Où en est le hirak? Est-il en train de reculer? Pourquoi?
Pourquoi récuse-t-il toute action, toute idée innovante, comme s’il était partisan de cette formule salafiste: كل محدثة بدعة، وكل بدعة ضلالة، وكل ضلالة في النار
Abed Charef
Le hirak est beau, pacifique, unique. S’émerveiller devant ce formidable mouvement populaire qui a libéré les Algériens, leur armée, leurs élites, qui leur a redonné confiance et réhabilité la politique, est légitime. Envisager que ce formidable élan populaire débarrasse le pays de son système et de ses mafias, après avoir balayé quatrième et cinquième mandats, est salutaire. Rien n’empêche, dès lors, qu’il ouvre la porte à l’établissement d’un système nouveau qui respecterait les règles de la démocratie, les libertés, l’indépendance de la justice, la liberté de la presse, les Droits de l’Homme et la séparation des pouvoirs. C’est là est un objectif partagé par les Algériens dans leur écrasante majorité. Marcher tous les vendredis pour le concrétiser et contribuer au changement attendu relève d’un militantisme admirable.
Cet élan populaire a provoqué une vague de changement, des moments d’enthousiasme, de communion, de fraternisation, d’autres plus difficiles, des moments de reflux, de doute, de tension.
Ok.
Et après ? ومن بعد؟- On fait quoi?
Faut-il rester dans cette béatitude, maintenir un optimisme démesuré, se contenter de marcher et de dire yetnehaw_ga3, en attendant que le régime tombe, et que l’armée supplie les leaders du hirak à prendre le pouvoir pour sauver le pays ?
Cela fait des mois que des animateurs autoproclamés du hirak ont imposé le silence dans les rangs. Toute innovation est rejetée, et considérée comme synonyme de trahison. Ils semblent obéir à cette formule salafiste :
كل محدثة بدعة وكل بدعة ضلالة وكل ضلالة في النار
Ouvrir un débat sur les élections ? C’est faire le jeu du système. Parler des articles 7 et 8 de la constitution ? Rejeté globalement et dans le détail, car seule la transition et la constituante ont droit de cité. Essayer de comprendre pourquoi l’armée, initialement favorable au cinquième mandat, a adopté un changement radical ? C’est juste un moyen pour Gaïd Salah de se protéger et de rester au pouvoir. La vague anti-corruption ? C’est un règlement de comptes entre anciens corrompus.
Bref, les réponses étaient fournies clés en mains. Elles ne toléraient pas de débat, encore moins de remise en cause. Il fallait répéter bêtement que le hirak était la huitième merveille du monde, et que le reste, c’était un monde de corrompus, de monstres et de voleurs. La révolution n’admettait aucune marge d’erreur, car « elle pose, lucidement et raisonnablement, les vrais problèmes du pays ». Elle « préconise, de façon claire et déterminée, les vraies solutions : la transition pacifique et ordonnée du régime actuel vers un régime démocratique engagé dans l’édification de l’Etat de droit ».
Et si on a le malheur de dévier de cette pensée officielle ? De penser, par exemple, que la transition n’est pas une si bonne idée ? D’estimer que l’expérience tunisienne n’est pas forcément adaptée à l’Algérie ? Là, on devient un hérétique, quelqu’un qui a forcément « vendu le match » pour se mettre au service de Gaïd Salah.
L’écrivain Kamel Daoud, violemment pris à partie après une chronique sur les incertitudes qui planent sur le hirak, a vivement réagi à cette chasse aux sorcières : « Comment certains peuvent prétendre lutter pour la liberté et refusent déjà la liberté d’opinion? Comment peut-on vouloir changer le régime et déjà lui ressembler? Comment prétendre vouloir une algerie nouvelle mais en refusant les différences, les qualifiant de traîtrises ? »
A ceux qui lui reprochent d’estimer que le hirak a échoué, il répond sèchement.
