Le pouvoir semble déterminé à aller à l’élection présidentielle sans préalablement apaiser la situation. Y parviendra-t-il ?
L’élection présidentielle, comme toute élection, ne peut pas procéder d’une décision politique, mais d’une évolution, d’un processus de normalisation dans la société.
Les élections auront lieu quand les Algériens seront convaincus de leur régularité et de leur transparence et cela ne peut se faire qu’avec la mise en place de conditions de confiance et d’apaisement comme celles auxquelles on a appelé dans la plateforme d’Aïn Benian.
Pourquoi, selon vous, le pouvoir s’obstine-t-il dans son refus à décréter des mesures d’apaisement ?
Je pense que le pouvoir politique ne mesure pas la réalité de la volonté de changement qui traverse la société algérienne et je pense également qu’il y a des résistances aussi bien au sein des institutions de l’État que dans certaines franges de la société à toute perspective de changement.
La société a démontré qu’elle est apte au changement en organisant de grandes manifestations de façon pacifique et organisée, portées essentiellement par des revendications démocratiques. Mais le système politique, qui est en décalage avec sa propre société, montre des signes évidents de résistance et se complait dans le statu quo.
Qu’est-ce qui a changé depuis le 22 février ?
Il y a eu le départ du président mais pas de son système. Je ne pense pas que les collectivités locales, notamment les walis, aient beaucoup changé dans leur attitude et dans leur rapport à l’exercice de l’activité politique. Les partis politiques continuent à connaître les mêmes contraintes dans les wilayas, notamment à l’intérieur du pays, le mouvement associatif est bridé et les espaces de libre expression se réduisent. Ils se réduisent véritablement ces derniers mois. Il y a une sorte de volonté de mettre au pas la société.
Qu’avez-vous à dire justement à propos des pressions exercées sur les médias ?
Je n’ai pas fait et je ne ferai aucune concession sur la question de la liberté d’expression qui est à l’origine de mon désaccord avec le pouvoir politique quand j’étais ministre.
Premièrement, c’est un droit fondamental des Algériens de s’exprimer librement. Deuxièmement, je ne peux pas envisager une quelconque réforme du système politique sans liberté d’expression.
Le pouvoir ne peut pas appeler au dialogue et à la réforme du système et parallèlement exercer un chantage avec la publicité institutionnelle, fermer des sites électroniques ou fermer l’accès à la télévision publique qui est financée sur des fonds publics, et demander au même temps une adhésion à sa démarche. Je pense que nous avons reculé même par rapport à la période de Bouteflika.
Comment évaluez-vous le panel de Karim Younès, dans sa composante et dans la manière dont est mené le dialogue ?
J’ai salué le choix porté sur M. Karim Younès, un homme politique courageux et grand serviteur de l’État. Je pensais qu’il allait avoir suffisamment de pouvoir pour enclencher une dynamique de dialogue souverain, mais je constate malheureusement qu’il ne bénéficie pas d’un soutien institutionnel clair et franc et que l’idée d’aller à une conférence nationale est une idée qui présente un double risque. La conférence doit être souveraine, et pour cela il faut une volonté politique d’accepter ses décisions. Sans cela, elle va aggraver la crise et perdra toute crédibilité. Je n’ai pas le sentiment que Karim Younès a un soutien total et franc du pouvoir politique.
Pour quelles raisons le pouvoir politique, qui a porté son choix sur lui, ne le soutiendrait pas ?
J’ai le sentiment qu’il n’est pas soutenu parce qu’il n’y a pas de signes apparents dans le discours officiel d’un soutien à sa démarche. Je pense aussi que c’est un processus qui a été chahuté par la composition du panel et je pense enfin que le panel n’avait pas de visibilité sur ses missions et surtout sur les outils pour arriver aux élections. Il a demandé des garanties sur la question des libertés et elles ne lui ont pas été accordées.
Je pense qu’il est le premier à en souffrir. Je n’ai pas le sentiment en regardant les médias publics qu’il y a un engagement en faveur du panel et je n’ai pas le sentiment qu’il a été écouté sur la question des mesures de confiance et d’apaisement.
Quant aux raisons qui poussent le pouvoir à adopter une telle attitude, je ne n’ai pas de réponse. En tout cas cela éloigne la perspective d’organiser les élections dans un délai assez rapproché. Si la situation actuelle venait à durer, nous ne pourrons pas
organiser les élections, dans la meilleure des hypothèses, avant le printemps 2020.
Vous allez recevoir le panel ?
Je n’ai pas encore reçu le panel et si je devais le recevoir, je dirai à M. Karim Younès : j’ai le sentiment que tu n’es pas soutenu de façon sincère et franche par le pouvoir politique.
Vous lui conseillerez de jeter l’éponge ?
