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L'exode a commencé à Mogadiscio

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  • L'exode a commencé à Mogadiscio

    Sous la pluie molle et froide, une partie de Mogadiscio se vide. Les départs ont commencé voici plusieurs semaines dans la capitale somalienne, à mesure que montaient en puissance les attaques d'un groupe d'insurgés contre les forces éthiopiennes et leurs alliés somaliens du gouvernement fédéral de transition (TFG) d'Abdullahi Yusuf.

    Vendredi 23 mars, c'est l'exode. Minibus, taxis collectifs et véhicules s'évitent en tanguant dans les ornières des trois principales avenues de la capitale. Sur les toits, des amoncellements de matelas de mousse indiquent l'ampleur du départ. Au milieu des klaxons, des hommes en armes tentent vaguement d'organiser le trafic.

    Les rues, depuis les combats de mercredi, appartiennent à ces groupes de miliciens que, faute de mieux, on appelle des insurgés. Du sud au nord de la ville, en dehors des quartiers du port, de l'aéroport international, de Villa Somalia (palais présidentiel) ou encore de Madina et de quelques poches - toujours sous contrôle du TFG, de leurs alliés éthiopiens ou de la Mission de l'Union africaine en Somalie (Amisom) -, Mogadiscio leur appartient.

    Pour Abdullahi Yusuf, la situation est intenable. Renforcé par plusieurs milliers d'hommes venus de sa région, le Puntland (nord-est), le TFG s'apprête à contre-attaquer pour reconquérir la capitale. Les insurgés, qui appartiennent majoritairement au groupe clanique des Haber Guedir, vivent l'arrivée des Darods du président Yusuf comme une invasion. Jeudi, ordre a été donné à la population d'évacuer une vaste zone s'étendant sur environ dix kilomètres, le long de la route dite de la "zone industrielle", habitée essentiellement par des membres du sous-clan des Ayr (partie des Haber Guedir). Ce groupe contrôlait en grande partie la mouvance des Tribunaux islamiques, chassée en janvier par les troupes éthiopiennes.

    Salad Ali Jelle, ministre adjoint de la défense, l'a annoncé : "Nos forces ont commencé à lutter contre Al-Qaida. Nous demandons à la population d'évacuer cette zone." Il a ajouté être certain que la nébuleuse terroriste dirigée par Oussama Ben Laden a nommé son "représentant" en Somalie en la personne d'Aden Hashi Ayro, l'ex-chef militaire d'un des Tribunaux islamiques, passé par l'Afghanistan et considéré comme l'un des dirigeants les plus extrémistes des insurgés islamistes. "Le président (Abdullahi Yusuf) veut raser une partie de la ville et tuer des dizaines de milliers de personnes", s'indigne Mohamud Uluso, l'un des principaux responsables du sous-clan des Ayr. Lui-même a échappé, quelques jours plus tôt, à une tentative d'assassinat.

    Les premiers combattants de l'insurrection ont fait leur apparition en janvier, lorsque les Tribunaux islamiques ont été chassés de Mogadiscio. Puis, à ce noyau dur s'est jointe une galaxie de miliciens combattant pour leur clan, leurs propres intérêts ou ceux d'un chef de guerre.

    Ahmed Hassan était milicien avant la prise du pouvoir par les Tribunaux islamiques, en juin 2006. Depuis quelques jours, il a repris du service dans le quartier de Black Sea et a déjà une prise de guerre, un kalachnikov saisi sur un soldat du TFG tué la veille, et dont le prix monte en flèche au marché, dans une ville où les achats d'armes sont frénétiques. "Franchement, je n'ai rien à voir avec les islamistes, explique-t-il. Au contraire, ils m'avaient confisqué mon arme et je ne savais plus quoi faire. Maintenant, le gouvernement (TFG) nous attaque, alors on recommence à se battre. Et on les tue."

    Ils seraient à présent plus de 3 000 insurgés. Devant un mur couvert de peintures géantes de mâchoires et de molaires signalant la présence de dentistes qui ont tous fermé boutique, un homme se taille un franc succès en exhibant une photo prise au carrefour voisin avec son téléphone portable lors de l'attaque de mercredi. Entre des pieds chaussés de sandales, on y voit le buste d'un homme lynché et partiellement brûlé par la foule. Les lambeaux de son uniforme sont ceux des troupes du TFG.

    Les combats de la journée ont fait finalement cinq morts, malgré l'instauration, la veille, d'un cessez-le-feu entre des représentants du groupe des Ayr et un général éthiopien. Nul ne croit aux chances de cet accord. Tous s'attendent à une reprise des combats à grande échelle.

    Alors que la nuit tombe sur Mogadiscio, la tension est vive devant l'Hôtel Embassador. La résidence des membres du TFG est régulièrement visée par des tirs de mortier ou des tireurs isolés. Le ministre de l'intérieur, Ali Mohamed Gedi, en sort en trombe et s'engouffre dans un véhicule avec son escorte. Un Ilyouchine (avion porteur) vient de s'écraser au nord de la ville, apparemment touché au décollage par une roquette. L'avion était venu à Mogadiscio pour dépanner un appareil similaire, touché quelques jours plus tôt par un tir, juste avant son atterrissage à l'aéroport..

    Par Le Monde
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