« Depuis toujours le Régime a été censeur, inquisiteur, violent contre l’opinion contraire. Comment aujourd’hui certains, sur les réseaux sociaux, peuvent prétendre lutter contre lui en reproduisant ses habitudes au nom du soulèvement? »
Insupportable pression
Mais Kamel Daoud est un écrivain connu, il a les moyens de se défendre, et, à la limite, la polémique ne fait qu’entretenir le buz autour de ses écrits. Mais combien d’autres militants, plus modestes, sont contraints au silence, pour se soumettre aux canons de la pensée hirakienne qui n’offre aucune marge ? Comment peuvent-ils tenir face à des faiseurs d’opinion renommés qui restent toujours populaires malgré leurs déboires ? La pensée hirakienne a ainsi validé des leaders d’opinion qui ont annoncé la victoire imminente du hirak, le départ du général Gaïd Salah, la non-tenue de la présidentielle, la victoire de Azzeddine Mihoubi, un désaccord au sein du commandement de l’armée. Elle a même validé des analystes qui ont relayé des appels à destituer le chef d’état-major de l’armée, après en avoir fait un monstre corrompu et vendu aux Emirats Arabes Unis.
Tout était permis, à condition de se retrouver dans la logique de la propagande du hirak. Mais toute idée critique, tout recul, était interdit.
L’auteur de ces lignes s’est retrouvé un jour dans une marche entre un ancien député FLN et un ancien député RND, alors que devant lui, marchait un groupe d’anciens du FIS comprenant un élément de l’AIS, que beaucoup considèrent, à tort ou à raison, comme un transfuge du DRS. Cela pose évidemment des questions sur ces foules qui manifestent. Qui sont ces gens ? A quels courants politiques ils appartiennent ? A quels réseaux ils obéissent ? S’agit-il d’une classe moyenne étouffée par la bureaucratie, de travailleurs aspirant à une meilleure répartition des richesses, ou est-ce un mouvement transversal dépassant les clivages pour revendiquer un objectif commun ? Il n’y a pas réponse. Principale raison : ces questions sont interdites. Il ne s’agit pas d’une attitude mesurée, selon laquelle il y a des priorités, avec nécessité d’établir une hiérarchie des revendications dans un souci d’efficacité. Non. Il y a interdiction totale d’évoquer ces questions.
Une vision binaire
Avoir un point de vue nuancé n’est pas acceptable. Dire ceci, par exemple, n’est pas suffisant : « Pour l’heure, le hirak est affaibli. Mais c’est, d’une certaine manière, la rançon du succès. Ce qui a été obtenu est d’abord le résultat de la contestation populaire, même si l’armée a surfé sur la vague du hirak pour faire le ménage ». Il faut aller plus loin, car même cette autre d’affirmation n’est pas suffisante : « La plupart des revendications du mouvement ont été concrétisées : départ du président Bouteflika, départ des trois B, élimination des grands réseaux de corruption et de prébende de l’ère Bouteflika, réaffirmation de la souveraineté du peuple à travers l’article 7 de la Constitution, le tout sur une vague pacifiste et de fraternisation entre les contestataires et l’armée ».
Rencontrer le président de la République ? Tout de même pas !
Cet interdit prend une nouvelle dimension quand un ancien Chef de Gouvernement est interpellé parce qu’il a accepté une invitation à rencontrer le président Abdelmadjid Tebboune, une invitation pourtant sans aucun engagement, ni déclaration favorable ou défavorable. Le blogueur Nejid Belhimeur décèle « un problème de cohérence » chez Mouloud Hamrouche, un homme connu pour sa probité totale et son refus de toute compromission avec le pouvoir. Selon le blogueur, « en acceptant l’invitation de Tebboune, on peut dire, sans exagération, qu’il (Hamrouche) trahit l’analyse cohérente qu’il a constamment faite de la situation politique durant les dernières années. Il y a une impossibilité à concilier entre le fait de dire qu’un président élu ne peut rien faire et aller discuter avec un président sur ce qu’il faut faire ».
Le blogueur accorde à Mouloud Hamrouche cette circonstance atténuante : peut-être s’agissait-il d’une « invitation que son destinataire a estimé ne pouvoir refuser, peut-être pour des considérations liées à sa conception de l’Etat et de la position à avoir à l’égard de ses institutions ». Puis il se ravise. « Même cette explication trop simpliste et naïve » relève de la complicité, car accepter de rencontrer un chef d’Etat mal élu relève de la complicité car elle « renforce un pouvoir menant le pays vers le pire ».
Je n’ai pas souvenir que le FIS a interdit de rencontrer le président de l’époque, M. Chadli Bendjedid. Et les talibans eux-mêmes ont accepté de rencontrer des négociateurs américains.
