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Le dormeur.

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  • Le dormeur.

    Le dormeur du val



    C’est un trou de verdure où chante une rivière,
    Accrochant follement aux herbes des haillons
    D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
    Lui : c’est un petit val qui mousse de rayons.

    Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
    Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
    Dort; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
    Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

    Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
    Sourirait un enfant malade, il fait un somme.
    Nature, berce-le chaudement: il a froid.

    Les parfums ne font pas frissonner sa narine.
    Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
    Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

    Arthur Rimbaud





    Merci à toi FrozenRose de m avoir rappeler au bon vieux souvenir de ce magnifique poème.
    Dernière modification par Rhummel, 05 septembre 2019, 21h30.

  • #2
    Chant de guerre parisien

    Le Printemps est évident, car
    Du cœur des Propriétés vertes,
    Le vol de Thiers et de Picard
    Tient ses splendeurs grandes ouvertes

    Ô Mai ! quels délirants culs-nus !
    Sèvres, Meudon, Bagneux, Asnières,
    Écoutez donc les bienvenus
    Semer les choses printanières !

    Ils ont schako, sabre et tam-tam,
    Non la vieille boîte à bougies
    Et des yoles qui n'ont jam, jam...
    Fendent le lac aux eaux rougies !

    Plus que jamais nous bambochons
    Quand arrivent sur nos tanières
    Crouler les jaunes cabochons
    Dans des aubes particulières !

    Thiers et Picard sont des Éros,
    Des enleveurs d'héliotropes,
    Au pétrole ils font des Corots
    Voici hannetonner leurs tropes...

    Ils sont familiers du Grand Truc !...
    Et couché dans les glaïeuls, Favre
    Fait son cillement aqueduc,
    Et ses reniflements à poivre !

    La grand'ville a le pavé chaud,
    Malgré vos douches de pétrole,
    Et décidément, il nous faut
    Vous secouer dans votre rôle...

    Et les Ruraux qui se prélassent
    Dans de longs accroupissements,
    Entendront des rameaux qui cassent
    Parmi les rouges froissements !

    A.Rimbaud
    Mai 1871

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    • #3
      Les Veilleurs

      A l’heure où le ciel rose impose son grand cœur
      Comme on pose un baiser sur le front d’une femme,
      Je m’en vais jusqu’au lac pour y voir votre flamme
      Surgir de l’onde calme et réchauffer mon pleur.

      Et je peins, Angela, je peins dans la douleur,
      Je peins sur la grand’ toile étoilée de mon âme
      Votre esprit qu’il me reste, et qui sur l’eau s’exclame ;
      Je peins, doux m’écriant : « Revoici la couleur ! »

      Puis je danse toujours près du chevalet rouge,
      Et je sens votre mort soudainement qui bouge,
      S’approchant pour glisser au profond de mes mains ;

      Et nous tournons, tournons, ainsi qu’en ma mémoire,
      Quand les soirs nous allions jusqu’aux petits matins
      Nager dans un poème et peindre la nuit noire.

      Arthur Rimbaud – Avril 1871


      🌷🌷🌷

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      • #4
        Coucou Rhummel..
        J'aime bien le troisième poème.. merci pour le partage..
        PEACE

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        • #5
          Hello Malloucha

          Un de ces plus beau poème dixit Verlaine.

          ​« Sur la place, écoutant les accords
          ​D’un orchestre guerrier, leurs beaux habits dehors,
          ​Mille bourgeois joyeux flânent avec leurs femmes,
          ​Dont les vastes chapeaux ont des couleurs infâmes […]
          ​Moi, je suis doucement les filles aux yeux doux,
          ​À qui le rire met de jolis petits trous
          ​Au visage, et qui vont alertes et discrètes,

          Commentaire


          • #6
            Paris se repeuple.

            L'Orgie parisienne



            Ô lâches, la voilà ! dégorgez dans les gares !
            Le soleil expia de ses poumons ardents
            Les boulevards qu'un soir comblèrent les Barbares.
            Voilà la Cité belle assise à l'occident !

