HYDROCARBURES: Questions autour de l’opportunité d’une nouvelle loi dans un contexte insurrectionnel ?
Par Nordine Grim 07 octobre 2019
Remis au goût du jour dans un contexte politique franchement hostile, le projet de loi sur les hydrocarbures avec lequel Abdelaziz Bouteflika voulait monnayer le soutien des grandes puissances à son 5e mandat, refait surface avec les mêmes arrière-pensées, sous la houlette du régime en place. Il a du mal à passer auprès d’une opinion publique qui a trouvé dans la révolution du 22 février, la force de contester les dérives d’un pouvoir qui tend à perpétuer les réflexes de corrompu et de corrupteur du clan des Bouteflika, auquel il prétend avoir mis fin.
En effet, si les Algériens soupçonnaient déjà Chakib Khellil, ex-ministre de l’Énergie, P-dg de la Sonatrach et ami proche des Bouteflika, de rouler franchement pour les Américains, auxquels il avait accordé d’énormes faveurs, aujourd’hui les soupçons de malversations pèsent beaucoup plus sur les détenteurs actuels du pouvoir, qui ont remis au goût du jour ce projet qu’on croyait mort et enterré depuis la déchéance du clan Bouteflika qui en fut le mentor. Pour tous les observateurs de la scène politique algérienne, il parait en effet bien évident, qu’à cours de soutiens de capitales étrangères, le clan qui lui a succédé a exhumé ce projet dans le but de s’attirer les faveurs des puissances de ce monde.
Moyennant des avantages colossaux allant jusqu’au retrait de la souveraineté du pays sur ses ressources pétrolières, ce pouvoir dénué de la légitimité constitutionnelle et en proie à une insurrection populaire sans précédent, pense pouvoir obtenir le soutien des grandes puissances pour notamment l’aider à sortir indemne de cette puissante fronde populaire qui menace les fondements mêmes du système qu’il incarne. C’est ce qui explique l’empressement de ce régime, qui n’a pourtant ni légitimité ni la légalité constitutionnelle, à promulguer cette très controversée loi. Et ce, avant l’échéance électorale que l’état major militaire a autoritairement fixée au 12 décembre prochain. Un projet et une échéance qu’à l’évidence le peuple algérien ne peut que rejeter, mais que le haut-commandement de l’armée veut imposer en achetant le soutien ou, au minimum, le silence complice, des puissances étrangères qui convoitent nos ressources minières.
La procédure de promulgation de ce projet de loi, qui prendra sans doute la forme d’une ordonnance présidentielle pour éviter le débat parlementaire, est à un stade avancé. Il a déjà franchi le cap du Conseil du Gouvernement qui l’a endossé sans problème pour très probablement passer cette fin de semaine devant le Conseil des ministres. Les deux chambres du parlement l’adopteront comme d’habitude juste après. Il restera la signature de la loi qui pourrait être confiée au chef de l’État par intérim, Abdelkader Bensalah, même si la Constitution ne lui accorde pas expressément le droit, ou au président de la République fraîchement élu si évidemment le pouvoir parvient à organiser avec un minimum de dégâts (rien n’est moins sûr !) le scrutin présidentiel du 12 décembre prochain.
Cette loi est un appât fait pour les puissances étrangères pour obtenir leur soutien
Pour éviter toutes probables remises en cause de la conformité de cette loi si elle venait à être signée par le chef d’État par intérim, les partenaires étrangères souhaiteraient, évidemment, qu’elle le soit par un chef d’État élu au suffrage universel. D’où l’intérêt qu’ils semblent accorder au scrutin du 12 décembre auquel ils n’ont, pour l’instant, dressé aucun obstacle. Et ce, malgré les vices à peine voilés de ce scrutin que le pouvoir persiste à imposer en dépit du refus massif que lui adresse le peuple algérien à l’occasion des grandes manifestations du hirak.
