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Ilan Pappé : je quitte Israël

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    Ilan Pappé : je quitte Israël
    samedi 24 mars 2007


    Rompre les schémas, défier la pensée dominante, raconter une vérité plus inconfortable et compromettante que la pensée officielle. C’est ce qu’a fait, dans son long parcours universitaire, l’historien juif Ilan Pappé, passant outre les hostilités et les diffamations.

    Son parcours cependant se complique maintenant, avec, aujourd’hui plus qu’avant, une voie pleine de toutes sortes d’embûches. C’est pour cela qu’est arrivée cette décision, redoutée par ses lecteurs et par les gens qui l’estiment dans le monde entier. « Je quitte Israël, je n’arrive plus à travailler avec sérénité, je suis continuellement dans la ligne de mire » dit Pappé sur un ton de profonde amertume. Puis, ébauchant un sourire, , il ajoute « mais je continuerai de l’étranger mon combat pour que le conflit israélo-palestinien soit rapporté dans son véritable contexte historique, loin du mythe et des fausses vérités qui l’ont marqué pendant touts ces décennies. ». Enseignant au Département de sciences politiques de l’Université de Haïfa et représentant de l’Institut Emil Touma pour les études palestiniennes, Ilan Pappé a écrit de nombreux livres et collabore avec des revues locales et internationales . Parmi ses ouvrages, signalons : « The Making of the Arab-Israeli Conflict » (London and New York 1992), « The Israel/Palestine Question » (London and New York 1999), « La storia della Palestina moderna » (Einaudi 2004), « The Modern Middle East » (London and New York 2005) et le dernier, « The Ethnic Cleansing of Palestine » (2006). Avant de répondre à nos questions, Ilan Pappé a rappelé la personnalité et le travail de son amie et collègue Tanya Reinhart, morte il y a quelques jours aux Etats-Unis.





    Ilan Pappé
    Vous avez décidé de quitter Israël, comment en êtes-vous arrivé à ce choix difficile ?

    Je quitte le pays mais j’espère que ce n’est pas pour toujours. Pour le moment je sais seulement que je vais vivre pendant quelques années en Angleterre où j’avais fini mes études universitaires quand j’étais jeune et où je peux compter sur des collègues et amis qui m’estiment et m’aideront à continuer mon travail. Je ressens très fortement le besoin de poursuivre mes recherches, mes études, dans une ambiance non hostile, dans des universités où on ne vous traite pas comme un pestiféré, quelqu’un qu’on doit tenir à distance. Je suis un historien qui a toujours fait son travail avec une extrême rigueur, mes étudiants m’estiment, et pourtant je suis attaqué continuellement parce que les conclusions de mes recherches ne sont pas cohérentes avec la version officielle sur le contexte qui a amené à la naissance d’Israël, et posent des questions sur les politiques (de l’état hébreu, NDR) à l’égard des palestiniens et des arabes. C’est ma critique du sionisme, qui tapent sur les nerfs de ceux qui m’attaquent.

    Donc votre antisionisme est la raison des hostilités que vous êtes obligé d’affronter en Israël ?

    Sans aucun doute, il y a d’autres intellectuels, historiens, journalistes qui écrivent et disent pas mal de choses que je pense moi mais n’attaquent pas le sionisme, donc ils ne risquent pas la rafale de critiques et d’accusations que je subis moi. De ce point de vue, le cadre intérieur israélien a grandement empiré ces dernières années : un antisioniste ou un non-sioniste doit se débrouiller dans des espaces d’expression de plus en plus restreints. En même temps, le pays régresse, les discriminations et les abus contre la minorité arabe s’intensifient, certaines forces politiques parlent ouvertement d’expulsion des arabes israéliens, la politique d’occupation (de Cisjordanie et Gaza, NDR) continue, ainsi que la colonisation juive des terres palestiniennes. Pendant toutes ces années je pense avoir accompli, à côté de mon travail universitaire, de nombreuses activités destinées à réaliser une vraie démocratie, un état différent, pour les juifs et les arabes sur un plan de pleine parité et égalité. Malheureusement ça n’a pas beaucoup servi et je crois alors que mon engagement doit continuer à l’étranger.

    Pensez-vous insister sur le boycott universitaire de Haïfa, Bar Ilan (Tel-Aviv) et les autres universités israéliennes qui donnent des cours dans les colonies juives à l’intérieur des Territoires occupés ?

