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Une buvette plantée au milieu du désert algérien : bienvenue chez Malika, reine des sables

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  • Une buvette plantée au milieu du désert algérien : bienvenue chez Malika, reine des sables

    François Ekchajzer Publié le 09/01/2020.
    143 RUE DU DESERT de Hassen Ferhani.



    Télérama


    Multiprimé, “143 rue du désert”, documentaire de l’Algérien Hassen Ferhani, met en contraste l’immensité du désert et un restaurant-buvette planté au beau milieu, soit le royaume de Malika, sphinx en djellaba et foulard, qui sait tendre l’oreille à chacun. Entre un thé et une omelette, le verbe est concis mais lumineux. Un documentaire d’une grande beauté.

    Les géographes la nomment « transsaharienne » car elle traverse le désert algérien jusqu’à la frontière du Niger. Pour les panafricanistes, c’est un tronçon de la « route de l’unité africaine », envisagée dans les années 1960 pour relier, sur 9 000 kilomètres, le Maghreb à l’Afrique subsaharienne. Pour ses usagers ordinaires, c’est plus prosaïquement la Nationale 1, dont la chaussée constamment en travaux charrie routiers et routards sur plus de 2 300 kilomètres, de la côte méditerranéenne aux confins du désert.

    Après avoir tourné au cœur des abattoirs du quartier du Ruisseau, à Alger, Dans ma tête un rond-point (2015), documentaire fameux dont la carrière internationale révéla le talent d’Hassen Ferhani, celui-ci a voulu échapper à la forme du huis clos en filmant au grand air. « Hormis le magnifique Inland, de Tariq Teguia, les road-movies sont rares en Algérie, qui est pourtant le pays le plus vaste d’Afrique, relève-t-il. Mon désir d’une histoire qui se passerait sur la route m’a naturellement mené sur la Nationale 1. Je m’y suis baladé à trois reprises, prenant des notes et des photos, à la recherche d’une idée. J’y suis allé une fois avec l’écrivain Chawki Amari, qui relate dans un livre ce qu’il y a vu. » Il y évoque notamment Malika et le petit café de bord de route qu’elle tient à 900 kilomètres d’Alger – au milieu de nulle part, sinon de l’Algérie elle-même. « La lecture des deux pages qu’il lui consacre dans Nationale 1 m’a donné envie de la rencontrer (1). Et ç’a été comme un coup de foudre. Ayant passé sa porte et échangé quelques mots avec elle, j’ai su que mon film à venir était là. Qu’elle serait la protagoniste principale d’une sorte de road-movie inversé. »

    Un café au Sahara
    Projeté cet hiver au Festival international du film de Marrakech après avoir reçu de nombreux prix, de Locarno à Séoul, et de Nantes à Turin, 143 rue du désert est un miracle de documentaire. Un road-movie immobile, dans lequel la route et ses usagers investissent le petit espace habité par cette femme généreuse. La Nationale, mais aussi l’Algérie d’aujourd’hui, comme elle transparaissait déjà dans le huis clos des abattoirs. Car Hassen Ferhani a le chic pour capturer la vérité des êtres, qu’ils côtoient la mort au quotidien ou investissent comme une scène ce café de 20 mètres carrés. Un groupe de musiciens rentrant d’un festival, un imam en vadrouille, une routarde à moto, l’écrivain Chawki Amari… mais surtout des routiers, familiers de ce lieu et de celle qui l’habite depuis vingt-sept ans, toujours là pour les approvisionner en cigarettes, leur servir un thé, du thon ou une omelette – sa carte ne propose rien d’autre.

    143 RUE DU DESERT de Hassen Ferhani Malika.


    « On ne vient pas chez Malika pour ce qu’on y mange, reconnaît le jeune cinéaste, même si c’est l’un des derniers endroits d’Algérie où l’on peut encore déjeuner pour 50 dinars. C’est pour elle qu’on s’arrête chez Malika. Car elle a beau souffrir de difficultés sur lesquelles elle n’aime pas s’étendre, elle sait écouter comme personne ; et de nombreux clients n’hésitent pas à lui confier des pans de leur histoire, avant de reprendre la route. » Exactement comme les protagonistes d’un documentaire, est-on tenté d’ajouter, pour peu que son auteur soit attentif à ceux qu’il filme et manifeste à leur égard une curiosité exempte de jugement. À l’évidence, Hassen Ferhani est de ceux-là. Malika ne s’y est pas trompée, qui a consenti sans hésiter à ce qu’il revienne la filmer après leur première entrevue.

