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Le gaspillage de l'or noir: L'Algerie 50 ans après...

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  • Le gaspillage de l'or noir: L'Algerie 50 ans après...

    C’est en 1956, en pleine guerre de libération algérienne, que l’on a découvert, au Sahara, du pétrole à Edjeleh et Hassi Messaoud et du gaz à Hassi R’Mel. Il a fallu attendre six autres années avant que l’Algérie n’accède à l’indépendance. Y a-t-il relation de cause à effet entre ces découvertes et la durée de la guerre ? La réponse est malheureusement oui. Ces milliards de barils de pétrole et m3 de gaz, ont-ils été source de bonheur pour le peuple durant le demi-siècle d’indépendance que l’Algérie fête cette année ? Cela reste à prouver. Ils ont, par contre, permis à coup sûr aux équipes dirigeantes qui se sont succédé à la tête du pays durant la période d’asseoir et de renforcer leur pouvoir.
    La co-souveraineté, nouvelle règle du jeu
    A Evian, les Algériens avaient obtenu l’essentiel : l’indépendance avait été arrachée et l’intégrité territoriale garantie. Ils étaient donc disposés à concéder nombre de choses dans d’autres domaines, dont celui du pétrole et du gaz notamment. Le volet hydrocarbures des accords, signés le 18 mars 1962, prévoyait que « l’Algérie confirmait l’intégralité des droits attachés aux titres miniers et de transport accordés par la République Française… et s’engageait à respecter le droit pour le détenteur de titre minier et ses associés de disposer librement de leur production […] ». Les droits et privilèges exorbitants dont bénéficiaient les compagnies pétrolières entraînaient le renoncement à certains attributs de puissance publique, ce qui s’avèrera difficile à supporter pour l’Algérie indépendante, qui ne possédait ni les rouages administratifs rodés, ni les moyens de contrôle ou de coercition dont disposait l’ex-colonisateur. Par ailleurs et afin de garantir l’indépendance énergétique de l’Hexagone, tous les gouvernements français en place depuis les découvertes de 1956 avaient instauré une politique très protectionniste dans le secteur pétrolier ; de ce fait, n’étaient présentes au Sahara à l’indépendance en 1962, que des compagnies françaises, dont l’Etat était l’actionnaire majoritaire, voire unique, associées sur certains champs à des partenaires étrangers minoritaires. Cette situation fera de l’exploitation du pétrole et du gaz sahariens, au lendemain de l’indépendance, une affaire strictement algéro-française et sera source de conflits quasi-permanents. La plus grosse concession faite par les Algériens à Evian était celle instaurant la co-souveraineté dans l’exploitation des ressources pétrolières sahariennes. A la demande de la partie française, il avait été créé un organisme mixte de gestion et de contrôle de l’industrie pétrolière, dénommé Organisme Saharien (OS), au sein duquel les deux pays étaient représentés par un nombre égal d’administrateurs. Le gouvernement algérien avait donc les mains liées pour ce qui est de l’exploitation du pétrole saharien, tandis que la présence de cet écran dans les relations avec les compagnies rendait obsolètes certains de ses pouvoirs régaliens. L’affaire Trapal allait lui fournir le moyen de briser ce carcan. L’oléoduc à destination de Bejaïa étant saturé, les entreprises concessionnaires des champs de la région d’Hassi Messaoud s’associèrent au sein d’un consortium dénommé Trapal, auquel elles confièrent la tâche de construire un nouveau pipeline dont le terminal serait le petit port de pêche d’Arzew, à l’est d’Oran. En réponse à la demande de permis de construire déposée vers la fin de l’été 1962, le gouvernement algérien fit savoir qu’il souhaitait être associé au projet à concurrence de 51 %, alors que Trapal n’était disposé à céder qu’une participation de 10 à 20 %. Les discussions traînant en longueur, Ahmed Ben Bella et son équipe, composée de Belaïd Abdesselam et Bachir Boumaza, décidaient de prendre en charge la réalisation de l’ouvrage ; un pari osé compte tenu de la jeunesse et de l’inexpérience des responsables politiques et cadres de l’époque et du manque cruel de spécialistes pétroliers. S’ensuivit un bras-de-fer à l’issue duquel Trapal portait l’affaire devant le tribunal arbitral international prévu par les accords, tandis que le gouvernement algérien, désireux d’éviter l’imbroglio juridique qui pointait à l’horizon, créait le fait accompli en démarrant la pose de l’oléoduc. Il passait contrat, au début de l’automne 1963, avec l’entreprise britannique d’engineering Contractors John Brown pour la construction de l’ouvrage. Les caisses de l’Etat étaient vides, mais le prestige de l’Algérie dans le monde était tel que le financement du projet ne posa pas problème. L’Etat du Koweït accorda un prêt de 30 millions de dollars à des conditions très avantageuses et se porta garant de l’Algérie auprès de l’ECGD (Export Credit and Garantee Department) qui, à son tour, couvrait de sa garantie les crédits commerciaux proposés par les banques britanniques. Au tout début de 1964, arrivaient au port d’Alger les premiers tubes en provenance de Grande-Bretagne puis, vers la mi-1966, le terminal d’Arzew, sur la côte ouest du pays, recevait les premiers barils de pétrole en provenance de Hassi Messaoud.