    Le boycott est une mesure qui a fonctionné avec l’Afrique du Sud de l’apartheid, et ça peut avoir donc des effets importants avec d’autres pays, parmi lesquels Israël. C’est pour cette raison que je le soutiens ; mais ce n’est pas moi qui l’ai proposé il y a deux ans, comme on l’a dit, parce qu’en 2002 déjà, le monde universitaire britannique avait l’intention de le mettre à exécution contre Israël, en riposte à la destruction de la moitié du camp de réfugiés de Jenine, et aux discriminations dont sont l’objet les étudiants de l’université de Haïfa.

    Venons en à votre dernier livre, sur l’épuration ethnique en Palestine, un sujet d’actualité ces dernières semaines après le « non » sec réaffirmé par Olmert contre le retour dans leurs maisons et leurs villages des réfugiés de la guerre arabo-israélienne de 1948 (le journaliste veut sans doute parler de l’extermination et de la chasse aux arabes qui étaient en Palestine à l’époque, appelée Naqba par les Palestiniens et dont ce sera l’anniversaire samedi prochain, 31 mars, Journée de la terre, NDT), dans le cadre d’un accord de paix. Votre travail sur ce point crucial aboutit à une conclusion sans équivoque.

    Oui, c’est vrai. Ce livre est le résultat de ce que j’avais peu à peu tracé dans les livres précédents, à savoir qu’en Palestine, avant, pendant et après 1948, on a mis à exécution un plan bien précis, destiné à purifier ethniquement le territoire où a surgi l’Etat d’Israël. Des documents et des témoignages, soixante ans quasiment après ces journées, le disent avec une clarté extrême. Mais Israël, de toutes façons, n’admettra jamais ses responsabilités sur la question des réfugiés, le gouvernement actuel et les prochains front tout leur possible pour laisser dans les camps pour réfugiés toutes ces personnes (800 mille en 1948, ils sont aujourd’hui environ 4 millions, NDR) qui réclament leurs droits. Je ne crois pas cependant que les pays arabes seront disposés à accueillir la demande d’Israël d’oublier l’existence des réfugiés et de modifier l’initiative de paix arabe de 2002.

    Vous avez écrit que l’épuration ethnique en Palestine ne s’est pas arrêtée il y a 60 ans mais qu’elle continue aujourd’hui encore.

    Il y a plusieurs zones où une purification ethnique est en marche, de façon lente. Dans la zone du « grand Jérusalem » par exemple. La construction du mur, l’expansion des colonies, la confiscation des terres, les enfermements et les restrictions des mouvements des gens, sont en train de contraindre des milliers de palestiniens à partir et à abandonner leur maison. La même chose arrive à Jérusalem et à Bethléem, et le long de la route qui va jusqu’à Jéricho. Au moins 40 mille Palestiniens ont du faire leurs bagages et déménager à l’intérieur de la Cisjordanie. Sans parler de la vieille ville de Hébron, où l’agressivité des colons hébreux et des soldats a transformé la partie la plus caractéristique de cette ville. Vous voyez, l’épuration ethnique se réalise de diverses manières. Il y a soixante ans, on employait les armes pour obliger les gens à fuir, maintenant, à cause du contrôle des médias et des institutions internationales, on utilise d’autres méthodes. Rendre la vie impossible, restreindre les possibilités économiques, réduire les capacités de développement. Ces nouvelles stratégies sont en train de bien fonctionner en Palestine, parc que, aussi, elles sont sur la même ligne du refus d’une véritable négociation avec les Palestiniens.

    Vous faites une description très grave de la situation, alors que des nuages très sombres s’intensifient à l’horizon, annonçant une tempête. Craignez-vous une attaque étasunienne ou israélienne contre l’Iran, peut-être dès les prochains mois.

    La possibilité existe certainement. C’est une possibilité très concrète, mais en même temps on est assez près de la fin du mandat du président Bush et je ne crois pas que les Etats-Unis soient en mesure, en ce moment justement, de lancer une opération militaire si vaste, si l’on tient compte des difficultés énormes qu’ils ont en Irak. Malgré cela, une nouvelle guerre au Moyen-Orient reste dans l’air, elle pèse sur nous, elle y restera pour longtemps ; et nous tous qui croyons en un monde différent, un monde fondé sur la justice, nous devons nous engager pour l’empêcher.



    Michele Giorgio, Jérusalem - il manifesto, le 23 mars 2007
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