            Allez ! on préviendra les reflux d'incendie,
            Voilà les quais ! voilà les boulevards ! voilà
            Sur les maisons, l'azur léger qui s'irradie
            Et qu'un soir la rougeur des bombes étoila.

            Cachez les palais morts dans des niches de planches !
            L'ancien jour effaré rafraîchit vos regards.
            Voici le troupeau roux des tordeuses de hanches,
            Soyez fous, vous serez drôles, étant hagards !

            Tas de chiennes en rut mangeant des cataplasmes,
            Le cri des maisons d'or vous réclame. Volez !
            Mangez ! Voici la nuit de joie aux profonds spasmes
            Qui descend dans la rue, ô buveurs désolés,

            Buvez ! Quand la lumière arrive intense et folle,
            Foulant à vos côtés les luxes ruisselants,
            Vous n'allez pas baver, sans geste, sans parole,
            Dans vos verres, les yeux perdus aux lointains blancs,

            Avalez, pour la Reine aux fesses cascadantes !
            Écoutez l'action des stupides hoquets
            Déchirants ! Écoutez, sauter aux nuits ardentes
            Les idiots râleux, vieillards, pantins, laquais !

            Ô cœurs de saleté, Bouches épouvantables,
            Fonctionnez plus fort, bouches de puanteurs !
            Un vin pour ces torpeurs ignobles, sur ces tables...
            Vos ventres sont fondus de hontes, ô Vainqueurs !

            Ouvrez votre narine aux superbes nausées !
            Trempez de poisons forts les cordes de vos cous !
            Sur vos nuques d'enfants baissant ses mains croisées
            Le Poète vous dit : ô lâches, soyez fous !

            Parce que vous fouillez le ventre de la Femme,
            Vous craignez d'elle encore une convulsion
            Qui crie, asphyxiant votre nichée infâme
            Sur sa poitrine, en une horrible pression.

            Syphilitiques, fous, rois, pantins, ventriloques,
            Qu'est-ce que ça peut faire à la putain Paris,
            Vos âmes et vos corps, vos poisons et vos loques ?
            Elle se secouera de vous, hargneux pourris !

            Et quand vous serez bas, geignant sur vos entrailles,
            Les flancs morts, réclamant votre argent, éperdus,
            La rouge courtisane aux seins gros de batailles,
            Loin de votre stupeur tordra ses poings ardus !

            Quand tes pieds ont dansé si fort dans les colères,
            Paris ! quand tu reçus tant de coups de couteau,
            Quand tu gis, retenant dans tes prunelles claires
            Un peu de la bonté du fauve renouveau,

            Ô cité douloureuse, ô cité quasi morte,
            La tête et les deux seins jetés vers l'Avenir
            Ouvrant sur ta pâleur ses milliards de portes,
            Cité que le Passé sombre pourrait bénir :

            Corps remagnétisé pour les énormes peines,
            Tu rebois donc la vie effroyable ! tu sens
            Sourdre le flux des vers livides en tes veines,
            Et sur ton clair amour rôder les doigts glaçants !

            Et ce n'est pas mauvais. Tes vers, tes vers livides
            Ne gêneront pas plus ton souffle de Progrès
            Que les Stryx n'éteignaient l'œil des Cariatides
            Où des pleurs d'or astral tombaient des bleus degrés.

            Quoique ce soit affreux de te revoir couverte
            Ainsi ; quoiqu'on n'ait fait jamais d'une cité
            Ulcère plus puant à la Nature verte,
            Le Poète te dit : « Splendide est ta Beauté ! »

            L'orage a sacré ta suprême poésie ;
            L'immense remuement des forces te secourt ;
            Ton œuvre bout, ta mort gronde, Cité choisie !
            Amasse les strideurs au cœur du clairon lourd.

            Le Poète prendra le sanglot des Infâmes,
            La haine des Forçats, la clameur des maudits :
            Et ses rayons d'amour flagelleront les Femmes.
            Ses strophes bondiront, voilà ! voilà ! bandits !

            — Société, tout est rétabli : les orgies
            Pleurent leur ancien râle aux anciens lupanars :
            Et les gaz en délire aux murailles rougies
            Flambent sinistrement vers les azurs blafards !

            Mai 1871







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