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Samira Messouci : « Si on doit négocier quelque chose, c’est le départ du système et rien d’autre »

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  • Samira Messouci : « Si on doit négocier quelque chose, c’est le départ du système et rien d’autre »

    le 7 janvier 2020Par Fatma Zohra Foudil© INTERLIGNES

    | Samira Messouci, et ses deux soeurs, le jour de sa sortie de prison, le 30 décembre 2019.© INTERLIGNES | Samira Messouci, et ses deux soeurs, le jour de sa sortie de prison, le 30 décembre 2019.

    Dans cet entretien, Samira Messouci, détenue politique qui a quitté la prison d’El Harrach le 30 décembre 2019, revient sur son incarcération. Elle dit être plus déterminée qu’avant, et « s’il y’a une chose à négocier avec ce système, c’est bien son départ ».



    Vous êtes assise devant l’emblème national et on vous accuse d’atteinte à l’unité nationale, qu’est ce que ça vous fait ?

    Ça me fait rire. C’est à cela qu’on voit que la bêtise du pouvoir n’a pas de limites. Ils ont paniqué au point de ne pas savoir ce qu’ils doivent faire. Ils n’ont trouvé que ça comme argument. On a été les premiers à être arrêtés pour port de l’emblème Amazigh, mais après il y a eu d’autres arrestations avec d’autres accusations, qui n’ont aucune base juridique.

    Quant à l’unité nationale, je dis que le seul danger pour l’unité nationale c’est ce système. C’est le système actuel, c’est cette justice qui bafoue toutes les lois de la République, en se soumettant devant un système que tout le peuple rejette.



    Ils vous ont mis en prison dans le but de vous neutraliser. Quel est votre commentaire, comment vous interprétez cette arrestation, quelle est votre motivation après être sortie de prison ?

    Nous avons été arrêtés pour que notre révolution soit affaiblie, pour nous faire peur, pour faire peur aux gens parce que on a été arrêtés à 40 la première fois. Donc 40 devant 40 millions. C’est un chiffre minime, mais ça a été fait justement pour faire peur aux manifestants. Arrêter ces marrées humaines qui sortaient chaque semaine, certaines fois deux fois par semaine, dans toutes les wilayas du pays, est une preuve qu’à chaque fois le pouvoir essaye de trouver un moyen machiavélique pour casser la révolution ça se retourne contre lui.

    Comme ça a été le cas quand ils ont insulté les personnalités politiques ou tenté de les faire renoncer de participer à ces marches, en envoyant leurs relais. Le peuple s’est opposé à cette démarche en protégeant les personnalités visées. Ça s’est encore une fois retourné contre lui (le pouvoir Ndlr). Nous étions déterminés depuis le 22 février d’en finir avec ce pouvoir. Mais maintenant qu’on a subi directement l’arbitraire de ce pouvoir, on est déterminés davantage. C’est un système qu’on a achevé politiquement le 22 février quand on est sortis dans la rue. C’est également un système qui est fini biologiquement et sur tous les plans. Il est condamné devant l’Histoire.



    Quand vous étiez en prison, est-ce que vous aviez peur que le mouvement s’essouffle ?

    Au départ oui. Ce n’est pas un manque de confiance en le peuple, mais il y avait cette appréhension qui est tout de suite partie après le premier vendredi. Ça n’a pas duré, mais j’avais peur qu’ils réussissent leur coup (affaiblissement du mouvement par le pouvoir, Ndlr), mais au fond je m’interdisais d’y croire.



    Comment receviez-vous les informations à l’intérieur de la prison et comment viviez-vous, au jour le jour, l’évolution du mouvement populaire ?

    Alors… L’évolution du mouvement populaire… Je tiens à remercier les avocats, le collectif qui a fait un travail exceptionnel avec nous. Ils ont été des psychologues, la famille et des facteurs. Ils ont été pour beaucoup dans notre combat. C’étaient les seuls qu’ont pouvait voir, mis à part notre famille. Ils nous tenaient au courant de tout ce qui se passait. Donc, malgré qu’on était en prison, on savait tout ce qui se passait dehors.

