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rejet de la démocratie représentative en Algérie

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  • rejet de la démocratie représentative en Algérie

    Quelle que soit la lenteur de son agonie, le destin de la démocratie représentative (ou république parlementaire) en Algérie semble scellé.

    Tous les partis politiques algériens sans exception, du plus gros au plus petit, ont déclaré boycotter l'élection présidentielle. Si soixante-dix-sept formulaires de candidature ont paraîf-il été retirés, seuls deux ont été remplis et déposés. C'est évidemment suite à une entente interpartisane générale, et avec une assurance mutuelle de non participation, que chaque parti a pu décider de ne pas présenter de candidat en étant certain que les autres partis feraient de même. Cela ne les empêche cependant pas, aujourd'hui, de critiquer non seulement l'annonce d'un nouveau scrutin (évidemment) mais également l'annulation de l'élection du 4 juillet (bizarrement) faute de candidats. Les mêmes partis qui déclaraient hier qu'une élection était impossible et indésirable reprochent aujourd'hui au Conseil Constitutionnel d'officialiser ce constat, et le caractérisent de reculade du "pouvoir".

    Quand aux deux malheureux candidats non partisans, il est plus que vraisemblable qu'ils ne s'attendaient pas à être les seuls, mais ils ont été pris au piège puisque si leur candidature avait été agréée par le Conseil Constitutionnel ils n'auraient pas pu la retirer jusqu'à la tenue du second tour. L'un d'entre eux aurait nécessairement été élu, car la loi organique électorale d'août 2016 ne dicte aucun quorum ou aucune participation minimum pour la validité d'une élection présidentielle. Ainsi quel que soit le taux de participation électorale, si aucun candidat n'obtient la majorité absolue des suffrages au premier tour les deux candidats ayant réuni le plus de voix sont proposés au deuxième tour, où celui réunissant le plus de voix est alors élu, le retrait d'un candidat étant interdit après l'agrément de sa candidature. Une démission présidentielle n'aurait pu intervenir qu'après l'investiture, donc en août, et le nouveau président aurait été obligé de rester en fonction jusqu'à l'intronisation du prochain président (article 103 de la constitution).

    Cette solution d'un président électoralement peu représentatif, bien qu'élu de la manière la plus régulière possible dans les conditions actuelles, aurait permis de remettre les partis politiques en face de leurs responsabilités nationales. Pour leur part les deux petits candidats inconnus au mandat suprême, entrepreneurs, chefs d'entreprise et déjà candidats à des mandats électifs, sont certainement des hommes responsables (quelles que soient leurs capacités politiques), conscients des devoirs d'un volontaire investi envers la collectivité, et qui n'ont certainement aucune leçon de civisme, ou de sens du service public, à recevoir des chefs de partis déserteurs. Il est vraisemblable qu'ils avaient chacun réuni les six cents parrainages d'élus ou soixante mille soutiens de citoyens, faute de quoi ils n'auraient pas déposé leurs dossier, mais le Conseil Constitutionnel a dû leur trouver un défaut de l'une des nombreuses conditions subsidiaires (conformité politique des parents...).

    En annonçant ce 2 juin le rejet des deux candidatures, le Conseil Constitutionnel a également enjoint au chef de l'Etat par interim, le président du sénat dit Conseil de la Nation, de convoquer de nouveau une élection présidentielle, en application de son mandat essentiel. Interprète suprême de la constitution, le Conseil Constitutionnel juge donc que l'organisation d'une élection présidentielle valable prime sur le délai initialement accordé au chef de l'Etat par interim pour ce faire, en l'occurrence quatre-vingt-dix jours. Abdelkader Bensalah ne saurait rentrer chez lui (ou au sénat) le 8 juillet en se lavant les mains du futur du pays, et tous ceux, chefs de partis irresponsables et journalistes ignares, qui jubilaient bruyamment de la prochaine chute de l'Etat par péremption de la légitimité de son chef intérimaire, peuvent tempérer leur empressement anarchiste. Comme disait Charles Maurras, la république gouverne mal mais elle se défend bien. La deuxième république algérienne, comme la vingtaine de nouveaux régimes français depuis un peu plus de deux siècles, ne peut advenir que par un véritable coup d'Etat contre le régime antérieur. C'est justement ce que n'ont pas compris, ou pas voulu assumer en 2017, les admirables et consciencieux constitutionnalistes constructeurs de la république catalane, capables de construire un Etat de droit imparable et accompli, mais incapables de prononcer la simple mais fondamentale phrase de déclaration de sécession de l'Espagne.

    Alors que les apparatchiks de partis politiques algériens croient se gagner les faveurs de "la rue" en refusant l'exercice de la démocratie représentative organisée, au prétexte de rejeter "le système" et sans réaliser qu'ils disqualifient irrémédiablement leurs partis, une poignée d'hommes d'Etat avisés et expérimentés ont tenté il y a deux mois de confier, anticonstitutionnellement certes, la direction de la nécessaire transition à un intérimaire aux pouvoirs limités mais exceptionnels. L'homme pressenti pour être investi de cette dictature de salut public, l'ancien président de la république Liamine Zéroual, a refusé ce mandat, puis le chef d'état-major de l'armée et vice-ministre de la Défense, dernier rempart actuel de la légalité, a fait arrêter ces "comploteurs". Ce fut d'ailleurs la plus grande faute du général Ahmed Gaïd Salah jusqu'à présent. Le général Mohamed Mediène, ancien homme le plus puissant d'Afrique bien que dénué d'ambition personnelle, n'a plus aucun pouvoir ou soutien et ne représentait certainement pas un danger pour l'Algérie, mais son trop facile défèrement à la justice, sans protestation d'aucun défenseur, éteindra sûrement la vocation de tout homme providentiel qui aurait pu espérer trouver des soutiens pour tenter de sauver l'Etat pour le salut du pays.

    La justice algérienne, de son côté, ne chôme pas. Contrairement aux accusations infondées, le chef d'état-major n'a pas pris le pouvoir et ne donne pas d'ordre à la justice. Mais celle-ci a été libérée du joug des gérontocrates FLN corrompus, et a pu commencer à lancer une opération "mains propres" contre la nomenklatura dont les détournements saignaient le pays. Des dizaines de parasites voleurs, aux confins des milieux politique et économique, sont déjà sous les verrous. C'est d'ailleurs le signe principal montrant que l'oligarchie FLN est bien tombée et qu'il n'est pas nécessaire de poursuivre la révolution jusqu'à la destruction de l'Etat et de la jeune démocratie. Le nettoyage judiciaire de la haute direction des entreprises publiques ou parapubliques n'a d'ailleurs pas entraîné, pour l'instant, l'arrêt immédiat du peu d'activité économique algérienne et l'arrêt du versement des salaires et des prestations sociales, nécessaire au déversement de la population par-delà la Méditerranée. Au contraire la réduction sensible de l'émigration, depuis le début du mouvement, semble indiquer que les Algériens ont une certaine foi en l'avenir de leur pays, et pas encore de sentiment d'insécurité. Les instigateurs discrets n'arrêteront donc pas le hirak ("mouvement") avant l'épuisement des belles réserves financières du pays, et le désordre social complet.

    Contrairement aux titres inflammatoires de certaine presse étrangère anglophone ou arabophone, il n'y a pas de répression en Algérie. Certes la police est parfois intervenue face aux provocateurs infiltrés pour déstabiliser par la violence les manifestations pacifiques, certes aussi la gendarmerie a parfois tenté d'empêcher l'entrée à Alger de manifestants amenés d'ailleurs en autobus (dont on ignore qui les a commandés), mais aucun pouvoir sécuritaire n'a cherché à faire appliquer l'interdiction légale de manifestation dans la capitale, dont les habitants sont ainsi de facto autorisés à manifester comme leurs concitoyens. Pour filmer de la violence provocative ou répressive quelque part entre Dunkerque et Tamanrasset, il est plus productif de couvrir les manifestations de quelques milliers de participants au nord de la Méditerranée que celles de plusieurs millions au sud.

