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Les bassins laitiers sont ils possibles en Algérie?

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  • Les bassins laitiers sont ils possibles en Algérie?

    La stratégie agricole et rurale, enclenchée dès l’an 2000, vise entre autres, à asseoir un système de production laitière, visant une autosuffisance en la matière. Après six ans, les premiers résultats sont affichés.

    Ceux-ci font ressortir que des centaines de mille d’exploitations agricoles ont été créées et mises à niveau. Idem pour l’emploi agro-rural. Plus d’un million d’hectares sont mis en valeur, équipés et protégés de l’érosion et la désertification. Des dizaines de millions de plants, en toutes espèces arboricoles et fourragères, mis en terre. La SAU (superficie agricole utile) s’est élargie. Celle irriguée se chiffre à des milliers d’hectares, par le biais de nouveaux forages et petits barrages. Des milliers d’unités bovines, ovines, avicoles, apicoles, etc., ont vu le jour. Les productions agricoles en général, dont le lait, ont sensiblement augmenté. Des centaines de milliers d’unités d’habitat rural, construites pour une population rurale oscillant au gré des humeurs des statistiques locales, entre 12 et 18 millions d’âmes. Des milliers de kilomètres de voies d’accès et d’électrification, en milieu rural enclavé, etc. L’objectif principal fondateur de cette stratégie serait donc la revitalisation des espaces ruraux, par l’instauration des conditions favorables, pour la stabilisation des populations rurales d’une part et stimuler le retour des paysans, qui ont fui les dangers de mort, au cours des années quatre-vingt-dix, d’autre part. Le tout, par divers outils d’aides directs (Daâm, avec ses impacts pavloviens, rentiers, instaurant souvent un état d’esprit clientéliste et donc immobiliste), ainsi que d’importants investissements socio-économiques et culturels liés. Les moyens d’interventions sont pléthoriques, jusqu’à la confusion des types et des genres. Une foultitude d’actionnaires aussi bien en conceptions d’approches, financières, de réalisations, jusqu’aux bénéficiaires, à la fin du cycle. Un développement participatif intégré, dit-on. Ces nouveaux impacts dans notre environnement agro-rural méritent d’être modélisés, afin de mieux saisir les perspectives d’avenir à la lumière de ces acquis. D’ici 2012, ce serait en principe suffisant, pour faire reculer conséquemment la pauvreté rurale qui, paraît-il, a déjà diminué sensiblement dans les campagnes et de pouvoir aussi, alléger la facture d’importation alimentaire toujours harassante, mais qui heureusement est épongée, pour le moment, par une embellie financière et d’autres «énergies» liées. Le directeur de la FAO, lors de sa dernière visite en Algérie, notamment à Djelfa, pays par excellence du mouton et du barrage vert, avait annoncé à la presse que notre pays atteindrait en 2012, l’autosuffisance alimentaire, dont le lait entre autres, qui est devenu un sujet d’actualité récurrent.

    Le lait

    Sur ce chapitre, il faut bien reconnaître qu’on a mis la charrue avant les boeufs. En effet, on a lancé des dizaines de laiteries sans de véritables assises d’élevage performant en production laitière. Leur quasi-majorité transforme du lait en poudre importé. Son prix dans les marchés mondiaux fluctue, additionné aux difficultés de maîtrise des coûts de transformation et de prix de vente, c’est le blocage évident. Des laiteries, pour le moment, font de la «gymnastique transformatrice». D’autres ont «déclaré» faillite. Pour redresser cette situation, on compte instaurer un office laitier, à l’image de celui des céréales. Pour réguler l’importation de la poudre de lait. En supportant certaines «marges» par l’Etat. Des anciens réflexes, qui s’inscrivent, dans les solutions faciles. Rentières. On déplace le problème sans le résoudre. Comme pour les céréales.

