Le gouvernement britannique a vendu pour presque 10 millions d'euros d'armes aux autorités hongkongaises depuis 2015.
«Police noire [corrompue], rendez-nous un œil.» Voilà les mots qui résonnaient d'une même voix lundi 12 août dans les gigantesques halls de l'aéroport de Hong Kong alors que tous les vols du huitième aéroport mondial ont été annulés. Cette voix, c'est celle de quelque 5.000 manifestant·es qui protestent contre les violences policières subies de manière croissante depuis deux mois.
«Lève-toi Hong Kong, lève-toi pour la liberté», clament-ils encore, un œil bandé en référence à une manifestante blessée dimanche soir. C'est bien de la liberté qu'il s'agit désormais, et plus seulement vis-à-vis du projet d'extradition. Liberté de protester, de circuler, de critiquer. Mais aux manifestations, la police ne répondra que par des attaques chaque fois plus violentes. Depuis juin, plus de 1.000 salves de gaz lacrymogènes et pas moins de 160 balles de caoutchouc ont été tirées, un recours à la force déployé d'une manière qu'Amnesty International n'a pas hésité à qualifier d'«inutile et excessive».
De ces armes qui blessent, Andrew Smith, journaliste au Guardian rappelle que beaucoup proviennent du Royaume-Uni, deuxième pays plus gros vendeur d'armes au monde derrière les États-Unis. Depuis 2015, le gouvernement britannique en aurait vendues pour 8,6 millions de livres (environ 9,3 millions d'euros) aux autorités de Hong Kong –des grenades lacrymogènes aux boucliers anti-émeutes, entre autres équipements pyrotechniques.
Hypocrisie, de la révolution des parapluies à aujourd'hui
Déjà, souligne Andrew Smith, le Royaume-Uni avait armé les autorités hongkongaises en 2014, lors de la révolution des parapluies, dont on rappelle qu'elle porte ce nom à cause des parapluies utilisés lors des manifestations pour se protéger des gaz lacrymogènes.
À l'issue de ces violences, le Royaume-Uni avait d'ailleurs fait son mea culpa, allant jusqu'à menacer d'embargo sur la vente d'armes son ancienne colonie. «N'est-il pas temps d'établir clairement que nous ne souhaitons pas être les complices des actes du régime autoritaire de Pékin», avait alors énoncé le député travailliste Mike Gapes.
L'évocation de cette allégation, mise en parallèle avec l'usage encore plus excessif de ces mêmes armes aujourd'hui, discrédite du même coup l'annonce de Jeremy Hunt, ministre des Affaires étrangères actuel qui avait proclamé fin juin la fin des exportations d'armes à Hong Kong: «J'exhorte le gouvernement de Hong Kong à mettre en place dès à présent une solide enquête à propos de scènes de violences que nous avons vues.»
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Hong Kong parviendra-t-elle à résister au pouvoir de la Chine?
Finalement, l'invitation de la délégation de Hong Kong au salon Defense and Security Equipment International, un des plus grands marchés d'armes du monde, achève de compromettre le Royaume-Uni dans sa prétendue défense des «droits humains», évoqués dans l'annonce de Jeremy Hunt.
Le Royaume-Uni ferait bien de décider s'il veut montrer un réel soutien aux manifestations ou continuer d'encourager leur répression, que ce soit à Hong Kong, en Turquie ou au Bahreïn, (tous trois invités au salon).
Compte tenu des 14 milliards de livres rapportées par l'industrie des armes en 2018, on peut se demander si leur décision n'est pas déjà prise.
par Ines Clivio — 13 août 2019 à 12h39
@ slate.fr
«Police noire [corrompue], rendez-nous un œil.» Voilà les mots qui résonnaient d'une même voix lundi 12 août dans les gigantesques halls de l'aéroport de Hong Kong alors que tous les vols du huitième aéroport mondial ont été annulés. Cette voix, c'est celle de quelque 5.000 manifestant·es qui protestent contre les violences policières subies de manière croissante depuis deux mois.
«Lève-toi Hong Kong, lève-toi pour la liberté», clament-ils encore, un œil bandé en référence à une manifestante blessée dimanche soir. C'est bien de la liberté qu'il s'agit désormais, et plus seulement vis-à-vis du projet d'extradition. Liberté de protester, de circuler, de critiquer. Mais aux manifestations, la police ne répondra que par des attaques chaque fois plus violentes. Depuis juin, plus de 1.000 salves de gaz lacrymogènes et pas moins de 160 balles de caoutchouc ont été tirées, un recours à la force déployé d'une manière qu'Amnesty International n'a pas hésité à qualifier d'«inutile et excessive».
De ces armes qui blessent, Andrew Smith, journaliste au Guardian rappelle que beaucoup proviennent du Royaume-Uni, deuxième pays plus gros vendeur d'armes au monde derrière les États-Unis. Depuis 2015, le gouvernement britannique en aurait vendues pour 8,6 millions de livres (environ 9,3 millions d'euros) aux autorités de Hong Kong –des grenades lacrymogènes aux boucliers anti-émeutes, entre autres équipements pyrotechniques.
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Déjà, souligne Andrew Smith, le Royaume-Uni avait armé les autorités hongkongaises en 2014, lors de la révolution des parapluies, dont on rappelle qu'elle porte ce nom à cause des parapluies utilisés lors des manifestations pour se protéger des gaz lacrymogènes.
À l'issue de ces violences, le Royaume-Uni avait d'ailleurs fait son mea culpa, allant jusqu'à menacer d'embargo sur la vente d'armes son ancienne colonie. «N'est-il pas temps d'établir clairement que nous ne souhaitons pas être les complices des actes du régime autoritaire de Pékin», avait alors énoncé le député travailliste Mike Gapes.
L'évocation de cette allégation, mise en parallèle avec l'usage encore plus excessif de ces mêmes armes aujourd'hui, discrédite du même coup l'annonce de Jeremy Hunt, ministre des Affaires étrangères actuel qui avait proclamé fin juin la fin des exportations d'armes à Hong Kong: «J'exhorte le gouvernement de Hong Kong à mettre en place dès à présent une solide enquête à propos de scènes de violences que nous avons vues.»
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Compte tenu des 14 milliards de livres rapportées par l'industrie des armes en 2018, on peut se demander si leur décision n'est pas déjà prise.
par Ines Clivio — 13 août 2019 à 12h39
@ slate.fr
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