    L'un des derniers thèmes spontanément brandis par les manifestants du vendredi à la sortie de la mosquée consiste, sous des libellés divers, à refuser un pouvoir militaire et exiger un "Etat civil". En réalité, le refus de toute tentative de transition ordonnée le montre bien, c'est tout forme d'Etat, civil ou pas, que les ressorts cachés du hirak rejettent. On a rejeté la proposition de conférence nationale constituante faite, sous peu discret parrainage international (onusien et panafricain), aux derniers jours de la présidence Bouteflika. On a rejeté l'idée de transition constituante sous régime d'exception préparée par Toufik. Et on rejette la solution constitutionnelle de changement démocratique de chef d'Etat puis de lancement du chantier constituant organisé, toujours soutenue par le chef d'état-major et dernier vrai ministre respecté. Et maintenant on accuse celui-ci de militarisation du régime, ce qui est bien la dernière de ses intentions. C'est aussi la dernière des aspirations d'une armée algérienne suffisamment occupée à protéger les frontières des infiltrations atlantico-islamistes, et dernièrement préoccupée par l'annonce du parachutage du chef de l'Etat Islamique (surnommé al-Baghdadi) en ex-Libye, après qu'il ait été exfiltré par ses protecteurs de sa précédente zone d'opérations, la Syrie orientale sous occupation étatsunienne.

    En fait il était évident, lorsque les chefs des trois principaux partis islamistes d'Algérie ont déclaré ne plus avoir confiance en aucune institution sauf l'Armée Nationale Populaire, et publiquement appelé celle-ci à diriger la transition, il y a un mois, qu'ils en attendaient bien sûr la liquidation de l'Etat, mais surtout l'incarnation d'un dernier représentant de la légalité, en l'occurrence le chef d'état-major, afin de le blâmer ensuite et disqualifier la dernière institution solide, si possible après l'avoir amenée à une confrontation violente avec "la rue". On n'a pas réussi à faire mal réagir l'armée, mais on accuse le très légaliste général Gaïd Salah de despotisme et dictature militaire, dont on aurait du mal à déceler la moindre trace dans les rues d'Algérie, certainement bien moins patrouillées que les lieux publics de France et de Navarre par exemple.
    Dernière modification par nacer-eddine06, 16 septembre 2019, 13h53.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Les politiciens déserteurs, répétés par la presse inconséquente, appellent maintenant "solution politique" ce qu'ils appelaient initialement "solution consensuelle", c'est-à-dire avant tout anticonstitutionnelle et anarchique. Cela ne les amène par pour autant à proposer le moindre schéma de nature politique, ni à s'engager personnellement, comme politiciens expérimentés dans la gestion de l'Etat ou dans la collecte des suffrages, dans le règlement de la crise. Tous n'ont comme référence que l'article 7 de la constitution (qu'ils rejettent pourtant), selon lequel "le peuple est la source de tout pouvoir", en omettant l'article 8 selon lequel sa souveraineté, et son pouvoir constituant, s'exercent "par l'intermédiaire des institutions qu'il se donne [...] par voie de referendum et par l'intermédiaire de ses représentants élus". Dans leurs discours consciemment révolutionnaires et inconsciemment anarchiques, le fameux rejet du système signifie le rejet de tout processus organisé de solution. Une soixantaine de coordinations estudiantines, syndicats de salariés et ordres professionnels tentent bien de se proclamer collectivement "société civile", mais il apparaîtra inévitablement qu'ils ne représentent que leurs adhérents, une fraction de la petite population active. Même s'ils arrivent à élaborer un schéma commun de sortie de crise ou de processus constitutionnel, d'abord ils seront à leur tour accusés de confiscation par les chefs islamistes, et ensuite et surtout ils n'arriveront pas à faire légitimer et valider leur projet par un plébiscite.

    Les très irresponsables chefs de partis politiques ont réussi à discréditer non seulement le gouvernement déchu mais également tout processus électoral, qu'ils assimilent au "système", alors qu'un accord des partis d'opposition, voire mieux de tous les partis, aurait permis d'organiser et de superviser un scrutin libre d'ingérence gouvernementale. Lorsque des urnes existent il ne se pose que la question de l'emplacement et la sécurité des isoloirs, et du contrôle du vote libre et unique de chaque électeur. Mais en Algérie les hommes politiques de tout niveau ont, cette année, unanimement rejeté l'exercice de la démocratie représentative. Or, si la démocratie directe est possible à l'échelon d'une petite cité, aucune place publique d'Algérie ne peut accueillir vingt millions d'électeurs, et aucune personne physique ou morale n'a la capacité et la crédibilité (encore moins la légitimité) d'effectuer en temps réel le décompte du vote à main levée de millions de personnes.

    Le 30 mai, par un communiqué très largement diffusé, l'association des oulémas (dignitaires mahométans), silencieuse depuis l'explosion spontanée massive de la contestation à la sortie des mosquées le 22 février, a enfin publié sa préconisation. Les oulémas veulent eux aussi une conférence nationale, mais moins pour rédiger une constitution que pour établir des règles contre le "pourrissement politique, économique, social et culturel". Ensuite, comme tout le monde ils voient une période de transition politique, à commencer dès juillet, avant l'avènement du prochain régime. Ils demandent que cette transition soit dirigée par une "personnalité consensuelle" non élue, comme l'avaient déjà réclamé les chefs des partis islamistes début avril, en l'occurrence une personne non préalablement compromise dans la politique sous l'ancien régime. Ils estiment que le peuple s'est déjà assez exprimé, ou plus précisément que "le referendum fait par le peuple durant les vendredis du hirak suffit à lui-même". Après la période de transition, c'est une "compétition saine entre les acteurs de la scène politique" (pas un processus électoral) qui déterminera l'avenir du pays. A ce stade des recommandations, les oulémas ne précisent pas la procédure de détermination des acteurs de la scène politique, non compromis sous l'ancien régime, aptes à la saine compétition dans le futur contexte épuré de pourrissement politique, économique, social et culturel. Les oulémas ne font pas non plus, pour l'instant, de suggestion quant à la personnalité à désigner comme chef de l'Etat, par un "consensus" non électoral entre des décideurs pour l'instant indéfinis.

    A titre anecdotique on remarquera que la mobilisation des masses est entretenue avec des thèmes nouveaux chaque vendredi, spontanément exhibés à la sortie des mosquées. Tour à tour le rejet de la candidature de Bouteflika, le rejet du scrutin du 18 avril, le rejet de la conférence nationale constituante, le rejet du gouvernement Bedoui, le rejet (en Kabylie) du totalitarisme arabe, le rejet du scrutin du 4 juillet, le rejet du "pouvoir militaire", la libération de Louisa Hanoune, la vérité sur le décès en prison de Kamal-Eddine Fekhar, et toujours bien sûr la mise à bas du système et le départ des politiciens. Mais tout cela reste informel et personne n'a présenté de processus fiable pour le décompte des manifestants du vendredi ou des opposants à telle ou telle option, aussi est-il facile de dire que le peuple refuse ceci ou cela, sans risquer de démenti. Si, vu d'hélicoptère, on peut estimer que quelques millions de personnes rejettent la politique du FLN, vu d'un balcon d'El Mouradia ou des Tagarins rien ne permet d'assurer que la majorité des vingt millions d'électeurs refusent tout processus démocratique représentatif.

    Par ailleurs on notera aussi, après la désertion collective des politiciens (et l'absence du parlement dont les députés du peuple touchent pourtant leur salaire), l'écrasant silence du seul corps incontestablement élu, représentatif et proche des électeurs, à savoir les dizaines de milliers de maires et conseillers municipaux, seul corps qui serait pourtant capable, lorsque l'armée aura pris acte de la chute de l'Etat, d'organiser un chantier constituant national. Quant aux deux grands commis de l'étranger, discrètement retirés en mars, ils attendent peut-être qu'un carnage supérieur à celui de la décennie quatre-vingt-dix débouche, après effacement de l'armée algérienne, sur un mandat international.