    En 1965, à Médéa, on a eu le privilège de consulter un document poussiéreux, établi par un groupe d’ingénieurs en chef et de vétérinaires principaux. Ce travail porte sur un projet de création de véritables bassins laitiers intégrés, dans 8 régions du pays: Bel-Abbès, Ghriss et Miliana à l’Ouest, Béni Slimane et la plaine des Arib (Aïn Bessem) au Centre, Soummam, El-Eulma et Guelma à l’Est. Ces régions se situent dans l’isohyète de plus de 500 mm/an. Des possibilités d’eaux souterraines avérées. Des sols légers, propices aux luzernières, tubercules fourragers et autres pâturages naturels. Des espèces bovines bien adaptées à ces milieux (tarentaise, frisonne, montbéliarde et autres variétés locales beurrières, aujourd’hui disparues). Le tout, en paramètres figuratifs, y compris des approches sur le mode d’accès à l’exploitation des terres et de financements, en forme de coopératives facilitatrices, organisatrices des productions, leur transformation et leur commercialisation. Ce projet datait de 1952. Ceux de Médéa (Béni Slimane-Arib), prévoyaient même l’introduction viti-vinicole et agrumicole, au profit de certains colons de la Mitidja, dont leurs sols sont devenus lourds et imperméables sur un tiers de la superficie totale, qui dépasse les 250.000 hectares. On parlait déjà, d’une deuxième Mitidja d’arrière-littoral algérois. Au total des 8 bassins, la superficie visée à être mise en exploitation culmine les 800.000 hectares. En irrigué, semi-irrigué et en sec. Une surface jugée suffisante pour affourager plus de 220.000 têtes, pour une production laitière, estimée aux environs de 3.000.000 litres/j en moyenne, pour une population globale de moins 10 millions d’habitants, soit un gros bol de lait par personne. Il convient d’ajouter qu’à cette période, les gens buvaient du lait (leben notamment) comme de l’eau.

    Notre beau pays en possède de véritables zones, encore en friche, des moyens humains et financiers fournis. 2012, c’est juste le temps qu’il faut pour confirmer les dires de la FAO. L’embellie financière risque de s’amenuiser après 2012 ou du moins serait insuffisante pour rattraper les importants cumuls des besoins, liés au pouvoir d’achat de la majorité de la population. Si on est arrivé à mettre en valeur plus d’un million d’hectares en six ans, pour différentes finalités, l’on pourrait aussi le faire dans le cadre des prochaines échéances (2012), afin d’atteindre l’objectif de l’autosuffisance laitière, entre autres. En effet, il serait vraiment paradoxal d’investir en dinars dans un sens et de continuer indéfiniment à payer plus en devises, dans un autre. Deux fois, pour un même objectif. A la longue, c’est plus que de l’illogisme, en terme de développement durable.

