François Soudan auteur de l'article omet de tenir compte qu'avec l'affranchissement dès 1994, c'est le pays de Mandela qui pris le flambeau algérien en Afrique.
Quant l'obsession algérienne envers le Sahara Occidental, il admettre que cette obsession est encore plus accentuée d'égard à la cause palestinienne. Est-ce un tort?
- D'une diplomatie de combat à un certain repli sur soi, d'un exemple de lutte pour l'indépendance à l'obsession de la reconnaissance du Sahara occidental, l'Algérie s'est peu à peu « désafricanisée ». Si le risque de propagation révolutionnaire est faible, le pays n'en inquiète pas moins le reste du continent.
Les foules ferventes et militantes qui ont envahi les rues des villes d’Algérie et changé le cours de leur propre histoire feront-elles des émules ailleurs sur le continent ? Ou ce tremblement de terre restera-t-il un phénomène localisé, plus encore que ne le furent les « printemps arabes » – lesquels, comme on le sait, n’eurent pratiquement aucun effet en Afrique subsaharienne, là où cette saison n’existe pas ?
D’un rôle exemplaire à la solidarité conditionnelle
Il fut un temps où cette jeune nation née d’une lutte exemplaire pour son indépendance siégeait au panthéon des héros panafricains. C’était en 1963, le 25 mai : sous les vivats de ses pairs, Ahmed Ben Bella prenait place à Addis-Abeba parmi les fondateurs de l’Organisation de l’unité africaine (OUA).
" Vinrent les années 1980 et les premiers signes d’un repli de l’Algérie autour de ses intérêts nationaux : en l’occurrence, le conflit du Sahara occidental avec le Maroc"
Au cours de la décennie qui suivit, sous la houlette d’un certain Abdelaziz Bouteflika, alors inamovible ministre des Affaires étrangères du président Boumediène, la diplomatie algérienne fut une diplomatie de combat sur tous les fronts de la lutte anticoloniale, de l’Angola à la Palestine, de l’Afrique du Sud au Vietnam. Elle était, aux yeux du courant « progressiste », alors majoritaire au sein de l’opinion africaine, aussi populaire que respectée.
Puis vinrent les années 1980 et les premiers signes d’un repli de l’Algérie autour de ses intérêts nationaux : en l’occurrence, le conflit du Sahara occidental avec le Maroc. Toute la diplomatie africaine d’Alger fut mobilisée autour d’un objectif précis : faire reconnaître l’entité sahraouie en tant qu’État virtuel par l’OUA. Argent, pressions, lobbying, les Algériens mirent le paquet, et les Marocains, alors adeptes de la diplomatie du cigare, de la pastilla et du rocking-chair, se rendirent presque sans combattre. En 1984, la RASD fit son entrée à l’Africa Hall. Mais l’image de l’Algérie en Afrique avait, du coup, changé : la solidarité du pays n’était plus automatique, elle devenait conditionnelle.
Recroquivellement (!, Ndlr- recroquevillement), hologramme et racisme
La suite de l’histoire se lit comme la chronique d’un recroquevillement et d’une lente « désafricanisation » de la politique extérieure algérienne. La décennie 1990, marquée par la guerre civile, laisse très peu de champ au déploiement d’une politique continentale. Lors de ses premières années au pouvoir, Abdelaziz Bouteflika tente bien de renouer avec la passion africaine qui l’habitait dans sa jeunesse : il prend la présidence de l’OUA, joue un rôle clé dans la transformation de cette dernière en Union africaine (UA) et fait d’Alger un carrefour de négociation pour les conflits qui déchirent la Corne de l’Afrique, le Sahel et la Libye.
(…).
Entre fascination et inquiétudes
Il est vrai qu’avec son statut de superpuissance continentale, ses 10 milliards de dollars consacrés chaque année à la Défense, son demi-million de conscrits, mais aussi sa légitimité historique, sa discipline, sa politisation et son idéologie du nationalisme exclusif, l’Algérie des militaires fascine et inquiète ses voisins.
Comment l’Armée nationale populaire (ANP) sortira-t-elle de la tempête démocratique en cours ? Transformée ? Différente ? Républicaine au sens strict du terme ? Enfin rajeunie à sa tête après le départ, inéluctable à court terme, d’un généralissime de 79 ans, quasi ultime survivant en activité de la glorieuse génération des maquisards ?
(…).
Car le redire n’est pas inutile : le conflit à propos de l’ex-Sahara espagnol n’est pas la cause de la mésentente entre les deux frères ennemis du Maghreb, il en est la conséquence. Et il faudra plus que le Hirak du peuple algérien pour remédier à cette tare consubstantielle-.