    Note : il ne faut pas voir dans ces lignes un plaidoyer en faveur de la démocratie mais une étude de cas de science politique.
    Publié il y a 4th June par Stratediplo
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    • #3
      tant qu'à déstabiliser...

      Tant qu'à déstabiliser, déstabilisons toujours plus gros, pense-t-on chez la première puissance déstabilisatrice mondiale et chez sa succursale parisienne.

      La vague du printemps vert de 2011, par laquelle les Frères Musulmans ont pris le contrôle d'abord de l'Egypte, puis de la Tunisie et enfin de la Cyrénaïque après que la France ait détruit puis démembré pour eux l'Etat libyen, s'est arrêtée à la frontière de la première puissance militaire d'Afrique et de Méditerranée. Puis l'acheminement vers le Niger et le Mali des armes larguées par la France sur le Fezzan, dont on annonçait ici la destination finale dès que les largages ont commencé, le désoeuvrement des cinq millions de Subsahariens expulsés de Libye par l'alliance franco-sénoussiste, et la transformation par la propagande française du séparatisme touareg du Mali en djihad sahélien, ont permis d'ouvrir un front sur la frontière méridionale de l'Algérie en plus de celui ouvert initialement sur les frontières orientales.

      L'action d'éclat censée inaugurer les opérations et lancer le recrutement international de la deuxième guérilla islamique en Algérie était la prise du complexe gazier d'In Amenas, en janvier 2013. Revendiquant un parrainage moral de la figure légendaire Mokhtar Belmokhtar pour prétendre à une origine algérienne, l'attaque, commandée sur le terrain par un Nigérien, a été lancée de Tripolitaine, avec des armes fournies par la France aux islamistes antilibyens.

      L'armée algérienne a expédié le problème à sa manière, sans s'encombrer de considérations policières telles que l'interrogatoire des terroristes, judiciaires telles que leur condamnation ou démagogiques telles que la survie des otages. Le mandat tactique était aussi clair que le discours politique constant, le gouvernement algérien ne négocie pas avec des preneurs d'otages (contrairement au gouvernement russe au théâtre Doubravka et à l'école de Beslan), et leur élimination définitive passe avant le sauvetage de leurs otages du moment. Les moralisateurs peuvent trouver cela cynique, mais la rive gauche parisienne s'est abstenue de faire critiquer le gouvernement algérien par la presse française. Ceux qui ont côtoyé l'armée algérienne depuis 1992 connaissent sa détermination sans états d'âme. Une génération a certes passé depuis le plus fort de la guerre civile, donc le personnel militaire a été en grande partie renouvelé, mais les principes d'action n'ont pas changé.

      L'armée algérienne est très sollicitée. Depuis 2011 elle est déployée aux frontières tunisienne et tripolitaine et, même si la presse ne s'en fait pas toujours l'écho, il y a des escarmouches transfrontalières, des réductions de groupes infiltrés, des saisies de caches d'armes tous les mois et peut-être toutes les semaines. L'OTAN pousse ses supplétifs islamistes plus discrètement peut-être qu'ailleurs, car l'Algérie n'est pas un poids-plume en Méditerranée. La frontière malienne est évidemment plus difficile à contrôler que la frontière tunisiennne mais la gendarmerie est active dans les villages et tout est fait pour convaincre les candidats à l'infiltration qu'il vaut mieux être un esclave noir francophone en chemin vers Paris qu'un barbu blanc arabophone (ou amazighophone) en chemin vers Alger. Par ailleurs, avant qu'on n'abatte les prix du pétrole (en achetant en Turquie le pétrole volé en Syrie par l'Etat Islamique) pour affaiblir la Russie, le gouvernement algérien a profité de la manne pétrolière, et de la bonne situation budgétaire de l'Etat, pour moderniser l'équipement de toutes ses forces en multipliant ses dépenses militaires par cinq depuis 2000 et par deux depuis 2010, devenant non seulement le plus gros acheteur d'armement de toute l'Afrique mais aussi un acheteur de poids au niveau mondial. Par exemple la flotte algérienne n'est pas seulement la plus moderne de Méditerranée mais, d'après l'âge moyen de ses unités, elle est vraisemblablement la plus moderne (très loin cependant d'être la plus grosse) au monde. A cet égard les capacités prêtées au pays Sapin dans le Septième Scénario de Stratediplo sont, trois ans plus tard, déjà bien dépassées par l'Algérie.

      Mais toute cette modernisation concerne des moyens conventionnels de défense nationale et n'a aucune finalité interne, répressive ou oppressive. Car, contrairement à certains pays où les forces armées ont parmi leurs attributions la défense de l'ordre constitutionnel, l'Armée Nationale Populaire algérienne n'a, selon l'article 28 de la constitution, aucune compétence ou fonction politique. A part la défense de l'indépendance, de la souveraineté et de l'intégrité du pays, elle est certes aussi constitutionnellement chargée d'assurer la défense de son unité, et s'y est activement employée pendant les années quatre-vingt-dix face à un ennemi de recrutement interne mais d'obédience étrangère (l'islam, dont la protection par la constitution devra bien être révoquée un jour ou l'autre). La jeune armée algérienne n'est plus le vieux FLN, un parti d'ailleurs théoriquement "banalisé" par l'introduction du multipartisme justificateur. Contrairement à certains pronostics étrangers, à ce jour le haut commandement algérien n'a aucune intention d'intervenir dans l'élection présidentielle de l'année prochaine, de même qu'elle n'est pas intervenue dans le simulacre de réforme constitutionnelle de 2016, qui ne présentait d'ailleurs aucun risque d'affaiblir immédiatement le régime.

      Cette révision de la constitution, annoncée depuis une décennie comme un chantier majeur de démocratisation mais difficile à conduire dans un contexte de dictature gérontocratique sans alternative générationnelle, et de plus sous des circonstances de risque imminent de défaillance présidentielle sans succession crédible, ne pouvait être qu'un palliatif. En fait elle ne comporte effectivement qu'une avancée notable, l'érection de l'amazighe au niveau de langue nationale (avec l'arabe –variante judicieusement imprécisée– et à l'exclusion remarquable du français), porteuse à terme d'un réveil des cultures et des peuples indigènes qui, dans la deuxième moitié du siècle, débordera largement les frontières de l'Etat algérien et pourrait repousser la culture arabo-musulmane vers les côtes méditerranéennes. L'apatrie mondialiste s'est, pour sa part, seulement émue de l'interdiction des hautes fonctions politiques aux binationaux, innovation constitutionnelle dictée en réaction à la nomination systématique, depuis une dizaine d'années, de ministres et secrétaires d'Etat de nationalité et d'allégeance marocaines au sein du gouvernement français (qui administre la première communauté algérienne hors d'Algérie), et dont la prochaine élection à la mairie de Barcelone montrera la nécessité face aux ambitions personnelles de politiciens étrangers soutenus par ladite apatrie mondialiste. Le véritable risque pour l'Algérie n'était pas qu'un bon gestionnaire ayant fait fortune en Suisse vienne acheter l'élection présidentielle à Alger, mais qu'un bon prédicateur ayant fait prosterner des foules dans les rues de France (chose strictement interdite en Algérie) vienne soulever les populations désoeuvrées et marginalisées d'Alger.