    L’affaire Trapal eut deux conséquences extrêmement importantes :

    la création de l’outil qui allait gérer la construction et l’exploitation du pipeline, la Sonatrach (Société nationale de transport et de commercialisation des hydrocarbures) qui vit le jour le 31 décembre 1963 ;
    puis, Trapal ayant soumis le différend à l’arbitrage international, le pouvoir algérien mettait à profit cette opportunité pour demander la remise à plat des dispositions arrêtées à Evian.
    5La renégociation du volet pétrolier aboutit, le 29 juillet 1965, à la signature dans la capitale algérienne de « l’Accord d’Alger, portant règlement de questions touchant les hydrocarbures et le développement industriel de l’Algérie ». La principale disposition de cet accord était la création d’une association à parts égales, dite « Association coopérative » (ASCOOP), entre les compagnies nationales des deux pays, la Sonatrach et l’ERAP, à laquelle était attribuée une superficie de 180 000 km2 destinée à la recherche de pétrole et de gaz. La grande innovation du système était « la répartition globalement équilibrée du rôle d’opérateur » entre les deux entreprises, permettant ainsi à la Sonatrach de se lancer pour la première fois dans des opérations sur le terrain.

    Dans le domaine du gaz, l’accord d’Alger en attribuait le monopole du transport, de la distribution et de la commercialisation à l’Algérie ; en vertu de cette disposition, était signé en mai 1967 un contrat de vente de 3,5 milliards de m3 par an de gaz algérien à la France. Le plus gros inconvénient de cet accord était qu’il reconduisait le principe déjà mis en place à Evian, la co-souveraineté sur les ressources pétrolières algériennes. En effet, tous les organismes qu’il avait créés étaient mixtes et paritaires. Même le prix de cession du gaz à la Sonatrach au départ du gisement d’Hassi R’Mel, par la compagnie française opératrice du champ, était calculé par une commission mixte algéro-française et non pas négocié entre les partenaires, comme dans toute transaction commerciale. L’accord d’Alger avait également figé le prix posté du baril de pétrole aux différents terminaux pétroliers du pays [2]

    [2]On appelle prix posté ou prix affiché, le prix qui sert….

    Comme tout accord, celui du 29 juillet 1965 n’était que le reflet du rapport de forces existant entre les protagonistes. Il y apparaissait clairement que bien qu’indépendante, l’Algérie ne pouvait rien décider dans le domaine pétrolier sans l’accord de l’ex-puissance occupante. Le fait de mettre à disposition aux seules compagnies pétrolières françaises une superficie aussi vaste que celle attribuée à l’ASCOOP a contribué à décourager d’autres entreprises étrangères à venir s’installer en Algérie ; de même, en fixant dans un accord algéro-français, les prix postés sur la base desquels les sociétés pétrolières, toutes nationalités confondues, devaient payer leurs impôts, signifiait que l’industrie pétrolière algérienne continuait d’être cogérée avec la France.

    Cet accord a eu néanmoins des retombées positives puisqu’il a permis la remise en cause du système d’exploitation du pétrole et du gaz prévalant jusqu’alors. L’Algérie cessait d’être un simple percepteur d’impôts ; elle se lançait dans l’aventure industrielle et rejoignait le groupe, très restreint des pays du Tiers-monde qui avaient pris directement en mains les opérations d’exploration et de production de leurs ressources en hydrocarbures. Cette mesure représentait de loin la plus importante victoire arrachée dans le cadre de cet accord : c’est grâce à ce rôle d’opérateur assumé par la Sonatrach que le pays finira par exercer, à compter du 24 février 1971, une totale souveraineté sur les richesses de son sous-sol.

