La balle est toujours dans le camp de l’état-major
Un texte pour faire le point et clarifier certaines choses.
Au moment où l’histoire s’accélère, où les certitudes tombent, où la confusion règne, les commissaires politiques et les ayatollahs de la pensée sont en passe de faire main basse sur les idées. Il est interdit de penser hors des sentiers qu’ils ont délimités.
Il me semble nécessaire de clarifier certaines choses, de lever les ambiguïtés, de rétablir les faits et de restituer les vrais enjeux.
1. L’état-major de l’ANP a réagi positivement au hirak dans un premier temps. Il accéléré la chute du régime Bouteflika, avalisé le rejet populaire du cinquième mandat, et neutralisé le cœur de l’ancien pouvoir. Il a promis que pas une goutte de sang ne serait versé, et jusque-là la promesse a été tenue. Ceci est à mettre à son actif.
2. L’état-major a par la suite imposé son propre agenda, au détriment de celui du peuple qui aspirait à un changement de système, revendication que je me permets de résumer en un seul point central: institutionnaliser le pouvoir.
3. Le hirak, multiple, varié, avec des composantes diverses, contradictoires, n’avait pas à élaborer une feuille de route. C’était au pouvoir de fait, l’état-major, de prendre des initiatives, de jeter des passerelles. Il ne l’a pas fait. Il a failli.
4. J’ai publié une lettre ouverte à Mustapha Bouchachi l’invitant à débattre de la possibilité de faire du 12 décembre une opportunité pour le peuple de prendre le pouvoir. Je ne lui ai pas demandé d’être candidat, je n’ai à aucun moment soutenu la tenue de la présidentielle, j’ai suggéré de discuter pour voir si cette opportunité pouvait être exploitée pour faire avancer le pays. Elle n’a pas été saisie. La fenêtre de tir s’est refermée. C’est un chapitre clos.
5. Le hirak a été une formidable explosion populaire contre l’humiliation, la corruption l’arrogance du pouvoir, la déliquescence des institutions, l’amoralisation de la vie politique et de la vie publique en général. C’était aussi, et on néglige cet aspect, une révolte contre l’opposition traditionnelle qui a montré son incapacité à faire face à la déchéance politique et morale des dirigeants algériens.
6. L’opposition traditionnelle, avec ses réseaux et ses clientèles, a compris, comme le pouvoir, qu’elle était disqualifiée. Elle a tenté de chevaucher le hirak en faisant semblant de l’accompagner, de le soutenir, de l’accompagner, pour se réhabiliter et se positionner, puis en l’infiltrant pour lui imposer ses propres mots d’ordre. Elle y a partiellement réussi. Les revendications du hirak d’octobre 2019 diffèrerent largement des celles du 22 février.
Mais j’insiste : quoiqu’on puisse reprocher à l’opposition, c’est le pouvoir qui est le premier responsable de la crise, pas l’opposition.
7. L’élection présidentielle, dans les conditions actuelles, constitue une impasse dont la responsabilité doit être imputée au pouvoir de fait. La maintenir, c’est, au mieux, maintenir le statuquo. La faire échouer, c’est risquer l’effondrement du peu qui reste des institutions. Un pouvoir qui amène le pays à une telle impasse à clairement échoué.
8. Les fondamentaux du problème Algérie n’ont pas changé. Le seule issue viable, c’est un changement de système. Le meilleur moyen, c’est une jonction armée- peuple. C’est la clé. La solution ne se fera pas contre l’armée, ni sans elle. C’est, pour moi, l’occasion de rappeler un postulat affiché il y a six mois: l’armée, Armée Nationale Populaire, ne peut pas aller contre la volonté populaire. C’est impensable.
9. Toutes les divergences, les polémiques, les rancœurs, les susceptibilités passent au second plan. Les problèmes apparus récemment -arrestations arbitraires, mises en détention, derives de la presse et de la judtice, procès non équitables, etc.- aussi douloureuses qu’en soient les conséquences, sont des effets de la non solution de la crise. Ils ne doivent pas dévier de l’essentiel, changer de système, précisément pour que tout cela ne soit plus possible.
10. Beaucoup d’idées simplistes sont avancées pour sortir de l’impasse. Le départ de Bensalah, de Gaïd Salah, de Bedoui, la libération des détenus, l’arrêt des poursuites, l »annulation de la présidentielle, la constituante, sont avancées. Aucune de ces initiatives ne garantir un changement de système. Seul un processus qui permettrait de reconstruire un consensus national permettrait de sortir par le haut.
Le départ du général Ahmed Gaïd Salah est souvent avancé comme une clé pour débloquer la situation. Comme si le départ d’autres hommes clés du pouvoir, Lamine Zeroual, Mohamed Lamari, Mohamed Betchine, Toufik Mediène, Abdelaziz et Saïd Bouteflika, avait permis au système d’évoluer.