      La relève des cours des hydrocarbures a cependant allégé la facture alimentaire (externe) et sociale (interne) du gouvernement algérien, seule garantie de paix civile pour un régime qui a parachevé sa faillite agricole par la faillite éducative, et auquel la corruption généralisée a aliéné l'électorat récemment libéré. On a oublié de compenser la fin du parti unique par le vote obligatoire, aussi la population algérienne a un taux d'abstention supérieur à celui des élections parlementaires uniopéennes (pourtant référence mondiale en matière d'abstention). Or, si la population métropolitaine s'abstient par écoeurement de la corruption et incrédulité face à la politique, la diaspora pourrait voter, et compte tenu d'une part de la radicalisation encouragée en Europe, et d'autre part de l'absence d'une mémoire de la guerre civile des années quatre-vingt-dix (qui était restée confinée à l'Algérie), la diaspora pourrait voter vert. En principe il n'y aura pas de candidat islamiste au scrutin présidentiel, mais il n'est pas impossible que Saïd Bouteflika, assez favorable à l'islam politique et faute d'avoir jamais obtenu (ni brigué sauf erreur) de mandat élu face aux caciques du FLN, joue la carte islamiste et étrangère. Physiquement très présentable et ne faisant pas ses bientôt 61 ans, le traficant d'influence et répartiteur de corruption en chef du régime pourrait fort bien s'appuyer sur une campagne à l'étranger, en évitant cependant son pays de naissance, le Maroc.

      Le Maroc, justement, bien plus que la Tripolitaine sans véritable capacité militaire, bande les muscles et multiplie depuis quelques mois les provocations politiques et diplomatiques. Il bénéficie du soutien de l'Union Européenne et de l'Alliance Atlantique, et accessoirement de la France et de l'Espagne. Fournissant des troupes à toutes les opérations multinationales en Afrique et parfois ailleurs, le Maroc affiche une politique interventionniste qui tranche avec la posture neutre et non alignée de l'Algérie, laquelle de son côté refuse régulièrement de s'engager au sud en soutien de ses voisins plus petits, et n'a qu'un seul conflit durable, celui justement avec son voisin occidental. Il est vrai que l'Algérie a refusé l'annexion du Sahara espagnol par le Maroc, arme et soutient le Polisario et rêve toujours d'un débouché sur l'Atlantique. Mais elle a aussi de bonnes raisons de s'alarmer de la politique de "deux poids deux mesures" de l'axe atlantico-uniopéen. La presse relai des agences monopolistiques de l'OTAN (AP, AFP et Reuters), c'est-à-dire l'ensemble de la presse dite occidentale, pardonne au Maroc les morts de "migrants" vers l'Espagne mitraillés, ou aux esquifs coulés, par la marine marocaine dans les eaux territoriales ou internationales, au moment même où elle s'émeut du raccompagnement civilisé et ordonné vers la frontière (et le désert certes), en autobus, des clandestins infiltrés sur le territoire algérien.
      The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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      • #4
        En ce mois d'octobre 2018 on assiste précisément au début d'une campagne de communication anti-algérienne, de la part d'organisations crypto-gouvernementales et très bientôt de gouvernements et d'instances internationales, accusant les autorités algériennes d'inhumanité dans le raccompagnement vers le sud de quelques milliers d'intrus illégaux visant certainement plus d'ailleurs l'embarquement vers l'Europe que le séjour prolongé en Algérie. Cet intérêt soudain peut surprendre de la part d'acteurs qui ont soutenu et caché les pogroms perpétrés en Cyrénaïque (Benghazi...) par leurs protégés sénoussistes début 2011 puis encouragé l'expulsion de cinq millions de travailleurs légalement immigrés en Libye, alors pays au plus haut niveau de vie d'Afrique. La vérité est que la fermeture en cours des ports italiens, si le gouvernement italien tient, tarira à terme l'invasion transméditerranéenne au départ des côtes de Tripolitaine et Cyrénaïque (et ouvrir une base de départ en Tunisie n'y changerait rien), et que le Maroc n'est pas extrêmement favorable à ouvrir ses routes aux caravanes de négriers appelés par l'Union Européenne et financés par la galaxie Soros (revoir à ce sujet la Huitième Plaie de Stratediplo). Il reste l'Algérie.

        La première puissance d'Afrique et de Méditerranée est fragile. Le régime est une dictature gérontocratique totalement coupée de la société réelle et des générations dites "de l'indépendance". Pauvre, sans emploi et facilement affamée, la population peut vraisemblablement être manipulée, comme l'a été la frange des quinze à trente ans en 1992. Cette population est jeune et une bonne partie de la jeunesse n'a justement pas connu le déchirement qui, il y a une génération, a tué cinq fois plus de civils que l'autre guerre de religion contemporaine, en Bosnie et Herzégovine. Quant à la diaspora, forte d'après son association internationale de sept millions de ressortissants dont cinq millions en France, elle est sûrement encore plus manipulable puisque déjà en grande partie radicalisée. De toute façon les dernières expériences de "révolutions de couleur", comme le coup d'Etat de février 2014 en Ukraine, ont montré qu'une participation réelle de la population n'est pas absolument indispensable. Un prétexte de déclenchement est cependant utile en matière de communciation internationale, et peut être trouvé à l'occasion de l'élection présidentielle d'avril 2019. On connaît le principe, il suffit que des sondages "indépendants" (c'est-à-dire étrangers) d'intentions de vote annoncent un résultat totalement différent du pronostic réaliste, puis que des sondages "à la sortie des urnes" annoncent un vote totalement différent de celui qui ne peut qu'être constaté par la commission électorale, ensuite de quoi il n'y a plus qu'à accuser le gouvernement de tricherie et à lui donner un ultimatum pour la proclamation de résultats conformes à la dictée étrangère (il y a des exemples).

        En soi le résultat de l'élection présidentielle importe peu. Une véritable alternance politique est relativement inconcevable car bousculer le régime serait détruire l'Etat, comme l'ont compris les initiateurs puis confiscateurs de la fameuse réforme constitutionnelle, et la percée d'un candidat prétendu "de transition" ne faciliterait pas la déstabilisation envisagée par certaines puissances. D'ailleurs parmi ce qui se réclame plus ou moins sincèrement d'opposition, il ne se dégage aucune personnalité ayant la stature de chef d'Etat du régime présidentiel d'un pays important mais fragile et attaqué de tous côtés (sauf du nord, pour l'instant). Si la momie Abdelaziz, qui n'avait manifesté aucune réaction de surprise (ou de conscience, d'ailleurs) en voyant un bulletin portant son nom lorsqu'on l'a faite voter il y a cinq ans, n'est pas encore décomposée, son frère Saïd le ventriloque et marionnettiste de l'ombre pourra la faire reconduire pour un mandat de plus, repoussant l'inévitable question de la succession mais aussi celle de l'assainissement du régime, dans un pays littéralement saigné par la corruption. Le général Mohamed Mediène (Toufik) avait raison de se méfier de Saïd. Sinon il y a l'alternative Ahmed Bouyahia, qui présente l'avantage (comme symbole d'alternance et gage de changement) d'être Kabyle, et en tout cas d'être déjà au pouvoir, expérimenté, antifrançais, et ancien dirigeant d'un parti d'étiquette distincte du FLN. Son élection serait certainement une chance de stabilité pour l'Algérie, mais elle déplairait à l'étranger. En effet l'intéressé s'est particulièrement engagé cette année dans la lutte contre l'immigration illégale, contre laquelle il a mobilisé l'action gouvernementale, civile et militaire, campagne qui a rencontré un écho authentiquement favorable dans la population.

        Cette année, l'armée algérienne s'est adonnée à plusieurs séries de grandes manoeuvres qui ont montré son professionnalisme et son haut niveau d'efficacité, y compris en combat aéroterrestre classique alors qu'elle a surtout fait du contrôle de frontière ces dernières années, plus quelques opérations antiterroristes rappelant son passé contre-insurrectionnel. Cette année aussi, ce qui reste de la Tripolitaine a lancé des menaces ouvertes et le petit Maroc a réintroduit le service militaire obligatoire. L'armée algérienne a de bonnes raisons objectives de montrer son savoir-faire.

        Pour l'Union Européenne, l'OTAN et l'Islam, l'Algérie et sa politique représentent un sérieux obstacle à une invasion massive venant d'Afrique. Sa déstabilisation ouvrirait de nouvelles voies, et ajouterait aussi de nouvelles masses aux "migrations de remplacement" appelées par le rapport de l'ONU du 21 mars 2000.