Ce qui ne semble pas gêner un militant démocrate, Ahmed Meliani, qui reproche à Lakhdar Bouragaa de ne pas renvoyer de chez lui les gens qui ne sont pas politiquement compatibles avec M. Meliani, comme Abdelkader Bengrina, des gens venus lui rendre visite à sa sortie de prison. Il écrit sur sa page facebook que Lakhdar Bouragaa « vient de choisir un camp qui tourne le dos à tout le mouvement de libération national moderne. Il choisit l’imposture de la badissia à l’élan indépendantiste de l’Algérie, il choisit le totalitarisme contre #Djazair_Horra_Démoqratia ».
Rien que ça !
Retour au hirak
Ceci m’amène à dire que contrairement à ce qu’écrit Amine Khan, il y’a bien un «bon hirak» et un «mauvais hirak», mais ce ne sont pas ceux que désigne le pouvoir. Le bon hirak, c’est celui ouvert, coloré, pluriel, divers, celui des premiers mois, qui englobait toutes les régions et toutes les catégories sociales révoltées contre l’humiliation, la hogra, l’impunité, l’incompétence, l’injustice et la corruption. Ce hirak était rempli de liberté, d’espoir de changement, de joie de vivre et d’être ensemble que même faire khawa khawa entre manifestants et policiers n’était pas ridicule.
Et puis vint le changement de l’été. Le peuple s’est retiré. Les appareils politiques ont repris la main. Ils ont imposé leur agenda. Le « mauvais hirak » s’est déployé, déclarant la guerre aux généraux promis à la poubelle, honnissant le chef de l’état-major de l’armée, dénonçant une justice, peut-être aux ordres, mais qui venait de neutraliser les barons de l’ère Bouteflika et ceux de la grande corruption. Ce hirak de la haine a tué le hirak.
Et si la contestation populaire a un avenir, c’est celui du hirak joyeux, festif des premiers mois. C’est ce hirak là qu’il faut rétablier pour le 21 février prochain, lorsque la contestation populaire fera le bilan d’une année de transformation du pays. Une transformation engagée, mais loin d’être achevée. Cette transformation ne sera pas l’œuvre d’un système désuet, ni d’appareils politiques déclassés par le hirak. Ce sera transformation réalisée par une alliance entre une armée débarrassée des réseaux, un Etat qui accepte sa mutation, et un peuple qui aspire à bâtir un nouvel espoir.
Pourquoi récuse-t-il toute action, toute idée innovante, comme s’il était partisan de cette formule salafiste: كل محدثة بدعة، وكل بدعة ضلالة، وكل ضلالة في النار
Abed Charef
Le hirak est beau, pacifique, unique. S’émerveiller devant ce formidable mouvement populaire qui a libéré les Algériens, leur armée, leurs élites, qui leur a redonné confiance et réhabilité la politique, est légitime. Envisager que ce formidable élan populaire débarrasse le pays de son système et de ses mafias, après avoir balayé quatrième et cinquième mandats, est salutaire. Rien n’empêche, dès lors, qu’il ouvre la porte à l’établissement d’un système nouveau qui respecterait les règles de la démocratie, les libertés, l’indépendance de la justice, la liberté de la presse, les Droits de l’Homme et la séparation des pouvoirs. C’est là est un objectif partagé par les Algériens dans leur écrasante majorité. Marcher tous les vendredis pour le concrétiser et contribuer au changement attendu relève d’un militantisme admirable.
Cet élan populaire a provoqué une vague de changement, des moments d’enthousiasme, de communion, de fraternisation, d’autres plus difficiles, des moments de reflux, de doute, de tension.
Ok.
Et après ? ومن بعد؟- On fait quoi?
Faut-il rester dans cette béatitude, maintenir un optimisme démesuré, se contenter de marcher et de dire yetnehaw_ga3, en attendant que le régime tombe, et que l’armée supplie les leaders du hirak à prendre le pouvoir pour sauver le pays ?
Cela fait des mois que des animateurs autoproclamés du hirak ont imposé le silence dans les rangs. Toute innovation est rejetée, et considérée comme synonyme de trahison. Ils semblent obéir à cette formule salafiste :
كل محدثة بدعة وكل بدعة ضلالة وكل ضلالة في النار
Ouvrir un débat sur les élections ? C’est faire le jeu du système. Parler des articles 7 et 8 de la constitution ? Rejeté globalement et dans le détail, car seule la transition et la constituante ont droit de cité. Essayer de comprendre pourquoi l’armée, initialement favorable au cinquième mandat, a adopté un changement radical ? C’est juste un moyen pour Gaïd Salah de se protéger et de rester au pouvoir. La vague anti-corruption ? C’est un règlement de comptes entre anciens corrompus.
