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Pourquoi le Maroc reste aux portes des émergents

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  • Pourquoi le Maroc reste aux portes des émergents

    • Une faible croissance de 4,2% pendant 40 ans pour une démographie en progression de 2,2%
    • Le miracle asiatique attribué à trois décennies consécutives de hausse du PIB
    • Une étude des économistes de l’AFD


    Voici un rapport qui tombe à point pour la commission chargée de réfléchir sur le nouveau modèle de développement. L’Agence française de développement (AFD), l’un des plus grands bailleurs de fonds du Royaume, a passé à la loupe les facteurs qui empêchent le Maroc d’accéder au rang d’économie émergente.

    C’est à cette question que planchent également les membres de la Commission spéciale sur le développement. Pourquoi le Maroc ne se met-il pas de manière durable sur une trajectoire d’émergence alors qu’il réunit toutes les conditions pour réussir: stabilité politique et sociale, amélioration du climat des affaires?

    «Une trajectoire d’émergence économique suppose une croissance économique forte et continue durant plusieurs décennies successives». C’est le cas des pays asiatiques, qui, grâce à 30 ans consécutifs de croissance rapide de plus de 5% par an, ont pu améliorer le niveau de leur population et redynamiser leur structure productive.

    A l’inverse, le Maroc a enregistré pendant la période 1960 à 2002 une croissance annuelle moyenne de 4,2% alors que sa population a augmenté de 2,2%. Une performance qui reste insuffisante, comparée aux potentialités du pays et à celles d’autres pays comparables comme la Malaisie, la Corée du Sud, la Tunisie ou encore le Botswana.

    A partir du milieu de la décennie 2000, le taux de croissance a commencé à frôler 5% par habitant en forte hausse par rapport à celui constaté dans les années 1990 (3,3%). Ce qui laissait penser qu’il allait atteindre le seuil de 6% qui est souvent cité comme spécifique aux pays en voie d’émergence.

    La vitalité de la croissance économique du Royaume n’a pas été impactée par la crise financière internationale grâce à la solidité de son système bancaire. Entre 2009 et 2011, la croissance est restée soutenue: en moyenne 4,4%. Dans le même temps, on enregistrait l’amorce d’une transformation sectorielle allant dans le sens d’une évolution structurelle de l’économie tant attendue. La décroissance de l’agriculture allait de pair avec la montée en chaîne de valeurs de l’industrie automobile et de l’aéronautique. Cependant, cette évolution n’a été que d’une courte durée suite à la baisse du trend de croissance.

    En effet, depuis 2012, le rythme de croissance n’est plus que de 3,2% par an malgré trois bonnes années agricoles consécutives. A cette baisse, s’ajoute un repli du contenu de la croissance en termes d’emplois par rapport au début des années 2000.

    Ainsi, pour chaque point de croissance, l’emploi n’aurait évolué que de 0,12% entre 2008 et 2017 contre 0,33% entre 2000 et 2007. Le recul de la croissance, déjà très faible, par rapport aux taux observés entre 2000 et 2010 dans les pays du sud et de l’est de la Méditerranée (0,62%) ou d’Asie émergente (0,66%). Ce qui peut entraîner des tensions sociales en raison de l’exclusion de larges pans de la population.

    Comment peut-on expliquer le fait que le Maroc se soit écarté de la trajectoire de l’émergence? Les experts de l’AFD avancent quelques hypothèses, sachant que le poids de telle ou telle variable n’est pas isolé.

    L’AFD a procédé à une analyse interne qui a confirmé les résultats d’une étude du ministère des Finances (DEPF) sur l’adéquation entre croissance économique et croissance du crédit et la causalité inverse (impact de la croissance du crédit sur la croissance économique hors agriculture).