        L'année 2019 sera cruciale pour l'Algérie, et par conséquent pour la France et l'Europe.
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        • #5
          déstabilisation de l'Algérie

          La fièvre du vendredi matin, que l'on constatait en Syrie en juin 2011, touche à présent l'Agérie. Elle ne saurait surprendre ceux qui ont vu se multiplier les préparatifs en vue de la déstabilisation qu'on annonçait le 17 octobre 2018

          A peine un mois après cet article, un groupe de 43 "syriens" infiltrés clandestinement par la frontière malienne a été arrêté près de Tamanrasset. En langage algérien cela signifie, comme dans le cas des dits "afghans" des années quatre-vingt, des mercenaires d'origines diverses ayant servi en Syrie, mais du moins sait-on qu'il s'agissait d'arabophones, pas de Français (plus gros contingent européen détaché en Syrie). Il y avait en tout cas parmi eux de vrais Syriens, anciens officiers déserteurs passés aux forces islamistes. Porteurs de grosses sommes d'argent destinées au recrutement de réseaux en Algérie, ils se sont réclamés de l'Armée Syrienne Libre (faction soutenue notamment par la France), ont en effet bénéficié immédiatement de pressions étrangères en vue de leur libération et surtout de leur éviter un renvoi vers la Syrie, et ont été expulsés début décembre en direction du Soudan prêt à les recevoir, avec un groupe de Yéménites (ou islamistes arabes revenus du Yémen) d'effectif non diffusé. Quelques jours plus tard 53 Palestiniens ont été à leur tour capturés dans la région de Tamanrasset après leur infiltration. Puis le 8 décembre une trentaine de "syriens" a encore été capturée à Tamanrasset, et d'autres encore à Ghardaïa. Quelques individus avaient quitté la Syrie, après la défaite de l'Etat Islamique, par la Jordanie, mais la grande majorité étaient passés par la Turquie d'où ils avaient ensuite été acheminés par avion vers Khartoum, dotés là de faux passeports soudanais, transférés par voie aérienne à Bamako et de là par voie terrestre sous escorte armée.

          Si des centaines de mercenaires islamistes ont été ainsi interceptés depuis novembre il est difficile d'estimer combien ont été introduits sans être interceptés. Le 2 janvier le ministère de l'Intérieur a révélé que des centaines de "syriens" avaient ainsi été capturés, après leur entrée clandestine par la frontière malienne alors que les Syriens n'ont pas besoin de visa pour se rendre légalement en Algérie, et a annoncé des mesures comme l'interdiction formelle aux Syriens d'entrer par la frontière sud dans un pays qui a accueilli légalement 50000 vrais réfugiés syriens depuis le début de la guerre. Pour sa part le Mali ne cache pas son hostilité (récente) envers l'Algérie, coupable d'avoir décidé en 2017 l'expulsion du cinquième de la centaine de milliers de clandestins dits subsahariens (parmi lesquels on estime 5% d'islamistes), et d'y avoir procédé de manière à dissuader la récidive, en déposant ces clandestins "en plein désert", en l'occurrence sur la route mais à la frontière puisque l'armée algérienne ne saurait faire incursion en territoire malien. Ainsi la police malienne n'a pas empêché l'attaque et le saccage de l'ambassage algérienne à Bamako par des "refoulés" le 12 mars de l'année dernière. Certes le nord du Mali, par où passe l'infiltration des mercenaires islamistes pour entrer en Algérie, est pour sa part pratiquement contrôlé par la France, au nom de l'Union Européenne.

          Parallèlement aux infiltrations d'islamistes étrangers l'armée algérienne a découvert des centaines de caches le long des frontières orientales et méridionales, avec bien sûr des stocks alimentaires et du carburant mais surtout de l'armement, y compris collectif, antichar (lance-roquettes) et antiaérien sophistiqué (missiles). En matière d'armement individuel la presse algérienne déclare que l'armée a saisi en quelques mois, fin 2018, quarante-huit millions de munitions (il y a peut-être un zéro de trop). Et fin décembre un cargo chargé d'armement, provenant de Turquie, a été appréhendé à son arrivée en Tripolitaine. Il est difficile d'attribuer tout cela à un mouvement spontané, pas plus que les recommandations de gouvernements européens envers leurs ressortissants d'éviter, en cas de tourisme au Maroc, la zone frontalière avec l'Algérie.

          C'est pourtant très spontanément qu'ont éclaté les manifestations monstres du 22 février, immédiatement qualifiées de protestations à l'annonce de la candidature du président Abdelaziz Bouteflika à l'élection présidentielle du 18 avril, mais dont il n'est pas interdit de se demander si elles n'auraient pas spontanément trouvé un autre motif au cas où celui-là ne se serait pas présenté. En effet si une telle mobilisation avait eu lieu deux mois plus tard, dans les isoloirs habituellement massivement boudés par l'électorat algérien, un candidat honni n'aurait certainement pas pu être élu. Et d'ailleurs peu d'Algériens croient que c'est la momie présidentielle qui gouverne réellement leur pays, entre ses séjours médicaux en France. Sans le moindre préavis sur "réseau social", des centaines de milliers d'Algériens sont sortis dans la rue pour manifester dans quasiment toutes les grandes villes, y compris à Alger où c'est interdit depuis 2001. La presse, prise par surprise, ne l'a ni vu venir ni même rapporté le soir, et a dû s'informer et se concerter dans la nuit pour rendre compte de l'événement le lendemain samedi. Plus de trois semaines plus tard tout le monde assure ignorer qui a appelé à cette marche du vendredi 22 février, qui s'est ensuite reproduite vendredi 1er mars, puis vendredi dernier 8 mars et se reproduira certainement vendredi prochain 15 mars. Dans tout le pays, en fin de matinée et en synchronie surprenante, les gens se sont spontanément mis à manifester en sortant des dizaines de mosquées des grandes villes, comme si une révélation prophétique leur était soudainement apparue sans que personne ne leur donne de consigne.

          Il y eut certes une exception, à Bougie, la ville dont le régime fondé par le colonel de Gaulle entend faire oublier qu'elle a donné son nom français à la chandelle de cire. Vendredi 22 février, dans son homélie, le moufti de Bougie a appelé ses ouailles au calme et au respect de l'ordre constitutionnel dans la période troublée que traversait le pays. Ignorant ce qui se passait au même moment dans d'autres mosquées, et donc choqués qu'un ministre du culte se mêle soudain de politique, et de plus qu'il appelle la population kabyle à soutenir le régime arabe, de nombreux fidèles sont alors sortis de la mosquée. C'est certainement par une heureuse coïncidence, ou une inspiration divine, que ce moufti a appelé au respect de l'ordre au moment même où dans de nombreuses mosquées du pays des centaines de milliers de personnes acquéraient collectivement l'idée de manifester spontanément en sortant.

          Le 9 mars un appel à la grève générale de cinq jours a été lancé, paraît-il par un petit syndicat méconnu, très généralement diffusé et relativement bien suivi le 10 mars. A ce sujet il faut savoir que la culture syndicale et gréviste n'est pas la même en Algérie qu'en France. Dans un pays socialiste les employés ne servent pas le grand capitalisme privé mais la population, et dans un pays pauvre ils savent que ce sont leurs compatriotes qui souffriront de toute interruption des services essentiels. Un bel exemple est celui du métropolitain d'Alger, dont la grève consiste à débrancher les distributeurs de tickets et fermer les guichets (plus quelques bouches de métro) afin que les usagers puissent utiliser le transport public gratuitement. Dans certaines villes, une sorte d'incertitude quant à l'ampleur et la suite des événements a fait fermer pratiquement tous les petits commerces, mais en même temps les commerçants discutaient avec leurs clients sur le trottoir des difficultés qu'entraînerait la prolongation de cette grève. Tous les débats publics, oraux ou écrits, montrent que l'opinion est très divisée et n'est certainement pas majoritairement acquise à une véritable grève de cinq jours. Là comme en matière de manifestation, la seule coordination qui soit apparue au grand jour est celle des étudiants, rejointe aujourd'hui par les enseignants. Des étudiants préparent aussi un service d'ordre pour contrer les provocateurs, introduits vendredi dernier en marge des manifestations pacifiques comme à Kiev il y a cinq ans.