    Après l’indépendance politique, l’indépendance économique
    La coopération instaurée par l’accord d’Alger, dont on attendait qu’elle constituât un modèle de relations saines et harmonieuses entre un pays producteur et des compagnies pétrolières étrangères, montra très vite ses limites. Les premières frictions algéro-françaises apparurent à la fin de l’été 1966, lors des discussions sur le budget de l’année suivante. On se rendit compte, du côté algérien, que le partenaire français n’était nullement désireux de s’investir dans la recherche pétrolière ; son objectif était uniquement d’augmenter au maximum la production des champs existants. Les Algériens commencèrent alors à s’interroger sur l’opportunité de figer, au bénéfice des seules entreprises françaises, une zone de 180000 km2 destinée à l’exploration. Ne pouvant, de ce fait, intéresser à la recherche pétrolière d’autres investisseurs que français, le gouvernement lança deux initiatives en direction des Etats-Unis et de l’Union Soviétique. La première consistait à créer une quinzaine de sociétés mixtes, en partenariat avec les plus grands noms de l’industrie pétrolière américaine, qui seraient chargées de couvrir toute la panoplie des services requis par les exploitants. La seconde était de demander à l’Union Soviétique de dépêcher en Algérie deux équipes de géologues, géophysiciens et ingénieurs pétroliers qui seraient chargées de proposer la stratégie à mettre en œuvre pour développer la recherche et la production de pétrole et de gaz. Une de ces équipes avait pour mission de regrouper tous les travaux et études entrepris jusque-là sur différentes zones sahariennes, d’en faire la synthèse et partant d’élaborer un plan global d’exploration du Sahara qui permit de nouvelles découvertes quelques années plus tard. Les travaux de la seconde équipe étaient focalisés sur le gisement d’Hassi Messaoud, le but étant d’en augmenter la production qui fut portée, après quatre années d’études et de réalisations sur le terrain, de 19 millions de tonnes en 1969 à 30 millions en 1972.

    Par ailleurs, la guerre du Moyen Orient de juin 1967 fournissait au régime du président Houari Boumediene l’occasion de créer une première brèche dans le front des compagnies concessionnaires, en vue de la reprise en main des réserves pétrolières du pays. Par solidarité avec les pays arabes engagés dans le conflit, le gouvernement décida de mettre sous contrôle de l’Etat les firmes pétrolières américaines présentes dans le pays. A la levée de la mesure, Getty Oil, qui détenait 5 % d’intérêts sur le champ de Rhourde El Baguel, entrait en négociation avec la Sonatrach, en lui cédant 51 % de cette participation et donc le contrôle des opérations communes ; c’était là un précédent pour des relations futures avec d’autres partenaires.

    Une seconde conséquence de cette mise sous contrôle de l’Etat des firmes américaines a été le rachat par Sonatrach, à El Paso Natural Gas, de ses concessions sur les gisements de Rhourde Nouss – Rhourde Chouff – Rhourde Adra, en contrepartie de la signature d’un contrat d’achat de gaz par l’entreprise américaine à hauteur de 10 milliards de m3 par an durant 25 ans. Ce contrat, gigantesque pour l’époque, était d’autant plus important qu’il intervenait à la suite d’une série de fins de non-recevoir signifiées par d’autres clients potentiels aux représentants de la Sonatrach qui avaient fait le tour de l’Europe et essayé, sans succès, de placer des ventes de gaz. On soupçonnait bien à Alger, mais sans en avoir la preuve, que ce n’était pas pour des raisons purement commerciales que les Européens refusaient d’acheter du gaz aux Algériens ; ceci jusqu’au jour où un haut responsable politique espagnol expliqua, sous le sceau du secret, à la délégation commerciale algérienne, que son pays subissait de la part des entreprises et du gouvernement français des pressions afin de ne pas acheter du gaz en direct à l’Algérie, mais de passer par le canal de Gaz de France.
    (...)
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  • #2
    Renégocier l’accord d’Alger,Gazoduc et Chadli ou la decente aux enfers