Je continue à croire que toutes les initiatives de nature à faire avancer la dynamique de dialogue sont bonnes. Aucune n’est parfaite, mais elles sont toutes bonnes. Il y a maintenant un travail politique à faire pour créer des convergences entre toutes ces initiatives parce que si nous ne sommes pas responsables de la crise, nous sommes co-responsables de la sortie de la crise.
Cette semaine, il y a eu une rencontre de la société civile et de toute l’opposition, y compris les partis de l’Alternative démocratique. Peut-on espérer une feuille de route commune, et dans ce cas, quel serait le sort du dialogue actuel mené par le panel ?
Le grand mérite revient à la société civile. À mon avis, il faut chercher des éléments de convergence entre toutes les initiatives, en tenant compte du fait que toute solution politique doit passer par la satisfaction des revendications du hirak et l’instauration d’un État démocratique, sortir de l’autoritarisme qui caractérise notre société et aller vers une gouvernance démocratique. Je pense qu’il est possible d’arriver à une plate-forme commune. Bien sûr, il faut se revoir, il faut continuer à travailler, faire des concessions. Il est possible de le faire parce qu’il y a déjà un consensus autour du fait qu’il faut des mesures de confiance et d’apaisement. Il y a aussi un consensus sur le fait que l’instance qui va organiser l’élection doit être souveraine dans l’organisation des élections, le contrôle et la proclamation des résultats. Pour les autres points, il est possible aussi d’arriver à des rapprochements. À mon avis, nous ne devons pas procéder par l’exclusion.
Quant au sort du dialogue actuel mené par le panel, il ne m’appartient pas de le déterminer. Je pense que c’est une dynamique qu’il fallait saluer en son temps, comme toutes les dynamiques. Dans une situation d’impasse politique telle que celle que nous vivons en ce moment en Algérie, toutes les initiatives doivent être discutées, doivent pouvoir faire avancer le dialogue et tenir compte des demandes de chacun. La crise est également la conséquence de la politique d’exclusion menée par Bouteflika.
On a aujourd’hui ceux qui veulent aller rapidement à l’élection, ceux qui acceptent l’élection avec des conditions et ceux préfèrent une période de transition. Une synthèse est-elle possible entre ces trois visions ?
Oui, une synthèse est possible pour peu que chaque partie accepte le principe de faire des concessions pour accélérer la sortie de l’impasse politique. Ce statu quo porte beaucoup de menaces pour la stabilité du pays. Il y a une prise de conscience très importante au sein de la classe politique sur la nécessité d’accélérer la recherche d’une solution politique à la crise algérienne.
L’élection présidentielle, comme toute élection, ne peut pas procéder d’une décision politique, mais d’une évolution, d’un processus de normalisation dans la société.
Les élections auront lieu quand les Algériens seront convaincus de leur régularité et de leur transparence et cela ne peut se faire qu’avec la mise en place de conditions de confiance et d’apaisement comme celles auxquelles on a appelé dans la plateforme d’Aïn Benian.
Pourquoi, selon vous, le pouvoir s’obstine-t-il dans son refus à décréter des mesures d’apaisement ?
Je pense que le pouvoir politique ne mesure pas la réalité de la volonté de changement qui traverse la société algérienne et je pense également qu’il y a des résistances aussi bien au sein des institutions de l’État que dans certaines franges de la société à toute perspective de changement.
La société a démontré qu’elle est apte au changement en organisant de grandes manifestations de façon pacifique et organisée, portées essentiellement par des revendications démocratiques. Mais le système politique, qui est en décalage avec sa propre société, montre des signes évidents de résistance et se complait dans le statu quo.
Qu’est-ce qui a changé depuis le 22 février ?
Il y a eu le départ du président mais pas de son système. Je ne pense pas que les collectivités locales, notamment les walis, aient beaucoup changé dans leur attitude et dans leur rapport à l’exercice de l’activité politique. Les partis politiques continuent à connaître les mêmes contraintes dans les wilayas, notamment à l’intérieur du pays, le mouvement associatif est bridé et les espaces de libre expression se réduisent. Ils se réduisent véritablement ces derniers mois. Il y a une sorte de volonté de mettre au pas la société.
Qu’avez-vous à dire justement à propos des pressions exercées sur les médias ?
Je n’ai pas fait et je ne ferai aucune concession sur la question de la liberté d’expression qui est à l’origine de mon désaccord avec le pouvoir politique quand j’étais ministre.
Premièrement, c’est un droit fondamental des Algériens de s’exprimer librement. Deuxièmement, je ne peux pas envisager une quelconque réforme du système politique sans liberté d’expression.
Le pouvoir ne peut pas appeler au dialogue et à la réforme du système et parallèlement exercer un chantage avec la publicité institutionnelle, fermer des sites électroniques ou fermer l’accès à la télévision publique qui est financée sur des fonds publics, et demander au même temps une adhésion à sa démarche. Je pense que nous avons reculé même par rapport à la période de Bouteflika.