          Rapatrié d'urgence par vol bleu de Genève où il était hospitalisé, l'homme faible du régime a annoncé avant-hier lundi 11 sa mission ultime de fondation d'un nouveau régime, le report de l'élection présidentielle, un remaniement ministériel, le lancement d'une grande "conférence nationale" ou remue-méninges devant préparer pour fin 2019 un projet de constitution pour soumission à referendum, la tenue ensuite d'une élection présidentielle conforme aux prédicats étrangers, la formation d'un gouvernement de transition avant l'élection présidentielle, et le retrait du dictateur (au sens classique de chargé de mission exceptionnelle avec pleins pouvoirs) à l'issue de l'élection présidentielle.

          En Algérie comme à l'étranger l'annonce présidentielle a été perçue comme un projet de prolongation du mandat et du régime, et donc reçue négativement par les aspirants au changement et positivement par les tenants de la stabilité. En Kabylie la réaction assez générale des journaux et des réseaux sociaux semble être un appel à la sécession.

          Plus franchement encore que lors de l'interruption du processus électoral parlementaire en décembre 1991, les gouvernements des grandes puissances ont officiellement déclaré approuver le plan gouvernemental, à l'exception notable de l'allié de l'Algérie, la Russie, qui conformément à sa doctrine de non-ingérence et au droit international déclare ne pas se prononcer sur une question interne. Dans les Etats de non-droit comme les Etats-Unis et les pays arabes la presse commente le fond de la décision gouvernementale, en Europe quelques médias comme Le Monde et la BBC soulignent qu'elle viole la constitution algérienne, sans pour autant la qualifier de coup d'Etat comme le fait une partie de la presse algérienne. D'une manière générale l'ensemble de la presse occidentale dépendante des agences monopolistiques des pays de l'OTAN (AFP, Reuters et AP), suivie par la presse des pays arabes, dénonce la manoeuvre gouvernementale et annonce le chaos. L'illustre libérateur de la Cyrénaïque et éminence grise du gouvernement français, connu pour ses appels au bombardement de Belgrade puis de Moscou au siècle dernier et plus récemment sa prose d'appel à la haine contre le président russe, a dès lundi appelé la population algérienne à la révolution.
          The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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          • #6
            En réalité un certain nombre de puissances et de pouvoirs étrangers attendaient ou préparaient la déstabilisation. Quelques jours après les manifestations surprise du 22 février, Amnesty International et ses soutiens ont fortement appelé les forces de l'ordre algériennes à la retenue en vue des manifestations du vendredi suivant. Cette ingérence est particulièrement notable alors que seuls 41 activistes violents avaient été interpellés (et libérés au bout de quelques heures) sur des centaines de milliers de manifestants, quand en France les manifestations de, paraît-il, quelques dizaines de milliers de personnes le samedi (le néo-poujadisme est constitué de travailleurs) donnent lieu à des milliers d'arrestations et de placements en garde à vue ou défèrements immédiats. Elle surprend aussi dans la mesure où la police a unanimement toléré (et parfois accompagné) les manifestations, y compris à Alger où elles sont prohibées, en singulier contraste avec la France, condamnée en cela par le Parlement Européen, où chaque manifestation donne lieu à des violences gouvernementales inouïes avec tortures et mutilations ciblées.

            Algérie Patriotique de ce mercredi relaie, avec force détails troublants, des révélations persanes sur les préparatifs organisés de la déstabilisation de l'Algérie (http://www.******************.com/20...rtir-du-maroc/). Dans un centre de coordination installé à Rabat, un certain nombre d'agents étatsuniens, marocains et de spécialistes d'Otpor (l'agence initialement serbe financée par Soros pour les "révolutions de couleur") travailleraient depuis déjà un an à la planification, au financement et au ravitaillement de mouvements activistes en Algérie, et des cadres algériens auraient suivi là six mois de formation intensive. Deux douzaines d'officiers étatsuniens, marocains, serbes et français (et quelques Algériens félons), seraient déjà à pied d'oeuvre dans deux états-majors de conduite opérationnelle déployés à Oujda et Errachidia (Maroc), et des dizaines d'autres formeraient déjà un millier de futurs miliciens dans trois camps d'entraînement (dont un en Mauritanie), tandis que deux bases de soutien logistique auraient été installées en Tunisie.

            Pourtant le gouvernement algérien s'est conformé aux discrètes injonctions uniopéennes et françaises de revirement politique en matière migratoire. Dès le 14 février, donc avant le déclenchement de la crise actuelle, Ramtane Lamamra, ancien ministre des Affaires Etrangères, a été désigné conseiller diplomatique spécial auprès de la présidence, comme pour superviser ou court-circuiter le ministre des Affaires Etrangères. "Kabyle de service" comme disent les Berbères, diplomate de formation et spécialiste de l'Afrique (subsaharienne surtout), Lamamra est un homme de l'Union Africaine et de l'ONU, qui a accompli de multiples missions pour l'une et l'autre, ainsi que pour diverses agences du système onusien. Son aversion pour la politique de contention de l'immigration illégale subsaharienne n'est pas un secret. Estimé par les hauts fonctionnaires internationaux, il est particulièrement apprécié de Federica Mogherini, ministre des Affaires Etrangères de l'Union Européenne. Il est membre du conseil d'administration de la fameuse officine de conception et déclaration de crises déstabilisatrices International Crisis Group.

            L'hospitalisation d'Abdelaziz Bouteflika à Genève, au surlendemain des premières manifestations spontanées à la sortie des mosquées, était en fait un paravent à des consultations discrètes organisées par son frère Saïd à l'avance, puisque les visites ont débuté le jour même de leur arrivée, dimanche 24 février. Un envoyé spécial de haut rang du président Emmanuel Macron a même été reçu en même temps que Ramtane Lamamra, et dès lundi 25 l'agence Reuters émettait l'hypothèse d'une remise directe du pouvoir présidentiel à Lamamra par Bouteflika. Diverses personnalités et diverses formules de transmission du pouvoir, manifestement préparées ailleurs, ont été présentées ou recommandées au président à l'occasion de plusieurs entrevues de courte durée. Le 2 mars Euronews a annoncé que le président allait annoncer la nomination de Lamamra comme premier ministre.

            Finalement un remaniement ministériel a eu lieu avant-hier 11 mars. Ramtane Lamamra redevient ministre des Affaires Etrangères, mais aussi vice-premier ministre, poste nouvellement créé pour renforcer sa position alors qu'il eût suffi de le nommer ministre d'Etat, comme lors de son premier mandat de ministre des Affaires Etrangères et à la différence de son successeur d'alors, et prédécesseur d'aujourd'hui, Abdelkader Messahel autodidacte arabe dont les détracteurs algériens fustigent le français grossier et l'arabe primaire. L'étranger, surtout, reprochait à Messahel son soutien dès juillet 2017 à la politique de fermeté face à l'immigration illégale, mise en oeuvre par le premier ministre Ahmed Ouyahia devant l'accroissement subit des flux d'origine subsaharienne, la menace de leur transformation en une route clandestine massive vers la France, et dernièrement l'apparition d'une composante arabe islamiste en marge de ces flux. Accessoirement le Maroc lui reprochait sa dénonciation du premier narco-Etat au monde (en réalité après l'Afghanistan). Le premier ministre kabyle Ahmed Ouyahia a été démissionné, selon le souhait de tous les appareils internationaux, uniopéens et crypto-gouvernementaux qui lui reprochaient depuis sa nomination en 2017 son combat contre l'immigration clandestine, d'ailleurs soutenu par la population algérienne. Il est remplacé par l'Arabe anti-kabyle Noureddine Bedoui, apparatchik issu de l'administration préfectorale et ministre de l'Intérieur du gouvernement Ouyahia, chouchou des chancelleries occidentales et dont le mérite principal est d'avoir régulièrement manifesté son opposition à la politique de lutte contre l'immigration clandestine, et d'avoir lancé un recensement national vraisemblablement destiné à une régularisation massive.