    Puis, vint le moment où il fallut renégocier l’accord d’Alger. Il était prévu de faire cela en deux phases : la première, portant sur les aspects financiers uniquement, devait intervenir dans un délai de 4 ans, la seconde, plus globale, dans un délai de 5 ans. En avril 1969, le gouvernement algérien déclenchait le processus de renégociation en adressant au gouvernement français un mémoire dans lequel il indiquait que l’Algérie envisageait d’adopter le système fiscal en vigueur au sein de l’OPEP et de porter le prix posté de son pétrole FOB (Franco on board) Bejaïa à 2,65 dollars le baril contre 2,08 dollars qui avait cours jusque-là. Il suspendait, cependant, la mise en application de la mesure dans l’attente des résultats des négociations entre experts qui démarrèrent le 24 novembre 1969. A Paris, on était convaincu que les Algériens n’étaient pas en mesure de se passer des compagnies pétrolières françaises et que si l’on faisait traîner les choses en longueur, ils finiraient par céder sur des demandes que l’on avait jugées exorbitantes. Les négociations furent suspendues par la partie française, le 13 juin 1970, après 7 mois de discussions stériles, incluant une étude comparative en commun des prix postés en Algérie et au Moyen-Orient et une évaluation des paramètres entrant dans le calcul de ces prix. A la même époque, ailleurs dans le monde, en Libye notamment, le colonel Kadhafi avait fait plier les multinationales opérant dans son pays et dans le Golfe, Saoudiens, Iraniens, Irakiens et Koweïtis avaient imposé au cartel des 7 sœurs des augmentations des prix postés et du taux d’imposition. Après un mois d’attente, la délégation française n’étant pas revenue à la table des négociations, le gouvernement algérien informait les firmes françaises que le prix posté FOB Bejaïa serait dorénavant de 2,85 dollars le baril et non plus de 2,65 comme annoncé précédemment.

    L’électrochoc provoqué par cette annonce amenait le président Georges Pompidou à proposer à son alter ego algérien de passer à la seconde phase de négociation, telle que prévue par l’accord d’Alger. Les discussions, tout aussi stériles que les précédentes, démarrèrent le 5 octobre 1970 et prirent fin le 24 février 1971 par la nationalisation totale ou partielle des avoirs pétroliers français en Algérie. Dans un discours mémorable prononcé ce jour-là devant les cadres de la centrale syndicale UGTA, le président Boumediene déclarait : « … Nous avons négocié sans cesse de 1969 à 1970. Nous avons acquis la certitude que les Français ne souhaitaient pas aboutir à une solution…. Nous avons décidé, aujourd’hui, de porter la révolution dans le secteur des hydrocarbures. Je proclame officiellement, au nom du Conseil de la révolution et du gouvernement, que les décisions suivantes sont applicables à compter de ce jour : 1) la participation algérienne dans toutes les compagnies pétrolières françaises est portée à 51 % de façon à en assurer le contrôle effectif ; 2) la nationalisation des gisements de gaz naturel ; 3) la nationalisation du transport terrestre, c’est-à-dire de l’ensemble des canalisations se trouvant sur le territoire national. »

    Devant le refus du gouvernement français et des compagnies pétrolières de reconnaître la légitimité des mesures de nationalisations, il prenait, le 12 avril suivant, encore une fois de manière unilatérale, une autre décision hautement importante, à savoir que les opérations sur tout champ de pétrole ou de gaz ne seraient désormais menées que par l’entreprise nationale Sonatrach et qu’en cas d’association avec un partenaire étranger, elle devait absolument être majoritaire. Les relations algéro-françaises connurent alors une phase de tension intense. Parmi les mesures de rétorsion décidées par les compagnies et le gouvernement français, il y eut d’abord le retrait de tout le personnel français de la Compagnie française des pétroles (CFP, Total aujourd’hui) du champ d’Hassi Messaoud [3]
    [3]
    Pour plus de détails, voir Histoire secrète du pétrole…. Il s’agissait de rapatrier vers la France 144 personnes, la totalité d’entre elles étant des cadres supérieurs qui occupaient les postes de responsabilité dans l’organigramme du champ. C’était l’arme ultime de la CFP dont l’objectif était très clair : faire en sorte que le pétrole cessât de couler, ce qui aurait pu arriver, car les rares cadres algériens susceptibles de prendre la relève n’occupaient que le 3ème ou le 4ème échelon dans la hiérarchie. Si elle avait réussi, l’opération aurait causé des dégâts considérables à l’économie, vu que le pétrole représentait déjà la principale source de revenus de l’Algérie. Elle aurait très probablement provoqué aussi de sérieux troubles sociaux qui auraient – qui sait ? – pu emporter le régime. C’est une action de la flotte britannique, soutenue par la CIA qui avait causé en Iran en 1951 la démission du Dr. Mossadegh, son emprisonnement puis l’annulation par le Shah de la décision de nationalisation des gisements de l’Anglo iranian oil company. 20 ans plus tard, on n’en était plus à l’ère de la canonnière ; c’est néanmoins un remake de ce même scénario que jouait la CFP, avec des moyens autres que militaires. Par ailleurs, toutes les compagnies touchées par les mesures de nationalisation décrétaient le boycott du pétrole algérien, menaçaient de traîner en justice tout client de l’Algérie et de saisir toute cargaison de pétrole en provenance de « leurs gisements », disaient-elles. C’est au mois de juin, après 4 mois de tensions, de pressions et de menaces en tous genres, qu’intervint le premier accord, avec la CFP précisément, portant règlement du contentieux et incluant notamment une indemnisation des avoirs nationalisés pour un montant de 60 millions de dollars. Il fut suivi, en décembre, de règlements similaires passés avec les autres compagnies, toutes filiales du groupe d’Etat Elf-Erap. Après 1962, année de l’indépendance politique de l’Algérie, 1971 a été celle où elle a arraché son indépendance économique. A l’issue de ses huit ans d’existence, la Sonatrach prenait le contrôle de l’industrie pétrolière algérienne.

