– Le président Tebboune a réitéré, lors de son premier Conseil des ministres, son intention d’amender profondément la Constitution pour en faire «la pierre angulaire de l’édification de la nouvelle République». Selon vous, quels changements compte-t-il apporter ?
Pour le moment, on ne doit pas parler de manière précipitée, parce que rien n’est encore visible. Ceci dit, je dirais que toute Constitution doit être modifiée plutôt avec une main tremblante. C’est-à-dire, que toute modification de la Constitution doit être bien réfléchie, car toute révision peut aboutir à une grave crise politique et sociale.
Il ne faut pas croire que la révision de la Loi fondamentale est juste un mécanisme technique. Il y a des soubassements politiques et des effets politiques et sociaux qui doivent intervenir.
Je mets en garde contre les apprentis sorciers, qui ont tendance à vouloir importer des mécanismes constitutionnels de pays occidentaux et développés, qui sont très à la mode, dont la séparation des pouvoirs. Aujourd’hui, le terme de séparation des pouvoirs est galvaudé et complètement dépassé. Tous les constitutionnalistes n’utilisent plus ce terme.
On utilise beaucoup plus le terme d’équilibre des pouvoirs. Le fait de séparer le pouvoir peut être dangereux. Il y a des cas où cela a abouti à des coups d’Etat dans certains pays, dont la France.
J’insiste sur le fait que toute révision de la Constitution doit tenir compte du milieu social et des pratiques politiques. Il faut connaître les soubassements et les tréfonds de la société algérienne pour pouvoir mettre en place un mécanisme constitutionnel. Il ne s’agit pas d’importer mais d’adapter ou de réadapter des mécanismes en fonction de notre société, qui est complètement différente des sociétés occidentales.
– La prochaine modification de la Loi fondamentale ira-telle, d’après vous, dans le sens d’une démocratisation du pays, alors que l’actuelle loi a été taillée sur mesure pour asseoir et renfoncer le pouvoir de l’ex-président Bouteflika ?
La démocratie est une pratique. Il s’agit de revoir les pratiques politiques des hommes qui sont chargés de mettre en œuvre les mécanismes. Le texte peut être bon, mais il pourrait être interprété de manière à ce qu’il soit totalement nié ou en contradiction avec le principe. Il faut que les pratiques politiques des hommes chargés de l’interpréter soient en adéquation et qu’elles ne viennent pas contredire le principe.
Le texte, c’est 50% et la pratique (modus operandi), c’est 50%. Donc, il y a aussi la manière dont les hommes seront chargés de donner du contenu à la démocratisation. C’est au sein de la famille que se forment les valeurs et les représentations politiques.
Or, le phallocratisme, très prégnant dans notre pays, est le meilleur terreau pour former des dictateurs. Pour qu’il y ait une Constitution démocratique, il faut un équilibre dans la société, entres les femmes et les hommes. C’est cet équilibre qui va préparer l’esprit démocratique et c’est la libération de la société et l’émancipation de la femme qui préparent une vraie construction démocratique et d’un Etat de droit.
– Ne pensez-vous pas que la promesse du Président soit en deçà des revendications du hirak, qui lui réclame une nouvelle Constitution, et des instances de transition ?
Une période de transition peut déboucher sur une Constitution plus autoritaire que celle que nous avons. Ce n’est pas la transition qui peut donner une bonne Constitution. Une Constituante, qui peut être composée de conservateurs, peut donner une Constitution beaucoup plus autoritaire et beaucoup plus conservatrice que celle que nous avons.
Ce n’est pas la transition ou bien la Constituante qui donneront une Constitution démocratique. C’est une erreur fondamentale. Même à travers une révision de la Constitution, et si on charge des conservateurs pour la mettre en œuvre, on aura des régressions. Il s’agit de choisir des hommes qui sont convaincus de la démocratie et de l’Etat de droit.
– M. Tebboune, qui s’était engagé à satisfaire les aspirations du hirak, a-t-il le droit à l’erreur, alors que la crise politique perdure ?
L’erreur est humaine. L’essentiel est qu’elle soit de bonne foi. En droit, on privilégie la question de la bonne foi. Il ne faut pas condamner quelqu’un sans lui avoir donné sa chance. Il faudrait que le hirak formalise à quel type de démocratie il aspire, sachant que l’actuelle démocratie représentative est remise en cause dans le monde occidental.
Par exemple, le peuple français considère que la souveraineté de son pays ne se trouve pas à Paris mais à Bruxelles, au sujet de la réforme des retraites. Les Français sortent dans la rue mais ne peuvent pas infléchir la décision de Bruxelles. Ceci s’appelle la dénationalisation de la souveraineté. Le hirak ne doit pas rester dans des idées très générales.