  • #2
    L’or vert

    Les céréales et les cultures fourragères sont les fondements mêmes d’une agriculture d’autosuffisance alimentaire. Des blés et orges, pour un pain abordable, sain et durable. Des fourrages permettant d’alimenter convenablement notre cheptel, pourvoyeur de protéines animales. C’est aussi simple que ça. Loin des chiffres hasardeux, mais toujours près des réalités du terrain, dont la sécheresse, qui n’est pas une fatalité, si on réfléchit profondément aux techniques appropriées, liées à des zonages pertinents et aux eaux «neuves» et saisonnières du ciel, combinées à celles «anciennes», sous terre. Un tandem à rationaliser. Efficace. La politique céréalière et fourragère doit faire l’objet d’une attention, non pas en terme de soutien seulement, mais d’une véritable refonte agro-pedo-climatique et technico-économique. L’OAIC (Office algérien interprofessionnel des céréales) doit constituer l’ossature et le centre d’intérêt de cette stratégie; tout en sachant que l’indépendance céréalière zéro n’existera pas, d’autant plus que nous sommes devenus pavloviens, là aussi, depuis longtemps. En revanche, celle de moins en moins est possible. L’état actuel de notre cote, dans ce domaine, ne plaide pas à l’optimisme. Malgré d’immenses soutiens céréaliers, mais qui se «reconvertissent» en fourragers. A titre de démonstration, une botte de foin de 20 kg qui coûte jusqu’à 500 DA dans le marché, c’est contre-productive à plus d’un titre. Dans ce cadre, a-t-on mesuré le poids des importations bovines projetées, en terme de nouveaux besoins fourragers à pourvoir impérieusement ? De grâce, n’importons pas des vaches, massivement, qui ont l’habitude d’ingurgiter jusqu’à 30 kg de vert/tête/jour, minimum et pas n’importe lequel, en toutes saisons, sans compter d’autres compléments en sec, vitamines et oligoéléments liés. Où vont-elles les trouver chez nous ? «Au paradis» assurément pour elles et en affaires terrestres pour les habitués bovidiens. Ils se préparent déjà à la curée. En hâbleurs et «je-m’en-foutistes», sur l’intérêt de l’investissement, encore moins sur son impact. Bien au contraire. Pourvu que cela perdure, prient-ils. En rentiers invétérés. C’est ce grand mal qui ronge notre pays, dans tous les domaines de la vie nationale. Hélas.

    Le consistant

    Il s’agit bien évidemment du mouton. Il paraît que notre méchoui est le meilleur du monde. D’après des invités de marque, il enivre de par sa succulence. Malheureusement, ils n’ont pas goûté celui d’avant. Il est plus que parfait. Dans les années trente du siècle dernier, il fut labellisé le meilleur d’Afrique du Nord. Aujourd’hui il ressemble à l’aliment qu’il mange. «Montrez-moi sa laine, je vous dirai de quelle viande est votre agneau», disait un grand Moual (pasteur nomade qui sent de loin celle de la volaille). La steppe a d’autres paysages. Le changement climatique, dont les pluies torrentielles et les vents de sable ravageant des milliers d’ovins, de caprins et détruisant les ouvrages, les mises en défens agro-pastoraux d’une part et le haussement accentué des températures estivales, en milieu steppique, d’autre part, sont en train de dessiner de nouvelles réalités pour notre vivier agro-sylvo-pastoral.

    Comminatoires. Les ressources naturelles demandent à être mieux inventoriées, modélisées écologiquement et enfin valorisées différemment, qu’actuellement. En 1954, le pays steppique abritait à lui seul, plus de 12 millions de têtes d’ovins, pour une population estimée à moins de 4 millions d’habitants pastoraux, soit 3 moutons/personne. Sur une sole fourragère suffisante, en rotation harmonieuse, entre les étages saharo-steppiques et le Tell. Afin de modéliser les tendances sociologiques, qui semblent se muer vers un autre mode de production pastoral, il est devenu nécessaire d’instaurer une stratégie d’agro-industries ovines intégrées, initiée et conduite par des leaders pastoraux entrepreneurs, pour stimuler des élevages semi-intensifs, afin d’absorber efficacement leurs produits, en périodes difficiles. Cette revitalisation steppique progressive aurait pour objectif principal de jeter les bases d’un autre mode de production pastoral lié aux nouvelles données climatiques et leur impact sur l’affouragement du cheptel, qui est devenu tributaire d’un système alimentaire de plus en plus «assisté», aléatoire. Il faut se déterminer, une fois pour toutes, que les espaces fourragers sont défigurés ou bien déséquilibrés, en terme de répartitions des troupeaux dans l’espace steppique, liées aux capacités des éleveurs et des nappes végétatives. Les aménagements pastoraux consentis par l’Etat doivent être relayés dans ce sens, par un mouvement citoyen et institutionnel approprié. En appropriation améliorante. Ceux d’aujourd’hui paraissent bien orphelins. En répétitivités mais éphémères. Hélas.