    Un autre évènement important a marqué le secteur pétrolier durant la présidence de Houari Boumediene : le lancement du très audacieux projet de gazoduc sous-marin reliant l’Algérie à l’Italie, via la Tunisie et la Sicile. C’était une première mondiale qui a nécessité la mise au point de techniques inédites en matière de pose de pipelines en mer. Il entra en fonctionnement quelques années plus tard, sous la présidence de Chadli Bendjedid. Signalons enfin la grosse affaire de corruption qui a entaché la construction de l’usine d’Arzew pour la liquéfaction du gaz à destination des Etats-Unis. L’homme d’affaires et ami du président, Messaoud Zeghar, avait perçu un pot-de-vin de 2 750 000 dollars de la part de l’entreprise américaine Chemico pour son rôle d’intermédiaire. Il finira par rembourser cette somme, tandis que la Sonatrach mettra fin au contrat la liant à Chemico.

    La descente aux enfers
    Puis, vint le colonel Chadli Bendjedid qui n’avait été choisi, en février 1979, par ses pairs de l’armée pour occuper le poste de président de la République, ni pour ses compétences intellectuelles, ni pour son aptitude à gouverner, mais parce qu’il était « l’officier le plus ancien dans le grade le plus élevé ». Véritable roi-fainéant, nullement intéressé par la gestion de la chose publique, il permit aux courtisans de s’approprier, par petites touches successives, tous les leviers du pouvoir. Parmi eux, il en est un, ancien DAF (Déserteur de l’armée française), le général Larbi Belkheir, secrétaire général de la présidence ou chef de cabinet suivant les périodes, surnommé le Cardinal pour son rôle de conseiller de l’ombre, qui finit par prendre le contrôle de tous les rouages de l’Etat, avec la complicité de ses autres amis DAF.

