminants culturels. Les polémiques permanentes sur la langue de l’École, sur la place de l’Islam dans l’Education, témoignent de ces clivages socioculturels qu’une approche laicarde ne peut permettre de saisir. L’existence de ces deux sociétés en Algérie (mais aussi au Maroc et en Tunisie), la permanence de cette fracture socioculturelle explique en profondeur des charges de violence sociale et le danger de leur répétition. Elles peuvent expliquer aussi le rejet de l’État, à travers celui de certaines élites étatiques, administratives et économiques, perçues quasiment comme étrangères aux préoccupations de la nation.

              En Octobre 1988 en Algérie, tout le monde s’était uni contre le pouvoir autoritaire sur la question de la démocratie puis déchiré sur les questions sociétales. Ceux qu’on avait appelé les "éradicateurs", le courant démocrate laïc, avaient fait appel à l’intervention de l’armée contre l’islamisme politique et demandé l’arrêt du processus électoral. La loi sur la concorde civile et la charte de réconciliation nationale sont finalement venues mettre fin à une terrible guerre civile. Cela a été le principal apport historique du président Bouteflika. Le pouvoir s’est, alors, en quelque sorte, interposé entre les belligérants. C’est probablement là le secret des retours à une gestion politique autoritaire comme cela a été le cas en Égypte.

              Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il y a donc le danger, en Algérie, que tout cela se reproduise, et que les mêmes forces qui s’entendent aujourd’hui se déchirent demain. Jusqu’à présent, tous les pouvoirs qui se sont succédés depuis 1962, mais aussi les forces politiques, n’ont jamais voulu regarder en face cette fracture socioculturelle, probablement par souci d’unité politique nationale et sociale, préférant le déni plutôt que de la prendre en compte afin de la réduire.

              L’Algérie attend encore les forces politiques capables de réduire cette fracture et d’unir le tissu national. Aujourd’hui, il y a cependant matière à optimisme. Les jeunes ont brandi partout sur le territoire le drapeau national et les manifestations populaires actuelles ont renforcé plus que jamais l’unité nationale au-dessus de tous les particularismes régionaux. La jeunesse s’est unie. La mixité partout est devenue, d’un coup, sans crier gare, une réalité totale dans les manifestations. Femmes et hommes se côtoient tout naturellement. Leurs cortèges joyeux montrent ce besoin de fraternité nationale et de dépassement des clivages socioculturels, mêlant authenticité et modernité.

              Peut- être pourront-ils faire ce que n’ont pu faire leurs parents qui , après avoir libéré le pays, sont restés profondément perturbés par la tragédie coloniale. En tous cas, c’est la tâche et la mission de cette nouvelle génération qui a surgi aujourd’hui puissamment sur la scène politique
              le grand-soir.info
              Djamel LABIDI....21 mars 2019
              dz(0000/1111)dz

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