Comment évaluez-vous le panel de Karim Younès, dans sa composante et dans la manière dont est mené le dialogue ?
J’ai salué le choix porté sur M. Karim Younès, un homme politique courageux et grand serviteur de l’État. Je pensais qu’il allait avoir suffisamment de pouvoir pour enclencher une dynamique de dialogue souverain, mais je constate malheureusement qu’il ne bénéficie pas d’un soutien institutionnel clair et franc et que l’idée d’aller à une conférence nationale est une idée qui présente un double risque. La conférence doit être souveraine, et pour cela il faut une volonté politique d’accepter ses décisions. Sans cela, elle va aggraver la crise et perdra toute crédibilité. Je n’ai pas le sentiment que Karim Younès a un soutien total et franc du pouvoir politique.
Pour quelles raisons le pouvoir politique, qui a porté son choix sur lui, ne le soutiendrait pas ?
J’ai le sentiment qu’il n’est pas soutenu parce qu’il n’y a pas de signes apparents dans le discours officiel d’un soutien à sa démarche. Je pense aussi que c’est un processus qui a été chahuté par la composition du panel et je pense enfin que le panel n’avait pas de visibilité sur ses missions et surtout sur les outils pour arriver aux élections. Il a demandé des garanties sur la question des libertés et elles ne lui ont pas été accordées.
Je pense qu’il est le premier à en souffrir. Je n’ai pas le sentiment en regardant les médias publics qu’il y a un engagement en faveur du panel et je n’ai pas le sentiment qu’il a été écouté sur la question des mesures de confiance et d’apaisement.
Quant aux raisons qui poussent le pouvoir à adopter une telle attitude, je ne n’ai pas de réponse. En tout cas cela éloigne la perspective d’organiser les élections dans un délai assez rapproché. Si la situation actuelle venait à durer, nous ne pourrons pas
organiser les élections, dans la meilleure des hypothèses, avant le printemps 2020.
Vous allez recevoir le panel ?
Je n’ai pas encore reçu le panel et si je devais le recevoir, je dirai à M. Karim Younès : j’ai le sentiment que tu n’es pas soutenu de façon sincère et franche par le pouvoir politique.
Vous lui conseillerez de jeter l’éponge ?
Je continue à croire que toutes les initiatives de nature à faire avancer la dynamique de dialogue sont bonnes. Aucune n’est parfaite, mais elles sont toutes bonnes. Il y a maintenant un travail politique à faire pour créer des convergences entre toutes ces initiatives parce que si nous ne sommes pas responsables de la crise, nous sommes co-responsables de la sortie de la crise.
Cette semaine, il y a eu une rencontre de la société civile et de toute l’opposition, y compris les partis de l’Alternative démocratique. Peut-on espérer une feuille de route commune, et dans ce cas, quel serait le sort du dialogue actuel mené par le panel ?
Le grand mérite revient à la société civile. À mon avis, il faut chercher des éléments de convergence entre toutes les initiatives, en tenant compte du fait que toute solution politique doit passer par la satisfaction des revendications du hirak et l’instauration d’un État démocratique, sortir de l’autoritarisme qui caractérise notre société et aller vers une gouvernance démocratique. Je pense qu’il est possible d’arriver à une plate-forme commune. Bien sûr, il faut se revoir, il faut continuer à travailler, faire des concessions. Il est possible de le faire parce qu’il y a déjà un consensus autour du fait qu’il faut des mesures de confiance et d’apaisement. Il y a aussi un consensus sur le fait que l’instance qui va organiser l’élection doit être souveraine dans l’organisation des élections, le contrôle et la proclamation des résultats. Pour les autres points, il est possible aussi d’arriver à des rapprochements. À mon avis, nous ne devons pas procéder par l’exclusion.
Quant au sort du dialogue actuel mené par le panel, il ne m’appartient pas de le déterminer. Je pense que c’est une dynamique qu’il fallait saluer en son temps, comme toutes les dynamiques. Dans une situation d’impasse politique telle que celle que nous vivons en ce moment en Algérie, toutes les initiatives doivent être discutées, doivent pouvoir faire avancer le dialogue et tenir compte des demandes de chacun. La crise est également la conséquence de la politique d’exclusion menée par Bouteflika.
On a aujourd’hui ceux qui veulent aller rapidement à l’élection, ceux qui acceptent l’élection avec des conditions et ceux préfèrent une période de transition. Une synthèse est-elle possible entre ces trois visions ?
Oui, une synthèse est possible pour peu que chaque partie accepte le principe de faire des concessions pour accélérer la sortie de l’impasse politique. Ce statu quo porte beaucoup de menaces pour la stabilité du pays. Il y a une prise de conscience très importante au sein de la classe politique sur la nécessité d’accélérer la recherche d’une solution politique à la crise algérienne.
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