Ce projet de loi sur les hydrocarbures contient en effet des dispositions susceptibles d’aiguiser l’appétit des grandes firmes pétrolières qui possèdent un grand pouvoir d’influence sur leurs dirigeants politiques. Dans l’exposé des motifs de ce projet de loi, corroboré par un certain nombre de dispositions législatives est en effet clairement affirmée la nécessité de donner davantage d’attractivité au secteur des hydrocarbures en le débarrassant de tous les obstacles bureaucratiques. Que ce soit en allégeant au maximum la fiscalité, en augmentant sensiblement la durée des permis d’exploitation et en réduisant au minimum les droits de préemption de l’État au cas où des firmes étrangères venaient à décider de vendre les actifs détenus en territoire algérien à des sociétés étrangères. Anadarko qui a cédé ses actifs au groupe Total, sans que l’État algérien ne fasse valoir son droit de préemption, peut être interprété comme un geste de bonne volonté d’un gouvernement qui accepte de céder sur des prérogatives relevant de sa souveraineté, pourvu qu’on l’aide à rester au pouvoir.
C’est précisément l’objectif de cette loi que l’on a exhumée, avec l’arrière-pensée d’en faire un appât pour les puissances étrangères, à l’heure où le régime algérien, qui commence à vaciller sous l’effet d’une massive contestation populaire, a besoin de leur soutien. Rien ne justifie en effet cet empressement à ressortir ce projet de loi, dans un contexte politique et social aussi tendu, puisque, de l’avis des experts, la loi actuellement en vigueur n’est pas plus contraignante que celles d’autres pays pétro-gaziers, qui continuent pourtant à attirer les plus gros investisseurs du monde.
On feint d’ignorer que le manque d’attractivité est essentiellement à notre instabilité juridique, ainsi qu’à l’incompétence et la corruptibilité, d’une nouvelle classe de dirigeants qui ont, pour la plupart, émergé durant l’ère Bouteflika. Si tel n’était pas le cas, les deux précédentes lois promulguées pour les mêmes motifs fallacieux auraient largement amélioré l’attractivité du secteur ; ce qui n’a malheureusement pas été le cas. De très nombreux appels d’offres internationaux lancés par l’Agence de Régulation, pour confier des gisements d’hydrocarbures à des firmes étrangères, sont en effet restés infructueux pour les motifs essentiels de mauvaise gouvernance et d’instabilité juridique qui caractérisent, aujourd’hui encore, la gestion de ce secteur.
a suivre ...
Par Nordine Grim 07 octobre 2019
Remis au goût du jour dans un contexte politique franchement hostile, le projet de loi sur les hydrocarbures avec lequel Abdelaziz Bouteflika voulait monnayer le soutien des grandes puissances à son 5e mandat, refait surface avec les mêmes arrière-pensées, sous la houlette du régime en place. Il a du mal à passer auprès d’une opinion publique qui a trouvé dans la révolution du 22 février, la force de contester les dérives d’un pouvoir qui tend à perpétuer les réflexes de corrompu et de corrupteur du clan des Bouteflika, auquel il prétend avoir mis fin.
En effet, si les Algériens soupçonnaient déjà Chakib Khellil, ex-ministre de l’Énergie, P-dg de la Sonatrach et ami proche des Bouteflika, de rouler franchement pour les Américains, auxquels il avait accordé d’énormes faveurs, aujourd’hui les soupçons de malversations pèsent beaucoup plus sur les détenteurs actuels du pouvoir, qui ont remis au goût du jour ce projet qu’on croyait mort et enterré depuis la déchéance du clan Bouteflika qui en fut le mentor. Pour tous les observateurs de la scène politique algérienne, il parait en effet bien évident, qu’à cours de soutiens de capitales étrangères, le clan qui lui a succédé a exhumé ce projet dans le but de s’attirer les faveurs des puissances de ce monde.
Moyennant des avantages colossaux allant jusqu’au retrait de la souveraineté du pays sur ses ressources pétrolières, ce pouvoir dénué de la légitimité constitutionnelle et en proie à une insurrection populaire sans précédent, pense pouvoir obtenir le soutien des grandes puissances pour notamment l’aider à sortir indemne de cette puissante fronde populaire qui menace les fondements mêmes du système qu’il incarne. C’est ce qui explique l’empressement de ce régime, qui n’a pourtant ni légitimité ni la légalité constitutionnelle, à promulguer cette très controversée loi. Et ce, avant l’échéance électorale que l’état major militaire a autoritairement fixée au 12 décembre prochain. Un projet et une échéance qu’à l’évidence le peuple algérien ne peut que rejeter, mais que le haut-commandement de l’armée veut imposer en achetant le soutien ou, au minimum, le silence complice, des puissances étrangères qui convoitent nos ressources minières.