    On nous parlait de la solidarité qui s’est constituée autour de nous (détenus). Il y avait aussi les journaux. Le premier mois je n’avais pas le droit d’avoir un abonnement car j’étais arrivée en retard et on m’a dit que c’était des journaux politiques. Mais à partir du deuxième mois, j’ai pu avoir un abonnement aux quotidiens Liberté et El Watan. Donc j’étais au courant de ce qui se passait et je tiens à remercier la presse qui a fait le choix d’assumer ouvertement notre combat pour la dignité et la liberté.



    Il y a de cela dix jours, j’avais rencontré votre maman. Nous étions assis dans ce salon en compagnie de vos deux sœurs, Fadila et Amina. Elle m’avait raconté une anecdote selon laquelle vous lui aviez dit que vous alliez être arrêtée et condamnée à six mois de prison et quand vous alliez sortir, Gaid salah serait mort. Est-ce vrai ?

    Oui ! Pour les six mois de prison, c’était un pur calcul mathématique, du moment qu’il y avait des élections prévues pour le 12 décembre et considérant qu’on était des otages. Quand quelqu’un prends un otage, c’est pour un objectif. On a été pris en otages pour que le pouvoir passe son élection, donc une monnaie d’échange. Ils ont cru pouvoir faire de nous une monnaie d’échange, et c’était clair qu’on n’allait pas sortir avant le 12 décembre et comme les six mois allaient jusqu’à après le 12 décembre, j’ai dit six mois.

    Et au sujet de la mort de Gaid Salah, j’avais dit cette phrase dans le sens que, l’article 79 invoqué pour nous accuser, me condamnerait d’un à dix ans de prison fermes. J’ai dit aux avocats même si le verdict était de dix ans de prison, on sortirais jeunes de la prison. Moi, je serais sortie à 35 ans, mais une chose est certaine, c’est que Gaid ne serait pas vivant d’ici dix ans. Finalement, il n’a pas tenu six mois. Bon, il est mort, notre combat doit continuer. Gaid Salah n’était qu’une figure de tout un système qui doit partir



    Quel avenir pour Samira Messouci avec le mouvement populaire ?

    Samira reste comme elle l’était avec le mouvement populaire, avec un petit peu plus de détermination. Je vais continuer le combat parce que j’estime qu’on n’a pas le droit de faire marche arrière, on n’a pas le droit de s’arrêter même si on nous jette encore en prison. Avant, ils pouvaient nous faire peur avec l’emprisonnement. Maintenant, pour nous arrêter, ils doivent nous tuer. La prison ne nous fait plus peur, on s’est habitués.



    Que pensez de la proposition de dialogue du pouvoir ?

    Il ne peut pas y avoir de dialogue avec un pouvoir rejeté par tout le monde, qui n’a aucune légitimité. Ce n’est pas sûr que le pouvoir veut aller vers le dialogue. Il ne faut pas se focaliser sur la feuille de route qu’ils veulent nous imposer, mais il faut qu’on ait notre propre feuille de route, nos propositions. Il faudra aller vers une période de transition, en dehors du système, en dehors du pouvoir. Si on doit négocier quelque chose avec eux, c’est leur départ et rien d’autre.



    Un dernier mot ?

    Merci à vous, merci au peuple, merci à toutes les personnes qui nous ont soutenu. On a reçu beaucoup de lettres en prison. A un moment, on a arrêté de les recevoir. On m’a dit qu’il y a eu beaucoup de lettres qui ne sont jamais arrivées. Les quelques lettres que j’ai reçu, j’ai essayé d’y répondre tant bien que mal. Mais aujourd’hui, j’ai su que mes réponses n’arrivaient pas à destination. Après, ça nous faisait chaud au cœur de savoir qu’on est soutenus par des personnes qu’on ne connaissait pas. C’étaient des anonymes pour nous, des inconnus, qui ont épousé notre combat et ça nous a beaucoup, beaucoup aidé.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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