            Enfin, en marge du gouvernement, le président a aussi nommé, pour piloter la conférence nationale constituante, l'islamiste arabe Lakhdar Brahimi, haut fonctionnaire de l'ONU, ancien secrétaire général adjoint de l'ONU et de la Ligue Arabe, plusieurs fois représentant spécial du Secrétaire Général de l'ONU, membre du comité des Elders (chibanis) pour la Paix de l'ONU, grand pourfendeur de la souveraineté des Etats, et dont la mission impossible et hypocrite en Syrie ne lui a pas permis de faire valoir les talents de conciliation que nécessitent la convocation d'Etats Généraux en Algérie. Sa nomination ressemblerait presque à une mise sous tutelle internationale de l'Algérie en crise provoquée.

            Lundi 11 mars, le pouvoir politique algérien semble avoir abdiqué sa souveraineté et ses frontières et mis le pays sous contrôle étranger en croyant éviter la déstabilisation qui entre en phase finale. Deux-tiers des Algériens d'aujourd'hui n'ont pas connu la guerre civile islamique des années quatre-vingt-dix et ignorent où va leur pays.

            La description du pays "sapin" présentée en pages 93 à 100 du Septième Scénario de Stratediplo (http://www.lulu.com/fr/shop/stratedi...-22330739.html) peut être utile à la compréhension des forces, faiblesses et capacités actuelles de l'Algérie.
            Publié il y a 13th March par Stratediplo
            The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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            • #7
              l'offensive de déstabilisation de l'Algérie semble victorieuse

              La déstabilisation de l'Algérie, qu'on annonçait il y a six mois est désormais bien engagée et le processus est maintenant difficilement réversible.

              Les foules qui ont spontanément et simultanément, dans tout le pays, décidé de manifester dans la rue en sortant des mosquées vendredi 22 février, continuent de le faire tous les vendredis et même depuis peu dans la semaine, en dépit de l'obtention de ce que la presse présentait comme la demande simple, mais non négociable, de ces foules. La rue est échauffée, les foules dites non coordonnées sont emballées et, comme un cheval qui a pris le mors aux dents, elles ne seront pas faciles à arrêter, comme l'expliquerait l'indémodable sociologue Serge Moscovici. D'ailleurs personne n'a cherché à le faire, puisque, compte tenu de la sympathie affichée à l'étranger pour le mouvement, toute la gent politique algérienne s'est sentie obligée de se déclarer immédiatement solidaire dudit mouvement. La classe politique lui a ainsi apporté une caution aveugle puisque le mouvement n'avait alors aucun chef apparent, et aucun programme avoué, donc aucune revendication spécifique ultime dont la satisfaction pourrait garantir la fin des protestations.

              Il peut être utile ici de revenir sur les enchaînements politiques récents. Le 26 mars le général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'armée et vice-ministre de la Défense (le ministre en titre étant le président de la république), a appelé le Conseil Constitutionnel à constater l'incapacité totale du président et à lancer le processus d'empêchement, d'interim et d'organisation d'élection, tout cela en conformité avec la constitution qui prévoit effectivement la continuité des institutions en cas de vacance présidentielle. Faute de réaction du côté du Conseil, le général Gaïd Salah a renouvelé son appel, avec plus d'insistance, quatre jours plus tard.

              Mais parallèlement, le 30 mars le général (à la retraite) Mohamed Mediène, l'éminence grise du régime dont le dernier coup de maître discret avait permis de renforcer la fonction présidentielle , a convoqué le général retiré et ancien président Liamine Zéroual (homme du compromis pendant la guerre civile), dont le nom circulait depuis deux semaines, avec l'accord forcé du général Athmane Tartag (successeur de Mediène à la tête du renseignement et de la sécurité) et de Saïd Bouteflika, frère et conseiller du président. L'ancien président se vit proposer de piloter une instance chargée de "conduire la transition", ce qui correspondait à une relance de la feuille de route annoncée par la présidence le 11 mars, à savoir une conférence nationale constituante, dont la conduite avait alors été officiellement confiée à l'homme de l'ONU Lakhdar Brahimi le même 11 mars, sur lequel des rumeurs de démission ont circulé plus récemment. En fait l'initiative du général Mediène consistait en une investiture dictatoriale (au sens antique), le dictateur recevant les pleins pouvoirs pour un mandat bien déterminé (transition vers une nouvelle constitution) de salut public, de la part de l'ancien pilier du régime (Mediène) qui obtenait pour cela l'allégeance de la nomenklatura (Bouteflika) et des services sécuritaires (Tartag).

              Ne se sentant vraisemblablement pas à la hauteur de la tâche, et prétextant l'écoute démophile de la rue, Liamine Zéroual a refusé ce mandat. C'est pourtant bien ainsi qu'avait procédé le père de l'indépendance de l'Algérie en mai 1958, brandissant de plus la menace militaire (opération Résurrection), en exigeant du président de la IV° république et du président du conseil les pleins pouvoirs pour fonder un nouveau régime, c'est-à-dire pour renverser la IV° république (française) ; assurant ironiquement ne pas avoir l'intention de "commencer une carrière de dictateur" à 67 ans, il mit effectivement fin à sa dictature quelques mois plus tard en s'investissant président d'un régime présidentiel taillé par ses soins à ses mesures.

              De son côté le général Gaïd Salah, inflexible constitutionnaliste (et donc évidemment pas associé au projet de Mediène), a immédiatement dénoncé un complot anticonstitutionnaliste de la part de personnes sans mandat ni autorité politique, et insisté sur la solution légale, à savoir le constat de la vacance de la présidence et le déclenchement du processus constitutionnel menant à l'organisation d'une élection présidentielle sous 90 jours, par le président du Conseil de la Nation (sénat) automatiquement chargé de l'interim des fonctions de chef de l'Etat.

              C'est bien là l'alternative qui incarne la déstabilisation de l'Algérie. Cela fait une bonne décennie que Mediène poussait à traiter séparément dans le temps la question de la réforme constitutionnelle et celle de la succession générationnelle, que la nomenklatura (que l'opinion réduit au ventriloque marionnettiste Saïd Bouteflika qui n'est soi-même qu'une marionnette) a repoussé jusqu'à l'inévitable collision des deux nécessités dans l'urgence dictée, au prétexte circonstanciel de l'élection présidentielle, par les puissances qui ont décidé l'année dernière de faire sauter l'obstacle algérien au déversement de l'Afrique en Europe, et ont peut-être quelque chose à voir avec l'impulsion spontanée télépathique massive du 22 février à manifester par millions en sortant des mosquées. L'alternative est entre un grand chantier de changement de régime et un changement organisé de personnel politique.

              Un changement organisé de personnel politique suppose l'organisation d'élections d'abord présidentielles puis législatives, sous le pilotage temporaire des autorités intérimaires prévues par la constitution, qui dans un souci de stabilité interdit la démission du gouvernement, la dissolution de l'assemblée, la candidature du chef d'Etat par interim (le président du sénat) à la présidence de la république, ainsi que toute modification constitutionnelle (ou légale majeure) précipitée. Les modifications constitutionnelles par un parlement représentatif des souhaits les plus récents de la population ne peuvent avoir lieu qu'après l'élection d'un nouveau parlement, elle-même consécutive à l'élection présidentielle. C'est l'option démocratique, où le nombre de voix écrites comptées dans les urnes l'emporte sur le volume estimé des vociférations dans la rue. La presse qui se dit à l'écoute du peuple pourrait soutenir cette solution, demandée par le chef de la seule institution en laquelle les Algériens aient infailliblement confiance, à savoir l'armée. Mais au contraire, pour complaire à l'étranger par une interprétation révolutionnaire des mouvements massifs mais pacifiques et sans revendication précise, la presse promeut le lancement désordonné d'un grand chantier de changement de régime, tout en refusant "par principe" qu'il soit conduit selon la proposition gouvernementale du 11 mars d'une conférence nationale constituante sous gouvernement transitoire. Le mot d'ordre non-dit est l'anarchie (commencer par tout détruire), qu'on s'interdit d'appeler chaos au prétexte de la bonne volonté des masses populaires censée n'avoir pas besoin de méthodologie.