Bref, les réponses étaient fournies clés en mains. Elles ne toléraient pas de débat, encore moins de remise en cause. Il fallait répéter bêtement que le hirak était la huitième merveille du monde, et que le reste, c’était un monde de corrompus, de monstres et de voleurs. La révolution n’admettait aucune marge d’erreur, car « elle pose, lucidement et raisonnablement, les vrais problèmes du pays ». Elle « préconise, de façon claire et déterminée, les vraies solutions : la transition pacifique et ordonnée du régime actuel vers un régime démocratique engagé dans l’édification de l’Etat de droit ».
Et si on a le malheur de dévier de cette pensée officielle ? De penser, par exemple, que la transition n’est pas une si bonne idée ? D’estimer que l’expérience tunisienne n’est pas forcément adaptée à l’Algérie ? Là, on devient un hérétique, quelqu’un qui a forcément « vendu le match » pour se mettre au service de Gaïd Salah.
L’écrivain Kamel Daoud, violemment pris à partie après une chronique sur les incertitudes qui planent sur le hirak, a vivement réagi à cette chasse aux sorcières : « Comment certains peuvent prétendre lutter pour la liberté et refusent déjà la liberté d’opinion? Comment peut-on vouloir changer le régime et déjà lui ressembler? Comment prétendre vouloir une algerie nouvelle mais en refusant les différences, les qualifiant de traîtrises ? »
A ceux qui lui reprochent d’estimer que le hirak a échoué, il répond sèchement.
« Depuis toujours le Régime a été censeur, inquisiteur, violent contre l’opinion contraire. Comment aujourd’hui certains, sur les réseaux sociaux, peuvent prétendre lutter contre lui en reproduisant ses habitudes au nom du soulèvement? »
Insupportable pression
Mais Kamel Daoud est un écrivain connu, il a les moyens de se défendre, et, à la limite, la polémique ne fait qu’entretenir le buz autour de ses écrits. Mais combien d’autres militants, plus modestes, sont contraints au silence, pour se soumettre aux canons de la pensée hirakienne qui n’offre aucune marge ? Comment peuvent-ils tenir face à des faiseurs d’opinion renommés qui restent toujours populaires malgré leurs déboires ? La pensée hirakienne a ainsi validé des leaders d’opinion qui ont annoncé la victoire imminente du hirak, le départ du général Gaïd Salah, la non-tenue de la présidentielle, la victoire de Azzeddine Mihoubi, un désaccord au sein du commandement de l’armée. Elle a même validé des analystes qui ont relayé des appels à destituer le chef d’état-major de l’armée, après en avoir fait un monstre corrompu et vendu aux Emirats Arabes Unis.
Tout était permis, à condition de se retrouver dans la logique de la propagande du hirak. Mais toute idée critique, tout recul, était interdit.
L’auteur de ces lignes s’est retrouvé un jour dans une marche entre un ancien député FLN et un ancien député RND, alors que devant lui, marchait un groupe d’anciens du FIS comprenant un élément de l’AIS, que beaucoup considèrent, à tort ou à raison, comme un transfuge du DRS. Cela pose évidemment des questions sur ces foules qui manifestent. Qui sont ces gens ? A quels courants politiques ils appartiennent ? A quels réseaux ils obéissent ? S’agit-il d’une classe moyenne étouffée par la bureaucratie, de travailleurs aspirant à une meilleure répartition des richesses, ou est-ce un mouvement transversal dépassant les clivages pour revendiquer un objectif commun ? Il n’y a pas réponse. Principale raison : ces questions sont interdites. Il ne s’agit pas d’une attitude mesurée, selon laquelle il y a des priorités, avec nécessité d’établir une hiérarchie des revendications dans un souci d’efficacité. Non. Il y a interdiction totale d’évoquer ces questions.
Une vision binaire
Avoir un point de vue nuancé n’est pas acceptable. Dire ceci, par exemple, n’est pas suffisant : « Pour l’heure, le hirak est affaibli. Mais c’est, d’une certaine manière, la rançon du succès. Ce qui a été obtenu est d’abord le résultat de la contestation populaire, même si l’armée a surfé sur la vague du hirak pour faire le ménage ». Il faut aller plus loin, car même cette autre d’affirmation n’est pas suffisante : « La plupart des revendications du mouvement ont été concrétisées : départ du président Bouteflika, départ des trois B, élimination des grands réseaux de corruption et de prébende de l’ère Bouteflika, réaffirmation de la souveraineté du peuple à travers l’article 7 de la Constitution, le tout sur une vague pacifiste et de fraternisation entre les contestataires et l’armée ».
