Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Algérie*: les Rencontres cinématographiques de Béjaïa portent la lutte sur grand écran

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Algérie*: les Rencontres cinématographiques de Béjaïa portent la lutte sur grand écran

    Algérie*: les Rencontres cinématographiques de Béjaïa portent la lutte sur grand écran
    lemonde.fr | 3 octobre 2019 12:00

    La 17e édition des Rencontres cinématographiques de Béjaïa a eu lieu du 21 au 26*septembre en Algérie. RCB / Facebook
    Béjaïa, « Bgayet » en tamazight, la capitale prospère fondée au XIe siècle par la dynastie berbère des Hammadites et où l’historien Ibn Khaldoun séjourna, offre aujourd’hui le spectacle d’une grandeur passée, abîmée par le temps et la négligence dans l’entretien des trottoirs et des façades. La ville, située à 230 km à l’est d’Alger, est le fer de lance d’une contestation populaire historique dont les prémices datent de la fin des années 1980 avec le « printemps berbère », manifestations pour les libertés réprimées dans le sang. C’est là qu’est organisé, chaque année depuis 2003, un festival dédié au septième art, véritable bouffée d’air pour la création cinématographique en Algérie.

    Lire aussi Cinéma : la sortie en Algérie de «*Papicha*» annulée sans explication
    « La contestation était partout en germe et lorsque nous l’avons vue naître en dehors de la Kabylie, nous nous sommes réjouis, explique Hakim Abdelfattah, directeur technique des RCB et membre de Project’Heurts. Dès le début du “hirak” [le mouvement de contestation qui a débuté le 22 février contre un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika], nous avons adapté la programmation des films présentés chaque samedi à la cinémathèque de Bejaïa pour nourrir la réflexion sur la révolution pacifique en cours. » Plusieurs films qui avaient été censurés dans les éditions précédentes ont même été diffusés. Comme Fragments de rêve, de la réalisatrice Bahia Bencheikh El-Fegoun, qui laisse la parole à des militants des mouvements de contestation en Algérie depuis 2011 et qui avait été interdit de projection en 2018 aux RCB.

    Salle comble
    Trois films nés du désir urgent de traduire l’esprit du « hirak » ont été programmés lors de cette 17e édition, placée sous le thème des luttes. Unis vers Kateb, de Rahma Benhamou El Madani, le film musical Awal Ayta (« premier cri ») de Rami Aloui et Nadir Mohammedi, et le documentaire Vendredi est une fête (45 mn), de Samir Ardjoum et Ager Oueslati, qui filme le retour en Algérie de Reda Seddiki, un jeune humoriste originaire de Tlemcen vivant aujourd’hui en France. Reda, sorte d’alter ego du réalisateur, rencontre et interroge le mouvement de contestation, qui l’émeut et le porte. « Ils nous ont tellement serré la ceinture que l’intelligence est toute montée à la tête », confie avec humour l’un des manifestants à Réda.

    Lire aussi Le cinéma algérien rêve d’indépendance financière
    Pour ce film, dont le réalisateur a dû couper une scène où l’humoriste plaisante sur l’hymne national, comme pour les deux autres, la salle de 300 places de la cinémathèque place Gueydon, dont la rénovation et les équipements font la fierté des membres de Project’Heurts, est comble. « Il y a même plus de monde qu’à l’ouverture », commente un des spectateurs. Des jeunes, mus par la fierté d’être la « génération de la révolution du sourire », entonnent l’hymne national. Lui succède des chants devenus des classiques des manifestations hebdomadaires en Algérie.

    Les réalisateurs n’ont pas encore montré leur œuvre qu’ils reçoivent déjà des tonnerres d’applaudissements. Des films, réalisés sur le vif des manifestations, sont partagés sur les réseaux sociaux. D’autres sont en cours de fabrication. Pour la première fois, le mouvement de contestation est porté sur grand écran. « Il faudra bien d’autres films pour être à la hauteur du “hirak” et de ce qu’il bouleverse en nous et dans la société », confie un spectateur des RCB.

    Cafés-ciné
    Leila Aoudj, la directrice artistique du festival, souligne toutefois que celui-ci ne se réduit pas au récit du mouvement de contestation. « Ces rencontres cinématographiques sont nées de la volonté des citoyens. C’est un projet de la société civile traversée par le “hirak”, mais son objectif premier, c’est de transmettre à travers le cinéma », rappelle t-elle.

    La programmation proposait des films d’auteurs algériens et étrangers invitant à la réflexion et au débat. Chaque matin, des cafés-ciné ont été organisés, où les réalisateurs et le public ont pu discuter cinéma et politique, très librement. « C’est la force de ce festival : pas de prix, pas de compétition, mais des discussions qui se poursuivent jusque très tard le soir », souligne Amine, un habitué. Le film Nar, de Meriem Achour Bouakkaz, qui interroge l’acte désespéré de l’immolation par le feu d’Algériens confrontés à l’injustice, ou encore Amussu, réalisé en langue tamazight par Nadir Bouhmouch, qui dénonce la pollution de l’eau par la mine d’argent d’Imider au Maroc, ont à leur manière nourri la réflexion et l’esprit de lutte.

    Lire aussi Livre*: quand toutes les luttes convergeaient en Algérie
    A la clôture du festival, de retour d’une soirée de musique chaouie animée par le groupe Iwal, des réalisateurs et artistes entonnent à tue-tête, dans une ferveur retrouvée à la veille de la manifestation hebdomadaire, des chants qu’ils vont crier le lendemain à Bejaïa. Sur la route, le chauffeur qui conduit les jeunes jusqu’à leur hôtel tient la main appuyée sur le klaxon, comme pour annoncer aux habitants endormis un nouveau jour de lutte à Bejaïa.
    “Les mensonges sont nécessaires quand la vérité est très difficile à croire”
    Pablo Escobar après avoir brûlé le tribunal qui devait le juger.
Chargement...
X