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Le général Chengriha, un stratège qui laisse espérer une « renormalisation » de l’armée

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  • Le général Chengriha, un stratège qui laisse espérer une « renormalisation » de l’armée

    Adam Arroudj



    ON DIT de lui qu’il n’a jamais souri, sauf le jour de son mariage. Qu’il nage avec du plomb attaché aux bras et aux jambes. Que lorsqu’il se sent ramollir, il monte des opérations antiterroristes pour « nettoyer les maquis ». Comme tous les militaires qui se sont retrouvés un jour sur le devant de la scène, Saïd Chengriha, 74 ans, n’échappe pas aux anecdotes (difficilement vérifiables) qui contribuent à forger la réputation du patron de l’armée, devenu depuis l’indépendance, l’un des hommes clés du système algérien. Les photos officielles et les longs plans resserrés lors des funérailles de celui auquel il succède « par intérim » - le chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah, décédé le 23 décembre d’une crise cardiaque - où il apparaît, circonstances obligent, le visage dur et fermé, ne contribueront toutefois pas à adoucir son image de meneur impitoyable, intransigeant sur la discipline.

    « Même s’il ne sourit que très peu, Chengriha est crédité de beaucoup de qualités humaines et ne manque pas une occasion, dit-on, pour étaler ses connaissances culturelles et sa maîtrise quasi parfaite des langues arabe et française. On le présente également comme étant un légaliste, réfractaire à l’immixtion de l’armée dans les affaires politiques », souligne le quotidien francophone El Watan. « C’est un militaire de haut rang comme la matrice du système algérien en fabrique, un homme jusque-là inconnu du grand public, relativise-t-on au sein de l’armée, où l’on tient à démystifier le personnage. Avant d’être Gaïd Salah, personne ne connaissait Gaïd Salah… C’est la fonction qui médiatise l’homme, surtout quand il se retrouve à la tête de l’armée dans un pays comme l’Algérie. »

    Selon une logique qui a prévalu lors des deux désignations précédentes - Mohamed Lamari en 1993 et Ahmed Gaïd Salah en 2004 - la direction de l’armée a été confiée à celui qui commande le corps le plus important : les forces terrestres. Le CV officiel de Saïd Chengriha, très technique, évoque un militaire originaire de Biskra (Sud-Est), marié, père de six enfants, au parcours de formation complet. Sur le terrain, il a eu à occuper des fonctions de commandant de bataillon de chars de combat-brigade blindée, de chef d’état-major de brigade blindée, commandant de brigade blindée, de chef d’état-major de division blindée, d’adjoint au commandant puis de commandant de région militaire. Il a été plusieurs fois décoré, notamment pour sa participation à la guerre du Kippour en 1973. « Il a participé à la campagne du Moyen-Orient en Égypte, a été promu au grade de général en 1998, puis au grade de général major en 2003 », rapporte l’APS, l’agence de presse officielle.

    De sa carrière, il y a surtout deux choses à retenir pour comprendre sa « légitimité », témoigne un de ses anciens compagnons. D’abord, son passage à la tête de la troisième région militaire, la zone de Béchar, une sorte de désert des Tartares à la frontière sud-ouest, seul vrai front de l’éternelle guerre avec le Maroc, où sont passés Liamine Zeroual (ex-chef d’État algérien), Khaled Nezzar (ex-chef d’état-major et ex-ministre de la Défense) et Ahmed Gaïd Salah.

    À en croire les médias marocains, sa désignation inquiète l’état-major voisin. Rabat n’a pas oublié qu’en mars 2016, lors d’une rencontre entre le commandement de l’armée algérienne et des troupes du Front Polisario (mouvement politique armé du Sahara occidental sur lequel le Maroc revendique sa souveraineté), Saïd Chengriha avait qualifié le Maroc d’« ennemi de l’Algérie ». « Jamais aucun haut gradé de l’armée algérienne n’était allé si loin dans les déclarations hostiles à l’encontre du Maroc », commente le site pro-Makhzen, le 360, qui prédit « avec ce général biberonné à la haine antimarocaine, autant que le nouveau président de l’Algérie, Abdelmadjid Tebboune », des temps « difficiles ».

