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Algérie : « Le Hirak est un point de départ pour reconstruire le champ politique »

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  • Algérie : « Le Hirak est un point de départ pour reconstruire le champ politique »

    Pour le journaliste Akram Belkaïd, l’élection du 12 décembre, largement rejetée par la population, accouchera au mieux d’un « président de transition ».

    Propos recueillis par Charlotte Bozonnet



    Près de dix mois se sont écoulés depuis la première manifestation d’ampleur contre un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika à la tête de l’Algérie. Le Hirak, nom donné au mouvement de contestation, a, depuis, essaimé dans de nombreuses villes, pris de l’ampleur, jusqu’à faire partir l’ancien chef de l’Etat et ses proches. Par deux fois, le pouvoir a même dû décaler la tenue du scrutin présidentiel. Il se tiendra finalement jeudi 12 décembre, malgré les protestations des manifestants qui dénoncent un simulacre d’élection.

    Journaliste au Monde diplomatique et chroniqueur au Quotidien d’Oran, Akram Belkaïd est l’auteur de L’Algérie en 100 questions, un pays empêché (éd. Tallandier, 2019). A trois jours de l’échéance électorale, il décrypte les enjeux du scrutin et le chemin parcouru par le Hirak.

    Les autorités ont maintenu une élection que beaucoup de citoyens rejettent. Quels sont l’objectif et la stratégie derrière ce passage en force ?
    L’urgence pour le pouvoir est de revenir à la normale constitutionnelle. C’est un élément fondamental dans la manière de fonctionner du système : toutes les apparences de la légalité doivent être respectées. Or depuis juillet [fin théorique du mandat du président par intérim], on est hors Constitution – même si le pouvoir ne le reconnaît pas –, avec la mise en avant du chef d’état-major, Ahmed Gaïd Salah, devenu l’homme qui donne le la. C’est une situation que les militaires et le régime ne pouvaient pas tolérer plus longtemps. Avec l’élection, on passe en force, malgré toutes les contestations, pour dire que l’Algérie est revenue à la normale.

    « Ce qui est insupportable pour les militaires, c’est d’être clairement identifiés comme ceux qui détiennent le pouvoir. »

    Ce qui est insupportable pour les militaires, c’est de se retrouver en première ligne, de ne plus avoir de façade civile, d’être clairement identifiés comme les personnes qui détiennent le vrai pouvoir. Ahmed Gaïd Salah a fait plus de discours publics retransmis ces derniers mois que n’importe quel officier supérieur au cours des cinquante dernières années. C’était impensable avant. Cette omniprésence médiatique, politique, n’est pas dans l’ADN du système. Ça a fait du chef d’état-major une cible directe des manifestants. Une fois l’élection passée, il y aura de nouveau un fusible qui concentrera l’impatience et la colère populaires.


    Pourquoi ce refus total du pouvoir de négocier avec les protestataires ?
    Cela relève presque de l’irrationnel. En effet, il aurait été facile à ce régime de faire des concessions pour qu’une partie des manifestants rentrent chez eux. Par exemple : prendre une mesure d’amnistie en faveur des détenus d’opinion, en septembre ou octobre, pour apaiser la situation. Autre illustration : le refus total de dialoguer. Il aurait été facile de mettre en scène Ahmed Gaïd Salah recevant quelques représentants du Hirak, mais l’armée ne discute avec personne.

    « Le général Ahmed Gaïd Salah est le représentant d’une génération qui estime que l’Algérie lui appartient. »

    Pourquoi tout ça ? Ça tient à la mentalité du système. Ahmed Gaïd Salah est le représentant d’une génération qui estime que l’Algérie lui appartient. Au-delà des discours, depuis l’indépendance, on a eu une succession de dirigeants qui n’ont eu que du mépris pour le peuple, estimant qu’il serait inconcevable de l’associer aux grandes décisions. On est encore dans ce schéma. Une sorte de féodalité s’est installée après 1962 entre ceux qui détenaient le pouvoir et ceux qui ne l’avaient pas. Certains dirigeants ont eu une évolution de carrière dont ils n’auraient sans doute jamais rêvé. En 2002, Ahmed Gaïd Salah aurait dû partir à la retraite, aujourd’hui il dirige de fait le pays. Ça renforce l’intéressé dans l’idée qu’il n’a de comptes à rendre à personne. Il y avait la même chose chez Bouteflika.



    C’est une culture verticale, très hiérarchisée du pouvoir. Soit on est dedans, soit on n’y est pas, et dans ce cas on n’a rien à dire. Ça vaut encore plus pour la jeunesse, qui est profondément maltraitée. Regardez ces jeunes qui risquent leur vie en Méditerranée : ceux qui sont secourus en mer sont poursuivis en justice. Ce sont les enfants de l’Algérie, ça devrait au contraire bouleverser les dirigeants du pays.