Jeune Afrique, le 7 avril 2019
Quant l'obsession algérienne envers le Sahara Occidental, il admettre que cette obsession est encore plus accentuée d'égard à la cause palestinienne. Est-ce un tort?
- D'une diplomatie de combat à un certain repli sur soi, d'un exemple de lutte pour l'indépendance à l'obsession de la reconnaissance du Sahara occidental, l'Algérie s'est peu à peu « désafricanisée ». Si le risque de propagation révolutionnaire est faible, le pays n'en inquiète pas moins le reste du continent.
Les foules ferventes et militantes qui ont envahi les rues des villes d’Algérie et changé le cours de leur propre histoire feront-elles des émules ailleurs sur le continent ? Ou ce tremblement de terre restera-t-il un phénomène localisé, plus encore que ne le furent les « printemps arabes » – lesquels, comme on le sait, n’eurent pratiquement aucun effet en Afrique subsaharienne, là où cette saison n’existe pas ?
D’un rôle exemplaire à la solidarité conditionnelle
Il fut un temps où cette jeune nation née d’une lutte exemplaire pour son indépendance siégeait au panthéon des héros panafricains. C’était en 1963, le 25 mai : sous les vivats de ses pairs, Ahmed Ben Bella prenait place à Addis-Abeba parmi les fondateurs de l’Organisation de l’unité africaine (OUA).
" Vinrent les années 1980 et les premiers signes d’un repli de l’Algérie autour de ses intérêts nationaux : en l’occurrence, le conflit du Sahara occidental avec le Maroc"
Au cours de la décennie qui suivit, sous la houlette d’un certain Abdelaziz Bouteflika, alors inamovible ministre des Affaires étrangères du président Boumediène, la diplomatie algérienne fut une diplomatie de combat sur tous les fronts de la lutte anticoloniale, de l’Angola à la Palestine, de l’Afrique du Sud au Vietnam. Elle était, aux yeux du courant « progressiste », alors majoritaire au sein de l’opinion africaine, aussi populaire que respectée.
Puis vinrent les années 1980 et les premiers signes d’un repli de l’Algérie autour de ses intérêts nationaux : en l’occurrence, le conflit du Sahara occidental avec le Maroc. Toute la diplomatie africaine d’Alger fut mobilisée autour d’un objectif précis : faire reconnaître l’entité sahraouie en tant qu’État virtuel par l’OUA. Argent, pressions, lobbying, les Algériens mirent le paquet, et les Marocains, alors adeptes de la diplomatie du cigare, de la pastilla et du rocking-chair, se rendirent presque sans combattre. En 1984, la RASD fit son entrée à l’Africa Hall. Mais l’image de l’Algérie en Afrique avait, du coup, changé : la solidarité du pays n’était plus automatique, elle devenait conditionnelle.
Recroquivellement (!, Ndlr- recroquevillement), hologramme et racisme
La suite de l’histoire se lit comme la chronique d’un recroquevillement et d’une lente « désafricanisation » de la politique extérieure algérienne. La décennie 1990, marquée par la guerre civile, laisse très peu de champ au déploiement d’une politique continentale. Lors de ses premières années au pouvoir, Abdelaziz Bouteflika tente bien de renouer avec la passion africaine qui l’habitait dans sa jeunesse : il prend la présidence de l’OUA, joue un rôle clé dans la transformation de cette dernière en Union africaine (UA) et fait d’Alger un carrefour de négociation pour les conflits qui déchirent la Corne de l’Afrique, le Sahel et la Libye.
(…).
Entre fascination et inquiétudes
Il est vrai qu’avec son statut de superpuissance continentale, ses 10 milliards de dollars consacrés chaque année à la Défense, son demi-million de conscrits, mais aussi sa légitimité historique, sa discipline, sa politisation et son idéologie du nationalisme exclusif, l’Algérie des militaires fascine et inquiète ses voisins.
Comment l’Armée nationale populaire (ANP) sortira-t-elle de la tempête démocratique en cours ? Transformée ? Différente ? Républicaine au sens strict du terme ? Enfin rajeunie à sa tête après le départ, inéluctable à court terme, d’un généralissime de 79 ans, quasi ultime survivant en activité de la glorieuse génération des maquisards ?
(…).
Car le redire n’est pas inutile : le conflit à propos de l’ex-Sahara espagnol n’est pas la cause de la mésentente entre les deux frères ennemis du Maghreb, il en est la conséquence. Et il faudra plus que le Hirak du peuple algérien pour remédier à cette tare consubstantielle-.
Jeune Afrique, le 7 avril 2019
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