    Ensuite, ce que la biographie officielle ne dit pas, c’est que le général major a fait partie du noyau dur de la lutte contre le terrorisme pendant les années 1990, dans des secteurs opérationnels particulièrement sensibles : Bouira (Kabylie) et Sidi Bel Abbes (Ouest). « Il incarne, malgré son âge, ce qu’on appelle la “nouvelle génération”, celle qui n’a pas fait la guerre de libération contre la France, mais une autre guerre, celle contre le terrorisme, explique une source militaire. Et cela crée autour de lui un esprit de corps très fort. » Un autre gradé poursuit : « Il a été un des meilleurs élèves parmi ceux formés en Russie. Il a été l’interlocuteur de plusieurs armées, par exemple dans le cadre du forum méditerranéen 5+5 ou dans le cadre de l’Otan. C’est quelqu’un qui sait ce qu’est la coopération. Au sein de l’armée, la succession ne se fait pas par hasard. Il faut vraiment un CV très cohérent pour être nommé chef d’état-major. »

    Pourtant, à une année près, l’histoire aurait pu passer à côté de Chengriha sans le voir. Car c’est le général Ahcène Tafer, qui remplaça Ahmed Gaïd Salah en 2004 à la tête des forces terrestres, qui était logiquement pressenti pour devenir le nouveau patron de l’armée. Mais à l’été 2018, il fut remercié dans le cadre d’une série de limogeages parmi les chefs de régions militaires et des généraux majors. Saïd Chengriha était apparu le 2 avril 2019, lors du conclave organisé par Ahmed Gaïd Salah aux côtés de son haut commandement mais aussi de la police et de la garde républicaine, pour annoncer le recours à la Constitution afin de destituer le président Bouteflika. En dépit de désaccords, il serait resté très proche d’Ahmed Gaïd Salah et aurait, selon El Watan, soutenu la candidature d’Abdelmadjid Tebboune à la présidence auprès du chef d’état-major.

    Alors que son prédécesseur prenait quasi chaque semaine la parole, Saïd Chengriha n’a toujours pas fait de discours. On l’a vu récemment à la gauche du président lors de la réunion du Haut Conseil de sécurité, instance consultative convoquée le 27 décembre au sujet de la situation critique au Mali et en Libye. Akram Kharief, animateur du site consacré aux questions de défense au Maghreb, Menadefense, précise : « Chengriha est connu pour ses qualités de stratège militaire, il a très longtemps travaillé à la sécurisation de la frontière ouest et a accompagné les changements stratégiques qu’a connus l’Armée nationale populaire à partir de 2010 et le redéploiement vers les frontières Est et Sud. »

    À quoi faut-il s’attendre avec le nouveau patron de l’armée ? « À rien, répond un peu abruptement un proche de la présidence. Il n’est pas là pour faire de la politique. Il est là pour incarner une continuité : poursuivre la modernisation entamée dans les années 2000, la politique de formation, la surveillance resserrée aux frontières, etc. Il est là pour que l’armée reste dans ses casernes. »

    Le moment y est sans doute propice : avec la disparition physique d’une figure tutélaire comme celle de Gaïd Salah, le destin a répondu de manière brutale au Hirak (mouvement de contestation populaire) qui réclame depuis des mois le départ du chef d’état-major et l’instauration d’un « véritable État civil ». « L’arrivée de ce général major sans aspérité politique, qui n’a aucun lien ni avec le quatrième mandat ni avec la chute de Bouteflika, est très intéressante d’un point de vue symbolique », analyse un ex-haut cadre de l’État qui voit en Chengriha un « fonctionnaire de l’armée, un technicien au profil très neutre ». « Cela indique qu’on est peut-être rentrés dans une phase ou l’armée se “renormalise” après une phase de crise où, face à l’effondrement des institutions, elle est intervenue, comme elle l’a toujours fait dans les moments de crise. »
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Et beh,

    On a le général patton à la maison sans le savoir.

    Le "mite" garcia est mort vive le "mite" chengriha.
    “Les mensonges sont nécessaires quand la vérité est très difficile à croire”
    Pablo Escobar après avoir brûlé le tribunal qui devait le juger.

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