La procédure de promulgation de ce projet de loi, qui prendra sans doute la forme d’une ordonnance présidentielle pour éviter le débat parlementaire, est à un stade avancé. Il a déjà franchi le cap du Conseil du Gouvernement qui l’a endossé sans problème pour très probablement passer cette fin de semaine devant le Conseil des ministres. Les deux chambres du parlement l’adopteront comme d’habitude juste après. Il restera la signature de la loi qui pourrait être confiée au chef de l’État par intérim, Abdelkader Bensalah, même si la Constitution ne lui accorde pas expressément le droit, ou au président de la République fraîchement élu si évidemment le pouvoir parvient à organiser avec un minimum de dégâts (rien n’est moins sûr !) le scrutin présidentiel du 12 décembre prochain.
Cette loi est un appât fait pour les puissances étrangères pour obtenir leur soutien
Pour éviter toutes probables remises en cause de la conformité de cette loi si elle venait à être signée par le chef d’État par intérim, les partenaires étrangères souhaiteraient, évidemment, qu’elle le soit par un chef d’État élu au suffrage universel. D’où l’intérêt qu’ils semblent accorder au scrutin du 12 décembre auquel ils n’ont, pour l’instant, dressé aucun obstacle. Et ce, malgré les vices à peine voilés de ce scrutin que le pouvoir persiste à imposer en dépit du refus massif que lui adresse le peuple algérien à l’occasion des grandes manifestations du hirak.
Ce projet de loi sur les hydrocarbures contient en effet des dispositions susceptibles d’aiguiser l’appétit des grandes firmes pétrolières qui possèdent un grand pouvoir d’influence sur leurs dirigeants politiques. Dans l’exposé des motifs de ce projet de loi, corroboré par un certain nombre de dispositions législatives est en effet clairement affirmée la nécessité de donner davantage d’attractivité au secteur des hydrocarbures en le débarrassant de tous les obstacles bureaucratiques. Que ce soit en allégeant au maximum la fiscalité, en augmentant sensiblement la durée des permis d’exploitation et en réduisant au minimum les droits de préemption de l’État au cas où des firmes étrangères venaient à décider de vendre les actifs détenus en territoire algérien à des sociétés étrangères. Anadarko qui a cédé ses actifs au groupe Total, sans que l’État algérien ne fasse valoir son droit de préemption, peut être interprété comme un geste de bonne volonté d’un gouvernement qui accepte de céder sur des prérogatives relevant de sa souveraineté, pourvu qu’on l’aide à rester au pouvoir.
C’est précisément l’objectif de cette loi que l’on a exhumée, avec l’arrière-pensée d’en faire un appât pour les puissances étrangères, à l’heure où le régime algérien, qui commence à vaciller sous l’effet d’une massive contestation populaire, a besoin de leur soutien. Rien ne justifie en effet cet empressement à ressortir ce projet de loi, dans un contexte politique et social aussi tendu, puisque, de l’avis des experts, la loi actuellement en vigueur n’est pas plus contraignante que celles d’autres pays pétro-gaziers, qui continuent pourtant à attirer les plus gros investisseurs du monde.
On feint d’ignorer que le manque d’attractivité est essentiellement à notre instabilité juridique, ainsi qu’à l’incompétence et la corruptibilité, d’une nouvelle classe de dirigeants qui ont, pour la plupart, émergé durant l’ère Bouteflika. Si tel n’était pas le cas, les deux précédentes lois promulguées pour les mêmes motifs fallacieux auraient largement amélioré l’attractivité du secteur ; ce qui n’a malheureusement pas été le cas. De très nombreux appels d’offres internationaux lancés par l’Agence de Régulation, pour confier des gisements d’hydrocarbures à des firmes étrangères, sont en effet restés infructueux pour les motifs essentiels de mauvaise gouvernance et d’instabilité juridique qui caractérisent, aujourd’hui encore, la gestion de ce secteur.
a suivre ...
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