    Des espoirs liés aux réalités

    Comment les réalités actuelles vont-elles s’emboîter aux espoirs ? Le bon sens quant à lui, il veut qu’on dise la vérité par les chiffres et la réalité, de se méfier souvent des indicateurs «canevassés». En effet, comment se fait-il qu’après d’immenses efforts physiques et financiers, l’on se retrouve à de telles situations ? Dans des domaines où on croyait dur comme fer, qu’ils ont été maîtrisés par des systèmes de suivi à la base et d’indicateurs en matière de régulation socio-économique, au sommet ? De la simple semence de pomme de terre et de consommation, qu’on importe aujourd’hui du Canada, au petit sachet de lait précaire, des terroirs décrépits en terme de transmission des valeurs et pratiques rurales revitalisantes, à une agro-industrie indigente, offerte corps et poings liés, aux caprices du marché mondial des matières premières ? En urgence et en plus de contraintes de prix ?

    Sur près de 100 milliards de dollars, dit-on, prévus pour le plan 2007/2012, une bonne partie est réservée à l’agriculture en général. Des assises nationales intersectorielles liées (hydraulique notamment) et citoyenne plurielle surtout sont indispensables, pour mieux utiliser le pactole et surtout suivre ses impacts. Par la raison d’un génie rural, aussi bien dans le sens fonctionnel, que dans l’état d’esprit de cadres sincères, de nouveaux leaders paysans réellement conscients et déterminés, syndicalement, à affronter les défis et à contenir les enjeux, mais surtout, libérés des protocoles d’immédiateté et de convenances personnelles qui, en fin de compte, ne mènent à rien de consistant. Malheureusement les choses continuent dans le sens des certitudes et canevas préétablis. De telles introspections élargies sont jugées encombrantes et inutiles. La démarche est la bonne, a-t-on dit. En conclusion, l’agriculture est une composante de tout un mécanisme de développement global; comme l’industrie et bien d’autres secteurs liés à la bonne gouvernance. La vision de son essor a été embrouillée, en 1962/1963, par une première rupture de nature populiste et bien après, jusqu’à aujourd’hui, par des approches jugées idylliques. Ces flottements ont provoqué des errements politico-économiques et culturels en terme de ruralisme. On doit tous se sentir responsable. L’important pour l’avenir, c’est d’étayer nos insuffisances, d’écouter les ruraux notamment non clientélistes et de proclamer haut et fort les enjeux et défis. Sans des «préconçus de réussite», relayés par des opportunismes corporatifs «acclimatés». Mais d’objectifs bien ciblés à contenir et surtout de rationaliser ces investissements, injectés dans des projets alibis, itératifs, rurbanisistes, improductifs et sans impacts améliorants. En revanche, il faut cibler une agriculture intensive, pour 3 ou 4 produits «pivots stratégiques», (pain, lait et dérivés, viandes et sous-produits, «potages populaires»). Ceux des 2,5 milliards de dollars récurrents qu’on dégage chaque année. 2012, c’est déjà demain. 2025, c’est après-demain. L’Algérie des 45 millions d’habitants est à prévoir dès aujourd’hui. Par un réaménagement du territoire, certes, mais surtout des mentalités rurales et urbaines, liées à de nouveaux comportements moraux à tous les niveaux. En vérité, c’est tout un projet de société post rentière; car les futures exigences internationales sont tellement obscures, d’autant plus qu’on se «mondialise», uniquement par nos hydrocarbures, notamment gaziers. Une stratégie qui doit être renforcée impérativement par une certaine autonomie alimentaire. Un tandem redoutable. Garant d’une sécurité multiforme à long terme. 2012 reste l’espoir et le test majeur en même temps de nos efforts, en terme de croissance agricole, liée à l’autosuffisance alimentaire, comme auguré par le directeur de la FAO.

    Par Ali Brahimi, Ingénieur agronome, le Quotidien d'Oran

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