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Mohamed Sifaoui ▬ L’armée algérienne n’aime pas la critique.

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  • Mohamed Sifaoui ▬ L’armée algérienne n’aime pas la critique.

    Longtemps mythifiée depuis l’indépendance du pays, ses chefs ont toujours estimé qu’ils devaient être des intouchables. Un peu comme des imams fanatiques qui estiment que les critiquer serait critiquer l’islam. D’ailleurs, ils ont ce point en commun : les uns et les autres manipulent des éléments extrêmement sensibles dans une Algérie où le régime n’a jamais voulu assurer la consécration de la citoyenneté, car il a toujours compris que citoyenneté rime forcément avec liberté.
    Pour avoir des êtres serviles à sa botte, le régime a donc manipulé l’islam pour fabriquer des bigots et il exacerbé le nationalisme et les institutions pour donner naissance à des êtres xénophobes, complexés, agressifs, susceptibles et repliés sur eux-mêmes. Et ainsi il a érigé la bêtise et la médiocrité en vertu.
    • Ensuite, il y eut les réseaux sociaux. En lieu et place d’universités dignes de ce nom, de médias libres et de lieux de sociabilité et de debate - hormis les stades de football et la rue - certains Algériens ont commencé à comprendre qu’avec un autre cadre de gouvernance, ils pourraient avoir accès aux richesses de leur pays et se réapproprier ainsi l’Algérie. La pensée, encore brouillonne, qui ne se traduit pour l’instant dans aucune offre politique et qui flirte parfois avec le populisme exprime néanmoins de façon approximative un attachement à la liberté et à la démocratie. On ignore pour l’instant quelle définition donne le mouvement de contestation à ces deux valeurs.
    • Le pouvoir quant à lui n’a pas encore compris. Il n’est pas capable de cerner les changements et d’appréhender les exigences d’une époque. Il n’a compris ni les conséquences de ses propres errements ni les aspirations d’une grande partie du peuple.
    Aujourd’hui, la situation algérienne doit inquiéter parce qu’il y a d’abord deux obstinations : celle d’un régime, une caste mafieuse, qui veut garder le pouvoir, coûte que coûte, de façon illégitime et celle d’un peuple qui exige la démocratie. Ces deux obstinations se télescopent pour l’instant pacifiquement, car la manne financière existante permet de payer encore des salaires et d’acheter à la marge la paix sociale. Mais qu’en sera-t-il demain ? Dans quelques mois ? D’autant que l’économie déjà moribonde est à l’arrêt.
    De plus, les marches aux allures de kermesse, non relayées par des propositions politiques ni structurées par une classe politique aphone et inaudible, composée généralement d’acteurs n’aspirant qu’à devenir ministre, ou en tout cas ne roulant que pour leurs intérêts étroits, ont créé une situation inédite que les historiens pourraient appeler, dans un siècle, « la drôle de révolution ». Même s’ils disent le contraire, la plupart des Algériens sont terrifiés. Encore atteints par un syndrome post-traumatique des années 1990, et le pouvoir le sait, ils ont peur de toute initiative qui les amènerait à consentir encore des sacrifices. Et le pouvoir en profite. Et tant que ce régime n’aura pas peur du peuple, il n’a aucune raison d’accepter un changement, encore moins de lâcher le pouvoir.
    • Le peuple a peur de l’armée et l’armée, qui ne craint pas le peuple, a peur cependant de la communauté internationale, des grandes capitales (Washington, Paris, Moscou,...) et des tribunaux internationaux. Ce qui a créé une situation de blocage qui va durer probablement plusieurs mois encore.
    Il y a ensuite trois ruptures (au moins) importantes : une rupture générationelle au sein de l’armée. Celle-ci est largement divisée. Les choix hasardeux de l’état-major ne font pas l’unanimité et ceux proposés ne sont pas meilleurs, car la discorde tient à l’accès aux hautes responsabilités non pas aux orientations idéologiques ni au projet de société. Une rupture au sein de la population, entre ceux, majoritaires, qui veulent un réel changement démocratiques et ceux qui ont peur de sauter dans l’inconnu. Enfin, une rupture définitive entre le cœur de la société notamment les classes populaires et moyennes et le pouvoir. Inutile de mentionner les fissures régionalistes exacerbées par le régime lui-même qui ne cesse de diviser la nation.
    • Les Algériens disent clairement ce qu’ils ne veulent pas. Le dernier problème, et pas des moindres, réside dans le fait qu’ils ne disent pas de façon intelligible ce qu’ils veulent vraiment. ✍ Mohamed Sifaoui / 26 Décembre 2019
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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