11. Deux occasions ont été ratées. La première, c’est quand l’état-major s’est lancé dans une guerre contre la corruption. Le frère de l’ancien président et régent de fait depuis 2013, deux anciens patrons du DRS, deux anciens premiers ministres, deux anciens secrétaires généraux du Fln, l’ancien secrétaire général du RND, l’ancien patron de la police et celui de la gendarmerie, des anciens chefs de régions militaires, un paquet de ministres dont certains notoirement corrompus, les dirigeants de l’ex alliance présidentielle, les principaux oligarques ont été neutralisés.
Le hirak pouvait saluer cette lessiveuse. Le hirak a curieusement répliqué en dénonçant une justice aux ordres, ce qui a créé un premier malentendu et incité l’état-major à classer, à tort, le hirak comme faisant partie du bloc ennemi alors qu’il y avait une possibilité de convergence entre le peuple et son armée.
Le second malentendu est survenu à l’occasion de la présidentielle. Le hirak avait la possibilité, dans une situation mouvante, de présenter ou de soutenir un candidat du peuple, un candidat du consensus populaire, pour piloter une opération de reformatage du système. Il n’a pas osé, paralysé qu’il était par la méfiance généralisée héritée de l’ère Bouteflika et par la chimère #yetnehaou_gaa.
12. Il est inutile de se lamenter sur les opportunités ratées. Il est vital de se concentrer sur celles à venir. Quelles que soient les péripéties à venir, elles doivent tenir des fondamentaux suivants.
Au plain interne, construire un État de droit, avec un pouvoir institutionnalisé, respectant la démocratie, la souveraineté du peuple (article 7 de la constitution), les libertés, les droits de l’homme, la séparation des pouvoirs, l’indépendance de la justice.
Au plan international, faire de l’Algérie, un pays de 60 millions d’habitants à l’horizon 2050, pivot de l’Afrique du Nord (qoua iklimia, oui), carrefour entre quatre mondes, Afrique, monde arabe, Méditerranée et Europe. Quelles que soient les vicissitudes du moment, aucun problème ne doit occulter ces objectifs de grandeur. Quel que soit le sort des personnes – Gaïd Salah, Lakhdar Bouragaa, Saïd Bouteflika, et les minables dont je ne veux pas citer les noms-, la grandeur de l’Algérie doit rester le seul cap, la seule étoile qui nous guide.
Je n’ai aucun doute que mon ami, mon parrain, Lakhdar Bouragaa, va parrainer ce projet.
Avec Lakhdar bouragaa, s’il est libéré entretemps, sans lui, s’il est maintenu en détention, j’irai, le 1er Novembre prochain, dans trois semaines, à Ouled Bouachra, sur la stèle de son compagnon Si M’Haled Bougara, raconter à Si M’Hamed ce qui se passe chez moi, en Algérie.
Abed Charef
14 Octobre 2019
Un texte pour faire le point et clarifier certaines choses.
Au moment où l’histoire s’accélère, où les certitudes tombent, où la confusion règne, les commissaires politiques et les ayatollahs de la pensée sont en passe de faire main basse sur les idées. Il est interdit de penser hors des sentiers qu’ils ont délimités.
Il me semble nécessaire de clarifier certaines choses, de lever les ambiguïtés, de rétablir les faits et de restituer les vrais enjeux.
1. L’état-major de l’ANP a réagi positivement au hirak dans un premier temps. Il accéléré la chute du régime Bouteflika, avalisé le rejet populaire du cinquième mandat, et neutralisé le cœur de l’ancien pouvoir. Il a promis que pas une goutte de sang ne serait versé, et jusque-là la promesse a été tenue. Ceci est à mettre à son actif.
2. L’état-major a par la suite imposé son propre agenda, au détriment de celui du peuple qui aspirait à un changement de système, revendication que je me permets de résumer en un seul point central: institutionnaliser le pouvoir.
3. Le hirak, multiple, varié, avec des composantes diverses, contradictoires, n’avait pas à élaborer une feuille de route. C’était au pouvoir de fait, l’état-major, de prendre des initiatives, de jeter des passerelles. Il ne l’a pas fait. Il a failli.
4. J’ai publié une lettre ouverte à Mustapha Bouchachi l’invitant à débattre de la possibilité de faire du 12 décembre une opportunité pour le peuple de prendre le pouvoir. Je ne lui ai pas demandé d’être candidat, je n’ai à aucun moment soutenu la tenue de la présidentielle, j’ai suggéré de discuter pour voir si cette opportunité pouvait être exploitée pour faire avancer le pays. Elle n’a pas été saisie. La fenêtre de tir s’est refermée. C’est un chapitre clos.
5. Le hirak a été une formidable explosion populaire contre l’humiliation, la corruption l’arrogance du pouvoir, la déliquescence des institutions, l’amoralisation de la vie politique et de la vie publique en général. C’était aussi, et on néglige cet aspect, une révolte contre l’opposition traditionnelle qui a montré son incapacité à faire face à la déchéance politique et morale des dirigeants algériens.
6. L’opposition traditionnelle, avec ses réseaux et ses clientèles, a compris, comme le pouvoir, qu’elle était disqualifiée. Elle a tenté de chevaucher le hirak en faisant semblant de l’accompagner, de le soutenir, de l’accompagner, pour se réhabiliter et se positionner, puis en l’infiltrant pour lui imposer ses propres mots d’ordre. Elle y a partiellement réussi. Les revendications du hirak d’octobre 2019 diffèrerent largement des celles du 22 février.