Rencontrer le président de la République ? Tout de même pas !
Cet interdit prend une nouvelle dimension quand un ancien Chef de Gouvernement est interpellé parce qu’il a accepté une invitation à rencontrer le président Abdelmadjid Tebboune, une invitation pourtant sans aucun engagement, ni déclaration favorable ou défavorable. Le blogueur Nejid Belhimeur décèle « un problème de cohérence » chez Mouloud Hamrouche, un homme connu pour sa probité totale et son refus de toute compromission avec le pouvoir. Selon le blogueur, « en acceptant l’invitation de Tebboune, on peut dire, sans exagération, qu’il (Hamrouche) trahit l’analyse cohérente qu’il a constamment faite de la situation politique durant les dernières années. Il y a une impossibilité à concilier entre le fait de dire qu’un président élu ne peut rien faire et aller discuter avec un président sur ce qu’il faut faire ».
Le blogueur accorde à Mouloud Hamrouche cette circonstance atténuante : peut-être s’agissait-il d’une « invitation que son destinataire a estimé ne pouvoir refuser, peut-être pour des considérations liées à sa conception de l’Etat et de la position à avoir à l’égard de ses institutions ». Puis il se ravise. « Même cette explication trop simpliste et naïve » relève de la complicité, car accepter de rencontrer un chef d’Etat mal élu relève de la complicité car elle « renforce un pouvoir menant le pays vers le pire ».
Je n’ai pas souvenir que le FIS a interdit de rencontrer le président de l’époque, M. Chadli Bendjedid. Et les talibans eux-mêmes ont accepté de rencontrer des négociateurs américains.
Ce qui ne semble pas gêner un militant démocrate, Ahmed Meliani, qui reproche à Lakhdar Bouragaa de ne pas renvoyer de chez lui les gens qui ne sont pas politiquement compatibles avec M. Meliani, comme Abdelkader Bengrina, des gens venus lui rendre visite à sa sortie de prison. Il écrit sur sa page facebook que Lakhdar Bouragaa « vient de choisir un camp qui tourne le dos à tout le mouvement de libération national moderne. Il choisit l’imposture de la badissia à l’élan indépendantiste de l’Algérie, il choisit le totalitarisme contre #Djazair_Horra_Démoqratia ».
Rien que ça !
Retour au hirak
Ceci m’amène à dire que contrairement à ce qu’écrit Amine Khan, il y’a bien un «bon hirak» et un «mauvais hirak», mais ce ne sont pas ceux que désigne le pouvoir. Le bon hirak, c’est celui ouvert, coloré, pluriel, divers, celui des premiers mois, qui englobait toutes les régions et toutes les catégories sociales révoltées contre l’humiliation, la hogra, l’impunité, l’incompétence, l’injustice et la corruption. Ce hirak était rempli de liberté, d’espoir de changement, de joie de vivre et d’être ensemble que même faire khawa khawa entre manifestants et policiers n’était pas ridicule.
Et puis vint le changement de l’été. Le peuple s’est retiré. Les appareils politiques ont repris la main. Ils ont imposé leur agenda. Le « mauvais hirak » s’est déployé, déclarant la guerre aux généraux promis à la poubelle, honnissant le chef de l’état-major de l’armée, dénonçant une justice, peut-être aux ordres, mais qui venait de neutraliser les barons de l’ère Bouteflika et ceux de la grande corruption. Ce hirak de la haine a tué le hirak.
Et si la contestation populaire a un avenir, c’est celui du hirak joyeux, festif des premiers mois. C’est ce hirak là qu’il faut rétablier pour le 21 février prochain, lorsque la contestation populaire fera le bilan d’une année de transformation du pays. Une transformation engagée, mais loin d’être achevée. Cette transformation ne sera pas l’œuvre d’un système désuet, ni d’appareils politiques déclassés par le hirak. Ce sera transformation réalisée par une alliance entre une armée débarrassée des réseaux, un Etat qui accepte sa mutation, et un peuple qui aspire à bâtir un nouvel espoir.
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