    Parmi les événements marquants intervenus dans le secteur pétrolier, dès le lendemain de l’accession de Chadli Bendjedid à la présidence de la République, il faut noter le limogeage systématique par le nouveau ministre de l’Energie, Nabi Belkacem, de tous les hauts responsables du secteur, dont le seul crime était d’avoir travaillé avec Belaïd Abdesselam, son prédécesseur dans la fonction. L’élimination de ces cadres s’est faite de manière brusque et brutale : pas de préavis et donc pas de passation de consignes aux nouveaux arrivants, ni de transmission de l’expérience acquise. Elle fut également violente, certains ayant vu leurs salaires ou leurs pensions de retraite supprimés, tandis que d’autres encore étaient persécutés dans leur vie privée. Ce n’est ni par bêtise, ni par vengeance que Nabi Belkacem s’était livré à un tel jeu de massacre : il mettait en application les orientations de Larbi Belkheir qui étaient de briser l’outil ayant permis d’arracher l’indépendance économique du pays et de replacer ainsi le secteur pétrolier algérien dans l’orbite française. Nabi provoqua également d’autres graves dégâts à l’économie algérienne. Il accusa le tandem Abdesselam – Ghozali [4]
    [4]
    Lors de la passation du contrat avec El Paso Natural Gas,… d’avoir bradé le gaz dans l’opération de vente à El Paso Natural Gas et d’avoir ainsi causé une perte de 150 milliards de dollars au pays. Il engagea une renégociation du prix de cession, puis mit fin au contrat parce qu’« El Paso Natural Gas avait refusé ses conditions qui étaient normales » disait-il. On apprendra plus tard que c’est bien à dessein qu’il avait exigé un prix exorbitant, qu’il savait inacceptable par El Paso, afin d’aboutir à la rupture. Pour faire bonne mesure, il menaça la compagnie et par-delà les Etats-Unis eux-mêmes, qu’en cas de refus par El Paso du prix qu’il demandait, le gouvernement algérien mettrait fin à la médiation qu’il menait pour faire libérer les fonctionnaires de l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran, détenus otages par les Iraniens depuis plusieurs mois. Devant un tel ignoble chantage, les Américains renoncèrent à l’achat de gaz à l’Algérie. Il annula également les ventes de gaz conclues avec l’Allemagne et les pays nordiques, toujours au prétexte que ses prédécesseurs avaient bradé le gaz dans l’opération de vente à El Paso Natural Gas et d’avoir ainsi causé une perte de 150 milliards de dollars au pays. Il engagea une renégociation du prix de cession, puis mit fin au contrat parce qu’« El Paso Natural Gas avait refusé ses conditions qui étaient normales » disait-il. On apprendra plus tard que c’est bien à dessein qu’il avait exigé un prix exorbitant, qu’il savait inacceptable par El Paso, afin d’aboutir à la rupture. Pour faire bonne mesure, il menaça la compagnie et par-delà les Etats-Unis eux-mêmes, qu’en cas de refus par El Paso du prix qu’il demandait, le gouvernement algérien mettrait fin à la médiation qu’il menait pour faire libérer les fonctionnaires de l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran, détenus otages par les Iraniens depuis plusieurs mois.

    Seuls deux contrats ne furent pas remis en question : celui avec Gaz de France maintenu pour des raisons politiques [5]

    [5]
    Les DAF et leur leader Larbi Belkheir qui détenaient le véritable pouvoir, étaient d’ardents défenseurs des intérêts français en Algérie ; il n’était donc pas question d’annuler le contrat de vente de gaz à GDF dont les conditions étaient pourtant moins favorables pour l’Algérie que celles des autres contrats.
     [6]Lors d’un procès tenu en 1991, le président de l’ENI Eugenio Cefis a reconnu devant un juge d’instruction près du tribunal de Milan, avoir versé une commission de 32 millions de dollars à un intermédiaire libyen, un certain Omar Yahia, qui lui avait été présenté par le Premier ministre Giulio Andreotti et qui agissait pour le compte d’une très haute personnalité algérienne. La personnalité en question a été désignée, par tous les observateurs de la scène politique algérienne, comme étant le général Larbi Belkheir.

    (...)
    Dernière modification par lala-moulati, 23 novembre 2019, 21h31.
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    • #3
      scandales, annulation de contrats,prix spécial pour la France et Bouteflika

      Devant un tel ignoble chantage, les Américains renoncèrent à l’achat de gaz à l’Algérie. Il annula également les ventes de gaz conclues avec l’Allemagne et les pays nordiques, toujours au prétexte que ses prédécesseurs avaient bradé le gaz. Seuls deux contrats ne furent pas remis en question : celui avec Gaz de France maintenu pour des raisons politiques 

      Pour « récompenser » le régime Chadli d’avoir fait basculer l’Algérie dans le camp français, le président François Mitterrand, en visite à Alger en novembre 1981, concédait un prix spécial sur l’achat de gaz algérien par la France. Le contrat, signé en février 1982, comportait un prix supérieur de 27 % au prix du marché, associé à une formule d’indexation qui s’avèrera être un piège. La mise en application de cette formule ramènera le prix de cession à un niveau extrêmement bas. Cette baisse de revenus, qui venait s’ajouter à celle résultant à la chute dramatique du cours du pétrole et à la corruption entraîneront l’Algérie au bord de la faillite et à la renégociation de sa dette avec le FMI. Les graves mouvements sociaux qui s’ensuivirent coûtèrent la vie à 500 jeunes et provoquèrent l’avènement de l’islamisme politique.

      La corruption fut le grand fléau qui frappa l’Algérie durant la présidence de Chadli Bendjedid. L’origine en était la cupidité des barons du régime et de l’entourage familial du président, qui mirent à profit la rente pétrolière du pays pour se constituer d’énormes fortunes. Pour réussir dans leur entreprise, ils s’appuyèrent sur un vaste réseau de complicités, d’où la propagation à la vitesse grand V de la corruption depuis le sommet de l’Etat vers la société.