Mais j’insiste : quoiqu’on puisse reprocher à l’opposition, c’est le pouvoir qui est le premier responsable de la crise, pas l’opposition.
7. L’élection présidentielle, dans les conditions actuelles, constitue une impasse dont la responsabilité doit être imputée au pouvoir de fait. La maintenir, c’est, au mieux, maintenir le statuquo. La faire échouer, c’est risquer l’effondrement du peu qui reste des institutions. Un pouvoir qui amène le pays à une telle impasse à clairement échoué.
8. Les fondamentaux du problème Algérie n’ont pas changé. Le seule issue viable, c’est un changement de système. Le meilleur moyen, c’est une jonction armée- peuple. C’est la clé. La solution ne se fera pas contre l’armée, ni sans elle. C’est, pour moi, l’occasion de rappeler un postulat affiché il y a six mois: l’armée, Armée Nationale Populaire, ne peut pas aller contre la volonté populaire. C’est impensable.
9. Toutes les divergences, les polémiques, les rancœurs, les susceptibilités passent au second plan. Les problèmes apparus récemment -arrestations arbitraires, mises en détention, derives de la presse et de la judtice, procès non équitables, etc.- aussi douloureuses qu’en soient les conséquences, sont des effets de la non solution de la crise. Ils ne doivent pas dévier de l’essentiel, changer de système, précisément pour que tout cela ne soit plus possible.
10. Beaucoup d’idées simplistes sont avancées pour sortir de l’impasse. Le départ de Bensalah, de Gaïd Salah, de Bedoui, la libération des détenus, l’arrêt des poursuites, l »annulation de la présidentielle, la constituante, sont avancées. Aucune de ces initiatives ne garantir un changement de système. Seul un processus qui permettrait de reconstruire un consensus national permettrait de sortir par le haut.
Le départ du général Ahmed Gaïd Salah est souvent avancé comme une clé pour débloquer la situation. Comme si le départ d’autres hommes clés du pouvoir, Lamine Zeroual, Mohamed Lamari, Mohamed Betchine, Toufik Mediène, Abdelaziz et Saïd Bouteflika, avait permis au système d’évoluer.
11. Deux occasions ont été ratées. La première, c’est quand l’état-major s’est lancé dans une guerre contre la corruption. Le frère de l’ancien président et régent de fait depuis 2013, deux anciens patrons du DRS, deux anciens premiers ministres, deux anciens secrétaires généraux du Fln, l’ancien secrétaire général du RND, l’ancien patron de la police et celui de la gendarmerie, des anciens chefs de régions militaires, un paquet de ministres dont certains notoirement corrompus, les dirigeants de l’ex alliance présidentielle, les principaux oligarques ont été neutralisés.
Le hirak pouvait saluer cette lessiveuse. Le hirak a curieusement répliqué en dénonçant une justice aux ordres, ce qui a créé un premier malentendu et incité l’état-major à classer, à tort, le hirak comme faisant partie du bloc ennemi alors qu’il y avait une possibilité de convergence entre le peuple et son armée.
Le second malentendu est survenu à l’occasion de la présidentielle. Le hirak avait la possibilité, dans une situation mouvante, de présenter ou de soutenir un candidat du peuple, un candidat du consensus populaire, pour piloter une opération de reformatage du système. Il n’a pas osé, paralysé qu’il était par la méfiance généralisée héritée de l’ère Bouteflika et par la chimère #yetnehaou_gaa.
12. Il est inutile de se lamenter sur les opportunités ratées. Il est vital de se concentrer sur celles à venir. Quelles que soient les péripéties à venir, elles doivent tenir des fondamentaux suivants.
Au plain interne, construire un État de droit, avec un pouvoir institutionnalisé, respectant la démocratie, la souveraineté du peuple (article 7 de la constitution), les libertés, les droits de l’homme, la séparation des pouvoirs, l’indépendance de la justice.
Au plan international, faire de l’Algérie, un pays de 60 millions d’habitants à l’horizon 2050, pivot de l’Afrique du Nord (qoua iklimia, oui), carrefour entre quatre mondes, Afrique, monde arabe, Méditerranée et Europe. Quelles que soient les vicissitudes du moment, aucun problème ne doit occulter ces objectifs de grandeur. Quel que soit le sort des personnes – Gaïd Salah, Lakhdar Bouragaa, Saïd Bouteflika, et les minables dont je ne veux pas citer les noms-, la grandeur de l’Algérie doit rester le seul cap, la seule étoile qui nous guide.
Je n’ai aucun doute que mon ami, mon parrain, Lakhdar Bouragaa, va parrainer ce projet.
Avec Lakhdar bouragaa, s’il est libéré entretemps, sans lui, s’il est maintenu en détention, j’irai, le 1er Novembre prochain, dans trois semaines, à Ouled Bouachra, sur la stèle de son compagnon Si M’Haled Bougara, raconter à Si M’Hamed ce qui se passe chez moi, en Algérie.
Abed Charef
14 Octobre 2019
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