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Histoire : Qui étaient les Mozarabes, ces chrétiens arabisés de l’Espagne médiévale ?

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  • Histoire : Qui étaient les Mozarabes, ces chrétiens arabisés de l’Espagne médiévale ?

    Les Mozarabes furent à la fois hermétiques à la pénétration de l’islam, mais particulièrement perméables à la culture arabe. L’étape essentielle de la pénétration de l’arabe fut d’ailleurs l’adoption écrite de cette langue pour la traduction de textes bibliques.

    .C’est une minorité au carrefour de deux cultures ; latine et arabe. Les Mozarabes, ce sont ces «chrétiens arabisés» qui vécurent sous domination musulmane pendant l’Espagne médiévale, comme l’explique l’historienne Isabelle Poutrin, spécialiste de l’histoire religieuse et politique des XVIe et XVIIe siècles, notamment en Espagne, dans un article sobrement intitulé «Les Mozarabes, chrétiens arabisés dans l’Espagne médiéval».

    Hermétiques à l’islam…

    Au XVIe siècle, ces Mozarabes sont réputés pour leur «résistance continue» à l’islam, symbolisant probablement mieux que quiconque la «pureté de sang» de l’Espagne «n’ayant pas été mélangée aux musulmans ni aux juifs». «Les mozarabes étaient considérés comme une communauté repliée sur elle-même, fossilisé, imperméable à toute influence de l’islam. (…) Les historiens conservateurs y voyaient le symbole de l’identité espagnole, forgée dans le refus de l’islam», indique d’ailleurs Cyril Aillet, maître de conférences en histoire des mondes musulmans à l’université Lumière Lyon II.

    De la conquête et la domination musulmanes, l’Espagne chrétienne garda en effet longtemps le souvenir de siècles douloureux, du premier débarquement en 711 jusqu’à la chute de Grenade en 1492.

    Le siècle des Lumières, farouche opposant au «fanatisme de l’Église catholique», perçut au contraire la domination islamique comme une période de tolérance, remarque Isabelle Poutrin. Dans «Historia de los Mozarabes en España» (1897-1903), l’orientaliste Francisco Javier Simonet souligne ce qu’il considère comme l’héroïsme des Mozarabes qui, «sous la domination musulmane, [avaient] farouchement conservé la religion et l’identité latine et wisigothique».

    …mais perméables à la culture arabe

    Si les Mozarabes furent donc hermétiques à toute pression musulmane, ils furent en revanche largement imprégnés de la culture arabe, à commencer par la racine même de leur nom. «Le terme ''mozarabe'' est d’origine arabe, dérivé de mustar’rib ou musta’rab qui, dans la tradition littéraire arabe, désignaient des personnes qui, n’étant pas Arabes à l’origine, cherchaient à le devenir ou se donnaient l’apparence de l’être», relève Isabelle Poutrin.

    D’après l’historienne, l’emploi le plus ancien du terme «mozarabe» remonte à l’an 1024, dans une charte de la cathédrale de León, du nom de la ville éponyme en Espagne. Il faudra attendre la fin du XIe et le début du XIIe siècle pour que le terme s’impose réellement dans les royaumes chrétiens d’Espagne. Il s’est ensuite imposé à Tolède en 1101 puis à Coïmbre, une ville du Portugal, en 1154, explique Cyril Aillet dans une autre étude, «Les Mozarabes. Christianisme, islamisation et arabisation en péninsule ibérique (IXe-XIIe siècle)».

    L’arabisation des Mozarabes fut aussi linguistique. Cyril Aillet rapporte que l’étape fondatrice de la pénétration de l’arabe fut l’adoption écrite de cette langue pour la traduction de textes bibliques. «Le premier ouvrage chrétien en arabe cité par les sources fut une exégèse de la Bible, écrite par l’évêque de Séville, personnage dont Alvare de Cordoue signale qu'il favorisait l’apprentissage de l’arabe dans son école cathédrale. Le premier témoignage conservé est une traduction des Psaumes en prose, traduction littérale mais fidèle, témoignant de l’acquisition d’un lexique théologique en langue arabe, probablement influencé par les écrits chrétiens orientaux», précise l’enseignant.

    Dans les usages lettrés, c’est en effet grâce à des psaumes que l’arabe s’imposa, ces derniers constituant «la base de l’apprentissage de la lecture chez les chrétiens». Et c’est à travers l’apprentissage de l’arabe par les chrétiens que se constituera une «culture spécifiquement mozarabe», lit-on dans un article sur les Mozarabes en Andalousie. «Au IXe siècle, la majorité des chrétiens parle un arabe vulgaire (…) ; les classes les plus aisées des mozarabes usent elles de l’arabe classique ; ceci va conduire à la création d’une littérature importante et à des usages entre mozarabes et savants musulmans», indique la même source.

    «L’arabisation linguistique intervient au moment même où s’exprime chez les chrétiens de Cordoue le sentiment d’être devenus minoritaires, ce qui traduit très certainement le basculement de la société vers l’islam», conclut Cyril Aillet. Et d’ajouter : «Loin d’avoir été une communauté fossile, la communauté mozarabe a suivi l’évolution de la société andalouse. À l’époque califale se situe très certainement l’apogée du processus d’arabisation, mais les réalisations califales laissent alors dans l’ombre la littérature arabo-chrétienne, peu à même de servir les intérêts des Omeyyades. L’originalité du moment mozarabe se situe donc ailleurs : dans l’existence d’un christianisme arabisé qui témoigne de l’ascendant qu’exerça l’Islam dans la péninsule Ibérique tout entière entre le IXe et le XIe siècle.»



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