    Voyez-vous des signes de dissensions au sommet de l’Etat ?

    C’est très difficile à savoir. Le fait qu’Ahmed Gaïd Salah se déplace dans toutes les régions et multiplie les discours montre bien qu’il a le souci d’expliquer sa démarche. L’armée est un corps très légaliste qui a beaucoup évolué, contrairement à ce que l’on pense. Elle s’est beaucoup modernisée. Elle a en elle des mécanismes d’autoprotection qui empêchent une éventuelle dérive factieuse comme il a pu en exister dans les années 1960. L’obsession de tous les dirigeants a été que cette armée puisse constituer une menace à l’égard de l’état-major. Et effectivement, la pire chose qui pourrait arriver à l’Algérie serait qu’il y ait des dissensions en son sein. Personne n’a envie de voir un conflit entre militaires. Ce que beaucoup de gens espèrent, c’est que l’institution comprenne d’elle-même qu’elle doit se retirer du champ politique. Cela prendra peut-être du temps, mais la volonté d’avoir un Etat civil et non militaire est une idée qui circule largement, bien au-delà des rangs du Hirak.


    Pourquoi la répression de la contestation n’a-t-elle pas été plus importante ?


    Une grande partie de l’encadrement de cette armée n’a pas envie de revivre octobre 1988 [violente répression contre des émeutes] ni la « décennie noire » [guerre civile des années 1990]. Les rares informations dont on dispose montrent bien qu’il y a au sein de l’état-major cette préoccupation majeure de non-utilisation de la violence. Par ailleurs, le mouvement est tactiquement très intelligent, en optant pour des manifestations pacifiques, en refusant l’affrontement, les saccages. C’est une espèce de deal implicite. Le fameux slogan « Khawa ! Khawa ! » [« Frères ! Frères ! »] a permis dès le début de dégoupiller toute possibilité de scénario violent. Et puis il y a le nombre des manifestants et leur répartition géographique.

    Le Hirak mobilise depuis dix mois. Qu’est-ce qui le fait tenir ?
    C’est un mouvement qui a appris en chemin et que les circonstances ont renforcé. Il est né contre un cinquième mandat, mais ensuite tout ce qui était pendant, intériorisé, a pu sortir. L’Algérie est un pays qui vit sous cloche depuis au moins trente ans. Après la brève parenthèse démocratique de 1988, son histoire politique n’a été que contraintes et malheurs : dix ans de guerre civile et deux décennies de gestion autoritariste par Bouteflika.

    « La longévité du mouvement est à la mesure des frustrations et des problèmes auxquels les Algériens font face. »

    Tous les problèmes structurels auxquels l’Algérie faisait face en 1999 [arrivée au pouvoir de Bouteflika] persistent, avec une acuité encore plus forte du fait de la démographie. On n’a pas réglé la question de l’éducation, de la santé, du modèle économique, de la langue, du chômage des jeunes. La longévité du mouvement est à la mesure des frustrations et des problèmes auxquels les Algériens font face. Ce Hirak continue d’autant plus qu’en face, le régime, par son entêtement et son autoritarisme, fait tout pour l’encourager. Quand le mouvement a commencé, le 22 février, la première réaction du régime a été de menacer les manifestants. Depuis, toutes les concessions faites arrivent en retard.


    La question de la relève politique continue de se poser…
    Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas eu de morts que la répression n’existe pas. Il y a eu des centaines d’arrestations et de lourdes condamnations. Ça a incité à beaucoup de prudence de la part de celles et ceux qui auraient pu prendre des initiatives politiques, une forme d’autoprotection. On voit bien ce qui est arrivé à Karim Tabbou, qui aurait pu incarner, avec d’autres, une représentation politique du mouvement, et qui est aujourd’hui en prison. Le régime a envoyé des signaux très clairs : certes, on ne tire pas sur la foule, mais on a un autre outil de coercition.

    « Parmi ces jeunes engagés dans le mouvement, on va voir des personnalités émerger au cours des prochaines années. »

    S’agissant de l’encadrement politique, l’Algérie a connu une décennie de violence extrême – faire de la politique était dangereux –, puis deux décennies de fausse démocratie, de multipartisme de façade, d’autoritarisme, avec une opposition noyautée, divisée, parfois achetée. C’est un champ de ruines. Le Hirak est un point de départ sur lequel on peut reconstruire un nouveau champ politique. Il ne fait aucun doute que parmi ces jeunes engagés dans le mouvement, on va voir des personnalités émerger au cours des prochaines années. Mais il faut accepter le fait qu’on s’inscrit dans le temps long. L’Algérie n’a pas un Mandela à sortir de ses poches.

    Pensez-vous que les Algériens vont aller voter ?