      Avril 1999, le rêve d’Abdelaziz Bouteflika devenait réalité : il était élu président de la République à l’issue d’un scrutin boycotté à la toute dernière minute par les autres concurrents, à la suite de manœuvres des généraux putschistes qui avaient destitué Bendjedid 7 ans auparavant. Comprenant qu’il était tombé dans un piège et qu’il était un président mal élu, il chercha à s’extraire de cette situation notamment en dénonçant, dans ses premières interventions publiques, les fortunes mal acquises de la quinzaine de personnes qui s’étaient accaparées de l’économie et promit qu’il mettrait fin à la corruption. C’est hélas l’inverse qui arriva : la gangrène se propagea à travers le tissu social à une allure exponentielle, encore plus grande que durant la période Chadli. La raison ? Le nouveau pouvoir était une alliance entre un homme avide de pouvoir et d’argent, donc prêt à toutes les compromissions et des généraux, tout aussi avides de pouvoir et d’argent, dont les mains tâchées de sang durant la guerre civile à laquelle le pays était en proie depuis 1992, en faisaient des êtres hantés par un désir de blanchiment du passé. On vit les DAF étendre encore plus leur emprise sur le secteur des hydrocarbures, mais on vit aussi de nouveaux prédateurs, dont les frères du président, venir participer à la razzia.

      Parmi les scandales retentissants que connut ce secteur, il y eut celui de la société d’engineering algéro-américaine BRC (Brown and Root-Condor). Au sein de cette entreprise la Sonatrach avait pour partenaire la plus grande compagnie pétrolière américaine Halliburton, dirigée par celui qui deviendra vice-président des Etats-Unis sous George W. Bush, Dick Cheyney. L’administration américaine utilisa ce tremplin pour réaliser d’énormes profits sur les très nombreux contrats attribués par les sociétés du groupe Sonatrach à BRC qui, à son tour, les transférait pour exécution à Halliburton ou à sa filiale d’engineering pétrolier Brown and Root. De leur côté, les prédateurs algériens de BRC prenaient de substantielles commissions sur chacun de ces contrats. Les ministères de l’Intérieur et de la Défense nationale confièrent, eux aussi, d’importantes affaires à BRC qui, apprendra-t-on plus tard, surfacturait ses prestations jusqu’à concurrence de 600 à 700 % du prix normal. L’appât du gain des responsables civils et militaires algériens qui parrainaient l’énorme pompe à finances qu’était devenue BRC, poussa certains jusqu’à commettre des actes de félonie afin que perdurât le système. C’est ainsi qu’à la demande du ministère de la Défense, BRC passa commande auprès de Raytheon de « mallettes de commandement », des sortes d’ordinateurs portables super sophistiqués destinés à la programmation et à la gestion de toutes les opérations de l’armée algérienne, même les plus secrètes d’entre elles. Les Américains mirent à profit l’occasion qui leur était ainsi offerte pour installer dans ces mallettes des puces qui transmettaient au Pentagone, via des satellites et le réseau Echelon, tous ces renseignements. C’était, pour ces milieux, une opération classique et prévisible que les services de sécurité algériens ne pouvaient ignorer. Mais hélas, la cupidité et la hantise du passé de ceux qui étaient chargés de veiller au grain les avait poussés à fermer les yeux et donc à commettre une traitrise en contrepartie d’un pot-de-vin probablement substantiel. Le pot-aux-roses fut dévoilé quelques mois plus tard quand les Russes informèrent les Algériens qu’ils étaient espionnés. Le PDG de l’entreprise fut condamné, à l’issue d’un procès expéditif, pour « intelligence avec l’ennemi ». En échange de son silence, il écopa d’une peine de prison relativement légère : il payait ainsi pour le ou les véritables responsables, les hauts gradés de l’armée qui avaient laissé faire.

      L’autre acte d’« intelligence avec l’ennemi » dans lequel était intervenu BRC était la construction, avec l’accord d’Abdelaziz Bouteflika en personne, d’une base secrète dans l’extrême sud algérien mise à disposition de l’armée américaine. Scandales, forfaitures, guerre des clans, l’affaire BRC avait pris des proportions qui risquaient d’emporter le régime. Bouteflika décida alors de mettre fin au jeu de massacre et d’enterrer définitivement le dossier : on apprit brusquement, que sur ordre du président de la République, le conseil d’administration de la société avait prononcé sa dissolution ! Ainsi, disparaissait cette compagnie d’engineering, stratégique pour le pays, qui s’était transformée, depuis l’arrivée de Bouteflika au pouvoir, en une association de mafiosi et en un bras armé de la CIA, laquelle contrôlait par ce biais deux secteurs névralgiques algériens, l’industrie pétrolière et l’armée.