              La solution Mediène est finalement une tentative de compromis, mais de compromis ferme pour mise en oeuvre rapide (prendre de court les déstabilisateurs), à savoir reconnaître le caractère exceptionnel de la crise qui met en danger le pays, entériner le besoin d'un changement de régime en-dehors du cadre fourni par la constitution, et confier arbitrairement à une équipe compétente le lancement d'un chantier refondateur sur la base d'un compromis inclusif avant l'effondrement total de l'Etat. Mais c'est aussi un premier bousculement de la constitution, qui en théorie légitime toute autre dérive ultérieure, selon le paradigme bien connu des théoriciens de la révolution : accepter le principe de la révolution interdit d'en concevoir la fin.
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              • #8
                Le problème est que l'essentiel de la ressource politique compétente, tant celle susceptible de conduire la transition que celle susceptible d'assurer la relève, a déjà accepté le discours de l'anarchie bienveillante (à l'opposé de l'empirisme organisateur), déclare s'en remettre à la rue et refuse de participer à toute discussion ou réflexion sur le futur ou la méthodogie. Les uns après les autres, les politiciens démissionnent voire même abandonnent leurs fonctions au sein des partis politiques, comme pour se dégager de toute responsabilité quant à l'avenir du pays, ou simplement prétendre se recréer une "virginité" hors gouvernement et hors partis, à la manière Chirac ou Macron. Cette fièvre du lavement de mains a touché jusqu'à Saïd Saadi, autrefois espoir d'une alternance compétente, et contraint les journalistes à questionner les seuls qui osent encore exprimer une opinion, comme la trotskiste Louisa Hanoune... ou les islamistes au début discrets.

                Dimanche 31 mars la présidence de la république a officiellement nommé les membres du gouvernement Bedoui, le deuxième puisqu'un premier gouvernement Bedoui avait été nommé le 11 mars. Hormis six ministres reconduits (dont le premier ministre, le vice-ministre de la Défense...), ce gouvernement est essentiellement constitué de pointures de seconde catégorie, les vrais politiciens sollicités s'étant certainement faits porter pâles malgré l'interdiction de sortie de territoire imposée par le ministère de la Défense à tous les apparatchiks et suspects de corruption. Le seul aspect notable de la nouvelle équipe gouvernementale en est la disparition des hauts agents de la "communauté internationale", Ramtane Lamamra nommé vingt jours plus tôt ministre des Affaires Etrangères et Lakhdar Brahimi chargé vingt jours plus tôt de conduire la conférence nationale constituante, dont des rumeurs sur leur hésitation à s'engager pour le sauvetage de l'Algérie avaient vite suivi leur nomination... pourtant certainement acceptée avant annonce. Le retrait de Lamamra du ministère des Affaires Etrangères a d'abord été interprété comme l'indice d'une intention de le nommer le 1er avril au sénat, dont il aurait pu être choisi président et donc futur chef de l'Etat par interim, en remplacement du très décrié Abdelkader Bensalah (qui n'aurait eu qu'à démissionner de la présidence du sénat pour laisser la place), mais ce ne fut finalement pas le cas, Lamamra ayant décliné l'offre au dernier moment.

                Le 2 avril la présidence de la république, qui avait annoncé la veille l'imminence de décisions importantes, a simplement communiqué la démission du président Abdelaziz Bouteflika, et le 3 avril le Conseil Constitutionnel a notifié au parlement la vacance présidentielle, et donc l'accession automatique du président du sénat Abdelkader Bensallah à l'interim des fonctions de chef de l'Etat. Les ragots sur une possibilité de nationalité étrangère (marocaine) de ce dernier sont sans intérêt puisque la constitution n'exige pas dudit intérimaire les mêmes conditions que pour un président de la république. Une élection présidentielle doit avoir lieu pendant le mandat intérimaire de 90 jours, et est déjà annoncée pour le 4 juillet, et le chef d'Etat par interim n'a aucun pouvoir constitutionnel ou même gouvernemental, ne pouvant par exemple même pas accepter la démission d'un ministre, ce qui gèle non seulement la constitution mais également la composition du gouvernement. Dès le début de la semaine tout le monde, y compris la presse gouvernementale, notait déjà l'impopularité et le défaut d'autorité du nouveau gouvernement, les "ministres" stagiaires étant hués voire éjectés à chacune de leurs apparitions publiques, ce qui ne peut que conforter la décision des vrais politiciens de se faire oublier pendant quelque temps et d'éviter le processus de transition.

                Parenthèse, le 5 avril la communication gouvernementale a annoncé le limogeage du général Athmane Tartag, qui dépendait directement de la présidence de la république, et le rattachement de tous les services de sécurité au ministère de la Défense. Cette restructuration n'a pu légalement intervenir qu'avant le 2 et, affaiblissant le régime politique pour renforcer le pilier militaire, pourrait indiquer un ralliement du général Mediène, sinon à la solution constitutionnelle prônée par le général Gaïd Salah, du moins à la seule institution solide, l'armée.

                Evidemment le 5, les manifestations du vendredi ont eu lieu pour la septième fois, comme si rien n'avait changé (et encore avant-hier 12 avril). De leur côté les chefs des deux principaux partis islamistes, Abderrazak Mokri et Abdallah Djaballah, sont finalement sortis de la réserve censés les dissocier de ces manifestations spontanées à la sortie des mosquées, pour appeler à une solution "consensuelle" c'est-à-dire non constitutionnelle. Ils exigent la démission du président du Conseil Constitutionnel Belaïz et du Conseil de la Nation (sénat) Bensallah, dont ils ne reconnaissent pas la nomination comme chef d'Etat par interim, ainsi que du premier ministre Bedoui et de tout le gouvernement. Ils estiment que la solution ne peut sortir que d'un préalable "vide institutionnel" (que la science politique nomme anarchie), à savoir la désintégration immédiate de toutes les institutions sauf l'armée, qui pourrait être chargée de conduire un dialogue national devant aboutir à la désignation d'une personnalité et d'une équipe consensuellement acceptées par le mouvement de contestation populaire. Voilà évidemment plus un voeu religieux qu'une méthodologie de changement, et plus l'assurance de conflits que de résultats.

                A ce jour l'encouragement du maintien de la frustration de la rue, tant par l'étranger que par la presse algérienne complaisante envers la dynamique révolutionnaire et les rares politiciens qui ne veulent pas se faire oublier, semble compromettre tout retour à la normalité. Si l'armée n'obtient pas le rétablissement du respect de la constitution, les agitateurs obtiendront ce qu'ils demandent ouvertement, l'écroulement de tout le système, car comme on l'écrivait le 17 octobre "bousculer le régime serait détruire l'Etat". La suite sera écrite d'une part par des événements anarchiques pouvant mener à la guerre civile, et d'autre part par les (deux) grands commis de l'étranger qui avaient été prépositionnés pour la "transition" puis se sont retirés pour ne pas devoir la conduire dans un cadre organisé. Ceci rappelle le fameux conseil de l'ambassadeur Warren Zimmerman au président Alija Izetbegovic, après la signature de l'accord de Lisbonne du 22 février 1992...

                La déstabilisation de l'Algérie semble acquise.
                Publié il y a 14th April par Stratediplo
                The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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