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Lahouari Addi : “Gaïd Salah obéissait à un système qu’il essayait de sauver face au Hirak”

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  • Lahouari Addi : “Gaïd Salah obéissait à un système qu’il essayait de sauver face au Hirak”

    Quelles incidences aura la mort brutale du général Ahmed Gaïd Salah au sein de l’institution militaire et sur un plan plus politique ?

    Dans l’immédiat, il n’y aura aucune incidence parce que Gaïd Salah obéissait à un système qu’il essayait de sauver face à la mobilisation populaire depuis le 22 février 2019. Son successeur fera de même avec peut-être une autre forme. La méthode de Gaïd Salah a été de sanctionner la façade civile du régime pour apaiser la population. Son successeur maintiendra-t-il ce cap ? Je ne sais pas. Si la protestation populaire continue au-delà du 22 février 2020, l’Etat-Major sera obligé de prendre des décisions importantes. Soit d’accepter les revendications du hirak, soit d’accentuer la répression, ce qui risque de radicaliser le mouvement. Après février 2020, il y a un risque sérieux de recours à la violence.

    Quel regard portez-vous sur l’homme et son parcours ?


    Gaïd Salah a rejoint très jeune l’ALN, et quelques mois après il y a eu l’indépendance. Il est issu d’une famille pauvre et n’a eu aucune instruction comme beaucoup d’enfants algériens de sa génération. Il a bénéficié d’une ascension sociale par le biais de l’armée qui a fait de lui un officier supérieur. Il a dirigé la première opération Amgala, en 1975, où son unité a été neutralisée par l’armée marocaine. Avec le temps, il a fait oublier cette mésaventure et dans les années 1990 il est nommé chef de l’armée terrestre. C’était les années de sang.

    En 2004, il est nommé chef d’Etat-Major en remplacement de Mohamed Lamari qui défait ouvertement le président en exercice, ce que les généraux n’acceptent pas. Ils veulent donner l’image qu’ils sont sous les ordres du président. Gaïd Salah s’est montré fidèle à Bouteflika, parce que l’armée est attachée aux présidents qui lui obéissent. Après avoir soutenu le 5ème mandat, il change de position et exige que Bouteflika démissionne, ce que ce dernier fait quelques heures après. La ligne de conduite de Gaïd Salah est de sauver le régime en envoyant en prison les civils qui avaient été désignés pour diriger l’administration gouvernementale. Il n’a pas compris que le pays était en révolution et que l’ancien système dont il est le produit est discrédité, délégitimé et épuisé.

    Est-ce que le nouveau président algérien Tebboune était le candidat de prédilection de Gaïd Salah ?


    Abdelmajid Tebboune est le président de Gaïd Salah et aussi des généraux de l’Etat-Major. Il est apolitique et n’a pas de forte personnalité. Il a le profil d’un sous-préfet d’une petite ville de province. Il obéira aux généraux au doigt et à l’oeil. Ces derniers ne veulent pas d’un leader qui aurait une légitimité électorale et qui s’imposerait à eux. Beaucoup de généraux sont impliqués dans des affaires de corruption et dans des affaires de violation de droits de l’homme, et ils craignent de rendre des comptes devant un tribunal civil ou militaire. Tebboune est la façade légale qui les protègera, tant que le système est debout.

    Gaïd Salah était dans le collimateur des manifestants du Hirak. Comment, d’après vous, réagiront-ils à l’annonce de sa mort ?

    Les étudiants qui ont manifesté le mardi 24 décembre n’ont pas évoqué Gaïd Salah. Ils avaient la haine du symbole qu’il était, mais ils n’avaient pas la haine de l’individu. Certains disaient Allah yerhmah, mais nous n’oublions pas qu’il a ordonné l’arrestation de plusieurs dizaines de jeunes manifestants pacifiques. Je crois que les Algériens font la différence entre la fonction et l’individu. Je pense que celui qui va cristalliser le mécontentement prochainement, c’est le nouveau chef d’Etat-Major, le général Saïd Chengriha.

    Le changement de régime est une nécessité historique et les généraux pensent l’éviter par la ruse et par la force. Ils finiront par partir, parce que la société algérienne a changé depuis l’indépendance et les nouvelles générations ne veulent plus que les généraux désignent le président, les ministres et donnent des quotas aux partis dans les assemblées élues.

    Propos recueillis par la rédaction d’Oumma
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