      Last but not least, l’élaboration d’une nouvelle loi sur les hydrocarbures qui, en pratique, cédait les richesses pétrolières du pays aux multinationales a été un véritable acte contre nature décidé par Bouteflika. Sous couvert de « mettre en place les conditions nécessaires à l’adaptation du secteur de l’énergie et des mines aux conditions de fonctionnement d’une économie de marché libre, ouverte et compétitive », le ministre de l’Energie Chakib Khelil confiait l’élaboration de cette loi à la Banque mondiale, qui à son tour en sous-traitait l’exécution à des bureaux d’études américains. C’était confier au loup la garde de la bergerie. Nous étions en 2001, année de l’arrivée de George W. Bush et son équipe de pétroliers texans à la Maison Blanche, dont l’une des premières actions avait été l’élaboration d’une nouvelle doctrine pétrolière américaine. Le but était de re-transférer aux compagnies la propriété des réserves des pays producteurs de pétrole et de réinstaurer ainsi le système de concessions qui y avait eu cours jusqu’à la fin des années 1960. C’était donc la destruction de l’OPEP que visait la nouvelle politique américaine. Avec la complicité de Chakib Khelil et la couverture de Bouteflika, le texte mis au point par les bureaux d’études retenus par la Banque mondiale reprenait intégralement les dispositions prévues dans le cadre de cette doctrine. Autrefois fer-de-lance de la lutte des pays du Tiers Monde contre l’impérialisme américain, l’Algérie s’alignait ainsi sur la politique des Etats-Unis. Les Etats membres de l’OPEP firent part de leur désapprobation, certains ministres allant jusqu’à traiter, en réunion officielle de l’Organisation, l’Algérie de « pays croupion à la solde des Américains ». Mais quelle était la motivation du président de la République et celle de son ministre de l’Energie ? Afin d’échapper à l’emprise des généraux, Abdelaziz Bouteflika cherchait à se placer sous l’aile protectrice de la première puissance mondiale et était disposé pour ce faire à toutes les compromissions. L’acharnement de Chakib Khelil à faire adopter cette loi est plus simple à comprendre : il avait fait le choix du cœur, il répondait à l’appel de son pays d’adoption les Etats-Unis. Le feuilleton de cette loi dura 5 longues années, au cours desquelles elle fut la cause de luttes de clans à l’intérieur du régime et d’une grève générale décrétée par la centrale syndicale UGTA. Devant le tollé qu’elle avait soulevé et face à l’opposition tous azimuts qu’elle avait provoquée, Abdelaziz Bouteflika la gela en mars 2003, afin d’assurer sa réélection pour un second mandat, puis la fit approuver par le parlement en avril 2005, avant d’y renoncer totalement en 2006, en annulant les dispositions les plus controversées.

      Que dire en conclusion ? Beaucoup de corruption, beaucoup de rapaces autour de la manne pétrolière et dépossession du peuple de sa souveraineté sur ses richesses naturelles qui ne profitent qu’à une seule catégorie d’Algériens, les hommes du régime et ceux qui évoluent dans leur orbite. L’Algérie possède aujourd’hui des réserves financières de l’ordre de 180 milliards de dollars, ce qui en fait un pays riche, mais cette richesse demeure factice, car elle camoufle en réalité la faiblesse de l’économie. En effet, la rente pétrolière, qui représente 98% des recettes en devises du pays, n’est que l’arbre qui cache la forêt, puisque les énormes sommes d’argent qu’elle génère ne sont pas utilisées pour le développement du pays. Elles font plutôt le bonheur des autres, des Américains notamment, le gouvernement algérien ayant décidé d’investir ses réserves financières dans l’achat de bons du trésor américain. Que deviendra l’Algérie le jour où le pétrole cessera de couler ? Pourra-t-elle survivre, voire exister vu que quasiment tout ce qui s’y consomme vient de l’étranger

      Par Hocine Malti, ingénieur des pétroles, a participé à la création de la compagnie nationale des pétroles, la Sonatrach, dont il a été vice-président de 1972 à 1975. Conseiller du secrétaire général de l’Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole – OPAEP (Koweït) de 1975 à 1977, puis directeur général d’une holding multinationale arabe, l’Arab petroleum services company (Tripoli) jusqu’en 1982.
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