    Entre 2001 et 2015, la croissance réelle du PIB par habitant (3,2% en moyenne) a été essentiellement générée par les contributions des gains de productivité apparente du travail (77% entre 2001 et 2008 et 113% entre 2008 et 2015)

    L’étude a conclu à «un effet significativement positif pour les ménages de la croissance du crédit bancaire sur celle du PIB hors agriculture». Un impact qui s’explique par l’essor du secteur financier et de l’économie d’endettement sans oublier l’émergence d’un modèle de croissance basé sur le soutien aux facteurs internes de la demande. De plus, le taux de bancarisation est passé de 20% en 2000 à 64% en 2014 tandis que le poids des crédits bancaires rapportés au PIB a doublé, passant de 40% à la fin des années 90 à plus de 80% au début des années 2000. Ce qui induit une transformation financière de l’économie.

    L’accélération de la croissance constatée au milieu des années 2000 ne serait-elle donc pas due en grande partie à un boom impressionnant du crédit avec un taux en glissement annuel de 24% de 2007 à 2009 et des pics enregistrés certains mois. Mais depuis 2012, l’accroissement du crédit bancaire est plus lent.

    Les économistes de l’AFD ont même constaté une légère baisse par rapport du PIB. L’économie s’est-elle écartée ces dernières années de la trajectoire d’émergence empruntée depuis le milieu des années 2000 ou a-t-elle, sous l’effet dopant du crédit, de l’investissement et de la hausse des prix des actifs, dévié de son trend de croissance de longue période, propre à son modèle de développement? En fonction de l’explication retenue, l’on se demande comment réunir de nouveau les ingrédients de la décennie 2000 et si l’on ne doit pas imputer le ralentissement relevé ces dernières années à des politiques budgétaires austères.

    Dans le second cas, n’est-ce pas le modèle de développement suivi jusqu’à présent qui serait à l’origine du recul de la croissance. Selon les économistes nationaux évoqués par le rapport de l’AFD, il est difficile d’augmenter le taux d’investissement public ou de maintenir un rythme de progression du crédit aussi élevé que dans la seconde moitié des années 2000.

    C’est donc le modèle de développement qui devrait être remis en cause. Il est admis que certaines évolutions prometteuses laissent à penser que l’économie est en phase transitoire, avec la montée en puissance des exportations à plus forte valeur ajoutée et le changement qualitatif de la structure d’emploi intégrant plus de diplômés.

    Toutefois, l’essoufflement du modèle est un diagnostic largement partagé. Il se caractérise par un taux de croissance économique insuffisant, un relèvement du niveau de vie à l’image des pays émergents, une faible élasticité de la croissance sur l’emploi ainsi que le recul de l’efficacité et de la qualité du rendement de l’investissement.

    Pour sortir de cette trappe, plusieurs propositions, formulées par diverses institutions, sont rappelées par l’AFD. Dans la plupart des cas, elles mettent le curseur sur «la qualité du capital humain, la poursuite des réformes de gouvernance et l’amélioration du climat des affaires.

    L’assouplissement du marché du travail, le ciblage des politiques d’investissement sur les infrastructures technologiques, la transformation structurelle de l’économie via l’appui des secteurs clés font également partie de la recette.

    Des avancées insuffisantes

    «La contribution à la croissance de certains facteurs déterminants s’est dégradée», constate le rapport de l’Agence française de développement. Ainsi, le Maroc a perdu du terrain sur la compétitivité prix à cause de l’appréciation du taux de change réel et de la hausse des coûts salariaux. Au cours de ces dernières années, l’effort d’investissement public a reculé alors qu’il avait atteint 33% du PIB en 2008. De plus, la crise économique ayant impacté les pays d’accueil des MRE a entraîné une baisse de leurs transferts et des IDE. Cependant, la contribution d’autres facteurs s’est nettement améliorée. L’on peut citer, par exemple, le bond enregistré sur l’indicateur du Doing Business : 60e en 2019 contre 130e en 2009. En même temps, les conditions de financement se sont assouplies et la dépendance vis-à-vis de l’UE s’est réduite au profit de nouveaux marchés plus dynamiques, conjuguées avec la montée en régime de la valeur ajoutée des exportations.
    Hassan EL ARIF
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