    Une partie. Le régime sait qu’il peut compter sur un socle de l’électorat qui a toujours voté. Dans le monde rural, les petites villes, même s’ils ne sont pas contents de la situation, il y a encore une forme de loyauté vis-à-vis du régime, du FLN [Front de libération nationale], qui a aussi su entretenir ses réseaux clientélistes. C’est difficile à quantifier, peut-être 10-15 % de l’électorat. D’autres vont aller voter en réaction à la résolution du Parlement européen [sur les violations des droits humains]. C’est un sujet très sensible en Algérie et cette résolution a permis au régime de mettre en scène la dénonciation d’une ingérence étrangère. Mais il est clair qu’il y aura un fort taux d’abstention.

    Avez-vous un pronostic ? Qui est le favori du régime parmi les cinq candidats ?

    Aucune idée. Azzedine Mihoubi a reçu le soutien du FLN, ce qui n’est pas rien, mais tous les candidats ont été présents dans les médias. Ils évoquent tous la rupture, sans toutefois parler des points qui pourraient irriter l’état-major. Leur programme économique est très flou. En tout cas, l’histoire retiendra qu’ils portent tous la responsabilité d’avoir légitimé un processus dont bon nombre d’Algériens ne voulaient pas, et ce sera difficile à faire oublier. Je ne vois pas comment l’un d’eux pourrait se révéler une bonne surprise une fois au pouvoir. Tous ont été favorables à un cinquième mandat de Bouteflika, sauf Ali Benflis, mais c’est aussi un homme du système. Au mieux, le vainqueur pourrait être un président de transition.


    Le Hirak peut-il s’arrêter après l’élection ?

    Beaucoup de gens auront à cœur de sortir manifester, vendredi 13 décembre, pour dire que ce n’est pas terminé. Il s’agira alors de regarder quelle sera la réaction des autorités. On rentrera dans une nouvelle phase. Pour le pouvoir, on sera revenu à la normalité – il y aura un président ou deux candidats pour le second tour –, donc il n’y aura plus lieu de manifester, « rentrez chez vous ». A moins qu’il ne laisse le président faire face aux contestataires. On verra alors quelle marge de manœuvre aura le nouvel élu – ce que lui veut faire et ce qu’on lui laisse faire. Pour une partie du Hirak, la tenue des élections est certes un revers, mais ce n’est pas le plus important. Les Algériens ont réussi à exprimer une contestation d’ordre politique, maintenant l’enjeu est de durer. A un moment ou à un autre, il faudra bien sûr passer par la case de l’initiative politique : un parti, une coalition… Mais je le répète : la situation algérienne doit être appréhendée dans le temps long.

    Ce mouvement a-t-il changé l’Algérie ?



    Ça a profondément changé la jeune génération. On disait pis que pendre d’elle, on s’aperçoit qu’elle est à la pointe des manifestations, que les phénomènes de politisation sont très rapides. On a vu les gens se passionner pour les débats sur la Constitution, sur la loi sur les hydrocarbures. Le Hirak est un événement majeur dont on n’a pas mesuré toutes les conséquences. Ce sera très difficile de faire accepter un retour en arrière.

    Charlotte Bozonnet

  • #2
    Le hirak ne fait que s'améliorer dans son organisation.

    Les néo-harkis aux commandes ainsi que leurs sous-fifres qui ont choisi délibérément la mafia sont en train de dégringoler.

    Ici, solidarité journalistique : les vrais journalistes ne cachent pas leur visage contrairement aux cachirnalistes.

    Exfiltration d'une vraie journaliste par ses confrères. Vous observerez que les pauvres policiers ne sont pas très motivés et font semblant de résister pour la pour la forme :

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    Les journalistes ne couvrent pas seulement les manifs, ils s’entre aident. Opération d’exfiltration réussie de la part de @BouzidIchalalen a @meriem_nait_ .

    “Les mensonges sont nécessaires quand la vérité est très difficile à croire”
    Pablo Escobar après avoir brûlé le tribunal qui devait le juger.

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    • #3
      Le hirak ne fait que s'améliorer dans son organisation.
      Il est vraiment admirable, le hirak. Y a aucun doute, il va finir par gagner.

      Mais il doit garder son caractère pacifique. La non violence est sa plus grande force. Les 3 ou 4 jours de votation qui reste, il doit rester civilisé et non violent.

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      • #4
        Le général Ahmed Gaïd Salah est le représentant d’une génération qui estime que l’Algérie lui appartient.
        C'est exactement ça, c'est pour ça qu'ils organisent une farce entre eux.

        Ils n'ont pas besoin du peuple qui est là pour la décoration.

        Ce peuple on peut même le massacrer de temps en temps pour le faire taire.

        Ils voient ce peuple comme une verrue qui les dérange pour leurs petites affaires.
        “Les mensonges sont nécessaires quand la vérité est très difficile à croire”
        Pablo Escobar après avoir brûlé le tribunal qui devait le juger.

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