Il doit pouvoir formaliser des demandes politiques précises et adaptées au milieu, et non des décisions politiques inadaptées, parce que le peuple ne pourra pas les appliquer, car contraires à sa culture, à sa religion et à ses convictions les plus intimes. Ce n’est pas aussi simple qu’on le croit. La démocratie n’est pas un produit clé en main qu’on ramène et qu’on plaque dans une réalité qui est tout autre.
el watan
Pour le moment, on ne doit pas parler de manière précipitée, parce que rien n’est encore visible. Ceci dit, je dirais que toute Constitution doit être modifiée plutôt avec une main tremblante. C’est-à-dire, que toute modification de la Constitution doit être bien réfléchie, car toute révision peut aboutir à une grave crise politique et sociale.
Il ne faut pas croire que la révision de la Loi fondamentale est juste un mécanisme technique. Il y a des soubassements politiques et des effets politiques et sociaux qui doivent intervenir.
Je mets en garde contre les apprentis sorciers, qui ont tendance à vouloir importer des mécanismes constitutionnels de pays occidentaux et développés, qui sont très à la mode, dont la séparation des pouvoirs. Aujourd’hui, le terme de séparation des pouvoirs est galvaudé et complètement dépassé. Tous les constitutionnalistes n’utilisent plus ce terme.
On utilise beaucoup plus le terme d’équilibre des pouvoirs. Le fait de séparer le pouvoir peut être dangereux. Il y a des cas où cela a abouti à des coups d’Etat dans certains pays, dont la France.
J’insiste sur le fait que toute révision de la Constitution doit tenir compte du milieu social et des pratiques politiques. Il faut connaître les soubassements et les tréfonds de la société algérienne pour pouvoir mettre en place un mécanisme constitutionnel. Il ne s’agit pas d’importer mais d’adapter ou de réadapter des mécanismes en fonction de notre société, qui est complètement différente des sociétés occidentales.
– La prochaine modification de la Loi fondamentale ira-telle, d’après vous, dans le sens d’une démocratisation du pays, alors que l’actuelle loi a été taillée sur mesure pour asseoir et renfoncer le pouvoir de l’ex-président Bouteflika ?
La démocratie est une pratique. Il s’agit de revoir les pratiques politiques des hommes qui sont chargés de mettre en œuvre les mécanismes. Le texte peut être bon, mais il pourrait être interprété de manière à ce qu’il soit totalement nié ou en contradiction avec le principe. Il faut que les pratiques politiques des hommes chargés de l’interpréter soient en adéquation et qu’elles ne viennent pas contredire le principe.
Le texte, c’est 50% et la pratique (modus operandi), c’est 50%. Donc, il y a aussi la manière dont les hommes seront chargés de donner du contenu à la démocratisation. C’est au sein de la famille que se forment les valeurs et les représentations politiques.
Or, le phallocratisme, très prégnant dans notre pays, est le meilleur terreau pour former des dictateurs. Pour qu’il y ait une Constitution démocratique, il faut un équilibre dans la société, entres les femmes et les hommes. C’est cet équilibre qui va préparer l’esprit démocratique et c’est la libération de la société et l’émancipation de la femme qui préparent une vraie construction démocratique et d’un Etat de droit.
– Ne pensez-vous pas que la promesse du Président soit en deçà des revendications du hirak, qui lui réclame une nouvelle Constitution, et des instances de transition ?
Une période de transition peut déboucher sur une Constitution plus autoritaire que celle que nous avons. Ce n’est pas la transition qui peut donner une bonne Constitution. Une Constituante, qui peut être composée de conservateurs, peut donner une Constitution beaucoup plus autoritaire et beaucoup plus conservatrice que celle que nous avons.
Ce n’est pas la transition ou bien la Constituante qui donneront une Constitution démocratique. C’est une erreur fondamentale. Même à travers une révision de la Constitution, et si on charge des conservateurs pour la mettre en œuvre, on aura des régressions. Il s’agit de choisir des hommes qui sont convaincus de la démocratie et de l’Etat de droit.
– M. Tebboune, qui s’était engagé à satisfaire les aspirations du hirak, a-t-il le droit à l’erreur, alors que la crise politique perdure ?
L’erreur est humaine. L’essentiel est qu’elle soit de bonne foi. En droit, on privilégie la question de la bonne foi. Il ne faut pas condamner quelqu’un sans lui avoir donné sa chance. Il faudrait que le hirak formalise à quel type de démocratie il aspire, sachant que l’actuelle démocratie représentative est remise en cause dans le monde occidental.
Par exemple, le peuple français considère que la souveraineté de son pays ne se trouve pas à Paris mais à Bruxelles, au sujet de la réforme des retraites. Les Français sortent dans la rue mais ne peuvent pas infléchir la décision de Bruxelles. Ceci s’appelle la dénationalisation de la souveraineté. Le hirak ne doit pas rester dans des idées très générales.
Il doit pouvoir formaliser des demandes politiques précises et adaptées au milieu, et non des décisions politiques inadaptées, parce que le peuple ne pourra pas les appliquer, car contraires à sa culture, à sa religion et à ses convictions les plus intimes. Ce n’est pas aussi simple qu’on le croit. La démocratie n’est pas un produit clé en main qu’on ramène et qu’on plaque dans une réalité qui est tout autre.
el watan
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