    « Notre rencontre avait eu lieu fin 2017. En février 2018, je louais une voiture à Alger et retournais la voir avec un ingénieur du son. Nous avons trouvé une chambre dans le premier motel de la ville la plus proche de chez elle ; et pendant plus d’un mois et demi, nous avons fait chaque matin les 70 kilomètres qui nous séparaient d’elle comme on va au boulot. C’était toujours le même rituel : nous prenions un café, puis nous sortions le matériel sans savoir ce que nous offrirait la journée, quels voyageurs s’arrêteraient. Je déterminais mon cadre et j’attendais le surgissement. »

    143 RUE DU DESERT de Hassen Ferhani Malika.


    À la surprise des deux hommes, ceux qui passaient la porte étaient rarement interloqués par la présence de leur caméra. « Les routiers sont des putains de philosophes, explique Hassan Ferhani. L’un d’eux m’a dit de son métier qu’il était le seul où l’on reste assis et où l’on voit en même temps devant et derrière soi. Certains familiers de Malika s’étonnaient : “Vous avez mis du temps à venir la filmer”, comprenant qu’on s’intéresse à elle. La télé algérienne lui avait consacré deux reportages ; elle y donnait l’image attendue d’une femme affligée par sa condition – tout le contraire de celle que je voulais donner d’elle : celle d’une femme forte, qui écrit son histoire dans un lieu où ne vivaient que des scorpions avant qu’elle s’y arrête. »

    Un portrait qui préserve les secrets
    À travers les portraits de clients de passage, s’esquisse scène après scène celui de Malika, cafetière, vigie, psy ou maman, dont 143 rue du désert préserve jusqu’au bout les secrets tout en nous la rendant proche. Hassen Ferhani s’attache, avec délicatesse, à transposer à l’écran son univers spatial. Avec un sens du cadre particulièrement sûr, le jeune cinéaste diversifie les vues de ce cube que le film ne quitte pas, cent minutes durant. « C’est fou ce qu’on peut raconter dans 20 mètres carrés », confie ce grand admirateur de Tentative d’épuisement d’un lieu parisien, de l’écrivain Georges Perec. C’est en styliste qu’il inscrit dans son royaume minuscule cette reine comme au milieu du monde.

    Hassen Ferhani sur le tournage de 143 rue du désert.


    « Malika a quitté son café pour venir voir le film à Alger. Elle a pris le micro et a lancé 143 rue du désert dans une salle bondée : “C’est moi Malika, la femme du désert, et ce soir je suis votre invitée.” Pendant la projection, elle téléphonait à ses amis routiers pour leur dire que son film était en train de passer à Alger. Elle a eu droit à une standing ovation. Et lorsque quelqu’un lui a demandé si elle appréciait le film, elle s’en est étonnée : “Comment voudriez-vous que je ne l’aime pas ? C’est mon film !” Deux jours après, le bruit, l’agitation d’Alger lui pesaient trop et elle est retournée dans le désert pour y retrouver son café. »

    Alors que sortent en salles quantité de documentaires de qualités très inégales, 143 rue du désert est en attente d’un distributeur. Gageons qu’il s’en trouve un pour permettre au public de découvrir ce film merveilleux, qui parle au cœur autant qu’aux oreilles et aux yeux.


    (1) « Au croisement de la route de Timimoun à l’ouest, qui contourne le plateau du Tadmaït vers le nord et la route de Ain Salah, plein sud, la porte sableuse du Hoggar. Un café. Ou plutôt une toute petite baraque informe avec deux tables dehors qui délimitent une terrasse de 4 mètres carrés. Une terrasse de 4 mètres carrés dans un désert absolument plat de 400 000 kilomètres carrés.
    — Je suis la gardienne du néant.
    C’est ainsi qu’elle se définit. Malika dans sa djellaba qui ne cache aucunement son énorme tour de taille, la tête dans un foulard qui a du mal à masquer sa chevelure ébouriffée. »

    Nationale 1, Casbah éditions, 2008. Malika est également derrière le personnage de Yassina dans Le Faiseur de trous, roman de Chawki Amari paru aux éditions Barzakh en 2007.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Je ne sais pas pourquoi mais ça me rappelle le film "Baghdad Café ".
    L’ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit.”Aristote

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    • #3
      Molker,
      J'ai eu la même réflexion que toi. J'ai tout de suite pensé au film Bagdad café.

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      • #4
        Molker,
        J'ai eu la même réflexion que toi. J'ai tout de suite pensé au film Bagdad café.
        Voilà adame je ne suis pas la seule
        L’ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit.”Aristote

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